Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Séance du 28 mai 2008 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • LOLF
  • dotation
  • performance
  • étudiant

La séance

Source

PermalienPhoto de David Habib

J'ai le plaisir d'accueillir les représentants de la conférence des présidents d'université, la CPU. La mission d'évaluation et de contrôle (MEC) engage avec eux un nouveau cycle d'auditions consacré à l'allocation des moyens des universités. Nos Rapporteurs sont M. Alain Claeys – qui a déjà produit deux rapports sur le sujet dans le cadre de la MEC – et M. Laurent Hénart, Rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur.

Notre mission bénéficie du concours de deux députés de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales : M. Benoist Apparu, qui a rapporté la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), et M. Régis Juanico. Je salue la présence de M. Jean-Pierre Brard. Enfin, les représentants de la Cour des comptes nous assistent de façon précieuse, et je remercie de sa participation M. Serge Barichard, conseiller référendaire.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Comme l'a fait remarquer M. le Président, notre travail s'inscrit dans le prolongement des rapports précédents de la MEC. Ceux-ci ont éclairé le dernier débat sur la loi LRU de l'été 2007. Nous nous interrogeons sur les conséquences concrètes qu'aura cette loi sur le financement par l'État des établissements d'enseignement supérieur.

La CPU a fait part de son analyse à plusieurs reprises. Pourriez-vous nous la rappeler ? Il apparaît difficile de maintenir l'ancien système de répartition des moyens dans la nouvelle législation. Que préconisez-vous, étant bien entendu qu'il ne s'agit pas de prendre en compte les seules subventions versées mais l'ensemble des moyens des universités ? La loi d'août dernier a mis en place un budget global qui change substantiellement la situation.

Notre mission entendra après vous les services du ministère compétent, les inspections qui ont produit un rapport sur le sujet, les syndicats des personnels enseignants et techniques et des étudiants, puis Madame la ministre.

Nous nous sommes associés, au sein de l'Assemblée nationale, à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et nous avons noué des contacts avec nos collègues sénateurs qui procèdent eux aussi à un travail d'information sur ce sujet.

Le rapport de la MEC devrait permettre d'éclairer le débat sur la mission Recherche et enseignement supérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, c'est pourquoi notre objectif est de rendre ce rapport au plus tard à la fin du mois de juin prochain.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Le contexte général est connu. La CPU a fortement soutenu l'évolution législative, alors que le Gouvernement s'engageait dans le même temps à augmenter de façon substantielle les moyens des universités. Le passage de 10 à 15 milliards d'euros est un élément déterminant dans l'accompagnement de la démarche. Tout le monde le reconnaissait, nos universités étaient sous-financées.

Au sein des universités, beaucoup de changements se produisent en termes de modifications statutaires, d'élections des présidents, dans un contexte parfois un peu chahuté. Le passage à de nouvelles compétences que définit la loi constitue un véritable défi et nécessite un travail important à l'intérieur des établissements. Il faudra, notamment, gérer complètement la masse salariale et l'utiliser comme un levier de progrès.

Le travail qui est mené ici et la construction du PLF pour 2009 sont essentiels dans la démarche actuelle. Au 1er janvier 2009, nous trouverons au moins quatre cas différents : des établissements en cours de contractualisation ; d'autres, qui seront sans doute traités via des avenants aux contrats précédents ; ces deux premiers cas pourront se croiser avec deux autres : les établissements qui auront choisi de passer aux nouvelles compétences et les autres. Ainsi, dans la construction du budget 2009 et dans la répartition des moyens, il y aura certainement quatre cas distincts.

Il faudra gérer à la fois une progression des moyens et une situation très diversifiée, sinon très inégalitaire selon l'ancienneté des universités, leur histoire, leur taille et leur spécificité. La CPU s'interroge : comment rechercher l'équité ? A quel niveau ?

Incontestablement, cette équité doit être obtenue au niveau de la licence. L'université n'a aucune volonté ni aucune possibilité de faire de la sélection à ce niveau, assurant ainsi une véritable mission de service public et d'ascenseur social pour tous. Ce qui est annoncé dans le plan Licence doit résorber les différences.

La construction et la répartition du budget 2009 doivent donc prendre en compte ces deux paramètres : recherche d'équité, à tout le moins au niveau de la licence (et sans doute, partiellement des masters) ; progrès dans l'ensemble des dotations.

L'attribution de la masse salariale à l'ensemble des universités oblige à prendre en compte son évolution potentielle au cours des quatre années de contrat. Évoluera-t-elle en fonction d'un certain nombre de paramètres comme le nombre d'étudiants ? Sera-t-elle fixée pendant les quatre années de contrat, ce qui permet une certaine prospective et une véritable soutenabilité budgétaire ?

La direction générale de l'enseignement supérieur (DGES) et la CPU travaillent actuellement sur un mécanisme de répartition moyen : une part importante des moyens attribués par l'État se ferait sur une base algorithmique en fonction de critères normés ; une autre partie résulterait des spécificités de l'établissement : performance, implantation géographique, etc. Il conviendrait de mener une réflexion sur la manière de définir cette dernière part, qui ne serait pas normée à l'identique pour l'ensemble des universités.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

J'ai bien compris que, pour vous, le changement de système devait se faire dans un contexte dynamique sur le plan budgétaire !

L'essentiel tient dans cette enveloppe de droit commun - à peu près 90 % des sommes - dont le but est de répercuter l'ensemble des charges de fonctionnement que l'État entend couvrir, qu'il s'agisse des personnels, des locaux, du service public de l'enseignement ou de la recherche. Quels devraient en être, pour vous, les critères d'allocation, pour l'enseignement comme pour la recherche : les filières de formation, le type d'unités, le nombre d'étudiants inscrits, le nombre de ceux qui passent les examens, etc. ? Il serait intéressant d'approfondir le sujet puisque c'est cette enveloppe qui reflètera l'essentiel de l'effort budgétaire de l'État.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Au cours des auditions de la mission d'information de la commission des Finances sur la LOLF, pour l'Éducation nationale, à l'échelon de la région parisienne, nous avons entendu que la direction régionale et le ministère trichaient en réservant des sommes dont on sait qu'elles seront déléguées car elles sont déjà pré-attribuées. Vous qui devez vous accommoder des textes que nous votons ici, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ?

PermalienPhoto de Régis Juanico

Qu'entendez-vous par « critères spécifiques », par critères de « performance » : le taux de réussite des étudiants aux examens ? A quel niveau ? Le taux d'insertion professionnelle au bout de x années après la sortie de l'université ? Avez-vous commencé à y réfléchir ?

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Deux masses viennent d'être évoquées : une partie « budget de droit commun », qui sera majoritaire et qui vise à assurer de manière stable certaines missions de service public ; une partie variable, selon la performance, l'association à certaines politiques spécifiques, etc. Quel ratio envisagez-vous ? Par exemple, 80 % pour la partie de droit commun et 20 % pour la partie variable ?

PermalienMichel Lussault

Les universités font partie des rares établissements publics n'ayant pas de recettes, ce qui constitue une lourde contrainte budgétaire. Certaines collectivités publiques peuvent ajuster leurs recettes et leurs dépenses, pas nous ! Même les frais de scolarité complémentaires nous sont refusés. Les droits d'inscription ne sont pas des recettes, puisqu'ils sont récupérés et reversés partiellement. Les boursiers ne sont pas compensés intégralement.

Il existe heureusement des rentrées complémentaires. Dans mon université de Tours, le budget de fonctionnement et d'investissement, hors masse salariale, est de 50 millions d'euros. Or la dotation globale de fonctionnement et le contrat correspondent, en année normale, à 13 ou 14 millions d'euros. Tout le reste provient de la contribution d'autres collectivités et n'est pas considéré comme des recettes.

Les universités subissent par ailleurs souvent une double peine. Un exemple : le critère de la réussite dans le domaine de la formation, qui permet une évaluation à l'activité, non pas à partir du nombre d'étudiants inscrits, mais du nombre d'étudiants présents aux examens. Le rapport entre le nombre d'inscrits et de présents aux examens est en train d'évoluer : une partie des doubles inscrits, qui étaient fictifs, ne s'inscrivent plus à l'université depuis que l'on a intégré les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les sections de techniciens supérieurs (STS) dans le système du LMD. Il serait en tout cas paradoxal que l'université, qui est le seul établissement sommé de prendre tous les étudiants, soit sanctionné parce qu'une partie de ceux-ci, qui ne devraient pas y être inscrits, finissent par s'évaporer au bout de quelques semaines. Dans l'éducation nationale, 5 % des élèves inscrits en septembre en terminale ne passent pas le baccalauréat. De la même manière, 10 % des élèves de STS, filière pourtant sélective, ne passent pas le BTS. Dans les CPGE, 8 % des inscrits ne passent pas les concours. Cela se traduit-il par une sanction financière ? Non. Nous sommes prêts à assumer une telle sanction. Mais nous ne voudrions pas être continuellement dans un système sous contrainte.

Je remarque enfin que l'activité de recherche pose beaucoup moins de problèmes que l'activité de formation.

M. Jean-Pierre Brard s'est interrogé à propos de la LOLF. Il est exact que la répartition de nos subsides à travers les actions LOLF par niveau de formation est assez aléatoire. Pour la recherche, c'est beaucoup plus simple, dans la mesure où nous disposons de comptabilités analytiques assez précises.

Pour les formations, nous avons besoin d'une batterie de critères assez simples, parmi lesquels il faudra sans aucun doute retenir le nombre de présents non pas aux examens, mais aux épreuves de contrôle. En effet, la notion d'examen a perdu beaucoup de son sens dans les universités. La plupart d'entre elles sont incitées à mettre en place un contrôle en cours de formation, qui peut commencer quelques semaines après la rentrée. Mais doit-on considérer qu'un étudiant qui passe les premières épreuves et pas les huit autres est absent, totalement défaillant, partiellement défaillant ? Comment intégrer dans ce critère apparemment simple des « présents aux examens » les étudiants volatiles ? Si l'université n'était pas un moyen simple, pour les moins de vingt ans, d'acquérir des droits à la sécurité sociale, il y aurait peut-être moins d'étudiants volatiles. En France, l'université a été amenée à jouer un rôle dans la protection sociale des jeunes, ce qui n'a pas forcément lieu d'être. Elle le fait bien volontiers, mais autant le lui reconnaître et ne pas l'en sanctionner.

Il faut tenir compte de critères qui sont liés non seulement à l'activité, mais également à la performance. Un ratio entre le nombre d'étudiants présents et le nombre d'étudiants diplômés serait un indicateur intéressant, à condition de se placer dans le cadre d'une charte de qualité des diplômes évitant aux universités de développer de mauvaises pratiques. Ce référentiel qualité pourrait être validé par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement (AERES).

L'insertion professionnelle devrait être aussi un critère important mais elle ne peut s'appréhender que par des études de cohorte. Il faudrait en outre pondérer car, en fin de compte, ce sont tout de même les employeurs, y compris les collectivités publiques, qui recrutent. C'est ainsi que nous sommes très dépendants du nombre de postes budgétaires mis au concours par l'État et les collectivités publiques, du moins dans certaines filières.

Nous pensons pouvoir définir assez facilement une grille de critères simples en matière de formations de licence, critères qui pourraient être pondérés par un système de bonusmalus. Car ce n'est pas la même chose de mener une série de licences à Paris XII ou à Paris I, le profil social des étudiants y étant différent. On pourrait appliquer un bonus basé sur l'âge d'obtention du bac, qui constitue un pronostic scolaire. Nous aimerions aboutir à une série de quatre ou cinq critères simples sur l'offre de formations en licence, liés entre eux, avec des possibilités de suivi et de pondération. Cela nous pousse à raisonner, non pas à l'échelle de l'université, ni de chaque filière, mais plutôt des grands domaines de formation ou des grandes mentions de formation à l'intérieur de chaque domaine. Il y a quatre ou cinq domaines de formation dans l'université, hors IUT et santé.

PermalienMichel Lussault

Nous souhaiterions les mettre le moins possible de côté. Nous pensons que tous les « articles 33 » (de la loi du 26 janvier 1984) devraient « s'amollir ».

PermalienMichel Lussault

Parmi les présidents d'université oui, mais pas parmi les directeurs d'IUT. Nous considérons que toutes les composantes devraient être traitées de la même manière, avec des sortes de contrats d'objectifs et de moyens entre chaque présidence et chaque composante.

Ces domaines – hors IUT et médecine – sont les suivants : droit et économie-gestion ; sciences et technologie ; arts, lettres et langues ; sciences humaines et sociales.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Les critères s'appliquent-ils de la même façon à ces grands secteurs ?

PermalienMichel Lussault

Le problème de l'université est de savoir quelle maille on choisit pour le filet. Si on raisonne à l'échelle de l'établissement, on risque de faire perdre de la finesse à l'analyse. Si on descend trop, on se retrouve face à la singularité absolue. Malgré tout, en sciences humaines et sociales, entre une licence d'histoire et de sociologie, une licence d'anglais ou d'espagnol, globalement, on s'y retrouve. Mais les filières de sciences sont très particulières et les filières juridiques ont également leurs spécificités. On pourrait regrouper les lettres, les arts et les sciences humaines. Hors médecine et IUT, on devrait définir quatre ou cinq familles.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Ce sont celles que tout le monde connaît : ingénierie, sciences, santé, droit et sciences économiques, lettres.

PermalienThierry Colin

Faut-il traiter à part les IUT et les écoles d'ingénieurs ? Non, mais il faut faire des distinctions.

Les écoles d'ingénieurs sont de deux natures : certaines, nombreuses, sont des composantes des universités et d'autres sont extérieures aux universités. On peut souhaiter que ces dernières soient soumises autant que possible au même grand cadre d'évaluation et de dotation que les universités. Mais ce n'est pas directement notre affaire. Quant aux écoles d'ingénieurs internes, elles doivent être traitées dans le même cadre général que les autres composantes IUT et IUFM, qu'il ne faut pas oublier.

Continuer à faire comme si les « articles 33 » bénéficiaient d'extraterritorialité est un moyen de ne pas appliquer la loi LRU. Nous considérons, et il y a consensus entre nous, qu'il n'est pas souhaitable que le ministre accorde des moyens « fléchés » aux « articles 33 durs ». En même temps, nous pensons que les mêmes grands cadres devraient pouvoir s'appliquer, sans nier pour autant les spécificités des IUT et des IUFM.

Une fois que le budget global sera réellement appliqué, une seule enveloppe sera affectée à l'établissement. Cette enveloppe résultera d'un calcul. Reste que pour certaines composantes, ce calcul peut obéir à des coefficients un peu différents.

Allons plus loin : en interne, pour la répartition des sommes, nous aurons besoin de cadres, de modes de calcul, au moins dans une période transitoire. Il n'est pas indécent d'envisager que des modes de calcul transparents, explicités et négociés entre nous et la DGES, s'appliquent à de telles composantes. Mais ils doivent s'appliquer avec des pointillés. Il ne s'agit pas d'accorder des moyens fléchés.

Personnellement, j'ai vu arriver avec grand plaisir pour l'université que je préside une enveloppe de 348 000 euros sur le plan Licence, ce qui n'est pas rien. Dans le même temps, 500 000 euros de dotation annuelle supplémentaires sont arrivés pour l'IUFM intégré à mon université. C'était très bien, mais tout en reconnaissant certaines spécificités, nous aimerions pouvoir en discuter dans un même cadre, celui de l'établissement.

Il arrive que les relations soient difficiles entre telle composante et la présidence d'un établissement. Cela doit faire l'objet d'une évaluation et avoir des conséquences. La manière dont les moyens sont répartis en interne doit rétroagir sur la contractualisation.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

À l'adresse du législateur, je continue à regretter qu'il y ait des ordonnateurs secondaires de droit, alors que la loi et le décret financier ne permettent plus au président d'en désigner d'autres. Cela introduit une dissymétrie extrêmement lourde à l'intérieur des universités entre ceux (tous les « articles 33 ») qui peuvent dépenser leur budget à leur guise une fois qu'il leur est attribué et les autres directeurs de composantes qui n'ont que des délégations de signature.

Cela a également des conséquences pour les directeurs de laboratoires. Si nous voulons leur donner une même position par rapport à une université et à un organisme de recherche, il faut que nous puissions leur déléguer une signature. Comme la subdélégation n'est pas possible, pour les composantes de droit commun, le directeur de laboratoire doit recevoir une délégation de signature directement du président. Cela peut avoir une influence sur l'organisation interne de l'université. Cet aspect de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 a des conséquences sur la « dissymétrisation » d'un certain nombre de situations à l'intérieur des universités. Cela va au-delà de la globalité ou de la spécificité interne de certains budgets.

La LOLF a eu un impact très positif sur la connaissance qu'ont les universités de l'architecture de leur budget et de leurs moyens. La question est de savoir comment cet exercice un peu théorique peut évoluer et si la LOLF peut devenir une aide au moment de la construction du budget et influer sur la façon dont les universités s'emparent des différents volets de leur mission.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Peut-on dire que la LOLF a une vertu pédagogique, mais qu'elle n'a aucune efficience dans la gestion quotidienne ?

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Elle a sans aucun doute une vertu pédagogique. Elle a aussi permis une meilleure visibilité à l'intérieur d'un budget qui était parfois un peu « mélangé ».

PermalienMichel Lussault

La LOLF nous a permis de lancer un travail sur la comptabilité analytique, qui a débouché sur la création d'un logiciel de gestion financière et comptable pour les universités.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le but de la LOLF est de permettre de vérifier l'efficience de la dépense publique, pas d'être un outil de régulation budgétaire. Il est toujours utile de le rappeler aux ministres concernés.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Le fait que nous allions vers des comptabilités analytiques et vers de nouvelles compétences est important. Les inspecteurs généraux insistent sur cette capacité à suivre l'exécution budgétaire. Ne pas le faire handicape le pilotage de l'université. Jusqu'à présent, on discutait au moment du vote du budget initial, puis on se donnait rendez-vous au moment du compte financier, seize ou dix-huit mois après, ce qui n'était pas très raisonnable. D'une certaine manière, LOLF et suivi de l'exécution budgétaire relèvent d'une philosophie comparable.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Vous avez abordé rapidement les inégalités entre les universités. Or il ne peut pas y avoir de réforme si on ne règle pas un tel problème. En tant que CPU, avez-vous une bonne photographie de ces inégalités ? Avez-vous échangé avec la direction générale de l'enseignement supérieur à ce propos ?

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

C'est une question centrale au sein de la CPU. Nous souhaitons porter une vision commune des universités mais en même temps, nous nous heurtons à ces difficultés ou à ces différences de capacité d'action sur le terrain, entre des universités récentes, moins dotées, et d'autres qui sont beaucoup plus à l'aise.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Existe-t-il aujourd'hui un document, venant du ministère ou de la CPU, qui donnerait au législateur une bonne idée de cette situation ?

PermalienThierry Colin

Les premiers documents ont été établis, avec des simulations sur les effets du modèle qui est en cours de discussion mais les courbes comportaient encore des erreurs et ont dû être modifiées. Néanmoins, elles donnent un tableau intéressant, qui fait apparaître des contrastes forts.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Ce tableau est indispensable. Toute réforme posera le problème de la mise à niveau. En avez-vous discuté ?

PermalienThierry Colin

En sortant d'ici, nous irons au groupe de travail sur l'allocation des moyens. Nous continuerons à travailler, par exemple sur le volet « performances ». Les démarches sont simultanées.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Je me permets d'insister parce qu'un tel sujet conditionne nos travaux.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Cette question, pour délicate qu'elle soit, est à traiter différemment selon que les moyens sont en croissance ou ne le sont pas.

PermalienPhoto de Alain Claeys

La Cour des comptes a écrit à ce propos des choses auxquelles je souscris totalement. Il faudra une mise à niveau et pour cela, il est indispensable de connaître la situation.

PermalienMichel Lussault

On connaît des différentiels en fonction du système de répartition San Remo. On connaît des différentiels à partir des dotations théoriques mises en rapport avec les dotations réelles. Ces différentiels sont importants. Le problème est que, jusqu'à une date récente, on ne connaissait pas toujours certaines données très importantes, comme le niveau de la dotation contractuelle qui pouvait pondérer ou accentuer les inégalités. Nous n'avions pas non plus de données consolidées fiables, par exemple sur les ressources attribuées par les partenaires des universités comme les organismes nationaux de recherche, ressources qui accentuaient souvent les inégalités et avaient un impact sur les fonctionnements élémentaires de l'université. Lorsqu'une université est richement dotée en laboratoires de recherche par des organismes nationaux, s'il s'agit en outre d'une université très scientifique avec un nombre d'étudiants qui stagne, les financements sont mélangés et les inégalités sont accentuées.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Vous êtes bien d'accord sur le fait que l'autonomie des universités passe par cette connaissance ?

PermalienMichel Lussault

Bien sûr. La LOLF nous a permis, peu à peu, de comprendre, de faire comprendre et de commencer à agir sur un phénomène que l'université maîtrisait assez mal, à savoir que toutes les universités avaient un coût et qu'aucun coût n'était isolé. La question que vous leur adressez est peut-être bonne, mais elle n'est pas adressée au bon destinataire. En effet, à notre sens, elle implique plus l'État que les universités, même si celles-ci font un effort de comparabilité de plus en plus grand. Nous commençons seulement à avoir une vision un peu plus claire des choses. Mais, bien sûr, cela nous oblige à nous projeter, à étudier les outils qui pourraient nous permettre de lisser les inégalités. Nous y réfléchissons.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Nous nous adresserons aussi au ministère. Mais nous souhaitons vraiment que vous puissiez nous fournir une évaluation précise de ces inégalités entre les universités. Tout le reste en découle.

PermalienPhoto de Benoist Apparu

La question des universités sous-dotées et sur-dotées est fondamentale. Il y aura une période de transition. Comment lisser le rattrapage ? On peut imaginer des critères pour l'avenir ; c'est un premier élément de discussion. Et à partir de ces critères-là, on aboutira à des dotations fictives. Comment alors lisser ces dotations fictives ? On pourrait imaginer que, sur la période de transition, l'effet de rattrapage se ferait obligatoirement à moyen constant pour les universités. Il y a des universités sur-dotées et des universités sous-dotées et nous savons que si l'on applique les nouveaux critères, certaines universités sur-dotées perdront de l'argent. Posez-vous comme principe qu'aucune université ne doit perdre et que l'on procédera à un lissage sur une période de quatre ans ?

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Oui.

PermalienPhoto de Benoist Apparu

Vous n'avez pas évoqué la proportion « performances ». En avez-vous une idée ? Considérez-vous que l'État, au-delà des critères de performance, au-delà des critères « uniformisés pour tous », doive conserver des moyens propres dans le cadre de la contractualisation ? Sur quelles bases financières ? Enfin, que préconisez-vous pour les unités mixtes de recherche et pour leur financement ?

PermalienPhoto de Laurent Hénart

On pouvait s'attendre à ce que la CPU défende l'idée selon laquelle personne ne doit perdre mais que ceux qui auraient dû gagner seront les plus lésés. Sur ce plan, on n'est pas déçu !

Ce qu'a dit mon collègue Alain Claeys sur la transparence du système est fondamental. Il est nécessaire d'avoir une photographie de la situation actuelle, comme de la situation qui se dessinera lorsque le nouveau système sera mis en place.

L'essentiel de la dotation sera destiné à soutenir l'activité d'enseignement et de recherche. Mais il y aura aussi une part « liberté », répondant à une politique négociée avec l'État, permettant à celui-ci de prendre en compte des critères de performance qui sont la traduction de sa politique publique.

Le système devra se mettre rapidement en oeuvre. Si l'on décide que l'allocation devra évoluer dès 2009, ce qui semble être le point de vue de la CPU comme du Parlement, il faudra se mettre d'accord avant sur les leviers et le cadre de transparence. C'est en ce sens que je partage le souci d'Alain Claeys.

Il faudra également définir la part du budget allouée à l'activité d'une part, à la liberté d'autre part.

Il faut renforcer la transparence du dispositif et mettre en place des outils qui nous permettent, de manière contradictoire, d'avoir une vision partagée de l'état du système. Il est exact que San Remo était arrivé à un niveau de complexité qui ne permettait pas toujours de bien comparer.

Quelle doit être la proportion entre la partie « performances » et la partie normée ? On parle souvent de 9010. Mais autant la partie normée doit être mécanique, algorithmique à partir d'un certain nombre de données sur lesquelles nous nous mettons d'accord ; autant la partie complémentaire dépendra de différents paramètres qui seront de l'ordre de la négociation, de l'appréciation, de l'évaluation. Ce pourcentage peut donc être une moyenne globale que nous visons a posteriori mais ce n'est pas, évidemment, la répartition établissement par établissement. Cela n'aurait aucun sens.

M. le président Lussault, en évoquant l'insertion professionnelle parmi les critères pouvant être retenus, préconise une pondération selon l'efficience. C'est pourquoi j'ai parlé d'activité et de liberté : il faut distinguer entre une allocation automatique et une allocation prenant en compte l'efficacité. Si l'on met des critères d'efficacité dans la part automatique, on ne peut plus rien ajouter. Ce point est important.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

La démarche est différente. Nous utilisons, pour la répartition de la dotation de l'État, un algorithme qui porte sur des données brutes, comme le nombre d'étudiants présents au premier contrôle. Nous nous mettons d'accord sur les données initiales, qui sont les mêmes pour toutes les universités, et nous considérons, ensuite, la part d'efficacité et de performance comme un bonus potentiel à partir de l'activité – par exemple, de formation. Dans la part variable liée, sinon à la liberté, du moins à la spécificité de l'établissement, on pourrait, en effet, imaginer de prendre en compte la performance en matière de formation comme c'est le cas en matière de recherche. Un certain nombre d'éléments d'appréciation de cette part complémentaire doivent être liés au passé de l'université, à la façon dont le contrat précédent s'est déroulé – par rapport aux engagements et par rapport aux résultats en matière de formation ou de recherche.

Mais nous ne voulons pas que ce soit la seule part de « liberté », pour reprendre votre expression concernant la part complémentaire, parce qu'il faut prendre aussi en compte le futur. Le projet d'établissement, au travers de ce qui s'appelait l'« ancien contrat », doit entrer en ligne de compte. Si une université décide de fusionner quatre laboratoires en un seul en les implantant dans un même site géographique, le projet peut être apprécié pour sa qualité de structuration et donner lieu à un financement complémentaire.

PermalienPhoto de Benoist Apparu

Il en va de même si trois universités fusionnent !

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Tout à fait !

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Lors des débats sur la décentralisation de 2004 – et la réforme des universités s'apparente à une décentralisation – …

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

La loi LRU a cet objectif.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

…il avait été décidé d'accorder une prime pour la fusion d'EPCI – établissements publics de coopération intercommunale : la dotation d'État la plus élevée l'emportait pour l'ensemble des établissements. Quelle est votre position sur les logiques de site et la fusion d'établissements ? Incluez-vous ces éléments dans l'effort conjoncturel permettant que la liberté apporte plus de moyens ?

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Afin que la négociation du contrat soit un moment fort pour l'université, il faut évidemment qu'elle puisse favoriser un certain nombre de projets. Si certains se dérouleront à l'intérieur de l'université, sous sa responsabilité directe, beaucoup d'autres – projets structurants d'un point de vue institutionnel, émergence de grands secteurs – doivent donner lieu à une valeur ajoutée. Sur la part complémentaire – celle qui n'est pas purement calculée – nous devons poursuivre notre réflexion. Il faut tenir compte à la fois des performances passées, des financements de projets futurs et d'un certain nombre de spécificités de l'établissement : nombre d'étudiants, sociologie de la population étudiante, organisation géographique des bâtiments.

PermalienMichel Lussault

Comme M. Hénart l'a bien compris, dans la part algorithmique, nous nous efforçons de sortir d'une logique du théorique pour aller vers une logique de l'effectivité, c'est-à-dire de prendre en compte des critères que nous appelons pour l'instant dans notre jargon « critères d'activité réelle ». La présence aux examens, par exemple, renvoie pour nous non pas à la performance, mais à l'activité réelle. D'autres types de critères sont envisageables, comme le nombre d'étudiants entrant en premier semestre de licence qui obtiennent leur diplôme. On peut également surpondérer, c'est-à-dire accorder un bonus sur les critères d'efficacité – par exemple, parmi les étudiants qui arrivent à la licence, à ceux qui obtiennent ce diplôme en six semestres, c'est-à-dire sans prendre de retard.

Pour que les universités ne soient pas tentées de faire marcher la machine à produire du faux diplômé, il faut qu'il y ait, en amont, une bonne évaluation de l'offre de formation – une sorte de charte de qualité de la formation – et, en aval, une bonne évaluation des résultats, permettant d'affirmer que les engagements ont été ou non respectés. Une réflexion doit être menée avec l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur à la fois sur l'évaluation du projet de formation, sur l'organisation concrète du parcours de formation – présence ou non d'équipes pédagogiques, possibilité d'accompagnement des élèves en difficulté ou de travail à distance – et sur l'évaluation précise du résultat produit, pour vérifier qu'il est à la hauteur des espérances. Nous voulons vraiment parvenir à un algorithme fondé sur l'activité réelle, en mesurant l'efficacité à partir des fonctionnements réels, éventuellement surpondérée en fonction d'une réelle valeur ajoutée. Nous partons du principe que le moins que puissent faire les universités, c'est de bien travailler. On doit donc aussi reconnaître celles qui travaillent encore mieux que bien.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Les organismes de recherche étant, pour le moment, à la fois opérateurs et agences nationales, nous sommes toujours, conformément aux travaux de la mission d'Aubert, dans une logique de co-pilotage scientifique, c'est-à-dire que deux opérateurs se partagent des structures communes de recherche, les UMR – unités mixtes de recherche. Mais il faut vraiment simplifier l'administration et la gestion du système. Nous proposons à cet effet que la caisse commune soit gérée par l'hébergeur.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Les universités ont-elles les moyens de cette ambition ?

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Oui.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Progressivement.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Cela se fera probablement en quatre ans. L'évolution est de même nature que celle qui est nécessaire pour acquérir de nouvelles compétences. Un plus grand professionnalisme dans l'administration et la gestion des universités le permettra.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Nous sommes tous attentifs à ce que, dans la mise en place d'un nouveau système, les universités sur-dotées ne perdent – ni ne gagnent – rien et que les sous-dotées soient les principales bénéficiaires des moyens nouveaux. Dans les régions, il est beaucoup question de rapprocher trois ou quatre universités pour avoir une logique de site. Avez-vous repéré des endroits où cet éventuel nouveau système d'allocation des moyens d'État serait un frein à la fusion ?

Je prends l'exemple de trois universités situées dans un même territoire, dont deux sont grassement dotées et la troisième fortement sous-dotée. Si les trois sont dans le même établissement, elles seront toutes les trois légèrement sur-dotées, donc en palier, alors que, s'il n'y a pas fusion, au moins une d'entre elles gagnera quelque chose sans que les deux autres ne perdent rien.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Nous connaissons quelques exemples de ce type, qui ne sont pas très éloignés d'ailleurs. Mais je suis convaincu qu'il faut avancer. Il ne faut pas que ce soit un frein. Il faut trouver des formules, en particulier en travaillant bien en amont de la négociation de chaque université avec l'État. Une concertation forte des différents établissements avant de rencontrer l'État ferait certainement avancer les choses.

Nous n'avons pas dit non plus que nous ne voulions pas que des universités moyennement ou plutôt bien dotées dans le contexte français ne progressent pas.

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

Il y a plusieurs vitesses.

PermalienPhoto de Alain Claeys

L'objectif du système San Remo était de réduire les inégalités entre les établissements et de connaître les coûts réels. Un observatoire avait même été créé à cet effet, mais il n'a pas duré bien longtemps. Nous butons toujours sur cette question. Pour connaître les coûts, la comptabilité analytique semble fondamentale. Je sais que l'Agence de mutualisation des universités et établissements – AMUE – dont M. Lussault est le président y a travaillé. Où en est le chantier ? Y a-t-il une véritable diffusion au sein des universités ?

PermalienMichel Lussault

L'agence a mis en place, avec l'aide de la société SAP, un nouveau logiciel de gestion financière et comptable, Sifac. Il est déployé actuellement dans huit établissements expérimentaux, dont l'université Nancy 1. Il sera étendu, à la rentrée 2009, à une trentaine d'établissements supplémentaires et, en 2010, à une trentaine d'autres. Le logiciel a été conçu en lien direct avec la direction des affaires financières du ministère pour qu'il soit compatible au maximum avec la LRU et la LOLF. En permettant de cadrer véritablement avec le décret financier, il sera un outil très précis non seulement de lecture analytique du budget, mais également de suivi analytique, des tableaux de bord quotidiens ou hebdomadaires étant en permanence disponibles pour les équipes de direction.

Bien qu'il reste encore des petits problèmes techniques à résoudre, ce logiciel fonctionne déjà dans huit universités. Nous pensons qu'il sera un gage très puissant de progrès.

Son extension nécessitera un plan de formation très important au sein des universités. Celles-ci sont, en effet, caractérisées par un nombre important de catégories C et B parmi les personnels administratifs et un faible nombre de personnels d'encadrement. L'AMUE est en train de lancer ce plan de formation, comme elle lance, avec l'ESEN, l'école supérieure de l'éducation nationale, un plan de formation globale sur la LRU pour les aspects RH – ressources humaines. Le prochain logiciel que l'AMUE mettra en place sera un logiciel RH. Le logiciel Sifac comporte déjà une rubrique permettant d'aborder ces questions à travers la masse salariale globale.

PermalienThierry Colin

Il faut distinguer deux niveaux : d'une part, la comptabilité analytique dont M. Lussault vient de décrire les étapes et qui permettra une analyse d'une grande finesse et, d'autre part, la capacité de faire une photographie des inégalités des établissements. Une courbe existe, sur laquelle nous continuons de travailler. Ce n'est pas le même niveau de difficulté.

Quant à l'urgence, la réforme de l'allocation des moyens pour cette année budgétaire est d'autant plus indispensable qu'une partie non négligeable des universités va passer à l'autonomie et que, si, par malheur, on était reparti sur la règle précédente…

PermalienDidier Migaud président de la commission des finances

On aurait du mal à changer !