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Commission des affaires sociales

Séance du 21 juillet 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 21 juillet 2010

La séance est ouverte à quinze heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission poursuit l'examen, sur le rapport de M. Denis Jacquat, du projet de loi portant réforme des retraites (n° 2760)

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Nous continuons la discussion des amendements portant articles additionnels après l'article 4.

Après l'article 4 (suite)

La Commission examine l'amendement AS 249 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Il empêcherait tout simplement le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite. Je ne puis en conséquence qu'y être défavorable.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Avis également défavorable.

La Commission rejette l'amendement AS 249.

Elle examine ensuite l'amendement AS 250 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Nous demandons au Gouvernement de déposer devant le Parlement un rapport sur les conséquences de l'allongement de la durée d'assurance de 42 à 43 ans pour les carrières longues. De notre point de vue, il s'agit d'une véritable « double peine ». Ceux qui auront commencé à travailler à l'âge de 22 ou 24 ans devront réunir quarante et un ans de cotisation, et 41,5 en 2018, mais ceux qui auront commencé à travailler à l'âge de 17 ans devront cotiser quarante-trois ans ! Autrement dit, ceux qui seront dans une situation difficile, dont les parents ne pourront pas payer les études, qui n'auront pas eu de bons résultats scolaires car issus d'un milieu défavorisé seront doublement pénalisés. Nous demandons que l'on en revienne aux quarante-deux ans d'assurance.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Mais le droit de partir plus tôt existe ! Si vous avez commencé à travailler plus jeune, vous justifiez d'un plus grand nombre de trimestres et vous avez le droit de partir avant les autres – lesquels, d'ailleurs, construisent certes un autre parcours, mais ne sont pas pour autant assurés de trouver du travail ni immunisés contre la précarité. Bref, ceux qui auront commencé plus jeunes auront cotisé plus longtemps et partiront bien plus tôt. Il n'y a pas de « double peine ».

La Commission rejette l'amendement AS 250.

Elle est saisie de l'amendement AS 251 rectifié de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les périodes prises en compte pour calculer la durée d'assurance. Le dispositif carrières longues reposant sur une durée d'assurance supérieure à la durée de droit commun, il faut savoir précisément quelles sont les périodes qui seront comptabilisées. Or, beaucoup d'éléments du dispositif, dont vous vous prévalez d'ailleurs largement, seront précisés par décret, notamment pour ce qui est du secteur privé. Je ne conteste pas la nature du pouvoir réglementaire, mais dans ce cas le Parlement n'aura pas de droit de regard sur les périodes que vous entendez prendre en compte pour appliquer le dispositif carrières longues.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

La différence entre durée d'assurance et durée de cotisation a toujours existé dans le dispositif carrières longues, depuis sa création en 2003.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La durée cotisée est une notion large, qui recouvre, outre le temps travaillé, d'autres systèmes de solidarité. Je ne suis pas favorable à un rapport supplémentaire.

PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Quel est le nombre de personnes susceptibles de bénéficier du dispositif carrières longues avec les modifications que vous envisagez ?

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Environ 90 000 personnes par an à l'horizon 2015, plus les 10 000 concernés par les dispositions sur la pénibilité.

La Commission rejette l'amendement AS 251 rectifié.

En conséquence, l'amendement AS 247 de Mme Marisol Touraine n'a plus d'objet.

Avant l'article 5

La Commission examine l'amendement AS 252 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Le Gouvernement se targue d'une grande avancée permise par le texte qui nous est soumis : l'ouverture du dispositif carrières longues aux personnes qui auront commencé à travailler à 17 ans, après quarante-trois ans de cotisation. La vérité est que cela ne change rien, puisqu'elles pouvaient déjà partir à la retraite à 60 ans. Ce n'est donc pas une avancée : disons plutôt que les personnes concernées sont exonérées des conséquences de la réforme.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

C'est en effet le cas.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Le dispositif connaît d'ailleurs des difficultés d'application, et la presse fait régulièrement état de détournements. Où en êtes-vous sur ce dossier ? L'existence de ce dispositif est positive, et il ne faut pas que de telles pratiques occasionnent un durcissement. Par ailleurs, sur les 90 000 personnes qui bénéficieront du dispositif, combien auront commencé à travailler entre 17 et 18 ans ?

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Environ 30 000 personnes. Le dispositif carrières longues bénéficie aujourd'hui à 40 000 ou 50 000 personnes. Le passage aux 90 000, que j'ai évoquées à l'horizon 2015, s'explique par l'assouplissement des conditions, en particulier concernant le nombre de trimestres, et par l'élargissement du dispositif aux personnes qui auront commencé à travailler à 17 ans.

Les caisses ont beaucoup travaillé sur la fraude, rendue possible notamment par le fait que les validations reposaient sur des témoignages, et les conditions requises ont été resserrées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Avis défavorable.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avis défavorable : un rapport supplémentaire est inutile. Le Parlement, la Cour des comptes et la Commission des comptes de la sécurité sociale disposent de tous les outils pour dresser un bilan détaillé du dispositif.

La Commission rejette l'amendement AS 252.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Connaît-on le nombre de ceux qui, dans le cadre d'une rupture conventionnelle, sont pris en charge par l'UNEDIC à 58 ans, ou même 56 s'ils ont commencé à travailler à 14 ou 15 ans ? C'est une forme importante de contournement, qui ne disparaît pas avec le présent projet de loi.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Vous avez raison de le signaler, et ce sera d'ailleurs un des problèmes d'application de la réforme. Certaines personnes sont parties à 57 ans, dans le cadre d'une rupture conventionnelle – surtout pour les cadres – ou d'un licenciement économique, avec, il faut bien le dire, une garantie de prise en charge par les ASSEDIC pendant trois ans. Pour elles, la réforme se traduira par une impasse. Un amendement a été déposé, mais qui ne couvre pas toutes les situations. Au final, des dizaines de milliers de personnes pourront se trouver en grande difficulté pour une durée allant de quatre à seize mois.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Les ruptures conventionnelles servent effectivement parfois à partir plus tôt.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Le groupe GDR a été à l'origine d'un débat sur la question à l'Assemblée, qui a fait apparaître toute la gravité de la situation. Les études de la DARES montrent que la rupture conventionnelle est beaucoup plus utilisée pour les tranches d'âge dont nous parlons. Cette possibilité de départ avec accès aux ASSEDIC a eu un effet d'entraînement que l'opposition avait dénoncé à l'époque, et elle est abusivement utilisée pour contourner les plans de suppression d'emplois et les procédures afférentes.

La Commission est saisie de l'amendement AS 253 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous entendons nous opposer au relèvement systématique de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, qui est une véritable injustice puisqu'il va surtout peser sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont eu les carrières les plus difficiles. Actuellement, 300 000 personnes par an partent à la retraite à 60 ans en ayant cotisé deux années de plus que ce qui est nécessaire pour valider leurs droits. Elles se retrouveront avec quarante deux annuités de cotisations et ne seront pas toutes repêchées par le dispositif carrières longues.

En outre, cette mesure uniforme est incroyablement peu moderne, au moment où l'on aurait plutôt besoin de s'adapter à des situations diverses.

Nous récusons l'idée de faire payer la réforme, certes nécessaire, par les plus modestes. Nous sommes d'accord pour appeler à l'effort collectif, mais à condition que les plus modestes en soient exonérés.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Je suis totalement défavorable à cet amendement.

Le relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans est une mesure phare de la réforme. Il est démographiquement logique, compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie, et responsable au vu de la situation financière de nos régimes de retraite. Il aura, au surplus, un effet très positif sur l'emploi des seniors, en élargissant l'horizon des salariés et des entreprises.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Même avis défavorable. Je me suis expliqué à de multiples reprises sur le sujet.

PermalienPhoto de Arnaud Robinet

J'avoue avoir du mal à saisir la position du Parti socialiste. À entendre Marisol Touraine, celui-ci ne serait pas favorable à un recul systématique de l'âge légal. Mais, à la lecture de l'amendement, le maintien des 60 ans serait une exigence.

PermalienPhoto de Dominique Dord

Nous sommes bien entendu favorables à cette mesure de report, même si cela ne nous réjouit pas.

Je vois moi aussi des paradoxes dans les positions socialistes. Ce matin, nous avons constaté l'embarras de Marisol Touraine essayant d'exposer un système de retraite à la carte, qui montre qu'elle est au fond prête à transgresser le principe des 60 ans. Surtout, les socialistes font de l'emploi des seniors après l'âge de 60 ans une perspective essentielle de leur propre projet. Or, il existe une corrélation incontestable entre le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite et le niveau d'emploi des seniors. On ne peut pas vouloir améliorer celui-ci sans relever celui-là !

PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Le mécanisme que vous proposez est grossier et mal élaboré. C'est une « herse », avec une situation de blocage en amont et une obligation en aval. Chacun doit pouvoir conserver le droit de partir à la retraite à 60 ans – ce n'est pas une obligation – compte tenu de son parcours professionnel, de sa durée de cotisation et des droits qui lui auront été reconnus par ailleurs, au titre notamment de la pénibilité.

On pourrait peut-être comprendre le relèvement de l'âge légal, s'il s'accompagnait d'un véritable effort sur la pénibilité ou les carrières longues. En le faisant coïncider avec l'allongement de la durée de cotisation et un dispositif sur la pénibilité particulièrement restrictif, vous faites porter le poids de votre réforme surtout sur les catégories concernées par ces dispositifs.

On aurait pu maintenir l'âge légal de départ à 60 ans, tout en le faisant varier en fonction de l'espérance de vie par catégorie socioprofessionnelle. Cette solution, plus juste que la vôtre, aurait permis la mise en place d'un système en comptes notionnels. L'âge de départ de chaque cotisant, dès lors que celui-ci aurait fait le plein de droits, serait calculé en fonction de sa durée de vie espérée. Vous préférez imposer un âge qui ne tiendra pas compte des situations personnelles. Une autre option aurait été d'en revenir à la loi votée alors que M. Jacques Chirac était Premier ministre et qui avait créé, outre l'autorisation administrative de licenciement, un dispositif particulier pour toute une série de métiers pénibles, permettant de partir avant l'âge légal – 65 ans à l'époque – dès lors que certaines conditions d'activité étaient remplies. Voilà un correctif légitime et juste au dispositif de l'âge légal.

Votre système, lui, s'applique avec brutalité sans prendre ces différentes réalités en compte. L'explication en est que votre seule préoccupation, de bien court terme, est financière. Or, c'est une préoccupation de justice qui devrait primer, et c'est sur cette base qu'il faudrait trouver les aménagements financiers nécessaires, ce qui nous paraît possible sous réserve d'une vision globale du financement de nos comptes sociaux.

On ne nous parle que du déséquilibre des comptes des retraites. Mais comment se mettre d'accord sur un niveau de prélèvements obligatoires acceptable pour financer les retraites sans considérer aussi le besoin de financement des autres volets de notre système de protection sociale, à commencer par la santé, puisqu'on sait bien que les réformes de ces dernières années n'ont pas produit les effets attendus ?

Ainsi, le débat est entièrement biaisé. Il convient en conséquence de revenir au fond : il faut clarifier les conditions de départ à la retraite, l'âge de 60 ans étant la meilleure protection dont on dispose aujourd'hui, faute de précision sur les mécanismes de pénibilité et de carrières longues.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

On peut parfaitement être favorable au maintien du droit au départ à l'âge de 60 ans et conscient qu'il faut développer l'emploi des seniors pour l'équilibre du système. Je ne vois pas où est la contradiction. D'ailleurs, vous avez vous-mêmes mené une politique d'encouragement à l'emploi des seniors, alors même que l'âge légal de départ était à 60 ans ! Ce qu'il faut garder en tête, c'est la situation du marché du travail. Selon la DARES, la hausse globale du chômage, de 7,8 % sur un an pour les demandeurs de catégorie A, recouvre des réalités très différentes : si les chiffres stagnent pour les moins de 25 ans et augmentent de 7,3 % pour la tranche entre 25 et 49 ans, cette augmentation est de 19,4 % pour les chômeurs de plus de 50 ans ! C'est terrifiant ! Et je précise que ce sont les hommes qui sont le plus touchés, ce qui traduit l'importance des sinistres industriels.

Les gens de plus de 50 ans sont donc durement frappés par la crise, et c'est le moment que vous choisissez pour reculer l'âge légal à 62 ans. Pour eux, c'est la double ou la triple peine. Ils ont perdu leur travail et, s'ils sont indemnisés jusqu'à la retraite, ils subiront une rupture à ce moment-là, ou alors ils se trouveront en fin de droits, avec les interrogations qui pèsent sur l'allocation équivalent retraite. Bref, vous présentez la facture à des gens qui se trouvent dans une situation de très grande difficulté pour des raisons objectives.

En outre, vous ne faites aucun cas de la notion de liberté. Nous sommes tous dans des situations totalement différentes, même à parcours professionnel équivalent, compte tenu de nos carrières, de notre rapport au travail, de nos choix de vie. Certains peuvent avoir des projets professionnels, d'autres des contraintes familiales. Certains attendent de partir à 60 ans pour pouvoir s'occuper d'un enfant handicapé, d'autres pour mener des actions humanitaires ou changer d'activité. Du point de vue social comme de celui de cette liberté, vous ne pouvez pas nous reprocher d'exiger le maintien de l'âge légal de départ à 60 ans : c'est un droit, et la suppression de ce droit est une des pierres angulaires de votre réforme !

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Une partie non négligeable des Français conserveront la retraite à soixante ans au titre d'une carrière longue ou de la pénibilité : 100 000 personnes, soit 15 % des retraités chaque année, ce qui n'est pas rien. S'ils étaient beaucoup plus nombreux, on pourrait s'interroger sur la justice de la mesure ! Ce taux de 15 % me semble une juste proportion pour prendre en compte les situations particulières.

Par ailleurs, vous opposez la notion de justice à une réforme que vous dénoncez comme étant purement comptable. Mais, une justice qui n'est pas financée me semble condamnée à rester assez illusoire. Une réforme ne fonctionne que si elle est financée. Nous devons assumer cette charge pour faire fonctionner nos dispositifs de solidarité.

Enfin, l'âge de 60 ans n'est pas inscrit dans la biologie ! Le Parlement a simplement décidé à une époque de passer de 65 à 60 ans, sans plus de symbole qu'un chiffre rond. Ce n'est pas un dogme, contrairement au régime par répartition, qu'il soit en comptes notionnels ou non, et qui doit à mon sens relever du dogme. Parce que nous vivons plus longtemps, les personnes âgées de 62 ans paraîtront moins âgées que celles de 60 ans il y a quelques années.

Quant au chômage, particulièrement préoccupant, c'est un problème économique. La réponse ne se trouvera en aucune façon dans la réforme des retraites. On ne va pas attendre que plus aucun Français n'ait de difficulté à trouver du travail après 55 ans pour changer le régime des retraites ! Il faut certainement agir pour l'emploi des seniors et mettre en place des mesures transitoires entre la fin de droits et le début de la retraite, mais ce n'est pas une raison pour ne pas réformer les retraites.

La Commission rejette l'amendement AS 253.

TITRE II DISPOSITIONS APPLICABLES À L'ENSEMBLE DES RÉGIMES

Chapitre Ier Âge d'ouverture du droit

Article 5 : Relèvement de l'âge légal d'ouverture du droit à une pension

La Commission est saisie des amendements AS 105 de M. Roland Muzeau et AS 254 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l'article 5.

PermalienPhoto de Martine Billard

Nous proposons de supprimer cet article qui porte l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans.

Pendant longtemps, le Gouvernement s'est justifié en se basant sur l'argument démographique. Depuis que l'INSEE a établi notre indice de descendance finale à 2,14 enfants par femme, l'argument ne tient plus. Mais ce qui compte surtout, c'est le rapport entre actifs et cotisants, car de lui dépendent les recettes des régimes de retraite. Notre principal problème de financement est donc causé par la crise. Vous avez choisi d'en faire payer les conséquences aux salariés et retraités. Nous considérons, au contraire, que ce sont les responsables de la crise qui doivent payer, notamment le secteur de la finance.

En outre, la modification que vous proposez est trop brutale. Jusqu'à présent, ce genre de réforme se faisait à coup d'un trimestre par an. Cette fois, vous montez à quatre mois. Ce n'est pas un hasard si l'on considère que toutes les études, notamment celles du COR, font apparaître que, de toutes les possibilités de financement, c'est celle qui rapporterait le plus et le plus rapidement. C'est donc bien un choix comptable qui est proposé : faire payer les salariés et les retraités au lieu du monde de la finance, pourtant responsable de la crise.

Enfin, pouvoir partir à l'âge de 60 ans est une avancée sociale : c'est pouvoir partir en retraite en pleine santé et en profiter pendant des années. Plus on repousse l'âge de départ, moins les salariés pourront profiter de leur retraite, et cela au moment même où le nombre des cancers explose, souvent déclarés entre 40 et 55 ans.

Voilà autant d'arguments pour contester le report : rien ne sert de supprimer le départ à la retraite à 60 ans si l'on allonge la durée de cotisation, car très peu de gens pourront en profiter.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avis défavorable, pour des raisons que j'ai longuement exposées auparavant.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous avons choisi de ne pas dépasser l'âge de 62 ans, mais d'atteindre plus vite cet objectif – d'autres pays font l'inverse –, parce que nous devons garantir le financement des retraites. Nous assumons d'assurer une bonne part du financement par le biais de l'âge.

Je conteste l'idée que l'état de santé des retraités soit de moins en moins bon : l'espérance de vie progresse, c'est incontestable, et l'augmentation de l'âge légal de départ à la retraite ira de pair avec l'augmentation du temps passé en retraite. C'est ce qui ressort des statistiques sur la santé globale de la population. Si ce n'était pas vrai, comment feraient les Anglais et les Allemands, qui baignent dans le même type de culture, d'économie et de contraintes que nous ?

Dans un système par répartition, il est logique que ce soient les salariés qui payent : ce sont eux qui payent la retraite de leurs prédécesseurs, avant d'en profiter à leur tour. Nous avons simplement accepté d'y ajouter un peu de fiscalité, parce qu'il est nécessaire de financer les régimes de solidarité.

PermalienPhoto de Jean Mallot

L'âge de départ à 60 ans n'est pas un dogme mais Martine Billard a eu raison d'évoquer l'espérance de vie en bonne santé qui, je le rappelle, est aujourd'hui de 61,3 ans pour les hommes et de 62,4 ans pour les femmes. Si donc on repousse à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite, la moitié de la population prendra celle-ci en étant malade. Le droit à la retraite à 60 ans permet à la majorité de nos concitoyens de vivre une part de leur retraite en bonne santé.

Quand on considère l'âge réel de départ, qui est de 61,5 ans, on comprend que vous fixiez un nouveau seuil qui soit un peu supérieur.

Au cours du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, notre Rapporteur, soutenu par le ministre du travail de l'époque, M. Xavier Bertrand, a combattu les amendements visant à reporter l'âge légal de départ en retraite. Il indiquait alors qu'il fallait, avant d'envisager ce report, que les Français puissent déjà travailler jusqu'à 60 ans. Pourquoi avez-vous changé d'avis ? L'argument de la survenance de la crise n'est qu'un alignement sur la position dogmatique du Président de la République et du Gouvernement. Mais, la position que vous aviez ainsi prise au cours de l'hiver 2008-2009 était déjà postérieure à la crise : ce n'est donc pas le bon argument, et vous n'en fournissez aucun autre !

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Je suis sidéré par l'argumentation de Martine Billard. Certes, nous défendons la retraite par répartition, mais le taux de fécondité n'a rien à voir avec la retraite, car celle-ci dépend essentiellement de la durée de la cotisation.

Arrivent aujourd'hui à la retraite les enfants du baby boom, ce qui fait passer de 450 000 à 800 000 le nombre de départs annuels. Le deuxième élément fondamental réside dans l'augmentation de la durée de vie, d'un trimestre par an. De plus, l'espérance de vie en bonne santé s'accroît plus vite que l'espérance de vie globale. Soutenir que le report de deux ans aura pour conséquence de parvenir à la retraite en mauvaise santé est tout à fait faux du point de vue médical.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Jean Mallot s'est référé aux déclarations de M. Xavier Bertrand et de moi-même : il a d'excellentes lectures !

Depuis la loi de financement pour 2009, est survenue la crise. De ce fait, en 2010, nous avons eu les chiffres que nous n'attendions qu'en 2030.

PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Il s'agit d'une question essentielle sur laquelle vous devriez clarifier votre discours. Vous alternez en permanence l'évocation du problème démographique, qui est réel, et celle de la crise. Nous ne nions pas le premier problème : c'est pour y faire face que nous avions mis en place le Fonds de réserve pour les retraites, que vous voulez détruire. Mais, il vous faut choisir entre deux argumentations : soit le débat se fonde sur le problème démographique, pour lequel il existe des solutions, dont celles que nous proposons, soit vous vous référez à la crise. À cet égard, je me souviens d'une réponse du ministre du travail, à qui on rappelait l'engagement du Président de la République de ne pas toucher à la retraite à 60 ans et qui faisait valoir que, depuis lors, la crise était intervenue.

S'agit-il donc d'un problème démographique ou bien de la crise ? Dans la seconde hypothèse, il faut chercher d'autres sources de financement que les seuls revenus salariaux. En faisant peser 90 % de l'effort sur ceux-ci et seulement 10 % sur les revenus financiers, vous créez un déséquilibre fondamental. Comme vous ne voulez pas trancher la question qui est aujourd'hui au coeur du débat politique, celle du système fiscal que vous avez mis en place et qui prive l'État de ressources considérables, dont le bouclier fiscal, le paquet fiscal et les niches fiscales, vous faites payer le coût de la crise aux salariés et aux futurs retraités. D'où notre divergence fondamentale ! Il y a une réalité à laquelle vous ne pouvez échapper, et c'est pourquoi vous évoquez en alternance les deux justifications que j'ai indiquées, afin d'introduire une confusion supplémentaire.

Je vous demande d'avoir le courage de revenir sur les erreurs que vous avez commises, particulièrement depuis 2007, certaines d'entre elles remontant à 2002. Vous devriez, par exemple, avoir le courage, et la dignité, de reconnaître le scandale que représente le bouclier fiscal et de le supprimer…

Est-il vrai que Mme Bettencourt a reçu 100 millions d'euros au titre du bouclier fiscal ?

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Ne reprenons pas le débat qui s'est déjà tenu ce matin.

La facilité médiatique consiste à soutenir le principe de la retraite à 60 ans. Mais, la Confédération française des retraités a elle-même reconnu devant notre commission que le Gouvernement avait eu le courage de soulever la question. Elle a clairement indiqué que, si l'on maintenait l'âge de départ à la retraite à 60 ans, le seul choix résiderait dans la diminution des taux de pension ou dans l'augmentation des prélèvements obligatoires. Or, en France, ceux-ci sont déjà supérieurs de 5 points à la moyenne européenne. Si on les accroît encore, que restera-t-il de l'emploi dans les dix ans qui viennent ?

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous avons déjà eu le débat, relancé par M. Jean-Marc Ayrault, sur l'alternative entre démographie et conjoncture économique.

Vous nous reprochez d'apporter une réponse structurelle à un problème conjoncturel. Pour démêler les deux, nous nous fondons notamment sur les prévisions du COR qui, analysant une situation à un moment donné, la projette dans l'avenir en intégrant un certain nombre d'hypothèses, comportant des éléments de démographie et d'autres relatifs aux circonstances économiques. Même si celles-ci s'avèrent plutôt favorables, la situation financière des retraites n'est pas tenable. Nous y répondons par des mesures démographiques, à hauteur de 45 % ou 50 % et, pour le reste, par des dispositions d'une autre nature. Nous ne nous limitons pas à un seul dispositif, n'étant pas des monomaniaques de la démographie.

L'opposition propose une solution fiscale pour 70 % ou 80 %. Quant à nous, nous proposons une réponse démographique pour 45 % ou 50 %.

Est-il injuste de repousser l'âge de la retraite compte tenu de la santé des personnes ? L'espérance de vie en bonne santé est conforme à ce que vous avez indiqué. Les données en la matière proviennent d'Eurostat. La même définition normée s'applique dans tous les pays. Sur une base déclarative, elle qualifie une espérance de vie dans laquelle on ne ressent aucune gêne. Or, qui ne ressent une petite gêne à 60 ans ? Il existe une autre définition, fournie par l'INSEE et fondée médicalement : une espérance de vie sans incapacité, laquelle progresse au rythme de l'espérance de vie globale et se situe un an avant celle-ci. On ne peut donc dire aujourd'hui qu'à 61 ans, ou plus, on est en mauvaise santé, même si l'on est évidemment en moins bonne forme qu'à 25 ans.

Les amendements AS 105 et AS 254 sont rejetés.

Puis, la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 441, AS 442 et AS 443 du rapporteur.

L'amendement AS 4 n'est pas défendu.

Elle en vient à l'amendement AS 16 de Mme Valérie Rosso-Debord.

PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Cet amendement tend à ce que les dispositions de l'article 5 ne soient pas applicables aux assurés qui atteignent l'âge de 60 ans au cours du second semestre de 2011. En effet, le recul de l'âge légal de départ à la retraite pour les assurés nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2011 entraîne pour ceux-ci une modification de leurs anticipations particulièrement dommageable pour ceux qui, chômeurs de longue durée, épuiseront leurs droits à l'assurance chômage au cours de l'année 2011. Ils risquent, si nous ne faisons rien, de se trouver sans ressources pendant quatre mois.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Notre collègue pose une vraie question. Je sais que le Gouvernement travaille sur le sujet. Peut-il nous indiquer les pistes qu'il explore – je pense en particulier au prolongement de l'allocation équivalent retraite.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous allons, en effet, prolonger et adapter le dispositif existant de l'allocation équivalent retraite, ce qui répondra à cette légitime question.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

L'amendement est justifié. La réponse du Gouvernement va dans le bon sens en traitant l'ensemble du problème et non celui posé aux seules personnes nées en 1951. Car, il sera encore plus grave pour celles nées en 1952, qui connaîtront une impasse de huit mois, et ainsi de suite. Le nombre des personnes concernées est difficile à établir, mais il pourrait être important.

Je suis donc heureux de constater que, dans la même réforme, le Gouvernement va utiliser le Fonds de réserve pour les retraites, que nous avions créé, et l'allocation équivalent retraite, que nous avions imaginée : ce sera notre contribution pour réparer les dégâts de votre réforme.

L'amendement AS 16 est retiré.

La Commission est saisie de l'amendement AS 99 de M. Roland Muzeau.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Nous proposons de compléter l'article 5 par un alinéa indiquant que ses dispositions ne sont pas applicables aux agents ayant débuté antérieurement au 31 décembre 2010 une cessation progressive d'activité (CPA) en application de l'ordonnance du 31 mars 1982.

En effet, le projet de loi ne traite pas des agents de la fonction publique en cessation progressive d'activité, qui ont fait ainsi le choix irréversible d'un départ en retraite à 60 ans. Un certain nombre d'entre eux se trouvent donc dans une situation dramatique à laquelle cet amendement se propose de remédier.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Le problème nous a été signalé par certaines organisations syndicales. Je souhaiterais connaître l'analyse qu'en fait le Gouvernement, étant précisé qu'environ 4 000 personnes seraient concernées au niveau national.

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

La cessation progressive d'activité constitue un dispositif de préretraite qui permet de travailler à temps partiel avec une sur-rémunération, et dont les conditions ont été durcies, selon la logique qui nous guide, depuis la loi de 2003. Ce sont 4 000 personnes qui sont effectivement concernées. Nous n'opérons pas de distinction pour le relèvement d'âge selon que l'emploi est à temps plein ou à temps partiel. Sans qu'il soit besoin d'adopter cet amendement, les dispositions nécessaires seront prises pour qu'il n'y ait aucune interruption de rémunération ni d'activité entre la cessation progressive d'activité et la retraite. On décale la limite d'âge, mais la rémunération demeure conforme au dispositif actuel.

PermalienPhoto de Martine Billard

Il faut être précis. À l'heure actuelle, quand un fonctionnaire entre en cessation progressive d'activité, une date limite, et irréversible, lui est opposable. Un fonctionnaire qui, par exemple, perdrait quatre mois, sera-t-il, pour la période correspondante, rémunéré dans le cadre de la cessation progressive d'activité ou dans celui de la retraite ?

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Il s'agira de quatre mois de plus en cessation progressive d'activité.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Dans ces conditions, je retire l'amendement.

L'amendement AS 99 est retiré.

La Commission adopte l'article 5 modifié.

Après l'article 5 :

La Commission examine l'amendement AS 255 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La première borne d'âge, sur le droit à la retraite à 60 ou à 62 ans, a fait l'objet d'un dialogue de sourds. La deuxième borne d'âge concerne le relèvement de 65 à 67 ans du droit à bénéficier d'une retraite à taux plein.

Le Gouvernement a reconnu que, pour un certain nombre de femmes ayant souvent occupé des emplois précaires, connu des carrières morcelées et pâti de salaires inférieurs à ceux des hommes – de 20 % en moyenne, ce qui constitue toujours un problème non résolu –, on se trouvait confronté à une inégalité de traitement. Le passage de 65 à 67 ans donnant droit au taux plein les défavorise une fois de plus. Nous proposons donc de maintenir le seuil de 65 ans, sans décote.

Nous avons eu un débat sur l'état de santé des personnes partant à la retraite. À 67 ans, on est beaucoup moins en forme qu'à 62 ans, surtout lorsqu'on a exercé certains petits boulots tels que celui de caissière. Il suffit aussi d'avoir un compagnon un peu plus âgé, pour que l'espérance de vie paraisse plus courte. On a beau savoir que celle-ci est de quatre-vingt-quatre ans pour les femmes et de quatre vingt deux ans pour les hommes, en réalité, dans de nombreux couples, l'un des deux faiblit vers les 74 ou 75 ans, réduisant ainsi le temps de retraite heureuse.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avis défavorable : le décalage de l'âge donnant droit au taux plein est la conséquence logique du relèvement de l'âge légal. Il est, en outre, très progressif : il ne concernera qu'en 2016 les personnes nées en 1951 et s'achèvera en 2023 avec la génération née en 1956.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Les deux bornes existent depuis 1982, lorsque le droit au départ à la retraite fut abaissé à 60 ans. Elles ne constituent pas un dogme, mais signifient qu'on plafonne à cinq ans la durée de la décote. Le plafond pourrait ne pas exister : dans ce cas la décote perdurerait dès lors qu'on n'a pas le nombre de trimestres de cotisation requis. On maintient donc la règle actuelle, sinon la décote ne servira plus à grand-chose.

Aujourd'hui, environ 18 % d'une classe d'âge part en retraite à 65 ans. Le taux d'activité des seniors ayant atteint 65 ans est très faible, de l'ordre de 16 à 17 %. Mais, parmi les 18 %, la part des femmes est la plus importante – environ 63 % – et 80 % ne sont pas en activité. Enfin, 20 % de cette population a validé au moins un trimestre au cours de l'année précédente.

Nous avons absolument besoin de conserver les deux bornes, car elles sont attachées à la gestion même de notre système de retraite. La durée de cinq ans paraît bien adaptée au nécessaire délai d'annulation de la décote.

On peut toujours décrire des situations individuelles qui paraissent injustes, mais la CNAV confirme les chiffres que j'ai donnés concernant le nombre de personnes partant en retraite à la deuxième borne d'âge. C'est pourquoi nous ne sommes pas favorables à la remise en cause de celle-ci. Enfin, les 67 ans d'aujourd'hui pèsent moins que les 65 ans d'hier.

PermalienPhoto de Patrick Lebreton

Au-delà de ce qui a été dit sur la retraite des femmes, et que j'approuve, je voudrais souligner, en tant que député de la Réunion, que le relèvement de 65 à 67 ans de l'âge donnant droit à une retraite à taux plein, va pénaliser fortement les Français d'outre-mer. La plupart connaissent, en effet, des carrières très morcelées, comportant souvent de longues périodes de RMI et de minima sociaux, dans des territoires où le chômage affecte durablement plus de 25 % de la population active.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Les lois sont souvent écrites par des personnes dont le travail n'est pas trop pénible. Il suffit d'entrer dans nos usines et nos ateliers pour se rendre compte qu'il est difficile d'expliquer aux travailleurs que 60 et 62 ans ne font pas grande différence quand on est en forme et qu'on peut encore occuper son emploi, comme entre 65 et 67 ans même si, selon le ministre, seule une infime minorité part à la retraite si tardivement. Mais, l'observation du terrain donne souvent une impression différente. Deux ans de travail supplémentaires, dans cette tranche d'âge, ne sont pas négligeables.

Nous sommes ici nombreux à approcher de la soixantaine et nous pouvons certainement travailler largement au-delà. Mais, regarder honnêtement la réalité du terrain nous ferait assurément changer d'avis sur la pénibilité du travail.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je rappelle que le nouveau dispositif ne prendra effet qu'en 2023.

L'amendement AS 255 est rejeté.

Article 6 : Relèvement de l'âge d'annulation de la décote

La Commission examine deux amendements, AS 106 de Mme Martine Billard et AS 258 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l'article 6.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

La suppression de cet article est largement motivée, notamment au vu des échanges précédents. Les inégalités existantes vont encore être aggravées par le recul du taux plein à 67 ans, une injustice supplémentaire au détriment des salariés les plus modestes qui vivent déjà souvent avec des moyens insuffisants. Les femmes en seront bien sûr les premières victimes, de même que les ouvriers et les salariés exposées à la pénibilité ou aux risques durant de longues carrières. La situation du monde du travail, qui a déjà souffert d'emplois discontinus et qui ne touche déjà que de faibles pensions, appelle la suppression de cet article. C'est une question de justice sociale !

PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Le double report de deux ans obéit à une fausse logique.

Monsieur le ministre, vous êtes encore un homme jeune et dynamique, et je ne saurais trop vous en féliciter, mais les années ne pèsent pas du même poids au fur et à mesure que l'on avance en âge. Deux années, entre 60 et 62 ans, comptent médicalement, mais elles sont moins pourvoyeuses en troubles que celles entre 65 et 67 ans.

Notre collègue Jean Leonetti s'est lui-même dit choqué par le relèvement à 67 ans. Après 65 ans, de nombreuses personnes s'impliquent dans des activités associatives utiles à notre cohésion sociale : il est important d'en tenir compte.

On l'a déjà dit : les femmes sont le plus souvent concernées, après avoir connu des carrières difficiles et occupé des emplois exigeants par leurs conditions de travail et leurs horaires, en particulier dans les hôpitaux et les usines. La réforme ne serait donc acceptable qu'accompagnée de mesures d'évolution de carrière, que le projet de loi n'aborde nullement.

Nous devons rester attentifs à cette question : les femmes ont, certes, une longue espérance de vie mais, sur certains plans, elles s'usent davantage que les hommes. Plusieurs pays ont déjà pris cet aspect des choses en considération, en assurant aux femmes un âge de départ en retraite plus précoce.

Il convient en tout cas de réexaminer à ce titre le passage du seuil de 65 à 67 ans : c'est l'une des mesures, et pas seulement sur nos bancs, que nous acceptons le moins facilement. Le report mathématique de deux ans n'est pas une bonne formule. Il serait donc souhaitable qu'il figure parmi les dispositions dont le Gouvernement nous avait dit qu'elles seraient encore discutables.

PermalienPhoto de Jean Leonetti

Je voudrais rectifier certains éléments qui viennent d'être évoqués.

Les médecins des hôpitaux partent en retraite à 65 ans. La plupart ont effectué de fréquentes gardes de nuit, ce qui fait aussi partie de la pénibilité, laquelle est généralement très difficile à apprécier.

De nombreuses personnes en inactivité continuent d'exercer une activité, elle-même productive, ou bien cherchent à en exercer une. Il convient donc de ne pas trop opposer l'actif et l'inactif. 62 ans est un âge jeune pour un homme d'aujourd'hui.

Enfin, si l'on considère l'âge des décès par catégories professionnelles, on remarque un paradoxe : les professions féminines réputées les plus pénibles, comme celles d'infirmières et d'aides-soignantes, n'empêchent pas les femmes qui les ont exercées de mourir cinq ou six ans après les hommes. Faudrait-il donc les faire partir plus tard en retraite ?

Ainsi, de nombreux paramètre interviennent et doivent nous inciter à éviter des interprétations trop simples à partir d'un seul élément comme celui de la mortalité.

PermalienPhoto de François Bayrou

La mesure probablement la plus injuste de cette réforme est celle dont on parle le moins. Elle ne figure pas dans le débat public, qui porte sur la l'allongement de deux ans, entre 60 et 62 ans, de la durée de vie active, mesure acceptable et même inévitable.

Je regarde, en revanche, comme inacceptable le fait de considérer qu'il existerait un lien mécanique entre ce glissement et celui de 65 à 67 ans. Je ne sais pas qui a introduit cette idée, autrement que par habileté de communication, selon laquelle l'un entraînerait l'autre. Aucun autre pays n'a établi un tel lien. Dans ceux où l'âge de la retraite a été fixé à 65 ans, il n'existe pas de durée de cotisation. Le décalage de cinq ans fut créé en même temps qu'abaissé à 60 ans l'âge légal de la retraite. Auparavant, un seul âge comptait : 65 ans.

Je considère donc comme infondé le lien qu'on établit ainsi et que l'on prétend automatique, alors qu'il ne l'est nullement. Comme cela a déjà été dit au sein de cette commission, entre 65 et 67 ans les années ne pèsent pas du même poids que les années entre 60 et 62 ans.

D'autre part, il ne s'agit pas des mêmes publics. Les uns bénéficient de retraites complètes, souvent sans accidents, car ayant travaillé dans des entreprises qui les mettent à l'abri. Les autres ont des retraites très incomplètes. La prise de retraite à 65 ans concerne d'ailleurs, la plupart du temps, des personnes qui ne sont pas au travail. Ne s'opèrent ainsi que des « transferts de caisse ». Je trouve terriblement choquant d'estimer que ces publics-là, qui ne disposent pas d'organisations collectives pour prendre leur parole en charge, doivent constituer une variable d'ajustement !

Cette question devrait faire partie du débat public.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Nous avons longuement parlé du sujet à l'occasion de l'examen d'amendements précédents. Avis défavorable.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

On peut partir avant 65 ou 67 ans avec une décote. C'est un droit. Dans les autres pays, la retraite à taux plein intervient à 65 ans, et il existe parfois des âges pivots. En France, on pourra bénéficier du taux plein à 67 ans en 2018. Les différents systèmes sont difficilement comparables. En France, l'âge limite représentera une sorte de « solde de tous comptes », avec l'annulation de tout système de décote.

En ce qui concerne les carrières plus heurtées, je rappelle que nous avons, par exemple, maintenu le droit au minimum vieillesse à l'âge de 65 ans, même s'il est vrai qu'il ne suffit bien évidemment pas pour vivre correctement, bien qu'il augmentera de 25 % en cinq ans.

Dans ces conditions, pourquoi considérer comme injuste une annulation de la décote cinq ans après l'âge légal de départ à la retraite à taux plein ?

PermalienPhoto de Dominique Dord

De surcroît, si l'âge de 67 ans est injuste, celui de 65 l'est tout autant, dès lors qu'existe le principe d'une borne d'âge supérieure.

PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Contrairement à ce que j'entends dire, ce principe ne va pas de soi en Europe : si l'Allemagne l'a acté, il ne sera pas effectif avant longtemps, les dirigeants de ce pays ayant souhaité mettre en place un système de décote plus fort avant 65 ans.

En outre, parce que cette question ne peut être abordée sans une approche concrète des différentes conditions de travail, un tel dispositif pèche par son incohérence – en particulier pour les travailleuses – et les injustices qu'il ne manquera pas de créer.

François Bayrou et Marisol Touraine l'ont dit : la majorité aurait tout intérêt – et elle y sera sans doute contrainte – à réviser son point de vue avant l'examen du texte en séance publique, nombre d'organisations syndicales étant hostiles à un tel relèvement.

PermalienPhoto de François Bayrou

Selon la CNAV, le montant moyen de la pension mensuelle du régime de base des hommes qui partent en retraite au bénéfice de l'âge – à 65 ans, donc – est, avec 115 trimestres contre 96 pour les femmes, de 388 euros. L'équilibre du régime général est-il véritablement en péril ?

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Outre que la retraite, je le rappelle tout de même, est liée… au travail accompli, il convient d'inclure en l'occurrence les chiffres des retraites complémentaires et de souligner que nombre de retraités sont polypensionnés.

PermalienPhoto de François Bayrou

Certes, mais c'est bien du régime général qu'il est principalement question avec ce texte.

La Commission rejette les amendements AS 106 et AS 258.

Elle adopte ensuite l'amendement AS 421 du rapporteur, corrigeant une erreur de référence.

L'amendement AS 24 n'est pas défendu.

Elle est saisie de l'amendement AS 495, deuxième rectification, de la Commission des finances.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Cet amendement vise à maintenir la deuxième borne d'âge à 65 ans pour les femmes ayant eu deux enfants ou plus.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avis défavorable, car cet amendement remettrait en cause la logique du projet, laquelle tend à repousser l'ensemble des bornes d'âge de deux ans.

Par ailleurs, une telle disposition irait à l'encontre d'un mouvement général d'alignement des règles applicables aux hommes et aux femmes : tous les pays européens qui avaient établi des conditions d'âge différentielles selon les sexes les ont supprimées.

Enfin, cet amendement se heurte à des obstacles constitutionnels non négligeables, la rupture d'égalité étant manifeste non seulement entre hommes et femmes, mais entre les femmes elles-mêmes selon le nombre d'enfants qu'elles ont eus.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

L'objectif est louable, mais pourquoi instituer ce décalage alors que les femmes nées dans les années 1970 n'ont cotisé en moyenne qu'un trimestre de moins que les hommes, hors majoration de durée d'assurance – laquelle, étant de deux ans par enfant, entraînera, pour les femmes concernées, en moyenne un départ avec une quinzaine de trimestres supplémentaires en moyenne par rapport aux hommes ?

De plus, les conditions de travail de ces femmes ne sont en rien comparables à celles qui avaient cours voilà encore vingt ou trente ans.

Enfin, la Grèce, l'Italie et la Grande-Bretagne – qui avaient instauré les conditions d'âge différentielles auxquelles le Rapporteur a fait allusion – les ont en effet supprimées sous la pression de la Commission européenne, la rupture d'égalité étant patente.

Avis défavorable.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

En Commission des finances, cet amendement a suscité dans nos rangs des réactions variées, certains d'entre nous l'ayant même voté.

À titre personnel, je suis un peu gênée par le passage de l'exposé des motifs, selon lequel le cumul entre la vie professionnelle et la vie familiale des mères « peut être considéré comme un facteur de pénibilité » alors qu'il s'agit d'un enjeu majeur auquel nous devons répondre : il importe, surtout, de ne pas confondre pénibilité et égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

PermalienPhoto de Martine Billard

Soit mais, plus globalement, comme nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter dans le cadre de la réforme de la majoration de la durée d'assurance – notamment au sein de la Délégation aux droits des femmes – il est tout à fait possible, juridiquement, de mettre en place des mesures positives pour lutter contre des discriminations avérées en la matière. Ainsi, s'il est toujours loisible de répéter, sur un mode incantatoire, que la retraite n'a pas pour but de compenser les inégalités professionnelles entre hommes et femmes, les inégalités face à cette dernière n'en sont pas moins évidentes, par exemple quant au nombre de trimestres acquis. Nous nous devons donc de jouer sur les deux tableaux, en particulier en introduisant des mesures appropriées pour les femmes qui ont élevé des enfants seules et dont la carrière a été très heurtée, à moins de nous complaire dans une expectative délétère. Heureusement qu'on s'est battues pour nos droits, nous, les femmes, dans les années 1970 !

Même si cet amendement est loin d'être satisfaisant, son apport n'est donc pas négligeable.

PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Parce que l'équité ne se divise surtout pas entre hommes et femmes, je rappelle cette évidence que la retraite arrive au terme d'une vie professionnelle – si inéquitable soit-elle entre ceux-ci et celles-là comme l'a justement dit Marisol Touraine.

En outre, Michèle Delaunay, les pays européens qui avaient instauré des conditions d'âge différentielles font marche arrière, la Commission européenne les jugeant discriminatoires.

Pour ces deux raisons, je considère donc que cet amendement ne peut être adopté.

PermalienPhoto de Jacques Myard

Si nous avons une situation démographique plus enviable que celle de nos voisins, c'est parce que le taux de renouvellement des générations est chez nous plus important. En ce qui me concerne, j'ai toujours pensé qu'il fallait faire des enfants sur une grande échelle, et je considère que cet amendement est pertinent, y compris au regard du principe d'égalité entre les sexes et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Je regrette que Chantal Brunel ne soit pas parmi nous pour défendre un amendement qu'elle a elle-même déposé. Non seulement, celui-ci a été adopté à une très courte majorité en Commission des finances, mais il a suscité des discussions nourries hors de tout esprit partisan. À titre personnel, j'y étais opposé. Outre, comme l'a dit M. le ministre, que la situation des femmes retraitées s'est améliorée en raison de l'accroissement de leur durée de cotisation, M. le rapporteur Jacquat et moi-même avons tenu, à travers un amendement commun à l'article 31, à privilégier une démarche préventive visant à favoriser l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.

La Commission rejette l'amendement AS 495, deuxième rectification.

Elle adopte ensuite l'article 6 ainsi modifié.

Après l'article 6

La Commission examine l'amendement 259 rectifié de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Cet amendement vise à maintenir l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans pour les pensionnés ayant un taux d'incapacité de travail de 50 %.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite a pour conséquence logique de prolonger la période pendant laquelle la personne reconnue inapte pourra toucher une pension d'inaptitude. Maintenir un âge différent serait une source de complexité et réduirait la lisibilité de notre système social.

Je suis défavorable à l'amendement en l'état. Une réflexion sur le sujet serait cependant très utile.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Parce que le décalage, en l'occurrence, sera suivi d'une retraite à taux plein sans aucune décote, il me semble préférable que cet amendement soit rejeté, même si une réflexion est, en effet, souhaitable.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je rappelle que la population concernée est particulièrement fragile, comme vous le reconnaissez vous-même en lui accordant un départ à la retraite sans décote aucune. Que cette dérogation soit donc complétée par le maintien d'un départ légal à la retraite à l'âge de 60 ans !

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Outre que les retraites ne sont pas l'occasion de résoudre tous les problèmes qui se posent, je rappelle que les personnes dont nous évoquons la situation bénéficient, par exemple, d'une pension d'invalidité, et qu'il ne convient pas, selon moi, de les confondre à celles qui sont concernées par les critères de la pénibilité à travers la détermination d'un pourcentage d'incapacité.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Cette démonstration me semble sujette à caution, dès lors que ces personnes ne peuvent absolument pas travailler et sont prises en charge par une pension d'invalidité, une rente d'accident du travail, l'assurance chômage, les minima sociaux ou le revenu de solidarité active. Parce que ce projet est injuste à leur égard et qu'il opère en fait un véritable transfert en faisant payer plus longtemps leur pension par les départements ou la sécurité sociale, il importe de les exclure de la réforme.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Je le rappelle : autant je suis défavorable à cet amendement pour des raisons techniques, autant je suis favorable à ce qu'il soit retravaillé, les arguments qui viennent d'être échangés me semblant tout à fait pertinents.

PermalienPhoto de Francis Vercamer

En effet ! De surcroît, il est ici davantage question de transferts financiers que de problèmes sociaux, dès lors que les personnes concernées ne peuvent pas travailler.

En l'occurrence, le Nouveau Centre s'abstiendra, en espérant que la Gouvernement apportera en séance publique une réponse satisfaisante.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

N'oubliez pas que, la pension d'invalidité étant parfois plus élevée que celle de la retraite, nombre de personnes n'ont pas envie de passer de la première à la seconde.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Très juste !

La Commission rejette l'amendement AS 259 rectifié.

Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 256 rectifié de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Cet amendement vise à ce que soient maintenus à 65 ans l'âge d'ouverture du droit au minimum vieillesse et à 60 ans l'âge d'ouverture de ce droit, en cas d'inaptitude au travail.

Si le Gouvernement et la majorité ont donné des assurances quant au premier point, nous ignorons toujours sur quel texte ils se fondent.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Le minimum vieillesse est aujourd'hui ouvert à partir de 65 ans – âge fixé sur le plan réglementaire – et le Gouvernement a toujours indiqué ne pas vouloir faire évoluer cette disposition. La majorité, quant à elle, le soutient. Seul changement : la liquidation de la retraite avec une décote, laquelle sera donc intégralement compensée par le minimum vieillesse, dont vous savez fort bien qu'il s'agit d'une allocation différentielle. Les revenus des personnes concernées ne diminueront donc pas.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cette mesure réglementaire, madame Touraine, figure dans le code de la sécurité sociale.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Pourquoi le minimum vieillesse relève-t-il du domaine réglementaire ? Il me semble qu'afin de le consacrer durablement, son basculement dans le domaine législatif serait de bonne politique. Par ailleurs, je connais certes l'article 37 de la Constitution, mais celui-ci ne doit pas être un prétexte pour limiter exagérément la part de la loi.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Dans ce cas-là, voteriez-vous l'augmentation du minimum vieillesse ?

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Oui, si elle était significative. En l'occurrence, nous avons considéré que ses conditions d'attribution étaient insatisfaisantes.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je vous propose d'en référer au Conseil d'État même si, en ce qui me concerne, je ne suis pas favorable à une extension indéfinie du domaine de la loi.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je retire l'amendement AS 256 rectifié.

L'amendement AS 256 rectifié est retiré.

La Commission en vient à l'amendement AS 257 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Michel Liebgott

Je tiens tout d'abord à dénoncer l'absurdité de la liaison mécanique entre les deux bornes d'âge, laquelle pourrait entraîner demain un départ à la retraite sans décote à 70 ou 72 ans.

Il importe que le COR puisse vérifier les conséquences sociales, économiques et financières du relèvement des deux bornes d'âge et des transferts des dépenses sur les budgets sociaux des collectivités territoriales et, notamment, des départements. Nous proposons que le COR remette, avant le 31 mars 2011, aux commissions compétentes du Parlement un rapport à ce sujet.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Comment le COR pourrait-il se livrer à des hypothèses autres que hasardeuses sur ce que sera le comportement des assurés à échéance aussi brève ? Il en ira toutefois différemment dans le cadre des rapports qu'il rédigera plus tard, avant le rendez-vous de 2018. Avis défavorable, donc.

PermalienPhoto de Régis Juanico

Encore un effort, monsieur Bayrou, pour être encore plus cohérent que vous ne l'êtes ! L'indissociabilité mécanique du relèvement des deux bornes d'âge étant justifiée par le rendement financier du plan gouvernemental – comme M. Woerth en a lui-même attesté hier soir –, rejoignez-nous pour condamner également le relèvement de la première borne !

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Le rapport fera-t-il état du nombre de salariés qui seront sans emplois, qui dépendront du revenu de solidarité active ou d'une pension d'invalidité ? Outre que les conséquences seront importantes pour les collectivités, il n'y a aucun intérêt à déshabiller Pierre pour habiller Paul ! Je regrette que ces éléments ne figurent pas dans l'étude d'impact. Une simple estimation aurait intéressé les parlementaires que nous sommes.

La Commission rejette l'amendement AS 257.

PermalienPhoto de François Bayrou

Monsieur Juanico, c'est précisément le caractère mécanique du double relèvement que je conteste ! La plupart de ceux qui font valoir leur droit à une retraite sans décote à l'âge de 65 ans ne travaillent pas.

Article 7 : Coordination pour les non-salariés agricoles

La Commission est saisie de deux amendements AS 107 de M. Roland Muzeau et AS 406 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l'article 7.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Compte tenu des niveaux particulièrement faibles des salaires et pensions de retraites des travailleurs des secteurs de la pêche et de l'agriculture mais, également, de la pénibilité de leurs conditions de travail, nous nous opposons, les concernant, au relèvement des deux bornes d'âge et proposons, par notre amendement AS 107, de supprimer l'article 7.

PermalienPhoto de Pascal Terrasse

L'amendement AS 406 a le même objectif : outre que la majorité semble s'intéresser particulièrement au monde rural depuis les dernières élections régionales, je gage qu'elle aura d'autant plus à coeur d'adopter notre proposition qu'elle connaît la pénibilité des travaux agricoles.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

L'article 7 étant de coordination pure et le débat ayant déjà eu lieu, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur les deux amendements.

PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Afin d'éviter la création de nouveaux régimes spéciaux, ne pourrait-on préciser que les non-salariés agricoles peuvent bénéficier de la prise en compte de la pénibilité, telle qu'elle est définie pour les assurés du régime général ?

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Un amendement, passé sous le couperet de l'article 40 de la Constitution, disposait que la définition de la pénibilité telle que définie dans la loi devait être adaptée au régime des salariés et exploitants agricoles. Le Gouvernement y était favorable et veillera, en séance publique, à ce que ce point soit établi.

PermalienPhoto de Catherine Génisson

Les propositions de nos collègues sont si pertinentes qu'il conviendrait de les appliquer également aux pêcheurs, lesquels exercent un métier particulièrement pénible. C'est également le cas des femmes qui travaillent dans les usines de transformation des produits de la pêche.

Non seulement ces amendements doivent être votés, mais il convient de se pencher sur la question de la pénibilité de ces professions.

La Commission rejette les deux amendements AS 107 et AS 406.

Elle examine ensuite l'amendement AS 422 du rapporteur.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Cet amendement tend à corriger une erreur de référence.

J'ajoute que l'intervention de Catherine Génisson m'a fait penser que la première caisse de retraite créée voilà deux cent cinquante ans était pour les marins.

La Commission adopte l'amendement AS 422.

Puis, elle adopte l'article 7ainsi modifié.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Nous allons maintenant aborder une série d'articles consacrés à la mise en oeuvre de la réforme dans la fonction publique, laquelle prévoit de relever de deux ans les trois paramètres suivants : l'âge d'ouverture des droits, la limite d'âge, ainsi que la durée minimale de service, et ce pour les catégories sédentaires et actives, les militaires ainsi que d'autres personnels relevant de statuts particuliers.

L'opposition, en cohérence avec son refus des mesures de relèvement de l'âge, a déposé des amendements visant à supprimer les articles 8 à 20. Je m'opposerai systématiquement à ces suppressions.

Article 8 : Relèvement de l'âge d'ouverture du droit à pension pour les catégories actives

La Commission examine les amendements AS 108 de Mme Martine Billard et AS 262 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l'article 8.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Certains fonctionnaires des catégories actives des trois fonctions publiques, ainsi que des salariés relevant de régimes spéciaux, bénéficient du droit de liquider leurs retraites avant 60 ans pour pallier la pénibilité de leur activité. Certes, les conditions de travail ayant changé au fil des ans, la liste des métiers pénibles de la fonction publique pourrait être toilettée. Toutefois un tel toilettage, qui doit reposer sur un examen de ces activités à toutes les étapes, relève de la négociation avec les syndicats. Nous contestons donc la suppression pure et simple des dispositifs existants, d'autant que les agents de la fonction publique ont signé un contrat au moment de leur engagement. Or, avec l'article 8, l'État remet en cause sa parole avec une grande légèreté.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Certains métiers sont reconnus comme étant non seulement pénibles mais également dangereux : je pense à celui qu'exercent les militaires. Je vous laisse expliquer à ceux qui sont aujourd'hui présents sur des théâtres d'opérations extérieures qu'ils n'exercent pas un métier dangereux !

PermalienPhoto de Jacques Domergue

Madame Fraysse, loin de nous l'idée de nous moquer de votre découverte de l'évolution des conditions de travail au fil des ans : la gauche fait à nos yeux une avancée importante en percevant les changements de la société.

Cependant, à l'heure où nous nous apprêtons à retarder l'âge de départ à la retraite, il est difficile de faire accepter à nos compatriotes que certains salariés, notamment de la fonction publique, pourront continuer de partir de manière anticipée, dès 52 ans au lieu de 50. C'est pourquoi, nous sommes nombreux à avoir déposé un amendement visant à ce que les droits à la retraite ne puissent être ouverts avant 55 ans. Malheureusement, cet amendement a été refusé par la Commission des finances au titre de l'article 40, sous prétexte qu'un fonctionnaire coûte. Nous considérons, au contraire, qu'à partir du moment où il travaille, il rapporte, au même titre qu'un salarié du privé.

Monsieur le président, ne pourrait-on pas trouver un moyen de contourner ce blocage, afin de faire valoir notre argument, qui est entendu par tous les Français ? Le fait qu'une telle disposition ne soit pas reprise dans la réforme apparaîtra comme un facteur d'injustice et une source de mécontentement pour la majeure partie de la population qui devra partir à la retraite plus tard.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Vous avez posé deux problèmes : celui de l'application de l'article 40 – nous n'y pouvons rien – et un problème de fond, à propos duquel je partage l'essentiel de vos observations – je m'exprime à titre personnel. Sur le terrain, les salariés du secteur privé ont, dans leur grande majorité, un sentiment d'injustice. Nous ne devons pas l'oublier. Aussi, le relèvement pour tous de l'âge de départ à la retraite est-il le moins qu'on puisse demander.

N'oublions pas que le système français est un des plus favorables du monde, sinon le plus favorable.

PermalienPhoto de Dominique Tian

Jacqueline Fraysse, avec un rare courage, a reconnu qu'il est certainement exagéré de prétendre que les fonctionnaires confrontés à des métiers pénibles ou dangereux sont au nombre d'un million, chiffre que nous avons dénoncé hier. Au fil des siècles – certains textes datent de 1825 –, les conditions de travail ont effectivement changé.

En revanche, je ne suis pas favorable à la solution qu'elle préconise, qui souhaite que les syndicats continuent de négocier les règles de pénibilité des fonctionnaires. Nous pouvons, dès lors, être certains que ce chiffre d'un million ne sera pas revu à la baisse ! Ce n'est pas aux fonctionnaires de fixer eux-mêmes les règles de pénibilité de leurs fonctions.

Comme l'a noté Jacques Domergue, un vrai problème de fond est posé. Nous sommes beaucoup à regretter l'application, très restrictive, de l'article 40 contre l'amendement qu'il a évoqué, car elle nous prive d'un très beau débat. Les Français sont demandeurs d'équité. Ce n'est pas parce que nous affirmons que personne ne saurait se satisfaire d'une situation profondément inéquitable que nous n'aimons pas les fonctionnaires.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Chaque profession posant un problème distinct, il est difficile de procéder de manière générale, sauf en termes d'attractivité : les conditions de rémunération et de vie professionnelle liées à ces métiers font partie du choix effectué à l'origine par l'agent. Il est donc difficile de les modifier en cours de route. Je pense notamment aux agents des établissements pénitentiaires : la retraite à 50 ans fait partie de l'attractivité de leur métier.

Par ailleurs, monsieur le ministre, en raison de la suppression du service national et de la professionnalisation de l'armée, les effectifs ont été réduits : or, nous avons besoin d'une armée opérationnelle. L'âge des effectifs est donc, en soi, une question majeure, car il conditionne l'efficacité de cet outil de l'État qu'est l'armée. Les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans n'ont cessé de vanter le rajeunissement des cadres et le raccourcissement des carrières, dans le cadre de mesures d'accompagnement et de reconversion. Passer de quinze à dix-sept ans pour obtenir l'ouverture des droits à pension est donc une mesure lourde de conséquences sur le caractère opérationnel des armées. Qu'en pense le ministre de la défense ?

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avis défavorable à ces amendements qui vont à l'encontre de notre volonté de convergence.

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Dans la mesure où le projet du Gouvernement est de relever de deux ans tous les âges légaux de départ à la retraite, il est logique d'appliquer cette disposition aux métiers pénibles de la fonction publique, même si une telle application peut se relever difficile pour les sapeurs-pompiers ou les militaires, notamment les gendarmes.

Je tiens à rappeler que le Nouveau Centre, en vue de garantir l'équité entre les régimes de retraite, est depuis longtemps favorable à l'instauration d'un régime unique universel à points avec mise en extinction des régimes spéciaux. Les nouveaux entrants appartiendraient à ce régime unique. Dans l'intervalle, nous sommes également favorables à la création d'une Caisse pour les fonctionnaires, proposition qui a été refusée au titre de l'article 40, ce qui est regrettable. Si un service a été mis en place à Bercy pour gérer les fonctionnaires, il n'en reste pas moins que la gestion paritaire par l'État et les syndicats de fonctionnaires d'une telle caisse permettrait de franchir un pas supplémentaire vers le régime unique universel.

PermalienPhoto de Guy Lefrand

Je m'interroge à mon tour sur l'application – que l'on pourrait qualifier de tendancieuse – de l'article 40, laquelle nous interdit de débattre de sujets très importants.

Concernant les amendements identiques, je rapporterai simplement les propos qu'un ouvrier spécialisé, depuis peu à la retraite, m'a tenus récemment : il ne voyait pas comment nous pouvions demander à ses collègues qui travaillent à la chaîne de partir à la retraite à 62 ans, alors que d'autres salariés continueront de partir à 52 ans. C'est une question d'équité.

La majorité assume la réforme actuelle, qui est à la fois juste et justifiée. Toutefois, il convient de revenir sur la différence entre les régimes spéciaux, notamment des fonctionnaires, et le régime général, dont les salariés exercent, dans le privé, des métiers également pénibles.

PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Je rejoins les propos de mes collègues sur leur analyse du recours à l'article 40. Je souhaite que nous puissions revenir sur cette question dans l'hémicycle.

En effet, l'article 8 du projet de loi pose un problème, qui a déjà été évoqué à propos de l'article 5 : celui de la convergence, qui suppose un véritable débat de fond. Celui-ci sera difficile, personne ne l'ignore. Toutefois, les électeurs, qui sont aussi des contribuables, n'évoquent, sur le terrain, que la question de la convergence entre le public et le privé et celle du rattrapage des régimes spéciaux. Aux yeux de nos compatriotes, les dispositifs qui étaient justifiés à l'époque de la machine à vapeur ne le sont plus aujourd'hui. Je le répète : nous ne ferons pas l'économie de ce débat.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Monsieur Vidalies, lorsque j'étais ministre de la justice, les surveillants de l'administration pénitentiaire partaient à la retraite à 55 ans. Ils sont venus me demander la retraite à 50 ans : je leur ai répondu que jamais je ne la leur accorderai, tant que je verrai le maçon sur son mur ou le couvreur sur son toit à 60 ans. J'ai été insulté durant deux mois toutes les semaines sous les fenêtres du ministère. Quelques semaines plus tard, mon successeur leur a accordé la retraite à 50 ans : il m'a avoué l'avoir fait pour obtenir la paix.

Je pense qu'on a trop souvent cédé pour obtenir la paix de corporatismes qui se situaient dans un rapport de force. Les événements récents mêlant les aiguilleurs du ciel ou, à Nice, les pompiers professionnels, qui refusent de partir à 52 ans, sont inadmissibles. Les hommes politiques qui défendent de telles revendications ne favorisent ni l'équité ni la justice.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le président, si vous voulez défendre l'équité au profit des couvreurs, pourquoi ne pas proposer d'abaisser leur âge de départ à la retraite ?

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Madame Fraysse, si vous acceptez de remonter parallèlement l'âge de ceux qui partent très tôt à la retraite, alors, une négociation deviendra possible.

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Mes propos vaudront, comme ceux du rapporteur, pour les articles qui suivront.

Nous sommes dans une logique d'équité : aussi, tous les âges de départ à la retraite doivent-ils évoluer de manière équivalente. C'est pourquoi, il n'était pas question pour le Gouvernement de prévoir des dispositifs écartant de ce mouvement collectif telle ou telle catégorie de Français. C'est une réforme de société : toutes les catégories de la population doivent y prendre une part active.

Cela étant, il n'y a aujourd'hui aucune fossilisation de la catégorie active de la fonction publique. Je tiens du reste à vous rappeler, madame Fraysse, qu'il n'y pas de lien contractuel entre l'administration et ses agents : ces derniers sont soumis à un statut. Les catégories actives de la fonction publique évoluent, d'année en année, de manière très importante : elles partent désormais à la retraite au-delà de 56 ans et le mouvement s'amplifie. Quant aux infirmiers, l'évolution de leur statut bouleverse la façon dont ils perçoivent leur propre évolution de carrière. Le Gouvernement a procédé de la meilleure façon possible, en offrant aux agents concernés un droit d'option. Ce sont eux qui détermineront s'ils veulent rester en catégorie active ou passer en catégorie sédentaire dans le cadre d'une revalorisation de carrière importante. D'autres évolutions sont à attendre.

En ce qui concerne la question de la pénibilité, je tiens à rappeler que les catégories actives de la fonction publique sont une construction particulière de l'histoire, du fait qu'une grande partie des métiers de la fonction publique n'est pas transposable dans le secteur privé – je pense notamment aux agents de la police ou de la justice, qui n'ont pas d'équivalent dans le privé. Le déroulement de leur carrière, et donc leur départ anticipé à la retraite, est fondé sur des textes vieux de deux siècles pour les plus anciens. La logique actuelle des catégories actives de la fonction publique les adosse à un système qui, pour l'instant, ne saurait être rapproché d'un autre dispositif qui n'est pas lui-même arrivé à maturité. Toutefois, l'instauration de dispositifs de convergence en matière de pénibilité est envisageable à terme. Tel n'est pas actuellement le cas.

Monsieur Vidalies, on ne saurait considérer que l'attractivité de la fonction publique est aussi liée que vous le dîtes au départ anticipé à la retraite. Ce n'est ni ce que j'observe, ni ce que j'entends de la part des organisations syndicales. Le désir d'avoir une carrière épanouissante est un facteur d'attractivité sans doute plus puissant. Du reste, si tel était le cas, une augmentation égale pour toutes les catégories de l'âge du départ à la retraite annulerait votre argument.

En ce qui concerne l'application du dispositif aux militaires, le ministre de la défense l'a jugée normale à plusieurs reprises, d'autant que la mesure ne concernera qu'un tiers d'entre eux, les deux autres tiers restant en moyenne six ans seulement dans l'armée. La réforme s'appliquera aux militaires de carrière, dont les gendarmes constituent la moitié des effectifs. Ils ont un profil de carrière proche de celui des catégories actives : aussi avons-nous considéré qu'il n'y avait pas de raison objective pour les écarter du dispositif.

Monsieur Préel, je n'ai pas à juger de l'application de l'article 40. En ce qui concerne la Caisse de retraite des fonctionnaires que vous avez évoquée, le compte d'affectation spéciale permet déjà de renseigner tous les éléments qu'il convient de connaître dans le cadre d'une caisse de retraite, qu'il s'agisse du taux de cotisation des agents ou de l'employeur, des masses financières ou de l'appréciation du montant total des engagements de l'État à l'égard des retraités, qui sont supérieurs à 1 000 milliards d'euros, comme vous le savez. La valeur ajoutée de votre proposition en termes de transparence ne me paraît donc pas évidente.

La réforme doit s'appliquer de manière homogène à toutes les catégories, y compris aux catégories actives de la fonction publique. Elle n'est en aucun cas attentatoire à l'évolution actuelle de ces catégories, qui est appelée à se poursuivre.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable aux amendements de suppression.

La Commission rejette les amendements AS 108 et AS 262.

Puis, elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 444 et AS 445 du rapporteur.

Elle examine ensuite l'amendement AS 109 de M. Roland Muzeau.

PermalienPhoto de Martine Billard

Il est à la fois vrai, monsieur le secrétaire d'État, que la retraite de certaines catégories de fonctionnaires est une construction historique et que des différences existent pour certains métiers entre le secteur public et le secteur privé – je pense notamment aux conducteurs des autobus, selon qu'ils relèvent de la RATP ou de Veolia. Le problème, c'est que vous ne réalisez la convergence que par le bas : vous n'unifiez les secteurs qu'en recourant au moins-disant. C'est un point de désaccord entre nous.

L'alinéa 2 de l'article 8 concerne les fonctionnaires qui partent à la retraite à 50 ans, notamment certains fonctionnaires de police, les surveillants de prison et les égoutiers. Pour leur part, les surveillants de prison exercent une activité pénible du fait qu'ils vivent, comme les détenus, à l'intérieur d'une prison – certes, eux volontairement – et qu'ils sont de plus en plus souvent confrontés, sans avoir été formés pour cela, à des prisonniers relevant de la psychiatrie. Quant aux égoutiers, convient-il de rappeler les risques sanitaires liés à leur activité ?

Il n'est donc pas toujours inéquitable que des salariés de la fonction publique bénéficient de conditions de départ à la retraite différentes des autres salariés : les services qu'ils rendent à la collectivité le justifient.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Madame Billard, puis-je considérer que vous avez également défendu les amendements AS 110 à AS 113 ?

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Le Gouvernement y est également défavorable.

Madame Billard, contrairement à ce que vous avez affirmé, toutes les mesures proposées tendent à revaloriser les statuts, qu'il s'agisse des mesures catégorielles lancées par M. Christian Jacob et M. Éric Woerth et qui concernent les trois catégories de fonctionnaires – A, B et C –, ou de celles relatives aux retraites, lorsqu'il sera donné à l'agent de choisir entre la catégorie B et la catégorie A. Le passage de la catégorie active à la catégorie sédentaire pour les infirmiers, au titre de l'article 37 de la loi sur la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, se fera avec un droit d'option dans le cadre d'une véritable revalorisation.

PermalienPhoto de Régis Juanico

Je tiens à rappeler la spécificité, voire la dangerosité, plus encore que la pénibilité, du métier des armes, dans lequel existe un équilibre entre les contraintes professionnelles – mobilité géographique, disponibilité permanente, risque du sacrifice ultime – et les compensations – soldes plus élevées que les rémunérations de la fonction publique, congés plus importants et départ anticipé à la retraite. Il est vrai que la moyenne d'âge des militaires est de trente-trois ans et que l'ancienneté tourne autour de sept ans. Les deux tiers des militaires ne seront donc pas concernés par la réforme : ils entament du reste souvent une deuxième carrière dans le civil. Il n'en reste pas moins que la réforme touchera quelque 100 000 militaires. Il faut leur permettre de continuer de bénéficier du départ anticipé à la retraite, sous peine de voir le métier perdre en attractivité. Je vous rappelle que l'armée recrute, chaque année, entre 20 000 et 25 000 personnels pour compenser les départs à la retraite.

La Commission rejette successivement les amendements AS 109, AS 110, AS 111, AS 112 et AS 113.

Puis, elle adopte l'article 8 ainsi modifié.

Article 9 : Coordination pour le relèvement de l'âge d'ouverture des droits des fonctionnaires

La Commission est saisie des amendements AS 114 de Mme Martine Billard et AS 263 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 9.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il s'agissait d'établir une cohérence avec notre amendement – qui malheureusement a été rejeté – de suppression de l'article 8.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements AS 114 et AS 263.

Puis, après avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS 115 de M. Roland Muzeau, AS 116 de Mme Martine Billard et AS 117 de M. Roland Muzeau.

Elle examine alors l'amendement AS 481 de la Commission des lois.

PermalienPhoto de Émile Blessig

Cet amendement de précision rappelle que le texte ne remet pas en cause les conditions de départ anticipé à la retraite des fonctionnaires handicapés ; l'abaissement de l'âge d'ouverture du droit à la retraite continue bien à être fixé en référence à l'âge de 60 ans et non de 62 ans.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Même avis.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Si je comprends que le relèvement de l'âge minimal de départ à la retraite des fonctionnaires ne sera pas appliqué aux fonctionnaires handicapés, la Commission des lois maintient la condition d'un taux d'incapacité de 80 %, alors que les associations, notamment l'Association des paralysés de France, attendent un abaissement à 50 % de ce seuil.

Le renvoi de la fixation de la durée minimale de cotisation à un décret signifie-t-il que les conditions actuelles pourront être durcies ? L'ensemble des associations de handicapés continue à souhaiter la suppression de la durée minimale de cotisation.

PermalienPhoto de Émile Blessig

Nous avons juste voulu apporter une précision. Le projet de loi n'a pas pour objet la situation des travailleurs handicapés. À ma connaissance, elle fera l'objet d'un projet de loi spécifique.

La Commission adopte l'amendement AS 481.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ensuite successivement les amendements AS 118 de Mme Martine Billard, AS 119 de M. Roland Muzeau, AS 120 de Mme Martine Billard et AS 121 de M. Roland Muzeau.

Puis, elle adopte l'article 9 ainsi modifié.

Après l'article 9

La Commission est saisie de l'amendement AS 480 rectifié du Gouvernement.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La loi Fillon du 21 août 2003 a permis le rachat de trimestres. Les nouvelles dispositions pouvant rendre certains de ces rachats inutiles, le Gouvernement souhaite que, dans ce cas, les intéressés puissent être remboursés.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Cet excellent amendement répond à une difficulté apparue ces dernières semaines et sur laquelle nous avons été alertés.

Le Gouvernement pourrait-il néanmoins préciser les modalités fiscales du remboursement ? Celles des rachats étaient avantageuses.

Enfin, cet article additionnel aurait plutôt sa place après l'article 32.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Quelle est la justification de la date du 13 juillet 2010 ?

PermalienPhoto de Denis Jacquat

C'est la date de dépôt du projet de loi. C'est une pratique traditionnelle.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Comment seront traitées les demandes de rachat dont le plan de versement a été échelonné jusqu'au-delà du 13 juillet ? La mesure vaut-elle pour la totalité de l'engagement pris ?

PermalienPhoto de Denis Jacquat

La mesure me semble s'appliquer à l'ensemble des rachats engagés.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La date est logique.

Les rachats d'années d'études ayant bénéficié d'avantages fiscaux, le remboursement des cotisations effectuées à ce titre sera soumis à l'impôt sur le revenu.

Par ailleurs, un intérêt sera versé en fonction de l'ancienneté de chaque versement.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Un délai limite est-il fixé pour la présentation des demandes de remboursement ?

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Non. Aucun délai n'est fixé.

La Commission adopte l'amendement AS 480 rectifié.

Chapitre II Limite d'âge et mise à la retraite d'office

Article 10 : Mise à la retraite d'office

La Commission examine l'amendement AS 122 de M. Roland Muzeau.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'article 10 instaure une prolongation de l'activité des fonctionnaires jusqu'à l'âge de 69 ans. Cette mesure n'est pas raisonnable. Elle institue un frein au renouvellement des générations. Il paraît aussi légitime à cet âge de quitter son poste de travail pour d'autres activités.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Cet article, relatif au régime général, est de cohérence rédactionnelle. Il s'agit de garantir au salarié qu'avant l'âge de 70 ans, il ne pourra pas être mis à la retraite d'office contre son gré. Il est la conséquence d'une disposition votée l'an dernier pour les salariés du privé.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

L'article vise tout simplement à maintenir la situation actuelle. Nous ne modifions pas l'âge limite. Sans ces dispositions, il aurait été repoussé de deux ans.

PermalienPhoto de Pascal Terrasse

À titre personnel, mais en cohérence avec la notion de libre choix défendue par le groupe dont je suis membre, que des personnes – de grands professeurs ou médecins, des hommes ou des femmes exerçant d'importantes responsabilités, en politique par exemple – puissent travailler au-delà de 70 ans ne me pose aucune difficulté d'ordre philosophique.

Autant pouvoir accéder à la retraite à 60 ans est à mon avis essentiel, autant je suis hostile à l'institution de barrières d'âge.

Du reste, la première opposition au recul de 65 à 70 ans de l'âge de mise à la retraite d'office est venue du MEDEF.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

En votant l'amendement de M. Muzeau, vous repousseriez à 72 ans l'âge de mise à la retraite d'office des salariés.

PermalienPhoto de Pascal Terrasse

À titre personnel, je n'y vois pas d'inconvénient.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je ne peux pas laisser dire au Rapporteur et au ministre que notre objectif serait de repousser l'âge limite à 72 ans au lieu de 70 ! Nous avons contesté le recul à 70 ans de la limite d'âge dès son adoption en 2009 par amendement.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AS 122.

Puis, elle adopte l'article 10 sans modification.

Article 11 : Relèvement de 65 à 67 ans de la limite d'âge dans la fonction publique

La Commission est saisie des amendements AS 25 de Mme Marie-Jo Zimmermann, AS 123 de Mme Martine Billard et AS 350 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 11.

PermalienPhoto de Gabrielle Louis-Carabin

Nous souhaitons maintenir à 65 ans la limite d'âge des personnels sédentaires dans la fonction publique, qui correspond pour eux à l'âge d'annulation de la décote.

Très souvent en effet, les personnels contraints d'attendre 65 ans ont eu des carrières très morcelées. Ce sont aussi souvent des femmes ayant interrompu leur activité professionnelle pour élever leurs enfants.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous sommes, nous aussi, favorables à la suppression de l'article 11, qui décline le projet de loi envers une catégorie spécifique de la population, les personnels sédentaires de la fonction publique. Le relèvement de la deuxième borne d'âge est particulièrement préoccupant : ses cibles sont, en effet, des personnes en situation plutôt précaire, dont les carrières ont été hachées.

Il me semble que si nos collègues, femmes et hommes, de l'UMP qui ont présenté un amendement maintenant l'âge de 65 ans comme deuxième borne pour certaines catégories de femmes poussaient leur raisonnement jusqu'au bout, ils devraient en élargir fortement la portée. Notre amendement ne concerne pas uniquement les personnels sédentaires de la fonction publique. Sa portée est, à mon avis, nettement plus générale.

PermalienPhoto de Martine Billard

Si notre amendement est cohérent avec notre argumentation générale à l'encontre du report à 67 ans de la borne d'âge de 65 ans, ses dispositions vont aussi créer des difficultés spécifiques. D'abord, elles vont aggraver les effets de la politique du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux envers le recrutement des jeunes : il n'y en aura pas ! Une opposition est ainsi créée entre jeunes et seniors en matière d'emploi. Les fonctionnaires, qui seront maintenus dans la carrière, ne seront évidemment pas remplacés par des jeunes.

Il ne faut pas non plus sous-estimer les effets nocifs de ces dispositions pour certaines catégories de fonctionnaires : si un professeur d'université peut sans doute travailler sans difficultés jusqu'à 67 ans, quelles seront leurs conséquences sur une enseignante d'école maternelle, qui doit sans cesse se baisser pour s'occuper des tout-petits, ou même sur un professeur de collège d'un secteur difficile ? Aujourd'hui, nombre d'enseignants ne le sont devenus que tardivement. Pour échapper à la décote, ils sont contraints d'aller jusqu'à la limite d'âge.

PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Je conteste cette intervention qui procède de l'idéologie de gauche du partage du travail ! Opposer les générations n'est pas l'objectif de ce magnifique projet de loi sur la réforme des retraites ! Le travail n'est pas un gâteau qu'il faudrait partager entre les générations. Son abondance est fortement liée à la croissance économique et à la richesse.

La réforme qui avait le partage du travail pour objectif, c'était celle des 35 heures, mise en place par Mme Martine Aubry et le Parti socialiste. Alors qu'elle coûte chaque année 15 milliards d'euros à l'État, elle n'a eu aucun impact sur le taux de chômage des jeunes. Il faut en finir avec cette idéologie dépassée !

PermalienPhoto de Denis Jacquat

L'article 11 porte de 65 à 67 ans la limite d'âge des catégories sédentaires de la fonction publique, de même que l'âge de la retraite à taux plein l'a été par l'article 6. Le supprimer créerait une différence injustifiable entre salariés du secteur privé et fonctionnaires. Avis défavorable.

Je rappelle à notre collègue Marisol Touraine que l'amendement dont elle a déploré la non-discussion a bien été annoncé, mais que, aucun de ses cosignataires n'étant présent, il n'a pu être défendu.

La Commission rejette les amendements AS 123 et AS 350.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 446 et AS 447 du rapporteur.

Puis, elle adopte l'article 11 ainsi modifié.

Article 12 : Coordination résultant du relèvement de 65 à 67 ans de la limite d'âge dans la fonction publique

La Commission examine les amendements AS 124 de M. Roland Muzeau et AS 352 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 12.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'amendement AS 124 est un amendement de coordination avec l'amendement AS 25, qui a, hélas, été rejeté.

PermalienPhoto de Marisol Touraine

Notre amendement poursuit le même objectif.

La Commission rejette les amendements AS 124 et AS 352.

Puis, elle adopte l'article 12 sans modification.

Article 13 : Dispositif dérogatoire en faveur de certains personnels infirmiers et paramédicaux

La Commission examine l'amendement AS 482 de la Commission des lois.

PermalienPhoto de Émile Blessig

L'article 13 exempte du relèvement de l'âge d'ouverture du droit à la retraite et de l'augmentation de la limite d'âge les fonctionnaires infirmiers et paramédicaux qui choisissent d'intégrer les nouveaux corps et cadres d'emploi de catégorie A dans les conditions fixées par la loi du 5 juillet 2010, laquelle comporte notamment diverses dispositions relatives à la fonction publique. Pour des raisons de coordination, la rédaction proposée par la Commission des lois transfère cette exception temporaire dans le texte de la loi du 5 juillet 2010 elle-même.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avis favorable à cet amendement de simplification rédactionnelle, qui accroît la lisibilité de la loi.

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Avis également favorable, pour les mêmes raisons.

La Commission adopte l'amendement AS 482.

En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé.

Article 14 : Relèvement de deux années des limites d'âge des catégories actives de la fonction publique

La Commission est saisie des amendements AS 125 de Mme Martine Billard et AS 353 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 14.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'article 14 remet en cause les limites d'âge des agents classés en catégorie active de la fonction publique. Comme ceux qui le suivent, il ne comporte que des reculs sur les droits des salariés, sans la moindre proposition positive tenant compte de l'évolution de la société. Nous pensons, quant à nous, que mouvement, harmonisation et modernisation ne doivent pas toujours être synonymes de régression. Les nouveaux dangers et contraintes, que peut entraîner la modernisation, doivent être pris en compte.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avis défavorable à ces amendements. L'article 14 assure la symétrie du relèvement des limites d'âge.

La Commission rejette les amendements AS 125 et AS 353.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l'amendement AS 126 de M. Roland Muzeau.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS 448 du rapporteur.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite successivement les amendements AS 127 de Mme Martine Billard, AS 128 de M. Roland Muzeau, AS 129 de Mme Martine Billard, AS 130 de M. Roland Muzeau, AS 131 de Mme Martine Billard et AS 132 de M. Roland Muzeau.

Puis, elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 449 et AS 450 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l'article 14 ainsi modifié.

Article 15 : Âges limites de versement des indemnités versées aux travailleurs privés d'emploi

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 424, AS 423 et AS 451 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l'article 15 ainsi modifié.

Chapitre III Limite d'âge et de durée de services des militaires

Article 16 : Relèvement de deux années des limites d'âge des militaires et des durées de services des militaires sous contrat

La Commission examine les amendements AS 133 de Mme Martine Billard et AS 264 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 16.

PermalienPhoto de Martine Billard

Les militaires, qui ne seront plus aptes au service actif sur des théâtres d'opérations, ne pourront pas tous être affectés dans les services des bureaux. Pour cette raison, nous sommes favorables au maintien de leurs conditions actuelles de départ à la retraite.

PermalienPhoto de Michel Liebgott

Je suis consterné par les propos de notre collègue Arnaud Robinet sur l'allongement de l'âge au travail jusqu'à 67 ans alors que, faute de postes disponibles, des lauréats de concours de la fonction publique territoriale ne trouvent pas de travail.

La problématique de l'allongement de la vie active des militaires pose le même type de difficultés. Le Rapporteur connaît, comme moi, les effets nocifs de la suppression de régiments entiers. Nombre de personnels civils de la défense, notamment, se retrouvent aujourd'hui sans aucune possibilité de reclassement.

La conjonction des facteurs structurels induits par la réforme et de facteurs conjoncturels, tels que la disparition ou le transfert de régiments, va aboutir à une impossibilité totale de reclasser certains personnels. Les collectivités locales sont déjà sollicitées ! Une fois de plus, l'État, qui les pousse à reprendre des personnels dont il ne veut plus, organise un transfert de ses charges à leurs dépens.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Quoique je partage l'opinion de Michel Liebgott sur les difficultés des personnels civils de la défense, cette question n'a pas sa place dans un débat sur les retraites.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Les armées sauront gérer le décalage de deux ans créé par la réforme. Je rappelle que les deux tiers des militaires quittent l'armée, après six ans de services en moyenne, sans pension militaire, et rejoignent, dans leur nouveau métier, le régime général.

La Commission rejette les amendements AS 133 et AS 264.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS 452 du rapporteur.

Après avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l'amendement AS 483 de la Commission des lois.

En conséquence, l'amendement rédactionnel AS 453 du rapporteur n'a plus d'objet.

Puis la Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 454 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l'article 16 ainsi modifié.

Chapitre IV Maintien en activité au-delà de la limite d'âge

Article 17 : Coordination du dispositif de maintien en activité au-delà de la limite d'âge

La Commission est saisie de deux amendements AS 134 de M. Roland Muzeau et AS 356 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 17.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Si nous demandons la suppression de cet article, ce n'est pas pour des motifs idéologiques, mais pour des raisons tout à fait concrètes : c'est qu'il met en cause le dispositif de limite d'âge dans la fonction publique, alors que celui-ci est tout à fait utile pour assurer le renouvellement des personnels et l'accès des plus jeunes à l'emploi. Il est quand même dommage de contraindre certains à travailler jusqu'à 70 ans au moment où les trentenaires ne trouvent pas d'emploi.

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Cet article est conforme à la logique de la retraite choisie que vous défendiez tout à l'heure.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

À la différence du groupe socialiste, je n'ai jamais défendu la retraite choisie !

La Commission rejette les amendements AS 134 et AS 356.

Puis, elle adopte l'article 17 sans modification.

Chapitre V Durées de services

Article 18 : Relèvement de deux années des durées de services des catégories actives de la fonction publique et des militaires de carrière

La Commission est saisie de deux amendements AS 135 de Mme Martine Billard et AS 265 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 18.

PermalienPhoto de Jacques Domergue

Nous avions pour notre part proposé un amendement modifiant la durée de services ouvrant droit à pension, qui a été déclaré irrecevable en application de l'article 40. En allongeant cette durée, cet article me semble contrevenir à la logique de rapprochement entre public et privé en ne favorisant pas le passage d'un secteur à l'autre. Ainsi, une infirmière ayant commencé à travailler dans le secteur public pourrait poursuivre sa carrière dans le secteur privé voire comme infirmière libérale sans perdre son droit à pension.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Si je vous comprends bien, vous soulevez la question des titulaires sans droit. L'exigence de passer au moins quinze ans dans la fonction publique pour avoir droit à une retraite pose effectivement problème et nous comptons encore travailler sur ce point.

PermalienPhoto de Jacques Domergue

Dans ce cas, pourquoi rallonger la durée de services nécessaire, plutôt que d'en rester au statu quo ?

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Les titulaires sans droit n'appartiennent pas nécessairement aux catégories actives.

La Commission rejette les amendements AS 135 et AS 265.

Elle examine ensuite l'amendement AS 221 de M. Étienne Pinte.

PermalienPhoto de Étienne Pinte

Il convient de maintenir le régime spécifique des militaires non-officiers, qui leur permet de liquider leur pension dès lors qu'ils totalisent quinze années de services actifs. L'article L.14 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoyant que leur pension est minorée à raison de 1,25 % par trimestre, ils doivent à ce jour totaliser 17,5 années de service pour obtenir une pension sans décote.

Le projet de loi prévoit de porter la durée de service de quinze à dix-sept ans. Dans ce cas, les militaires non-officiers devraient totaliser 19,5 années de service pour obtenir une pension sans décote. Les jeunes d'aujourd'hui se projetant à un horizon de cinq ans maximum, les armées ont construit pour leurs militaires contractuels des parcours professionnels prenant cette durée pour référence : cinq ans de service pour le premier contrat et six pour le second, afin d'atteindre un total de onze années de service. Une fois ces deux caps franchis, un jeune poursuit sa carrière jusqu'à quinze ans de service, sachant qu'il peut bénéficier alors d'une retraite à jouissance immédiate ou du minimum garanti.

En revanche, si notre projet de loi modifie ce statut, il hésitera à franchir le cap des onze ans, pour éviter de rester dans une situation très incertaine pendant encore huit ans. Or les armées ont besoin d'un vivier de 25 000 jeunes ayant effectué entre cinq et quinze ans de service, formés et expérimentés, et ce vivier est déjà difficile à constituer dans les conditions actuelles.

Cette mesure poserait notamment des difficultés en termes de lisibilité des carrières : les armées pourront difficilement s'engager à garder un militaire non-officier pendant une période aussi longue, dans la mesure où elles ont davantage besoin de jeunes recrues que de militaires plus gradés et aguerris. Son application risquerait de fragiliser le recrutement et donc le caractère opérationnel de nos forces.

C'est pourquoi mon amendement prévoit de maintenir le régime actuel, ouvrant droit au départ après quinze ans de service, avec l'application d'une décote, et une pension sans décote à partir de 17,5 ans de service.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Je suis partagé entre le respect du principe de la convergence entre public et privé, qui est un des éléments clés de la réforme et la prise en compte de la réalité que Étienne Pinte vient de nous décrire. Il faut cependant noter que la durée moyenne de service de ces militaires non-officiers est supérieure à vingt ans.

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. L'application stricte du principe de convergence nous aurait conduits à supprimer totalement le bénéfice du minimum garanti pour ceux qui quittent l'armée sans avoir effectué une durée de service leur ouvrant droit à la retraite. Le Gouvernement a préféré adapter le dispositif du minimum garanti à la situation des militaires, en retenant la durée minimale de 19,5 ans de services, sachant que la durée moyenne d'activité des non-officiers bénéficiant d'une pension militaire de retraite dépasse les vingt ans.

PermalienPhoto de Étienne Pinte

Je maintiens mon amendement, qui, selon le ministre de la défense lui-même, sera utile pour assurer le recrutement de 25 000 sous-officiers chaque année.

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Il faut savoir que 90 % de ces 25 000 personnes ne toucheront pas de pension militaire. L'incidence de cette mesure sera donc beaucoup plus limitée que ce que le ministère de la défense semble croire.

La Commission rejette l'amendement AS 221.

Elle examine ensuite l'amendement AS 484 de la Commission des lois.

La Commission adopte l'amendement AS 484.

Puis, elle adopte l'article 18 ainsi modifié.

Article 19 : Coordination résultant du relèvement de deux années des durées de services

La Commission examine les amendements AS 136 de M. Roland Muzeau et AS 266 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 19.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Parce que nous voulons une armée jeune et dynamique – et apparemment nous sommes les seuls – nous refusons d'augmenter de deux ans la durée de services minimum.

La Commission rejette les amendements AS 136 et AS 266.

Puis, elle adopte l'article 19 sans modification.

Chapitre VI Dispositions relatives à certains statuts particuliers

Article 20 : Mesures de coordination relatives à certains statuts particuliers

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements AS 137 de Mme Martine Billard et AS 357 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l'article 20.

Puis, après avis favorable du rapporteur, elle adopte les amendements de coordination AS 485 et AS 486 de la Commission des lois.

Elle examine ensuite l'amendement AS 13 du Gouvernement.

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Il convient de modifier le code de justice administrative, afin de maintenir à 68 ans l'âge maximal de maintien en surnombre des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, comme cela est fait pour les magistrats de l'ordre judiciaire dans le cadre du projet de loi organique.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement AS 13.

Puis, après avis favorable du rapporteur, elle adopte l'amendement de coordination AS 487 de la Commission des lois, ainsi que l'amendement rédactionnel AS 455 du rapporteur.

Puis, la Commission adopte l'article 20 ainsi modifié.

Après l'article 20

La Commission examine l'amendement AS 496 de la Commission des finances.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Cet amendement prend acte des remarques de la Cour des comptes sur la situation particulière des inspecteurs de l'académie de Paris, notamment au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il s'agit de savoir comment l'État compte régulariser la situation de ces agents.

PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Le Gouvernement a pris acte de cette situation particulière, en mettant un terme à l'existence administrative des inspecteurs de l'académie de Paris. Un décret du 26 octobre 2009 prévoit, en outre, un concours sur titres pour accéder au corps des inspecteurs académiques régionaux. Par ailleurs, votre amendement n'a pas sa place dans une réforme des retraites. Pour ces raisons, je vous invite à le retirer.

L'amendement AS 496 est retiré.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement de coordination AS 488 de la Commission des lois.

La séance, suspendue à 18 heures 35, est reprise à 18 heures 45.

La Commission est saisie de l'amendement AS 276 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Jean Mallot

À la différence de la réforme du Gouvernement, le projet alternatif du Parti socialiste est équilibré, parce qu'il propose des efforts partagés, notamment en mettant à contribution les revenus du capital. Le présent amendement tend ainsi à établir une taxe additionnelle de quinze points à l'impôt sur les sociétés pesant sur les établissements de crédit. Cette mesure s'inscrit dans un plan global de financement prévoyant 25 milliards d'euros de recettes nouvelles pour notre système de retraite à l'horizon 2020. Le produit de cette taxe pourrait abonder le Fonds de réserve pour les retraites à hauteur de 140 milliards d'euros, afin de lisser la bosse démographique à l'horizon 2020-2040.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Cet amendement ne laisse pas de poser des questions : pourquoi taxer les seuls établissements de crédit ? Pourquoi affecter ces recettes nouvelles au fonds de réserve, alors que le plus urgent est de résorber les déficits des caisses ? En outre, ce type de mesures portant sur les recettes de l'État relève d'une loi de finances.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Évidemment défavorable. Comment comptez-vous obtenir trois milliards de l'impôt sur les sociétés acquitté par les banques, alors que celui-ci n'a rapporté que 2 milliards d'euros en 2009 et 2,5 milliards en 2008 ?

PermalienPhoto de Christian Paul

Avouez qu'il ne s'agit pas de très bonnes années.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

2008 si !

PermalienPhoto de Jean Mallot

Nos chiffres résultent de nos calculs, mais nous sommes prêts à les confronter aux vôtres, monsieur le ministre.

Nous sommes là au coeur du débat : alors que vous avez abandonné l'ambition de lisser la bosse démographique à l'horizon 2020 et avez fait le choix de consommer le fonds de réserve pour boucher les déficits que vous avez creusés, nous voulons, nous, reconstruire sur le long terme notre système par répartition, et préserver le fonds de réserve dans cette perspective. Je regrette que le rapporteur ne défende plus l'objectif de lissage.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Il vaut mieux concentrer la discussion des mesures de résorption du déficit dans la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale.

La Commission rejette l'amendement AS 276.

La Commission examine l'amendement AS 281 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Si la crise n'a pas été sans incidence sur l'équilibre de nos régimes de retraite, des déficits tendanciels existaient déjà dans l'ensemble des caisses entre 2003 et 2007, c'est-à-dire avant même la crise. Comme en 2003, vous tentez de faire croire que votre réforme permet d'atteindre l'équilibre financier. Or, il n'en est rien. Il manque toujours 15 milliards d'euros à l'horizon que vous vous êtes fixé. Il faut donc impérativement trouver des recettes nouvelles. Par cet amendement, nous proposons de revenir sur la défiscalisation des plus-values de cessions de filiales, adoptée par votre majorité. Cette niche fiscale, dite « niche Copé », a fait perdre quelque 12 milliards d'euros de recettes au budget de l'État. La raboter permettrait de retrouver 12 milliards d'euros de recettes supplémentaires, qui pourraient être affectées au financement des régimes de retraite.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

D'un coût très élevé pour les entreprises, cet amendement nuirait gravement à l'attractivité de notre pays. Par ailleurs, affectant une recette nouvelle au budget général de l'État, il serait mieux à sa place dans un projet de loi de finances. Avis défavorable donc.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

À combien évaluez-vous la recette escomptée ?

PermalienPhoto de Pascal Terrasse

12 milliards d'euros. La Cour des comptes elle-même a formulé des observations sur le coût de ce dispositif. Quant à l'argument de l'attractivité de notre pays, il me paraît de peu de poids. D'ailleurs, le nombre d'entreprises délocalisant leur siège fiscal au Luxembourg, en Belgique ou ailleurs, n'a pas diminué du tout.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je ne suis pas du tout favorable à cet amendement. Les sommes que vous escomptez récupérer sont totalement virtuelles. L'assiette de cet impôt ne ferait que s'évaporer. En effet, presque aucun autre pays européen ne fiscalise à tel niveau les plus-values de cessions de titres de participations. Je comprends que vous rêviez de récupérer ainsi, d'un coup de baguette magique, plus de 10 milliards d'euros, mais dans la réalité, il n'en serait rien.

PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Les niches fiscales existant pour l'impôt sur les sociétés aboutissent à ce paradoxe que le taux de taxation des petites entreprises avoisine 30 % – pour un taux théorique de 33,3 % – quand celui des plus grandes ne dépasse pas 13 %. L'une des raisons de cette inégalité tient à cette « niche Copé ». Nous proposons seulement de rétablir une certaine équité, non pas en supprimant cette niche, mais en relevant de 5 % à 50 % la quote-part prise en compte pour la détermination du résultat imposable dans le cas des plus-values de cessions.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je me permets, par ailleurs, de vous faire remarquer que cette niche dite Copé s'inspire d'un rapport de l'un de vos anciens collègues, M. Michel Charzat. Je le redis, sa suppression ne rapporterait pas un euro de plus pour les retraites, tout simplement parce que les entreprises délocaliseront leurs titres de participation.

La Commission rejette l'amendement AS 281.

Puis, après avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement AS 282 de Mme Marisol Touraine.

Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 278 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Cet amendement porterait de 1,5 % à 2,25 % le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, que le Gouvernement a substituée à la taxe professionnelle, et rapporterait quelque 7 milliards d'euros. Il ne nous paraîtrait pas anormal que les entreprises participent, comme tout le monde dirais-je, à l'effort nécessaire pour sauver nos régimes de retraite, d'autant que la part patronale des cotisations retraite n'a pas été augmentée depuis des années. On ne cesse d'alléger les prélèvements sur les entreprises au nom de la sacro-sainte compétitivité, avec d'ailleurs de piètres résultats. La mesure que nous proposons, qui permettrait seulement de retrouver les recettes perdues du fait de la suppression de la taxe professionnelle, ne toucherait pas les petites entreprises, tout en mettant à contribution celles qui le peuvent. Ce serait un beau geste citoyen de leur part.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Comme les précédents, cet amendement aurait mieux sa place en première partie d'un projet de loi de finances. Il grèverait, lui aussi, la compétitivité de nos entreprises. Enfin, monsieur Issindou, vous dites que la recette serait affectée à la branche vieillesse. Il n'en est pas moins écrit dans l'amendement que cette nouvelle taxe serait établie « au profit du budget de l'État ». Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cet amendement est cohérent dans votre logique. À nos yeux, c'est augmenter de manière massive et insupportable les prélèvements obligatoires.

Nos propositions nous paraissent raisonnables et supportables pour un pays sortant tout juste de la crise. La potion très amère que vous préconisez au contraire entraverait la reprise et nuirait à la création de richesses.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Peut-être obtiendriez-vous quelques recettes supplémentaires au tout début, puis très vite elles s'amoindriraient. Au final, vos propositions seraient même contre-productives pour les régimes de retraite. Je comprends bien, et c'est toute votre logique, que vous comptez ainsi pouvoir vous dispenser de mesures d'âge. Ce n'est pas notre approche. Je me permets d'ailleurs de vous faire remarquer qu'il y a beaucoup d'autres déficits à combler dans notre pays, comme celui de l'assurance maladie. Il paraît logique en matière de retraites de recourir aux mesures d'âge. L'impôt sur les sociétés rapporte bon an mal an, hors période de crise, 50 milliards d'euros par an. Avez-vous conscience de ce que représentent les 37 milliards d'euros que vous recherchez ?

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Il n'y a pas de miracle à attendre des entreprises, si on ne veut pas grever leur compétitivité. Tous nos voisins sont extrêmement attentifs à cet aspect. Taxer davantage les entreprises desservirait vraiment l'emploi.

PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous dites souvent, monsieur le ministre, que les déficits des régimes de retraite ont vingt ans d'avance. Ce n'est pas vrai. Rien n'a changé dans les prévisions démographiques depuis les dernières prévisions du COR. Pourquoi 30 milliards d'euros de déficit dès 2011 ? Tout simplement parce que l'emploi a diminué et que la masse salariale n'a pas augmenté comme prévu. Ce n'est pas par des mesures démographiques qu'on résoudra ce problème conjoncturel.

PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

À cet horizon-là, se posent, en effet, des problèmes démographiques. Et l'une des façons d'y répondre est l'allongement de la durée de cotisation prévu dans la loi de 2003. Mais, ce n'est pas une réponse d'ici à 2018. Ce qu'il faut d'ici là, c'est agir sur l'emploi et trouver des recettes nouvelles, toutes choses que ne fait pas le Gouvernement. Si on alignait simplement la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, et tel est l'objet de l'essentiel de nos amendements, on trouverait largement les ressources fiscales nécessaires. Repousser l'âge légal de départ en retraite de 60 à 62 ans n'est pas une mesure d'âge, mais en réalité un impôt supplémentaire. Des salariés qui auraient pu partir en retraite vont devoir payer des cotisations pour rien.

Profondément injuste, votre réforme ne garantit de surcroît pas l'équilibre financier. Sur les 30 milliards de déficit en 2011, vous n'en résorbez que 5. Pour les 42 milliards de déficit en 2018, vous faites une impasse de 15 milliards et à l'horizon 2050, ce n'est pas moins de la moitié du déficit qui n'est pas financée.

Tous nos amendements, en revanche, visent, d'une part, à combler le déficit des régimes de retraite à l'euro près, d'autre part à rétablir l'équité fiscale entre revenus du capital et revenus du travail.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Votre projet ne finance rien du tout à l'euro près. Je l'ai déjà dit, tous les montants que vous avancez sont des plus virtuels. Il est évident que les recettes repartiront à la hausse avec la reprise de la croissance, mais cela prend du temps, et il faut en tenir compte. Les propositions du Gouvernement apportent le financement nécessaire à l'horizon 2018, contrairement à ce que vous affirmez. Pour le reste, s'agissant des 15 milliards d'euros concernant les régimes de la fonction publique, c'est en son sein qu'il serait logique de les chercher. Et là, je vous souhaite bon courage…

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La retraite par répartition, à laquelle nous sommes tous attachés, repose sur la solidarité entre les générations, les cotisations des actifs servant à financer les pensions des retraités. Faire financer les retraites par l'impôt, c'est en finir avec la répartition et étatiser les régimes de retraite. Nos collègues socialistes devraient être cohérents, qui prétendent défendre la répartition. Certaines mesures relèvent certes d'un financement par la solidarité nationale, mais on est très loin des montants qu'ils annoncent.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il faut, en effet, être cohérent. Et le Gouvernement ne l'est pas, disant tantôt que le problème résulte de la crise, tantôt qu'il est imputable aux évolutions démographiques. Les déficits actuels sont bel et bien le résultat de la crise, et nous, nous ne voulons pas en présenter la facture à ses victimes. C'est cela aussi qui différencie votre projet du nôtre. L'important derrière tout cela, c'est la politique économique. Vos arguments aujourd'hui me rappellent singulièrement ceux que vous nous opposiez lors de la campagne électorale de 1997 au sujet des 35 heures ou de la couverture maladie universelle. Et pourtant, force est de constater que la seule période où ne s'est pas posée la question du financement des comptes sociaux, c'est bien entre 1997 et 2002. Certes, la croissance y a aidé, mais nous sommes convaincus qu'aujourd'hui, une autre politique macro-économique que la vôtre donnerait d'autres résultats et permettrait de mieux équilibrer les comptes sociaux.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

J'aurais aimé que le ministre allemand des finances, qui se trouvait en France aujourd'hui, entende vos propositions ! Ignorez-vous tout ce qu'a fait l'Allemagne, y compris lorsque M. Schröder était chancelier, pour relever le défi de la compétitivité mondiale et dont les résultats se traduisent, aujourd'hui, notamment en matière d'emploi et d'exportations ? Vos propositions, chers collègues, éloigneraient à jamais notre économie de toute compétitivité.

Quand aux 35 heures, j'avais en son temps soutenu la proposition de M. de Robien de les instituer au profit de ceux qui exerçaient des métiers pénibles, mais les généraliser comme vous l'avez fait à l'ensemble du secteur public et de la fonction publique, nous a fait perdre des milliards d'euros qui auraient été aujourd'hui des plus utiles.

Vos propositions, si elles devaient être mises en oeuvre, se heurteraient irrémédiablement à la réalité comme les mesures des années 1982-1983, période où le pouvoir d'achat des salariés et la part du travail dans la valeur ajoutée ont diminué.

PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous ne rappelez jamais que la compétitivité de la France s'est améliorée entre 1997 et 2002 et que les excédents commerciaux représentaient alors entre 20 et 30 milliards d'euros par an. Le déficit extérieur n'a commencé de se creuser qu'en 2003 et c'est depuis lors que l'écart entre l'Allemagne et la France n'a cessé de croître. Tous les chiffres contredisent vos affirmations.

Vous ne rappelez non plus jamais que l'Allemagne avait, elle, ramené ses déficits à zéro en 2008, à la veille de la crise, ce qui lui a permis, bien que la crise l'ait affectée plus fortement que la France, son PIB se rétractant de 5 % contre 2,5 % pour le nôtre, de contenir en 2009 son déficit total à 3 % de son PIB. Nous n'avons cessé de vous dire à l'époque qu'il fallait profiter des périodes de croissance pour réduire les déficits, afin d'être mieux armés en cas de crise. Si les finances de notre pays sont dans l'état où elles sont aujourd'hui, vous en portez la responsabilité.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Profiter des périodes de croissance est précisément ce que vous n'avez pas fait de 1997 à 2002.

La Commission rejette l'amendement AS 278.

Elle examine ensuite l'amendement AS 376 de M. Jean-Luc Préel.

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Nous avons quelques doutes sur le financement global de la réforme du Gouvernement. En effet, le COR a montré qu'un report de l'âge de départ à 63 ans et un allongement de la durée de cotisation à 43,5 ans ne permettraient de financer que 36 % des besoins. Or, le Gouvernement se limite à 62 ans pour l'âge de départ et ne va pas au-delà de 41,5 ou quarante-deux ans pour la durée de cotisation. Nous proposons donc d'augmenter de 1 % la CSG, impôt à base très large et donc juste. Il n'est certes jamais agréable d'augmenter un prélèvement obligatoire mais c'est acceptable lorsqu'il s'agit de sauver nos régimes de retraite. Les 11 milliards d'euros supplémentaires ainsi trouvés serviraient aussi à financer des mesures améliorant la situation des polypensionnés, des veuves, des bénéficiaires d'une pension de réversion, des parents qui ont, à un moment de leur vie, dû cessé de travailler pour élever un enfant handicapé, toutes mesures qui nous paraissent relever d'un financement par la solidarité nationale.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Relatif aux recettes de la sécurité sociale, cet amendement devrait être présenté dans le cadre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ensuite, sur le fond, il est vrai qu'il faut trouver des ressources complétant les mesures d'âge et de convergence public-privé. Mais le projet du Gouvernement, qui met notamment à contribution les hauts revenus, nous paraît préférable. Une augmentation de la CSG concernerait tous les ménages.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Augmenter la CSG ne nous paraît pas, en effet, une bonne idée. J'observe, par ailleurs, que l'exposé des motifs de l'amendement indique que la mesure servirait à financer l'alignement des régimes de retraite des fonctionnaires sur ceux des salariés du privé.

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Concernant la fonction publique, les 15 milliards d'euros nécessaires doivent être trouvés en son sein. Il n'y a aucune raison de faire payer les salariés du privé.

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Il ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, que nous sommes favorables à un régime unique et universel.

PermalienPhoto de Pascal Terrasse

La réforme proposée n'en est pas une, car une grande part de l'équilibre tient, en réalité, à un report des déficits portés aux comptes de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Or, celle-ci devra disposer de ressources satisfaisantes pour équilibrer ses comptes, et le seul report de deux ou trois ans ne suffira pas. Par conséquent, le débat sur l'assiette de la CSG et de la CRDS devra être posé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur Préel, selon les organisations syndicales, les ressources à affecter aux retraites doivent d'abord s'appuyer sur les revenus du travail, et tout ce qui doit relever de la fiscalisation doit aller, comme le Parti socialiste le propose, vers les avantages dits non contributifs. Il faut donc trouver l'équilibre entre ce qui relève des avantages non contributifs, d'un côté, et de la relation forte entre travail et cotisations, de l'autre.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous ne sommes pas d'accord avec vous et considérons que le relèvement de 0,1 point de cotisations sociales patronales et salariales serait le meilleur moyen d'équilibrer les comptes des régimes de retraite.

La Commission rejette l'amendement AS 376.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS 200 de M. Roland Muzeau et AS 287 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Notre amendement décline le contenu de notre proposition de loi visant à garantir le financement du droit à la retraite à 60 ans. Des moyens sont mobilisables, mais il y faut une volonté politique et un choix de société : la divergence fondamentale entre nous est là. Le débat de fond porte sur les richesses produites, la façon dont elles sont réparties et utilisées au service de l'intérêt général ou d'intérêts privés. Or, les questions de financement ne sont pas traitées dans le projet de loi.

La main sur le coeur, vous nous dites qu'il n'y a plus d'argent, et que s'impose à nous l'obligation d'allonger la durée du travail, de retarder l'âge légal d'accès à la retraite, d'allonger la durée de cotisation. Mais, dans le même temps, par le biais du bouclier fiscal, vous remboursez des millions d'euros à des gens fortunés ou ayant de gros revenus. C'est pour nous une attitude incohérente et profondément injuste.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer le dispositif du bouclier fiscal, car l'intérêt général exige que les sommes colossales versées à des gens qui n'en ont pas besoin soient utilisées pour les retraites.

PermalienPhoto de Christian Paul

Notre vision de « l'espace du sacrifice », expression souvent employée par M. François Fillon lors de la réforme de 2003, est différente de celle du Gouvernement et de la majorité. Nous pensons que, au moins pour la moitié de l'effort à accomplir, il faut faire appel aux revenus du capital, à l'imposition des très hauts revenus, notamment des rémunérations excessives qui ont fait exploser les inégalités dans les entreprises françaises – je pense aux stock-options et aux parachutes dorés –, à l'impôt sur les profits des banques, mais aussi, et c'est l'objet de notre amendement, mettre fin à un certain nombre de privilèges fiscaux, dont le bouclier fiscal.

En 2006, monsieur le ministre, les bénéfices du secteur bancaire français étaient évalués à 28 milliards d'euros. En 2008, ils étaient de 3 milliards pour la BNP, de 2 milliards pour la Société générale…

PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Vous parlez de bénéfice mondial, monsieur le député, et non des bénéfices en France. On ne peut pas taxer au titre de l'impôt sur les sociétés l'ensemble du bénéfice mondial de la BNP !

PermalienPhoto de Christian Paul

L'amendement ne vise pas à la création d'un impôt nouveau, mais tout simplement à l'abolition d'un privilège fiscal. Un certain nombre de contribuables français ont bénéficié du bouclier fiscal, dont Mme Bettencourt, à qui ont été reversés 100 millions d'euros au total, et la liste des 400 contribuables français les plus fortunés devrait vous inciter à redonner de l'oxygène au système de retraite.

Monsieur Préel, selon vous, faire appel à l'impôt revient à étatiser. Or, nous ne sommes plus en 1945, dans un pays essentiellement fondé sur une économie industrielle, où nos prédécesseurs avaient assis le système de retraite presque exclusivement sur les revenus du travail, notamment du secteur industriel. Aujourd'hui, l'économie mondiale voit la création de richesses dans le système financier, notamment bancaire, assortie d'enrichissements excessifs sur lesquels doit porter l'espace du sacrifice.

Ainsi, selon nous, la moitié du problème peut être traité par la fiscalisation. C'est pourquoi notre amendement défend l'abrogation du bouclier fiscal,...

PermalienPhoto de Christian Paul

..en réponse à votre abrogation de la retraite à 60 ans.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Relatifs aux recettes de l'État et de la sécurité sociale, ces amendements devraient figurer dans une loi de finances. Avis défavorable.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Les 7 milliards supplémentaires que notre pays a affectés aux prestations sociales en 2009 ont été totalement occultés par les 500 millions du bouclier fiscal…

La Commission rejette les amendements AS 200 et AS 287.

Elle est saisie de l'amendement AS 279 de Mme Marisol Touraine.

PermalienPhoto de Jean Mallot

À chaque prise de parole de notre groupe, les conseillers du ministre ricanent ! Je n'ai jamais vu cela ! Merci de revenir à un comportement plus traditionnel et respectueux du Parlement.

Le Parti socialiste propose un plan global de financement à hauteur de 25 milliards d'euros de recettes nouvelles à l'horizon 2020-2025. L'amendement vise à appliquer la CSG sur les revenus issus des plus-values immobilières, actuellement exonérés, tout en maintenant son exonération sur les livrets d'épargne et les plus-values sur la résidence principale. Il est ainsi proposé de réintégrer dans l'assiette de la CSG la totalité des revenus des plus-values de long terme, sans prise en compte de l'abattement de 10 % au titre de l'impôt sur le revenu par année de détention.

En proposant une ressource supplémentaire et une forme d'égalité dans le traitement des différentes sources de revenus, cet amendement est cohérent avec la recherche de ressources nouvelles, la philosophie du financement de la protection sociale rappelée par Jean-Luc Préel, et la démarche qui est la nôtre.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Un tel amendement a sa place dans une loi de finances.

La Commission rejette l'amendement AS 279.

La séance est levée à dix-neuf heures trente cinq.