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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 28 septembre 2010 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CADES
  • CSPE
  • organique
  • photovoltaïque
  • renouvelable
  • tarif
  • électricité

La séance

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La Commission entend une communication de MM. Michel Diefenbacher et Jean Launay, rapporteurs d'information, sur les enjeux et les perspectives de la contribution au service public de l'électricité.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Vous avez vu que notre ordre du jour a été modifié. M. Hervé Mariton, qui devait nous présenter un rapport d'évaluation sur les agences de l'eau, a considéré que sa réflexion n'était pas parvenue à son terme sur les mesures à préconiser. Il préfère présenter son rapport ultérieurement.

Au début de l'été, le bureau de la commission des Finances a été alerté sur le dispositif de contribution au service public de l'électricité et notamment sur la charge élevée qu'il fait peser sur la trésorerie d'Électricité de France. Il apparaissait que les montants encaissés par l'entreprise publique, principal gestionnaire du dispositif, n'étaient pas à la hauteur des dépenses. Celles-ci connaissent en effet une évolution très dynamique, liée au développement rapide des énergies renouvelables.

Un double problème paraissait ainsi posé : à court terme, l'équilibre de la recette et de la dépense et ses effets sur les comptes d'EDF ; plus fondamentalement, le « calibrage » des aides fiscales en faveur du développement durable, destinés à assurer le respect des engagements européens de la France.

L'expertise de ce dossier délicat revenait naturellement à nos rapporteurs sur la fiscalité écologique : MM. Michel Diefenbacher et Jean Launay.

PermalienPhoto de Jean Launay

À la fin des années quatre-vingt-dix, sous l'impulsion du droit communautaire, les États-membres de l'Union européenne ont été contraints d'ouvrir à la concurrence leur marché national de l'électricité. Cependant, pour la première fois, le « service public » est mentionné en tant que tel dans une directive, ouvrant la voie, en matière de fourniture d'électricité, à un équilibre entre libéralisation et missions d'intérêt général.

Cet équilibre se retrouve dans la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité qui, au-delà de l'ouverture à la concurrence, a défini les missions du service public de l'électricité parmi lesquelles :

– le développement « équilibré » de l'approvisionnement en électricité, qui fonde notamment l'obligation pour les fournisseurs d'électricité – en particulier EDF, de racheter à ses producteurs, à prix garanti par contrat, l'électricité d'origine renouvelable ;

– la fourniture d'électricité sur l'ensemble du territoire, fondement de l'obligation pour les producteurs de garantir l'approvisionnement des zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain, c'est-à-dire en pratique, les îles métropolitaines et les départements et collectivités d'outre-mer ;

– la fourniture d'électricité aux plus démunis, qui se traduit par la mise en oeuvre d'une politique sociale via une tarification spéciale de l'électricité « produit de première nécessité » et une aide financière du FSL.

Ces trois missions de service public – rachat de l'électricité d'origine renouvelable, fourniture d'électricité dans les ZNI et politique sociale de l'électricité – constituent des « charges de service public » au sens de l'article 5 de la loi du 10 février 2000 précitée.

En effet, ces missions de service public ne sont pas couvertes par la seule vente de l'électricité ; elles constituent donc une charge pour les entreprises qui les assument, c'est-à-dire en pratique et pour l'essentiel, EDF.

S'agissant de l'électricité d'origine renouvelable, celle-ci est achetée par EDF à un prix fixé par arrêté et largement supérieur au coût auquel elle est ensuite revendue au consommateur. Si les tarifs applicables à l'électricité d'origine photovoltaïque ont été diminués de 12 % par l'arrêté du 31 août 2010, pour les seuls professionnels, ils restent néanmoins très élevés.

S'agissant de la deuxième mission de service public, la fourniture d'électricité à l'ensemble du territoire, celle-ci se traduit par une péréquation tarifaire géographique qui permet au consommateur ultramarin de payer son électricité le même prix que le consommateur métropolitain, bien que les coûts de production soient bien plus élevés outre-mer en raison du transport des énergies fossiles, de la nécessité d'importants stockages de sécurité et de l'étroitesse du marché local qui rend impossible les économies d'échelle.

Enfin, la loi du 10 février 2000 a institué un tarif social de l'électricité (réduction de 30 à 50 % du tarif sur les 100 premiers KwH consommés chaque mois), mis en oeuvre depuis 2004. Il bénéficie aujourd'hui à environ 650 000 personnes. Ce tarif se double d'une aide accordée en cas de facture impayée et financée, elle aussi, par les fournisseurs d'électricité.

Le coût que représentent ces charges pour les fournisseurs d'électricité leur est compensé via une imposition de toute nature : la contribution au service public de l'électricité (CSPE), payée par l'ensemble des consommateurs d'électricité.

La CSPE est assise sur la consommation d'électricité telle qu'elle figure sur la facture. Son tarif est fixé par un arrêté du ministre chargé de l'énergie dans la limite d'un plafond fixé par la loi du 10 février 2000 à 5,48 €MW. Le tarif est calculé de sorte que les contributions couvrent la totalité des charges de service public telles qu'évaluées chaque année par la CRE, conformément à la lettre de la loi, qui exige une compensation « intégrale ». Le tarif est fixé à 4,5 €MW depuis 2004.

Plusieurs dispositions particulières ont par ailleurs été prévues en faveur des entreprises électro-intensives et de l'auto-production. Selon les chiffres communiqués par EDF, ce sont ainsi environ 20 % de la consommation électrique française, notamment industrielle, qui sont exonérés de CSPE.

La contribution ainsi recouvrée est reversée sur un compte spécifique tenu par la Caisse des dépôts et consignations qui en reverse le produit quatre fois par an aux opérateurs supportant les charges de service public.

Ces éléments de droit et de contexte rappelés, tout irait pour le mieux si les charges de service public n'avaient pas explosé ces dernières années, explosion qui n'a pas été suivie d'un ajustement à la hausse de la CSPE. Par conséquent, alors que la compensation devait être « intégrale », les producteurs supportent une charge nette qui est injustifiée et dont la croissance devient insoutenable.

L'analyse des montants des charges de service public, tels qu'évalués par la Commission de régulation de l'énergie, appelle plusieurs observations.

Globalement, on observe une progression très forte à compter de 2007 en raison de la forte augmentation des énergies fossiles et des à-coups du prix de marché de l'électricité. En effet, lorsque le prix du pétrole et du gaz augmente, les charges liées à la cogénération au gaz s'alourdissent, de même que celles liées à la péréquation tarifaire outre-mer, où l'électricité est essentiellement d'origine thermique. En revanche, lorsque le prix de marché de l'électricité augmente, les surcoûts résultant de l'obligation d'achat de l'électricité d'origine renouvelable diminuent. C'est ainsi que ceux-ci ont contribué négativement aux charges de service public en 2008.

Du point de vue sectoriel, la cogénération et de la péréquation tarifaire représentent plus des deux tiers des charges du service public de l'électricité. Cependant, la plus forte croissance est celle des coûts liés à l'obligation d'achat de l'électricité d'origine renouvelable qui, de 142 millions d'euros en 2003, passerait à 528 millions d'euros en 2010. Or, il est évident que ce dernier montant, qui ne prend pas en compte la « bulle photovoltaïque » de la fin de l'année 2009, est très sous-évalué.

Enfin, si le coût de la politique sociale de l'électricité ne représente qu'une part réduite des charges de service public – moins de 3 % en 2010, il a connu une forte augmentation depuis trois ans.

PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Une analyse plus fine, appuyée notamment sur le rapport récent de M. Jean-Michel Charpin, révèle cependant que le coeur du problème se situe dans ce qu'il faut bien appeler la « bulle » du photovoltaïque. L'électricité d'origine photovoltaïque bénéficie en effet de prix de rachat extraordinairement avantageux puisqu'ils sont, selon le type d'installation, entre six et dix fois supérieures au prix de marché, et garantis par contrat sur une période de vingt ans.

À cet avantage s'ajoute toute une kyrielle d'avantages fiscaux qui peuvent se cumuler avec l'obligation d'achat. On peut en citer trois.

Les panneaux solaires bénéficient du crédit d'impôt en faveur du développement durable (article 200 quater du code général des impôts) qui figurent parmi les dépenses fiscales les plus coûteuses et, surtout, les plus dynamiques. Si les taux applicables aux pompes à chaleur et autres équipements de production d'énergie renouvelable ont été réduits l'année dernière à 40 % en 2010 puis 25 % en 2011, le taux applicable aux panneaux solaires a, lui, été maintenu à 50 %. Le coût du crédit d'impôt pourrait atteindre 2,6 milliards d'euros en 2010, et jusqu'à 800 millions pour les seuls panneaux solaires et photovoltaïques.

De plus, les contribuables investissant dans la production d'électricité photovoltaïque outre-mer bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu égal à 50 % de leur investissement. Même si cette réduction d'impôt est, comme les autres, désormais plafonnée, les contribuables bénéficient encore d'une confortable réduction d'impôt sur un investissement par ailleurs hautement rentable du fait de l'obligation d'achat.

Pour limiter l'effet d'aubaine, la LODEOM avait modifié ce dispositif afin que les projets dans le domaine du photovoltaïque ne soient pris en compte que dans la limite d'un montant par watt installé fixé par arrêté. Cette disposition est restée lettre morte puisque l'arrêté n'a jamais été publié.

Enfin, la production d'électricité photovoltaïque bénéficie, comme tous les autres secteurs d'activité, de la réduction d'ISF en cas d'investissement en capital dans une PME et de la réduction d'impôt dite « Madelin ».

Il n'est donc pas étonnant, dans ces conditions, que les installations photovoltaïques fleurissent désormais sur les murs, les toits et les sols de notre pays, floraison accentuée par la maladresse de l'État qui avait annoncé, plusieurs mois à l'avance, la réduction des tarifs d'achat intervenue début 2010.

Alors que le nombre de demandes atteignait 1 600 en 2006, 7 000 en 2007 et 25 000 en 2008, ce qui représente déjà une belle progression, il s'est élevé à 26 000 demandes pour le seul mois de décembre 2009 ! Alors que la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) définissant les orientations énergétiques de notre pays avait fixé un objectif de 5 400 MW d'électricité photovoltaïque en 2020, cet objectif sera probablement atteint dès 2011.

On pourrait se réjouir de ce développement rapide de la production d'électricité photovoltaïque si celui-ci n'avait pas des conséquences très négatives :

– le coût fiscal de l'électricité photovoltaïque est considérable. Pour le seul crédit d'impôt en faveur du développement durable, il atteint 800 millions d'euros cette année ;

– les panneaux solaires contribuent au déficit de notre commerce extérieur à hauteur de 800 millions d'euros en 2009. 90 % des panneaux installés dans notre pays sont des panneaux d'entrée de gamme fabriqués en Chine ;

– la charge de service public liée à l'obligation d'achat de l'électricité photovoltaïque s'est envolée et pèse lourdement sur les comptes d'EDF et, in fine, sur le consommateur d'électricité.

Aux termes de la loi du 10 février 2000, les charges de service public doivent être « intégralement » – le terme figure dans la loi – compensées aux opérateurs. Or, l'arrêté fixant le tarif de la CSPE n'a pas été modifié depuis 2004 – à 4,5 €MW, comme l'a indiqué M. Launay– alors même que les charges se sont envolées à compter de 2007, poussant la CRE à recommander un tarif de 6,50 €MW en 2010.

La conséquence du « gel » du tarif de la CSPE, c'est que les charges de service public ne sont plus intégralement compensées et pèsent d'un poids de plus en plus lourd dans les comptes du groupe EDF qui en supportent l'essentiel, avec un effet d'accumulation lié à des régularisations de charges des années passées qui ne sont pas intervenues. Le déficit pour EDF fin 2009 s'établit ainsi à 1,6 milliard d'euros et ne peut que s'accroître en 2010.

Or ce déficit ne peut que s'accroître considérablement, puisque les charges de service public sont vouées à augmenter, non seulement parce que le prix des énergies fossiles ne peut guère baisser (ce qui renchérit la péréquation tarifaire avec les zones non interconnectées, ou ZNI) mais surtout parce que les coûts liés à l'obligation d'achat de l'électricité d'origine renouvelable vont continuer à s'envoler.

Certes, les évaluations en matières d'évolution des charges de service public sont difficiles. En 2007, l'écart avec les prévisions de la CRE s'est élevé à 30 %. Cependant, l'ensemble des scénarios convergent pour annoncer une explosion des charges de service public, notamment celles liées à la production d'électricité d'origine renouvelable.

Selon les informations recueillies par la mission d'information, les charges de service public atteindront 7 milliards d'euros en 2020, dont 2,3 milliards d'euros pour le seul rachat de l'électricité photovoltaïque, dans l'hypothèse où la PPI sera respectée. Plus pessimiste encore, M. Jean-Michel Charpin a calculé qu'au rythme actuel, la puissance photovoltaïque installée atteindrait 17 000 MW en 2020, soit plus de trois fois les objectifs de la PPI, pour une charge annuelle s'élevant à 4,5 milliards d'euros.

Le système apparaît donc totalement hors de contrôle et la mission d'information estime urgent de prendre le problème à bras-le-corps afin d'éviter la sortie de route. Ses propositions s'articulent autour de deux axes : réguler l'obligation d'achat de l'électricité d'origine renouvelable, d'une part, et régler le problème du tarif de la CSPE, d'autre part.

Réguler l'obligation d'achat de l'électricité d'origine renouvelable, c'est d'abord modifier le champ et le fonctionnement de l'obligation d'achat elle-même afin de sortir de la logique de « guichet ouvert ».

Le champ d'application de l'obligation d'achat inclut la cogénération. On peut s'interroger sur le maintien d'un avantage dont le coût est estimé à 670 millions d'euros en 2010 pour produire de l'électricité à partir d'une énergie fossile – le gaz – qui plus est importée en totalité. Les contrats d'achat de l'électricité produite par les installations de cogénération viendront tous à expiration d'ici à 2014. Il serait souhaitable de ne pas les renouveler, sauf pour les installations fonctionnant à partir de la biomasse, éventuellement en ménageant une période transitoire afin d'éviter un retour brutal aux conditions de marché qui remettrait en cause le développement des réseaux de chaleur.

S'agissant du fonctionnement de l'obligation d'achat, la mission d'information propose deux modifications :

– la première est une baisse des tarifs d'achat allant au-delà de ce qu'a mis en oeuvre l'arrêté du 31 août dernier, qui les a baissés de 12 %. En effet, selon le rapport de l'Inspection général des Finances, même réduits, les tarifs d'achat restent largement supérieurs aux coûts de production de l'électricité photovoltaïque. Pour les installations au sol, par exemple, le coût est de 200 €MW pour un prix d'achat de 300 €MW ;

–la deuxième est de sortir de la logique du « guichet ouvert ». Actuellement, toute personne, particulier ou entreprise, se lançant dans la production d'électricité photovoltaïque a le droit d'obtenir un contrat d'EDF garantissant le rachat de son électricité à un prix fixé pour vingt ans. Les conséquences ont déjà été évoquées : explosion des charges de service public, dérive du coût fiscal et déficit de la balance commerciale.

C'est pourquoi la mission d'information propose un double plafonnement au rachat de l'électricité d'origine photovoltaïque : un plafonnement global et, surtout, un rythme d'évolution annuel pour la puissance installée, par exemple, 500 MW supplémentaires par an d'ici à 2020. Une fois cet objectif annuel atteint, EDF n'accepterait plus de demandes jusqu'à l'année suivante. La nature même de l'obligation d'achat serait donc radicalement transformée : les producteurs n'auraient plus un droit absolu à obtenir un contrat d'achat au « guichet » de l'obligation d'achat. De fait, l'État pourrait désormais réserver l'obligation d'achat, selon des critères précis, aux projets les plus innovants, efficaces ou respectueux de l'environnement.

Enfin, le prochain projet de loi de finances devrait être l'occasion de régler la question du cumul entre l'obligation d'achat et les dispositifs fiscaux évoqué auparavant. En effet, la « bulle » photovoltaïque n'aurait probablement pas atteint une telle ampleur si elle n'avait été soutenue par ces dispositifs fiscaux particulièrement puissants dont, en retour, elle a considérablement aggravé le coût.

Ce cumul de l'obligation d'achat avec des avantages fiscaux apparaît non seulement inutile mais également choquant en ce qu'il garantit une rentabilité exceptionnelle à des investissements qu'un seul avantage suffit à rentabiliser. En outre, en transformant des particuliers – attirés par le prix de rachat – en producteurs d'électricité, l'obligation d'achat les incite à investir dans une installation photovoltaïque dont la capacité de production excède leur consommation personnelle, alimentant ainsi la croissance et de la dépense fiscale et des charges de service public…

C'est pourquoi, à la fois pour assainir le marché et limiter le coût de l'obligation d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque et celui des avantages fiscaux susmentionnés, la mission estime nécessaire d'interdire le cumul entre l'obligation d'achat et ces avantages fiscaux et d'abaisser de 50 à 25 % le taux du crédit d'impôt sur les panneaux photovoltaïques.

L'autre axe des propositions de la mission d'information concerne la CSPE proprement dite. L'article 5 de la loi du 10 février 2000 est parfaitement clair : « les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques sont intégralement compensées ». Mais si le principe est clairement affirmé, la procédure présente un défaut fondamental à l'origine du déséquilibre du mécanisme de compensation des charges de service public. En effet, la CRE – qui évalue les charges de service public – « propose » un tarif pour la CSPE mais c'est au ministre chargé de l'énergie qu'il revient de le fixer par un arrêté.

Or, on observe depuis 2009 un décalage croissant entre la proposition de la CRE et le tarif de CSPE effectivement arrêté, qui est resté inchangé à 4,50 €MW. Pour 2010, au vu de l'emballement des charges de service public, la CRE a proposé une augmentation de 40 % du tarif, à 6,50 €MW. La décision n'a cependant jamais été prise et les charges ne sont plus compensées intégralement depuis deux ans en violation de la lettre même de la loi ! Pourtant, la hausse de la facture d'électricité qui en résulterait est relativement limitée, de l'ordre de 3 %.

Or, ce refus de déplafonner et de revaloriser la CSPE au niveau exigé par l'évolution des charges a pour conséquence que les déficits s'accumulent chaque année dans les comptes d'EDF pour atteindre déjà 1,6 milliard d'euros en 2009. Plus le temps passe, plus les déficits s'accroissent et plus la revalorisation du montant de la CSPE, inévitable sauf à trouver un autre mécanisme de compensation, sera massive et la décision, par conséquent, difficile à prendre. La mission estime donc nécessaire de déplafonner le tarif de la CSPE et de fixer celui-ci au niveau recommandé par la CRE, ce qui relève de la responsabilité du seul Gouvernement, lequel refuse de le faire.

C'est pourquoi la mission d'information a réfléchi à un moyen de parer à la carence persistante du Gouvernement, qui pourrait s'inspirer des dispositions du décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel. Son article 6 dispose que « le fournisseur est autorisé à modifier, à titre conservatoire et jusqu'à l'intervention d'un nouvel arrêté tarifaire, les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d'approvisionnement en gaz naturel, telles qu'elles résultent de l'application de sa formule tarifaire ». En d'autres termes, confronté à une augmentation de ses charges, un fournisseur de gaz naturel peut saisir la CRE et celle-ci l'autorise à augmenter ses tarifs sans qu'un nouvel arrêté soit nécessaire, le ministre étant alors simplement « informé sans délai ».

Si les dispositions de ce décret étaient transposées en matière de compensation des charges du service public de l'électricité, il ne fait pas de doute qu'EDF demanderait immédiatement à la CRE une hausse du tarif de la CSPE que cette dernière lui accorderait très probablement, par cohérence avec le montant des charges qu'elle détermine par ailleurs.

PermalienPhoto de Jean Launay

La mission ne veut cependant pas donner une image trop négative de l'électricité d'origine photovoltaïque. En effet, malgré les dysfonctionnements de l'obligation d'achat, elle représente une énergie d'avenir, inépuisable et « propre ». Il est dans l'intérêt de notre pays de soutenir le développement d'entreprises à même de participer, par la mise au point de technologies innovantes, à l'immense marché en train de se créer au niveau mondial.

L'État a ainsi favorisé la création de l'Institut national de l'énergie solaire (INES) qui est, aujourd'hui, le premier centre français et l'un des premiers européens dédiés à la recherche sur le photovoltaïque. De même EDF et le CNRS ont-ils créé l'Institut de recherche et de développement sur l'énergie photovoltaïque (IRDEP) dont les travaux se concentrent sur la technologie des « cellules en couches minces ». Les entreprises privées ne sont pas en reste. Des PME innovantes poursuivent une activité de recherche dans le cadre de l'Agence nationale de la recherche. De même le projet « Solar Nano Crystal », regroupant l'essentiel des acteurs français du silicium est-il né dans le cadre des « programmes mobilisateurs » de l'Agence de l'innovation industrielle.

Cependant, limitées à 26 millions d'euros en 2009, les dépenses de recherche de la France se situent bien loin des pays du peloton de tête que sont les États-Unis et l'Allemagne. Notre effort de recherche doit être accru.

En conclusion, l'augmentation rapide des charges du service public de l'électricité, en particulier de celles liées à l'obligation d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque, n'a pas été compensée par la hausse du tarif de la CSPE et ce, en violation de la loi. Alors que le « Grenelle de l'environnement » a fixé des objectifs ambitieux en termes de développement des énergies renouvelables, il est nécessaire d'aménager l'obligation d'achat et de relever sans tarder la CSPE au niveau proposé par la CRE, sauf à voir les déficits s'accumuler et le mécanisme de compensation se gripper.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je souscris pleinement aux propositions formulées par les rapporteurs de la mission d'information. Il y a en effet urgence à agir. Il est peu de domaines où soit plus sensible la perversion de dépenses fiscales engagées sans contrôle. Depuis l'automne 2007, notre Commission a demandé sans relâche des explications au Gouvernement sur ce sujet. Chaque année, elle a entendu le ministre chargé de l'énergie pour qu'il constate devant elle que les pertes de recettes subies étaient deux fois supérieures aux prévisions. Le renforcement des normes réglementaires s'est révélé un faux remède, puisqu'il n'a fait que réorienter les investissements vers d'autres types d'équipements.

L'outil fiscal est-il vraiment plus adapté au soutien à l'énergie renouvelable qu'une politique de subvention pure et simple ? Ces soutiens publics sont parfois décriés, au motif que leur attribution serait trop bureaucratique. À mon sens, les subventions sont cependant préférables dans la mesure où leur montant est d'emblée chiffré, dans le cadre d'une enveloppe fermée. Ce n'est pas le cas de dépenses fiscales engagées à guichet ouvert. L'avantage fiscal à l'installation de sources de production est plus spectaculaire encore lorsqu'il se cumule avec des obligations en termes de prix d'achat. L'appétit des investisseurs pour ces dispositifs a crû dans des proportions exponentielles. Dans le mois qui a précédé la réduction du prix de rachat de l'électricité, les demandes de raccordement au réseau d'installations photovoltaïques ont été aussi nombreuses qu'au cours de toute l'année écoulée. Il faudra en tirer les conséquences et prendre en loi de finances pour 2011 toutes les mesures qui s'imposent.

Je serais moins réservé sur le soutien aux énergies renouvelables dans les régions ultramarines. Le développement de l'énergie photovoltaïque y est en effet plus légitime que sur le reste du territoire national. La production d'électricité y restera toujours coûteuse, puisqu'il n'est pas envisageable d'y installer des centrales nucléaires. Le sens économique du soutien aux énergies renouvelables, notamment photovoltaïques, y est donc plus tangible, même s'il conduit à un cumul d'avantages fiscaux parfois excessif.

PermalienPhoto de Bernard Carayon

Je m'inquiète moi aussi de la hausse de la contribution au service public de l'électricité. La taxe s'applique-t-elle également aux régies départementales d'énergie ?

PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Oui, elle s'applique à tous les opérateurs, y compris les régies départementales.

PermalienPhoto de Marc Goua

Les mesures proposées permettraient d'endiguer le flot des charges non compensées par la contribution au service public de l'électricité, mais laissent entier le problème de l'arriéré de paiement déjà accumulé. Une contribution étendue à d'autres formes d'énergie, par exemple une taxe carbone, ne pourrait-elle être instituée ? En bonne logique, les sommes dues devraient en outre produire intérêt.

PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'existence d'une « bulle photovoltaïque », évoquée par les rapporteurs, n'est plus à démontrer. L'ensemble du dispositif de soutien à ce type d'énergie doit être repensé. Toutes les énergies renouvelables ne sont cependant pas comparables. L'exploitation de la biomasse, quoiqu'elle n'en soit encore qu'à ses débuts, ouvre des perspectives intéressantes. Mais les décisions ministérielles relatives au prix de rachat se font attendre. Le soutien au photovoltaïque conduit à des gaspillages, notamment quand il est installé au sol, au détriment de l'emprise agricole. Un raisonnement trop rapide serait toutefois dangereux. À l'enthousiasme général pour les énergies renouvelables ne doit pas succéder un désaveu également systématique. Certaines formes de production méritent d'être favorisées, en particulier la méthanisation.

PermalienPhoto de François Goulard

Le Rapporteur général a rappelé que la commission des Finances a dénoncé chaque année la situation critiquée par la mission d'information. Comment des administrations ministérielles peuvent-elles laisser se développer de telles pertes de substance financière ? Il s'agit d'un problème de gouvernance. Le photovoltaïque n'est pas un mode rationnel de production d'électricité. Il est soutenu pour des raisons d'affichage politique, loin de tout calcul économique rationnel. Mais il n'est pas seul en cause. D'autres énergies, tel l'éolien, ne font guère mieux. Ce dernier suppose en effet le recours à des énergies de substitution lorsque le vent ne souffle pas… Il finit ainsi par encourager la consommation de gaz. C'est le règne de l'aberration où la fin obscurcit tous les moyens choisis pour y parvenir.

Il faut revenir à un calcul économique des coûts et avantages des différents types de production d'énergie. Parfois, il suffirait d'encourager l'économie d'énergie procurée par l'installation de matériaux isolants. D'une manière générale, j'en appelle à un effort d'intelligence pour les années à venir, en déplorant que le « Grenelle de l'environnement » en ait été à ce point dépourvu.

PermalienPhoto de Gaël Yanno

La loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, adoptée avec le vote des élus de ces territoires, voulait mettre un terme à une dérive inacceptable en plafonnant le prix de rachat de l'électricité produite. Dix-sept mois après son adoption, les décrets d'application ne sont cependant toujours pas publiés.

PermalienPhoto de Philippe Vigier

Les propositions des rapporteurs me paraissent aller dans le bon sens. Ainsi que le remarque le Rapporteur général, on ne peut pas assister à la dérive des dépenses fiscales en matière de développement durable sans se poser de légitimes questions et tenter d'y apporter des réponses appropriées.

Il est vrai qu'il y a un problème de régulation en matière de production d'électricité d'origine renouvelable. Par exemple, l'éolien s'est massivement développé (il y a 238 éoliennes dans mon département), mais les schémas régionaux de développement de l'éolien, pourtant obligatoires, n'ont toujours pas été établis.

De même, il est très regrettable que les investissements nécessaires n'aient pas été faits en France pour le développement de la biomasse, ce qui nous oblige, là encore, à importer des technologies étrangères, notamment allemande ; quand aux panneaux photovoltaïques, j'ai pu constater, ayant le projet d'installer dans ma circonscription une ferme solaire sur une friche militaire, qu'ils sont en général importés d'Asie. Nos filières industrielles ne profitent donc pas du développement des énergies renouvelables que nous encourageons si coûteusement.

PermalienPhoto de Gérard Bapt

Le groupe SRC a souvent dénoncé l'affichage d'une maîtrise des dépenses publiques alors même que les dépenses fiscales s'envolaient. Pour le reste, si j'approuve globalement les propos de M. François Goulard, je ne peux souscrire à son jugement très sévère sur le « Grenelle ». Les pays du nord de l'Europe ont bâti depuis longtemps des champs d'éoliennes qui contribuent de manière non négligeable à l'ensemble de leurs besoins énergétiques. On sait bien aujourd'hui que la relance hypothétique des capacités nucléaires (où des problèmes de fourniture commencent à se poser) ne saurait remettre en cause les choix faits par le « Grenelle » en matière d'énergies renouvelables. Ces choix correspondent d'ailleurs à des engagements européens. Le photovoltaïque se révèle en outre particulièrement performant dans les régions méridionales, très ensoleillées, et ne nécessitent qu'une maintenance très réduite. Grâce aux progrès technologiques, son rendement va probablement augmenter de 50 % dans les années qui viennent. En revanche, il est certain qu'il vaudrait mieux que les cellules photovoltaïques soient fabriquées en France plutôt qu'importées.

Le réalisme m'a par contre conduit à constater, à l'occasion d'un projet local d'équipement social, que l'équipement de production d'énergie à partir de la biomasse a un coût trop élevé par rapport au retour que l'on peut en attendre. Ce coût m'a conduit à renoncer.

PermalienPhoto de Jean Launay

Notre propos n'est pas de faire le procès de l'énergie photovoltaïque ni d'en donner une image négative. Nous avons essayé de faire cet effort d'intelligence réclamé par M. François Goulard à travers nos propositions. Il faut s'adapter et réagir par rapport aux problèmes qu'on peut constater dont le premier est l'envolée de la dépense fiscale qui appelle des mesures correctrices. Il y en a un deuxième qui est la charge croissante de l'achat d'électricité photovoltaïque dans la CSPE, charge sans proportion avec l'énergie produite. Car l'électricité produite par ce moyen restera très marginale, représentant environ 5 % de la consommation globale en 2020.

Nous souhaitons un effort de recherche accru. L'importation de la quasi-totalité des panneaux mis sur le marché français est sans conteste un problème, dont l'État semble cependant avoir pris conscience. Il a ainsi favorisé la création de l'INES (Institut national de l'énergie solaire), filiale du CEA en tant que Commissariat « aux énergies alternatives ». Des entreprises privées sont aussi présentes sur le secteur. En accentuant notre effort de recherche, il est possible de faire émerger de nouvelles technologies qui nous replaceraient dans la course pour la conquête de cet immense marché.

PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Pour répondre à M. Marc Le Fur, le tarif de rachat de l'électricité produite par la cogénération biomasse est fixé à 175 €MW. La différenciation des tarifs d'achat selon que l'électricité est produite par les panneaux au sol ou intégrés au bâti existe déjà.

N'étant pas scientifique, je ne peux répondre à la question de M. François Goulard sur l'énergie photovoltaïque, mode rationnel ou pas de production d'électricité. Je pense cependant qu'il serait dommage de passer à côté de ce créneau industriel promis à un bel avenir, si du moins la recherche progresse autant que nous l'espérons.

M. Marc Goua a élevé une objection très juste. Le tarif de la CSPE nécessaire pour couvrir les charges du service public de l'électricité en 2010 a été évalué par la CRE à 6,50 €MW, tarif qui intègre les déficits passés. Or, il est évident que les charges de service public seront, en 2010, bien plus élevées que l'évaluation de la CRE en octobre 2009, qui ne prenait pas en compte notamment la « bulle photovoltaïque ».

Il nous est très difficile d'évaluer l'impact financier des mesures que nous proposons. Cependant, ce qui est sûr, c'est que la remise en cause du rachat de l'électricité produite par la cogénération autre que la biomasse fera baisser le montant des charges de service public de manière substantielle. De même, il est sûr que la réduction des tarifs de rachat de l'électricité d'origine renouvelable se traduira par une baisse des charges de service public.

Enfin, la production d'électricité photovoltaïque s'est beaucoup développée dans les collectivités d'outre mer. Mais on sait aujourd'hui qu'il y a des limites techniques à l'utilisation des énergies renouvelables, qui n'ont pas la stabilité ni la régularité des énergies nucléaires ou d'origine fossile. Au-delà de 30 % d'énergie d'origine renouvelable injectée dans le réseau électrique, celui-ci est fragilisé. Or ce seuil est en voie d'être atteint dans certaines collectivités d'outre-mer.

PermalienPhoto de François Goulard

Aujourd'hui, la recherche en matière de production d'électricité photovoltaïque est justifiée, non le développement anarchique de celle-ci. J'ai été, avec d'autres, à l'origine de la création de l'INES et le photovoltaïque est parfois la source d'électricité la mieux adaptée dans certaines régions isolées ou insulaires. Cependant, il faut être conscient que les avantages fiscaux et le prix élevé de rachat constituent une rente pour les producteurs et les installateurs, démontrant une fois de plus que dans notre pays, aujourd'hui comme au siècle dernier, on préfère une rente servie par l'État à une prise de risques. Or, ce sont les contribuables et les consommateurs d'électricité, y compris les plus modestes, qui paient in fine cette rente.

PermalienPhoto de Bernard Carayon

J'approuve l'analyse de M. François Goulard. On soutient fortement une filière industrielle pour l'essentiel installée à l'étranger – qui ne crée donc pas d'emploi en France – et des installateurs qui bénéficient ainsi d'une véritable rente. En outre, comme les éoliennes, l'installation anarchique et incontrôlée des panneaux photovoltaïques contribue à la dégradation de l'environnement et de l'esthétique de notre patrimoine historique.

PermalienPhoto de Yves Censi

Je souhaite rebondir sur les propos de M. Carayon, qui soulignait l'impact des installations d'énergie renouvelable sur le paysage. Au-delà de l'impact esthétique, les éoliennes ont de véritables conséquences économiques, en raison de l'importance du tourisme dans notre économie. Or, il semble qu'il n'y ait aucune réflexion sur le déploiement de l'éolien et la transformation paysagère qu'il entraîne, alors que la loi a su protéger les montagnes ou les littoraux, par exemple.

PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Pour nuancer la charge menée par M. François Goulard, je rappelle que les avantages fiscaux et l'obligation d'achat ont été institués afin que notre pays comble une partie de son retard en matière de recherche et de développement des énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque. Certes, ce sont des dépenses coûteuses qui doivent être maîtrisées, mais sans remettre en cause les orientations du Grenelle de l'environnement et les objectifs fixés au niveau européen, soit 20 % d'énergie renouvelable à l'horizon 2020.

PermalienPhoto de Jean Launay

Je tiens à rappeler en conclusion que le coeur de notre sujet était les conditions d'application de la loi du 10 février 2000 et, en particulier, la non-compensation par la CSPE des charges de service public en raison de l'augmentation très rapide de celles-ci. Nos propositions, très concrètes, pourraient être discutées le cadre du prochain projet de loi de finances.

PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Je tiens à signaler à MM. Yves Censi et Philippe Vigier que le prix du rachat de l'électricité produite par les éoliennes terrestres se rapproche de plus en plus de celui du marché. Le coût de celles-ci, à terme, sera donc nul du point de vue de la CSPE. Enfin, Mme Filippetti, notre propos n'est pas de remettre en cause le photovoltaïque en tant que tel : nous nous sommes efforcés de trouver des moyens pour mettre un frein à des dépenses fiscales hors de contrôle et maîtriser une « bulle photovoltaïque » dont nous vous avons longuement présenté les effets pervers.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je vous remercie. Compte tenu de l'intérêt de votre travail et de nos propositions, je propose que celui-ci soit publié dans un rapport d'information, en application de l'article 145 de notre règlement.

La Commission autorise la publication du rapport d'information.

Puis la Commission procède, sur le rapport de Mme Marie-Anne Montchamp, à l'examen pour avis du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (n° 2781).

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

La gestion de la dette sociale est devenue, au sein de notre Commission, l'objet de débats récurrents et, en tant que rapporteur pour avis du PLFSS, j'ai personnellement appelé votre attention sur le sujet à plusieurs reprises. Le tableau de bord des comptes sociaux, qui permet un suivi infra-annuel du déficit du régime général et du financement de notre dette sociale, a en effet mis en évidence ce que j'ai appelé le risque financier, auquel notre système de protection sociale est confronté depuis deux ans, en raison d'une crise qui a eu un effet dévastateur sur la masse salariale. Pour le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse, le déficit cumulé entre 2009 et 2011 dépasse 87 milliards d'euros ! C'est un véritable risque dans le risque, propre à notre système de sécurité sociale, qui se matérialise aujourd'hui. Comment en effet garantir le financement des déficits passés et celui des déficits structurels à venir tout en amortissant la dette sociale alors que les montants en jeu atteignent un niveau sans précédent et exigent, plus que jamais, que tout soit fait pour sauvegarder la qualité de la signature publique auprès des financeurs ? C'est à l'aune de ces interrogations que doivent être évaluées les dispositions proposées par le Gouvernement. Je me suis donc concentrée sur le risque financier pour rendre l'avis que je vais vous soumettre.

Le traitement des déficits cumulés de la sécurité sociale est impératif. Il n'est plus possible de le reporter parce qu'il n'est plus possible de faire supporter à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, l'ACOSS, antichambre de la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES– , le poids du portage de la dette. L'Agence a vocation à gérer un déficit infra-annuel, et non le déficit cumulé, comme le rappelle avec insistance la Cour des comptes. Nous sommes aujourd'hui au pied du mur : il y a urgence, faute d'avoir, comme je l'avais proposé, pris des mesures pour traiter le déficit de 2009. Soyons conscients que de la présente réforme du texte organique dépendent la cohérence et la solidité du financement de la sécurité sociale. En effet, notre système, du fait de ses déséquilibres, nécessite des financements tout à la fois au jour le jour et à long terme. C'est le souci de satisfaire ce double besoin qui m'a servi de grille de lecture du texte. Les amendements que je vous exposerai procèdent de cette nécessité.

Le présent projet de loi organique est court. Il se contente de fixer le cadre d'une reprise de dette de près de 130 milliards d'euros au total, qui se matérialisera essentiellement dans le PLFSS et le PLF pour 2011. Il consiste en trois points principaux.

Premièrement, un report de quatre ans de l'échéance d'amortissement de la CADES est proposé pour permettre le transfert de 34 milliards d'euros, correspondant à la « dette de crise » du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – pour 2009 et 2010.

Deuxièmement, des recettes nouvelles à hauteur de 3,2 milliards d'euros, dont je souligne d'ores et déjà qu'elles ne sont pas pérennes, seraient affectées à la Caisse pour permettre la reprise des déficits « hors crise » du régime général et du FSV pour 2009 et 2010 ainsi que du déficit prévisionnel de 2011 de la seule branche maladie.

Troisièmement, les actifs du Fonds de réserve des retraites – FRR – et le produit du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement qui lui est affecté à hauteur de 65 % serviront à la reprise par la Caisse des déficits cumulés à venir de la branche vieillesse sur la période 2011-2018. Ce sont ainsi 3,6 milliards d'euros qui seraient mobilisables chaque année par la CADES, soit 2,1 milliards au titre du décaissement, linéaire, des actifs du FRR et 1,5 milliard au titre de la recette issue du prélèvement de 2 %.

Ce projet de loi organique propose un traitement de la dette sociale : il en fixe le cadre et constitue une sorte de « test de résistance » – ou stress test – des organismes de sécurité sociale face au risque financier – « ça passe ou ça casse ! ». Dans le dispositif en cause, la CADES est le vaisseau amiral. Elle mérite donc toute notre attention. Dans le cadre du transfert massif et inéluctable de dette qui va être opéré, nous devons assurer la solidité et la fiabilité de la barre. Si l'on peut admettre, non sans regret, que la route soit quelque peu allongée, elle doit être rendue parfaitement sûre. L'horizon d'amortissement sera repoussé de quatre ans, c'est-à-dire à 2025, mais la dérogation autorisée par le projet de loi organique reste tout à fait exceptionnelle. Elle sera réservée au transfert opéré dans le cadre du seul projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, et limitée dans le temps.

En revanche, il est inconcevable de décider un tel report sans garantir pleinement et entièrement les recettes qui, conformément à la lettre et à l'esprit de la loi organique de 2005, seront affectées à la Caisse pour assurer l'amortissement de cette nouvelle campagne de défaisance. La pérennité des recettes de la Caisse est non seulement un impératif pour sa bonne gestion, pour garantir que son échéance, quoique prorogée, sera respectée, mais également un enjeu crucial pour la Caisse qui se finance sur les marchés. Si la qualité de sa signature permet aujourd'hui à la CADES de le faire dans de bonnes conditions, elle sera amenée, avec la reprise de 68 milliards d'euros de dette dès 2011, à procéder à des émissions à court terme pour des montants très importants. Aujourd'hui, ces émissions représentent environ 11 % du total. La Caisse devra, à l'issue de ce projet de loi, verser de l'ordre de 10 milliards d'euros par mois à l'ACOSS, à partir de fin janvier début février 2011 : en conséquence, la part de ses émissions à court terme pourrait s'établir à 30 à 40 % du total de ses émissions.

Le marché finance 60 % des déficits publics français, on ne peut pas l'ignorer. C'est pourquoi l'on ne peut risquer d'affaiblir la parole publique à cause du portage de la dette sociale, ni accepter l'idée que la Caisse soit fragilisée, alors que la confiance pleine et entière des financeurs lui sera, plus que jamais, indispensable. Je vous présenterai donc un amendement destiné à assurer la pérennité des recettes de la Caisse, afin de donner une valeur organique à une règle qui figure aujourd'hui dans l'ordonnance de 1996 portant création de la Caisse. Cette règle est d'autant plus importante que, si le Gouvernement propose de traiter les déficits cumulés du régime général et les déficits à venir de la branche vieillesse – et il faut rendre justice à son volontarisme –, son schéma n'intègre pas les déficits structurels à venir de la branche maladie et, potentiellement, du FSV : le risque financier de la sécurité sociale ne sera donc pas levé, et une solution devra, en tout état de cause, être trouvée. Cette question sera au coeur de notre débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 car, je le rappelle, le présent projet de loi organique se contente d'organiser le cadre d'un financement sécurisé.

En résumé, les déficits se sont largement creusés, dans un contexte de raréfaction de la ressource. Le texte s'adapte aux contraintes nouvelles de la défaisance de la dette sociale. En revoyant la loi organique, nous donnerons la possibilité à notre navire amiral de remplir efficacement sa mission, en évitant la contagion du risque à un autre bâtiment, l'ACOSS, qu'une absence de rigueur de notre part exposerait à une plus grande instabilité. Sous réserve du vote des amendements que je vous soumettrai, je vous propose donc de rendre un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi organique.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

J'approuve entièrement la présentation de Marie-Anne Montchamp. La dette logée à la CADES provient pour une grande partie de l'assurance maladie, c'est-à-dire d'une dépense de consommation immédiate et non d'investissement – le cas est d'ailleurs le même pour la dette liée au régime vieillesse. On peut à la rigueur comprendre que l'amortissement en soit prolongé de quatre ans, même si ce report est le troisième ou le quatrième, mais il est impératif d'assurer à la Caisse des recettes claires, transparentes, durables. Or, ce n'est pas le cas puisque nous sont proposées des ressources faites de bric et de broc, dont certaines, qui plus est, ne sont pas renouvelables. Il faudrait renouer avec ce qui était prévu à l'origine : quand la CADES a été créée, en 1996, on a instauré la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Mais ce ne serait régler qu'une partie du problème puisque, si les déficits à venir sont pris en compte au titre de la réforme des retraites, il n'y a, j'insiste, rien de prévu pour l'assurance maladie qui accuse un déficit structurel de l'ordre de 10 milliards d'euros par an. Dans le cadre des orientations qui seront proposées aux Français en 2012, il faudra dire clairement comment combler les déficits à venir. Et ce sera d'autant plus facile que nous aurons déjà mis en face des recettes. Tel est l'objet de l'amendement de Mme Montchamp.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Dans le montant de la dette transférée à la CADES, transfert qui repousse son extinction, il y a, outre le déficit apparu avec la crise – près de 40 milliards d'euros –, 30 milliards environ de déficits cumulés structurels. Il me semble délicat d'affirmer que la reprise va améliorer les choses et que l'allongement de la durée de vie de la CADES n'est que la conséquence de la crise. La CADES va recevoir par anticipation des déficits dont il est raisonnable de penser qu'ils ne sont pas liés à la crise puisque, à entendre les discours officiels, celle-ci s'éloigne.

S'agissant des recettes, trois taxes seront affectées à la CADES : l'une assise sur la réserve de précaution des compagnies d'assurance, et qui est non pérenne ; la deuxième sur les revenus de l'assurance-vie au fur et à mesure de leur comptabilisation, non pérenne également puisqu'elle est seulement plus précoce ; la troisième sur les contrats de complémentaires santé, qui, elle, devrait être pérenne.

J'attire l'attention sur le fait que ce projet revient sur l'article 20 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, que son objectif – éviter aux pouvoirs publics toute tentation de prolonger la durée de vie de la CADES – comme sa place dans la hiérarchie des normes destinaient à devenir une règle de gouvernance des finances publiques. Il me paraît compliqué d'abroger cette règle qui existe pour lui en substituer une autre, à venir. C'est pourtant ce que nous nous apprêtons à faire, au risque de décrédibiliser toute intention d'élaborer des règles d'or pour les finances publiques.

PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Mes chers collègues, le sujet qui nous réunit aujourd'hui est complexe et très technique et je remercie notre rapporteur pour sa présentation limpide et imagée. Il est proposé de rallonger de quatre ans la durée de vie de la CADES, jusqu'en 2025. Le PLFSS complétera le dispositif, de manière à pouvoir financer près de 130 milliards d'euros de reprise de dette au total, soit les déficits pour 2009 et 2010 des branches du régime général et du FSV à hauteur de 55 milliards d'euros, le déficit prévisionnel de la branche maladie en 2011 pour 13 milliards d'euros, et les déficits prévisionnels de la branche vieillesse sur la période 2011-2018 pour 62 milliards d'euros.

Pour répondre aux inquiétudes à propos du caractère non pérenne des ressources, le Gouvernement prévoit, dans le PLFSS, pour la CADES une clause de garantie de ressource à partir de 2013, gagée soit sur la suppression de niches fiscales ou sociales, soit, à défaut, sur une augmentation progressive de la CRDS. Cette contrainte rend certaine la compensation de la diminution du rendement des mesures proposées. C'est donc une garantie sérieuse, encore confortée par l'amendement qu'a fait adopter notre collègue sénateur Vasselle.

À ceux qui préféreraient à la prolongation de l'existence de la CADES une augmentation de ses ressources, je rappelle que, plus le temps passe, plus une telle mesure devient illusoire puisque, plus on s'approche de l'échéance, moins le lissage est possible. En outre, le Gouvernement souhaite limiter l'augmentation des prélèvements obligatoires. Or, avec la crise, le montant de la dette à reprendre atteint 80 milliards d'euros, ce qui entraînerait, à contrainte organique inchangée, la nécessité d'augmenter ces prélèvements de plus de 8 milliards d'euros. Le Gouvernement ne veut pas se mettre en contradiction avec sa stratégie fiscale consistant à lutter contre les niches fiscales et sociales tout en refusant une augmentation généralisée des impôts.

Enfin, en ce qui concerne le Fonds de réserve des retraites, il est évident qu'il doit rester dédié aux retraites. Techniquement, il ne sera pas dilapidé puisque le flux créé entre le FRR et la CADES servira à rembourser la seule dette vieillesse. Avec la reprise économique, on peut par ailleurs espérer un surcroît de recettes, qui pourra être affecté soit à la reprise de la dette vieillesse supplémentaire, soit à une réduction de la durée de vie de la CADES. Enfin, le Gouvernement montre son esprit de responsabilité en matière de finances sociales dans la mesure où il engage une véritable réforme des retraites qui vise à la fois le retour à l'équilibre et le traitement de la dette future. Je vous invite donc à donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi organique, en attendant de le compléter dans le cadre du PLFSS.

PermalienPhoto de Gérard Bapt

Je regrette que le terme de 2005, initialement fixé pour la disparition de la CADES, n'ait pas été inscrit dans la Constitution ! Il aurait été plus difficile de le repousser.

Par ailleurs, il n'est pas gravé dans le marbre que la dette sociale doive être maintenue absolument distincte de la dette de l'État, qui distribue aussi des prestations sociales. Cette hypothèse était d'ailleurs envisagée il y a deux ans environ par Bercy…

M. le rapporteur général déplore que la dette sociale ne soit pas la contrepartie d'investissements. Mais garder une population en bonne santé est bon pour l'avenir d'un pays et pour sa productivité. Dans les pays en développement, la première condition du progrès, c'est d'atteindre un certain niveau sanitaire. En outre, on ne peut qualifier de simples prestations sociales des dépenses qui soutiennent le secteur économique de la pharmacie et des accessoires médicaux, et encore moins les investissements faits en faveur des établissements médicaux. Autrement dit, considérer la dette sociale comme de la mauvaise dette est un peu hâtif, d'autant que la dette de l'État, je vous le rappelle, correspond pour 90 % à des dépenses de fonctionnement.

Vous nous proposez, avec ce projet de loi organique, une épouvantable usine à gaz, due à l'oukase élyséen bannissant les hausses d'impôt ou de cotisation – tout du moins jusqu'à la prochaine élection présidentielle !

Le Gouvernement distingue la dette de crise et la dette structurelle. Il se trouve que je sors de la Commission des comptes de la sécurité sociale où j'ai entendu son secrétaire général, M. Monier, expliquer que la différence ne se justifiait plus puisque la dette de crise était inscrite durablement dans les déficits des comptes sociaux.

Quand on entre dans le détail des mesures, l'une d'entre elles me semble particulièrement critiquable. Il s'agit de la taxation des assurances complémentaires santé. En taxant les contrats responsables, on va à l'opposé des principes qui devraient guider la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. J'aurais mieux compris que l'on taxe les contrats « irresponsables », qui poussent à la dépense en prenant en charge tous les dépassements d'honoraires et les actes répétitifs. Au contraire, les contrats responsables sont une arme décisive de maîtrise médicalisée des dépenses. D'une certaine façon, la ministre de la santé se tire une balle dans le pied en acceptant une telle mesure.

Certains de nos amendements rejoignent ceux de Mme Montchamp, que je trouve toutefois extrêmement prudente en comparaison des deux rapporteurs des commissions des lois et des affaires sociales, qui remettent plus fondamentalement en question le dispositif proposé.

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

L'ordonnance de 1996, créant la CADES, a été modifiée par la loi organique du 2 août 2005, de telle sorte que « tout nouveau transfert de dette à la CADES soit accompagné d'une augmentation des recettes de la Caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ». C'était il y a cinq ans seulement et il est regrettable que ce principe soit déjà oublié. Ce n'est pas de très bonne gestion de repousser la fin de vie de la CADES à 2025. Fin 2009, la CADES avait amorti près de 43 milliards d'euros de dette, sur 134,6 milliards. Pour la seule année 2009, l'amortissement a atteint 5,3 milliards d'euros, en forte progression par rapport aux années précédentes. Et au 31 décembre prochain, la CADES aura amorti depuis sa création près de 48 milliards d'euros, et sa dette résiduelle s'élèvera alors à 87 milliards environ. Les intérêts d'emprunt servis par la Caisse depuis l'origine représenteraient donc près de 30 milliards d'euros.

Il n'est pas envisageable de proroger indéfiniment ce dispositif sans s'assurer des financements correspondants. Le groupe Nouveau Centre a donc déposé deux amendements qui visent avant tout à relever le taux de la CRDS, ce qui procurerait des ressources supplémentaires.

PermalienPhoto de François Goulard

Modifier trois ou quatre fois un texte organique n'est pas un signe de bonne gestion, ni de respect des engagements pris. Pour filer la métaphore maritime utilisée par notre rapporteur, je dirai qu'on est passé de la loxodromie à l'orthodromie et que maintenant, on tire des bords ! Or on se souviendra que certains trois-mâts ne parvenaient jamais à passer le cap Horn parce qu'ils tiraient des bords carrés. Craignons, en ce qui nous concerne, de ne jamais traverser l'océan de l'amortissement de la dette sociale !

Monsieur Bapt, la question n'est pas de savoir si les dépenses d'assurance maladie ont plus ou moins de valeur que les dépenses d'investissement. Simplement, ce sont des dépenses que nous devons consentir chaque année et les couvrir par des ressources d'emprunt n'est pas viable.

Il est donc impératif que nous réduisions les déficits et que nous amortissions la dette sociale au moyen de ressources pérennes. Or, la crise grecque a été une alerte : les marchés ont commencé à marquer leur défiance à l'égard de certaines dettes souveraines et, si nous avons été jusqu'ici épargnés, il n'est pas exclu que nous payions un jour le prix fort d'une certaine forme d'irresponsabilité.

C'est pourquoi je soutiendrai les amendements de Mme le rapporteur.

PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Il est regrettable que nous n'ayons pas suivi Mme Montchamp et traité ce problème de la CADES dès l'an dernier, quand c'eût été plus facile.

Je suis très réservé sur l'allongement de la durée de vie de la CADES et sur la remise en cause de la loi organique. Il faudrait que Mme le rapporteur arrive à me convaincre que ne pas se donner cette durée supplémentaire de quatre ans risque d'engendrer des tensions insupportables.

Je suis totalement d'accord pour dire qu'il faut des ressources pérennes – plutôt que simplement gagées sur des ressources pérennes –, des ressources affectées et qui expriment une vraie solidarité. C'est pourquoi l'amendement proposé par Mme le rapporteur sur la nature de ces recettes est tout à fait fondé.

PermalienPhoto de Chantal Brunel

L'« océan » de la dette sociale est aujourd'hui financé par la Chine, à travers ses fonds souverains !

Dans la mesure où l'on refuse d'augmenter les impôts, les amendements de Mme le rapporteur sont tout à fait judicieux. Mais il conviendrait aussi que le Gouvernement prenne des mesures destinées à éviter les fraudes – pourquoi la carte Vitale ne comporte-t-elle toujours pas la photo de l'assuré ? – et que les organismes sociaux fassent un effort important en ce sens.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

La fragilité de la parole publique sur la recette compromet nos capacités de financement de la dette sociale. Pour avoir procédé à plusieurs auditions ces dix-huit derniers mois et lu les rapports pour avis de nos collègues sénateurs, je peux vous dire que les notateurs insistent sur l'incertitude que pressentent les investisseurs dès lors que la recette n'est pas suffisamment pérenne. Si ces interrogations venaient à trouver un appui dans nos lois organiques, elles pourraient rapidement devenir très embarrassantes.

Mes chers collègues, face à un mur de 130 milliards d'euros de dette sociale, on ne peut arbitrer que dans un sens, fût-ce la mort dans l'âme. Il vaut mieux, de mon point de vue, se résigner à allonger la durée de vie de la CADES pour être extrêmement exigeant quant à la pérennité de la ressource. Faute de quoi, monsieur Garrigue, il nous faudrait trouver quelque 14 milliards d'euros de financement supplémentaire par an…

La Commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er(art. 4 bis de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996) : Dispositions relatives à la reprise de dette par la CADES

La Commission est saisie de l'amendement CF 5 de M. Gérard Bapt.

PermalienPhoto de Gérard Bapt

Cet amendement vise à supprimer l'article 1er. Nous refusons que les générations futures subissent une double peine en étant obligées de payer quatre ans de plus cependant qu'elles seraient privées du Fonds de réserve pour les retraites qui devait aider, à partir de 2020, à passer un cap démographique difficile.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Défavorable. Je le redis : il faut proroger quitte à être exigeant par ailleurs.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CF 6 de M. Gérard Bapt.

PermalienPhoto de Gérard Bapt

Cet amendement vise à affirmer le caractère pérenne des recettes affectées à la CADES. Celles qui sont proposées sont très aléatoires ou ne sont que des « fusils à un coup ».

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Je partage cette intention, qui sera satisfaite par un de mes amendements, rédigé un peu différemment. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CF 7 du rapporteur pour avis.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Je propose que la compensation des dettes transférées soit assurée par des « impositions de toute nature », plutôt que par des « recettes ».

PermalienPhoto de Gérard Bapt

Mais qui laisse subsister la compensation par des actifs. Or ceux-ci ne sont pas pérennes, puisque le Fonds de réserve pour les retraites sera, un jour, vide !

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous n'avons jamais contesté le bien-fondé du Fonds de réserve pour les retraites. Si, à l'avenir, l'amélioration des recettes permet de le doter, nous le ferons, comme nous l'avons d'ailleurs fait en 2004 et en 2005 en lui affectant le produit de la vente des participations de l'État dans le Crédit Lyonnais et dans Alstom.

Vous avez créé ce fonds pour remédier à des difficultés de financement que vous attendiez pour 2020. La crise a fait que ces difficultés sont survenues plus tôt, ce qui nous conduit à remettre en cause le rythme d'utilisation du fonds – mais non son principe.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Il n'est pas choquant de prévoir, dans un texte organique, l'affectation d'actifs.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Crise ou pas, la bosse démographique de 2020 demeure. Prétendre que la crise a déplacé le besoin auquel le Fonds de réserve pour les retraites est censé répondre n'est pas rigoureux. Elle a seulement ajouté aux besoins.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Des réformes ont été engagées. Compte tenu du besoin de financement, nous pouvons imaginer d'autres arbitrages mais nous aurons ce débat lors de l'examen du PLFSS.

La Commission adopte l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CF 8 du rapporteur pour avis.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Nos collègues sénateurs avaient introduit une clause garantissant le niveau des recettes affectées à la CADES, mais une rédaction malencontreuse rendait cette disposition inopérante.

Par ailleurs, en donnant une portée organique à une règle figurant à l'article 7 de l'ordonnance de 1996, cet amendement conforte le caractère pérenne de ces ressources.

La Commission adopte l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CF 10 du rapporteur pour avis.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

En posant la règle selon laquelle les impositions de toute nature affectées à la CADES doivent avoir une assiette universelle, cet amendement a pour objet de garantir la pérennité des recettes de la Caisse.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Aujourd'hui, il nous est proposé, dans la loi de finances notamment, d'affecter à la CADES plusieurs recettes, dont certaines ne sont pas pérennes. Avec cet amendement, elles iront bien au budget de la sécurité sociale, mais celle-ci transformera ces recettes diverses et variées en une fiscalité assise sur l'ensemble des revenus des personnes physiques, et ce à masse constante.

Ce financement de type CSG-CRDS sécurisera la levée des fonds nécessaires pour l'amortissement de la dette.

PermalienPhoto de Chantal Brunel

Cela ne règle pas le problème de façon définitive.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Comme l'a dit Mme le rapporteur, nous aurons en effet à nous préoccuper de compenser d'autres déficits dans le futur.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Cet amendement réalise une inversion des dispositifs. Cela ne peut que faciliter les opérations de refinancement relevant de la CADES, mais que l'ACOSS doit aussi traiter pour ce qui la concerne.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement de coordination CF 9 du rapporteur pour avis.

Elle est saisie de l'amendement CF 3 de M. Gérard Bapt.

PermalienPhoto de Gérard Bapt

Cet amendement vise à améliorer l'information du Parlement en matière de gestion de la dette sociale, objectif affiché par le présent projet de loi organique. Il dispose que, lorsqu'un projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit le transfert d'actifs à la CADES, l'annexe à ce projet de loi devra fournir les éléments permettant d'apprécier l'intérêt financier de cette opération.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

La présentation des transferts d'actifs dans le cadre de l'annexe 8 du PLFSS me semble intéressante. Avis favorable.

La Commission adopte l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (art. L.O. 111-3, L.O. 111-4, L.O. 111-6 et L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale) : Dispositions facultatives des lois de financement de la sécurité sociale. Annexes aux projets de loi de financement de la sécurité sociale

La Commission est saisie de l'amendement CF 4 de M. Gérard Bapt.

PermalienPhoto de Gérard Bapt

En proposant de remplacer les mots « l'année suivante » par les mots « les trois années suivantes » dans le 8° du III du code de la sécurité sociale, cet amendement vise à renforcer l'information du Parlement sur les perspectives pluriannuelles en matière de finances sociales.

PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Défavorable. La pluriannualité est déjà prise en compte dans l'annexe A. Par ailleurs, il sera difficile de mettre en oeuvre une analyse pluriannuelle dans le cadre de l'annexe 8, compte tenu des sujets concernés.

La Commission rejette l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 sans modification.

Article 2 bis (article 3 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996) : Composition du conseil d'administration de la CADES

La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 bis sans modification.

Article 3 (art. L.O. 132-3 du code des juridictions financières) : Avis de la Cour des comptes sur le tableau patrimonial

La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 sans modification.

Article 4 : Entrée en vigueur des dispositions

La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 sans modification.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi modifié.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (1)

N° CF 1

AMENDEMENT

présenté par

MM. Charles de Courson et Philippe Vigier

ARTICLE 1

Alinéa 5 : Supprimer cet alinéa.

N° CF 2

AMENDEMENT

présenté par

MM. Charles de Courson et Philippe Vigier

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE PREMIER

À l'article 19 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, substituer aux mots « 0,5 % » les mots « 1,25 % »

N° CF 3

AMENDEMENT

présenté par

MM. Gérard Bapt, Pierre-Alain Muet, Jérôme Cahuzac, Jean-Pierre Balligand, Pierre-Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, MM. Claude Bartolone, Dominique Baert, Jean Launay, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Christian Eckert, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, Victorin Lurel, François Hollande, Michel Sapin, Pierre Moscovici, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Mme Annick Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

ARTICLE PREMIER

Après l'alinéa 8, ajouter un 5° ainsi rédigé :

« 5° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit le transfert d'actifs à la Caisse d'amortissement de la dette sociale ou l'augmentation de ses ressources par la réalisation d'actifs publics, l'annexe à ce projet de loi, mentionnée au 8° du III de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, fournit les éléments permettant d'apprécier l'intérêt financier de cette opération. Elle indique notamment la rentabilité passée et la rentabilité prévisionnelle des actifs concernés et le coût de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale. »

N° CF 4

AMENDEMENT

présenté par

MM. Gérard Bapt, Pierre-Alain Muet, Jérôme Cahuzac, Jean-Pierre Balligand, Pierre-Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, MM. Claude Bartolone, Dominique Baert, Jean Launay, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Christian Eckert, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, Victorin Lurel, François Hollande, Michel Sapin, Pierre Moscovici, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Mme Annick Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

ARTICLE 2

À la fin du 2° de cet article, insérer après l'alinéa 11, l'alinéa suivant :

« d) Dans le 8° du III, les mots « l'année suivante » sont remplacés par les mots « les trois années suivantes ». »

N° CF 5

AMENDEMENT

présenté par

MM. Gérard Bapt, Pierre-Alain Muet, Jérôme Cahuzac, Jean-Pierre Balligand, Pierre-Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, MM. Claude Bartolone, Dominique Baert, Jean Launay, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Christian Eckert, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, Victorin Lurel, François Hollande, Michel Sapin, Pierre Moscovici, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Mme Annick Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

ARTICLE PREMIER

Supprimer cet article

N° CF 6

AMENDEMENT

présenté par

MM. Gérard Bapt, Pierre-Alain Muet, Jérôme Cahuzac, Jean-Pierre Balligand, Pierre-Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, MM. Claude Bartolone, Dominique Baert, Jean Launay, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Christian Eckert, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, Victorin Lurel, François Hollande, Michel Sapin, Pierre Moscovici, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Mme Annick Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et diversgauche

ARTICLE PREMIER

Au deuxième alinéa de cet article, après le mot « recettes » ajouter le mot : « pérennes ».

N° CF 7

AMENDEMENT

présenté par

Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteur pour avis

ARTICLE PREMIER

Rédiger ainsi l'alinéa 2 :

« 1° Au premier alinéa, substituer aux mots : « recettes de » les mots : « impositions de toute nature et actifs affectés à » ; »

N° CF 8

AMENDEMENT

présenté par

Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteur pour avis

ARTICLE PREMIER

I. Supprimer l'alinéa 4.

II. Après l'alinéa 5, insérer l'alinéa suivant :

« La loi de financement de la sécurité sociale assure chaque année le respect de la règle fixée aux deux premiers alinéas. »

N° CF 9

AMENDEMENT

présenté par

Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteur pour avis

ARTICLE PREMIER

Dans l'alinéa 8, substituer aux mots : « recettes de » les mots : « impositions de toute nature affectées à ».

N° CF 10

AMENDEMENT

présenté par

Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteur pour avis

ARTICLE PREMIER

Substituer à l'alinéa 6 les quatre alinéas suivants :

« 3° Le second alinéa est ainsi modifié :

« a) Les mots : « de l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « du présent article » ;

« b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'assiette des impositions de toute nature affectées à la Caisse d'amortissement de la dette sociale porte sur l'ensemble des revenus perçus par les contribuables personnes physiques. »

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 28 septembre 2010 à 17 h 15

Présents. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. Jean-Marie Binetruy, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Bernard Carayon, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. René Couanau, M. Richard Dell'Agnola, M. Michel Diefenbacher, Mme Aurélie Filippetti, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Michel Fourgous, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. François Goulard, M. David Habib, M. Laurent Hénart, M. Jean-Louis Idiart, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Marc Le Fur, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Nicolas Perruchot, M. Camille de Rocca Serra, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Gaël Yanno

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Victorin Lurel

1() La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.