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Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Séance du 2 juin 2010 à 9h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Guillaume Pepy, Président de la SNCF.

PermalienPhoto de Christian Jacob

Nous sommes heureux d'accueillir M. Guillaume Pepy, président de la SNCF qui, je vous le signale d'emblée, devant se rendre à Bruxelles, sera obligé de nous quitter à 10 heures 45.

Les pertes de la SNCF avoisineront 900 millions d'euros en 2009. Quelles sont, monsieur le président, les activités les plus rentables de l'entreprise et celles qui le sont le moins ? La rentabilité du TGV, longtemps considérée comme acquise, est-elle toujours au rendez-vous ? Où en est la mise en oeuvre de l'engagement national pour le fret ferroviaire annoncé en septembre dernier ?

J'aimerais également que vous fassiez le point sur les tensions sociales et le taux de conflictualité à la SNCF. Pensez-vous, à l'instar de certains de nos collègues, qu'il faudrait faire évoluer la législation sur le service minimum garanti ? Les voyageurs vivent très mal les conséquences des grèves et d'une manière générale, l'opinion publique ne comprend plus ce qui les justifie. Quelle est votre analyse de ces conflits sociaux ?

Enfin, suite aux demandes d'explications formulées par la Commission européenne au début de l'année, le statut d'EPIC de la SNCF pourrait-il être remis en cause ?

PermalienGuillaume Pepy, président de la SNCF

Je suis toujours heureux de m'exprimer devant votre commission. Je vous remercie d'avoir accepté cet horaire avancé car je dois en effet me rendre immédiatement à Bruxelles où, avec mes homologues de la Deutsche Bahn et de Trenitalia, nous ferons un point devant le Parlement européen sur la situation du transport ferroviaire en Europe.

Je répondrai à vos questions dans l'ordre inverse de celui où vous me les avez posées, traitant d'abord des aspects politiques, puis sociaux et économiques. Étant pour la première fois ici auditionné en présence de la presse, j'en profite aussi pour faire passer un message au-delà de cette enceinte. L'échange de lettres entre la France et la Commission européenne, qui n'a été révélé qu'au début de cette semaine, a eu lieu en réalité il y a quelques mois. Vue de la Commission, l'existence même d'un secteur public dans un secteur dérégulé comme celui du transport ferroviaire pose question ; vue des pouvoirs publics français, non, ils me l'ont redit hier. Le secteur ferroviaire sera progressivement ouvert à la concurrence en France. C'est déjà fait pour le transport des marchandises et cela se fera un jour pour le transport des voyageurs, dans des conditions fixées par la loi sur la base d'un rapport du sénateur Francis Grignon. Alors que le Gouvernement français considère qu'un secteur public et un futur secteur privé de transport ferroviaire peuvent exister parallèlement, les instances communautaires se demandent, elles, si l'existence d'un secteur public ne serait pas de nature à fausser la concurrence. La réponse de notre pays est que l'État français ne garantit d'aucune manière, expresse ou implicite, la dette de la SNCF, pas plus que l'État allemand ne garantit celle de la Deutsche Bahn. Preuve en est d'ailleurs la notation de ces entreprises, AA pour la Deutsche Bahn, AA+ pour la SNCF, ce qui est logique, la dette de l'entreprise allemande dépassant vingt milliards d'euros quand la nôtre est inférieure à dix milliards. Pour prévenir toute distorsion de concurrence, le conseil d'administration de la SNCF a décidé que le financement des activités de l'entreprise devait s'effectuer à des niveaux de marché afin d'éviter toute situation de concurrence déloyale avec des concurrents privés. Lorsque Fret SNCF emprunte de l'argent, il le fait auprès de sa maison-mère, la SNCF, à des conditions financières acceptables pour Veolia ou Euro Cargo Rail, nos concurrents, et donc par l'Union européenne. Nous vérifions régulièrement qu'il en est bien ainsi. Au total, nous estimons que l'État a répondu comme il le fallait à la Commission et ce sujet est clos.

Pour ce qui est du dialogue social dans l'entreprise, comme mes prédécesseurs Louis Gallois et Anne-Marie Idrac, je suis le premier à regretter les conséquences des conflits sociaux à la SNCF pour les voyageurs et les chargeurs. Des progrès considérables ont néanmoins été accomplis. On ne dénombre plus aujourd'hui à la SNCF, selon les années, qu'un jour à un jour et demi de grève par salarié et par an, avec une tendance à la baisse sur les dernières décennies et une baisse de 30% du nombre de préavis depuis 2000. Nous ne sommes donc pas restés inertes. Pouvons-nous faire mieux ? Nous devons, et les organisations syndicales en sont conscientes, faire en sorte, comme le souhaite le Parlement, que le mécanisme d'alarme sociale, institué par la loi d'août 2007, fonctionne mieux et que le nombre de préavis de grève et de grèves diminue. Je réunirai une table ronde avec les organisations syndicales à la rentrée afin de réfléchir aux moyens de rendre cette alarme sociale plus efficace.

Une autre de mes préoccupations a trait aux nouvelles formes de conflit social. Les grèves de 59 minutes, répétitives et systématiques, ou les entrées et sorties successives dans la grève, aujourd'hui autorisées par la jurisprudence de la Cour de cassation, posent problème dans un service public de transports. La mission d'information présidée par Jacques Kossowski, qui s'était emparée du sujet, a jugé qu'il n'était pas opportun, pour le moment, de modifier la loi sur ce point. Mon point de vue personnel, lui, n'a pas changé : si une grève, ne fût-elle que de 59 minutes, a lieu gare Saint-Lazare le matin aux heures de pointe, il est très difficile qu'elle n'ait pas de répercussion sur le trafic pendant toute la matinée, voire la journée entière. Mais c'est à la représentation nationale qu'il appartient de décider ce qu'il convient de faire.

J'en viens à la situation économique de l'entreprise. Les dix dernières années avaient été marquées par une consolidation du modèle économique de la SNCF qui avait réalisé en 2006 et 2007, un résultat d'un milliard d'euros, provenant à 100% des bénéfices du TGV. Je suis le premier à reconnaître qu'un modèle économique dans lequel une activité qui procure six milliards d'euros de chiffre d'affaires finance un groupe qui en réalise au total vingt-cinq milliards n'est pas très satisfaisant. Et ce modèle est en effet aujourd'hui remis en cause en raison d'une part, de la crise qui fait que le trafic mais aussi le chiffre d'affaires des lignes TGV ne progressent plus, l'un pour des raisons de pouvoir d'achat et de changements dans la politique voyages des entreprises, l'autre du fait de la multiplication des tarifs réduits, d'autre part de la forte augmentation des péages grande vitesse, destinés à financer une partie de l'indispensable plan de rénovation des 25 000 kilomètres du réseau classique. Ce n'est pas illégitime, mais jusqu'où peut-on aller ? Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF), et moi-même, posons la question aux pouvoirs publics. Ceux-ci nous ont assuré qu'ils y réfléchissaient et qu'une réponse nous serait apportée courant 2010.

En ce début d'année, notre activité se redresse, lentement et de façon encore fragile. Certains signes encourageants devront être confirmés au deuxième semestre. Dans les TER et les Transilien, le trafic recommence d'augmenter, de quelque 3%, et ce sont aujourd'hui ces transports de proximité qui tirent la SNCF. Le trafic TGV, lui, n'augmente pour ainsi dire pas, alors que sa croissance était de 4% à 5% par an ces dix dernières années. Pour ce qui est du transport de marchandises, la reprise est nette au niveau mondial en provenance ou à destination des pays émergents. Au niveau européen, elle est encore incertaine, des signes positifs alternant avec d'autres qui le sont moins. Elle devrait néanmoins se confirmer au deuxième semestre. Quoi qu'il en soit, le transport routier, déjà le plus flexible, demeure en Europe occidentale ultra-compétitif pour les raisons que chacun connaît. La route est toujours la première à bénéficier des frémissements de reprise de l'activité et ce n'est qu'ensuite, une fois celle-ci assurée, que le rail peut regagner des parts de marché. Notre projet de budget pour 2010 prévoit une amélioration sensible de notre résultat. L'an passé, notre résultat opérationnel courant était positif, mais notre résultat net négatif d'un milliard d'euros, soit le montant exact duquel nous avions, dans le respect de l'orthodoxie comptable, déprécié nos actifs pour tenir compte de l'incidence de la crise sur leur valeur.

PermalienPhoto de Maxime Bono

Le passage éventuel de la SNCF du statut d'EPIC à celui de SA, suite aux observations de la Commission européenne, nous inquiète, d'autant que nous avons tous en tête l'exemple de La Poste. Nous nous félicitons que pour une fois, l'ensemble des acteurs semble refuser le dogme libéral. Nous tenons à redire notre attachement au statut actuel de la SNCF, qui en aucun cas n'entraîne de distorsion de concurrence.

Pour ce qui est du fret, le groupe SRC est très attaché au wagon isolé, dont nous regrettons tout particulièrement l'abandon à l'heure du Grenelle de l'environnement. En effet, cela aboutira inévitablement à un transfert du rail vers la route, alors même que le transport ferroviaire émet très peu de CO2 . Il faudrait plus que jamais déclarer d'intérêt public le principe du wagon isolé et faire de son maintien, accompagné des moyens publics nécessaires, une priorité.

Où en est par ailleurs la création des opérateurs ferroviaires de proximité dont on avait annoncé qu'ils pourraient prendre le relais pour desservir certains territoires éloignés ou enclavés, où la présence d'une entreprise est néanmoins déterminante pour l'aménagement du territoire ? Quelle part y prend la SNCF ? Peut-on espérer que ces opérateurs sinon le concurrencent, du moins résistent au transport routier ? Nous refusons que le fret ferroviaire de proximité soit sacrifié. Quel bilan dressez-vous pour la SNCF de l'ouverture du fret à la concurrence depuis 2006 ?

La Commission européenne aurait fait savoir qu'elle souhaitait ramener de 2039 à 2030 la fin du monopole de la SNCF sur les trains de banlieue, de même que celui de la RATP sur le métro. Quelle est votre position sur le sujet ?

Enfin, comment envisagez-vous, le cas échéant, la recomposition du paysage des sociétés d'ingénierie ferroviaire, avec Systra ou bien encore la RATP avec laquelle vous coopérez souvent ? En effet, il arrive que des sociétés françaises se fassent concurrence, ce qui n'est assurément pas le moyen de faire gagner notre pays.

PermalienPhoto de Yanick Paternotte

La dégradation des comptes du secteur des lignes à grande vitesse (LGV) tient notamment au fait que, comme dans le transport aérien, les voyageurs d'affaires délaissent largement la première classe au profit de la seconde. Le trafic ne recule pas mais n'augmente pas non plus. Quel retour avez-vous de certaines expérimentations comme les dessertes de la Normandie, avec des retournements de rames qui ne sont véritablement TGV qu'après l'interconnexion de Roissy ? Allez-vous, comme Ryanair, demander aux collectivités de combler le déficit pour que les rames aient le « label TGV » ou allez-vous revenir à une exploitation classique ?

Dans le projet de Grand Paris, qui vient d'être adopté par le Parlement, le groupe UMP a toujours défendu la nécessité d'une interconnexion entre les différents réseaux LGV et le futur métro automatique. Défendez-vous, comme je le préconise, l'idée d'une interconnexion dans l'Ouest parisien avec un barreau reliant la LGV Nord et la LGV Atlantique, qui soulagerait le barreau Est ? Où en est la réflexion ?

J'ai été surpris de constater combien le retard dans l'électrification de nombre de lignes influait sur les stratégies de la SNCF elle-même et de RFF. Ainsi voudrait-on nous imposer l'idée qu'il faut réaliser la liaison AmiensCreilRoissy par la voie classique alors que j'ai tendance à penser, naïvement, qu'il suffirait dans un premier temps d'électrifier la section AmiensChaulnes, et de poursuivre peut-être ensuite jusqu'à Abbeville pour que des TGV, à l'intention notamment des touristes et qui pourraient donc être très rentables, desservent la Côte d'Opale. Quelle est votre position sur le sujet ? Faut-il s'obstiner à faire partout du TGV classique ? Ne vaudrait-il pas mieux parfois s'orienter vers du pendulaire, comme le font les Allemands ou les Italiens, voire favoriser l'utilisation par certains trains d'itinéraires mixtes, empruntant pour partie d'anciennes voies électrifiées et rénovées, pour partie des lignes TGV classiques ?

Pour ce qui est du fret, nul n'ignore que le transport routier est beaucoup plus flexible et qu'on ne recoure au transport ferroviaire que lorsqu'on peut constituer des trains assez « massifiés » pour des transports sur de longues distances, essentiellement donc trans-nationaux. La SNCF et la Deutsche Bahn s'apprêtent-elles, comme Air France et Lufthansa, à constituer deux alliances, sinon ennemies, du moins concurrentes en Europe avec chacune des partenaires différents ? Ou bien au contraire peuvent-elles se retrouver sur certains thèmes, dont le fret ? J'ai l'impression qu'à défaut, ce serait ouvrir l'Europe de l'Est à la Deutsche Bahn sans contrepartie pour la SNCF qui dispose pourtant d'un important savoir-faire.

PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Le Gouvernement et la SNCF ont fait du développement du fret ferroviaire une priorité nationale dans le cadre du Grenelle de l'environnement, l'objectif étant que le maximum de poids lourds circulent sur les nouvelles autoroutes ferroviaires. Ma région, la Picardie, est très directement concernée par un autre projet majeur qui permettra de transférer des poids lourds sur des barges : le canal SeineNord Europe. Or, sur le plan local, certains esprits chagrins, sinon mal intentionnés, s'emploient à opposer le rail et la voie d'eau, ce qui est absurde. Ce n'est en effet que par un bouquet de solutions alternatives complémentaires que l'on pourra sortir du tout-routier. N'est-ce pas votre avis ?

Que compte faire la SNCF pour aider au développement du covoiturage ? En effet, après un engouement passager, cette pratique pourtant intelligente semble avoir moins la cote aujourd'hui. Un engagement de la SNCF en sa faveur pourrait lui donner une impulsion déterminante, compte tenu des millions de personnes qui prennent chaque matin leur voiture pour la laisser ensuite la journée entière sur le parking d'une gare.

En 2006, la SNCF a lancé une expérimentation de locomotives roulant au B 30, mélange contenant 30% de biodiesel et 70% de gazole. Pour certains matériels aurait même été utilisé du B 100, carburant 100% végétal. Quels sont les résultats de ces expériences ? D'une manière plus générale, pourriez-vous faire le point sur l'utilisation par la SNCF de carburants d'origine végétale ?

PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur Pepy, vous m'avez écrit à deux reprises ces derniers jours, mais je ne pense pas être le seul parmi mes collègues à avoir reçu ces courriers. Dans le premier d'entre eux, vous évoquiez le climat social à la SNCF. Dans le second, vous nous invitiez à un débat sur les retraites, en présence du président du Conseil d'orientation des retraites. Ces deux courriers m'ont paru traduire une irruption du président de la SNCF dans le champ politique (exclamations sur divers bancs).

PermalienPhoto de Daniel Paul

Ce n'est peut-être pas nouveau, mais c'est la première fois que j'y assiste depuis que je suis député. Permettez-moi de m'en étonner et de former le souhait que cela ne se reproduise pas. J'aimerais recevoir autant de courriers de votre part pour regretter les incidents, non dus à des grèves, qui continuent d'émailler le trafic entre Le Havre et Paris –entre autres !

Notre collègue Maxime Bono a regretté que le plan fret aboutisse de fait à une réduction du trafic, que ce soit en abandonnant le wagon isolé, qui conduira à ce que de nombreux territoires ne soient plus desservis, ou en se séparant de moyens matériels et humains – lorsque je traverse la gare de Sotteville-les-Rouen et que j'y vois toutes les locomotives et wagons au garage, j'avoue avoir un pincement au coeur et une inquiétude. Que vont devenir tous ces matériels dans le cadre du plan fret décidé ici même ? Par une pétition signée par des élus, des organisations syndicales, des associations de protection de l'environnement et des associations d'usagers, nous demandons au Gouvernement et à la SNCF de revoir ce plan d'urgence. Il en va du respect de l'objectif de réduction d'émissions de gaz à effet de serre inscrit dans le Grenelle de l'environnement. La disparition du wagon isolé ne pourra qu'accroître le nombre de poids lourds sur les routes. Selon une étude réalisée par le cabinet indépendant Carbone 4, cette décision occasionnerait un rejet de 300 000 tonnes équivalent CO2 dans l'atmosphère, du fait du trafic routier supplémentaire induit. Nous demandons donc un moratoire immédiat sur cette disposition. Nous demandons également la préservation des installations et matériels susceptibles d'être réutilisés car nous ne perdons pas espoir que la tendance s'inverse un jour concernant le fret ferroviaire. Il faudra alors disposer d'alternatives crédibles à la route. C'est aussi pourquoi nous demandons qu'on examine des organisations nouvelles de proximité de la production SNCF, spécialement adaptées et décidées en coopération avec les partenaires locaux afin de donner toute la pertinence économique nécessaire aux convois.

Pour ce qui est des demandes d'explications de la Commission européenne, permettez-moi de rappeler que certain ministre de l'économie nous avait juré la main sur le coeur en séance publique dans cette enceinte que jamais GDF ne serait privatisé. On sait ce qui est advenu de cette belle promesse lorsque l'intéressé est devenu Président de la République ! Vous nous assurez qu'il existe un front républicain en France contre les prétentions de la Commission européenne à remettre en cause le statut actuel de la SNCF mais ce front tiendra-t-il lorsque les pressions de la Commission se feront plus fortes ? Nous avons bien entendu ce que vous avez dit à ce sujet : j'en conclus que le statut de la SNCF ne sera pas modifié. Nous avons bien entendu que lorsqu'elle emprunte, la SNCF ne demande la garantie ni de l'État ni des régions : j'en conclus qu'elle ne sollicitera pas non plus les collectivités territoriales à compter de 2014. Mais la belle entreprise publique SNCF ne s'est-elle pas fondue dans un moule libéral ?

Dans le projet de Grand Paris qui doit relier l'agglomération parisienne et Le Havre, ne faut-il pas prévoir aussi un acheminement des marchandises jusque dans Paris par la voie ferroviaire ?

PermalienGuillaume Pepy, président de la SNCF

Monsieur Bono, je me suis engagé vis-à-vis du Gouvernement et de la représentation nationale à développer le fret ferroviaire et à ce que cet objectif puisse être vérifié. Le bilan carbone du schéma directeur du fret ferroviaire sera chaque année établi par un cabinet indépendant. Le premier de ces bilans sera dressé à l'automne 2010.

Nous n'abandonnons pas le wagon isolé, nous le transformons en « multi-lots multi-clients », c'est-à-dire que nous « massifions » ce qui était alors du transport de détail car pour celui-ci, le camion est, hélas, imbattable en France, notamment parce que le transport routier bénéficie de conditions fiscales et sociales avantageuses et qu'il dispose d'infrastructures de qualité. Nous avons bien l'intention de relever le défi du « multi-lots » et réfléchissons actuellement avec les clients aux moyens d'y parvenir.

Je crois dur comme fer dans les opérateurs ferroviaires de proximité. Si nous souhaitons « referroviariser » le transport de marchandises dans notre pays, il faut qu'à La Rochelle, à Dunkerque, au Havre, en Auvergne et en Alsace, des opérateurs locaux de fret ferroviaire, associant tous les partenaires, prennent en charge la collecte de détail pour que nous puissions ensuite la « massifier ». La constitution de ces opérateurs prendra du temps, mais je suis optimiste. Elle a déjà démarré. Eurotunnel le fait à Dunkerque. Nous le faisons à La Rochelle et au Havre. Nous venons de conclure un accord pour nous lancer en Auvergne. Nous sommes en discussion autour du port Edouard Herriot et à Strasbourg. Comme tous, je souhaiterais que cela aille plus vite encore mais, convaincu du bien-fondé de cette approche, je suis sûr de sa réussite.

L'ouverture à la concurrence est une question politique, appelée à être tranchée par le Gouvernement et le Parlement. Ma seule question est de savoir dans quel cadre social elle s'opérera. S'il s'agit de mettre en concurrence non pas les entreprises, mais les statuts sociaux, je ne puis, en tant que président de la SNCF, qu'émettre un avis très critique : dans cette hypothèse, l'entreprise au statut le plus coûteux serait en effet condamnée à un avenir pour le moins délicat, pour ne pas dire davantage. Nous plaidons donc, pour notre part, en faveur d'un cadre social harmonisé, ce qui ne signifie pas uniforme après alignement vers le haut ou vers le bas. Il faudra réunir les partenaires sociaux autour d'une table et leur expliquer la nécessité de cette harmonisation afin que la concurrence joue entre les entreprises, et non entre les statuts.

Nous souhaitons que la France dispose d'une grande ingénierie ferroviaire internationale. Avec mon homologue de la RATP, Pierre Mongin, nous avons demandé au Gouvernement quelle était la meilleure organisation pour y parvenir. Il doit nous répondre dans les prochaines semaines.

S'agissant du monopole, le Parlement a voté la loi assurant celui de la RATP jusqu'en 2039. Le Gouvernement nous a indiqué que par assimilation, la SNCF pourrait conserver également le sien en Ile-de-France jusqu'à la même date.

Monsieur Paternotte, 95% du coût des TGV sont aujourd'hui financés par les voyageurs. Seules quelques liaisons comme Melun-Marseille, Cherbourg-Dijon, Le Havre-Besançon et quelques autres le sont avec l'aide des collectivités territoriales. Il ne serait pas raisonnable de contractualiser avec elles en ce domaine. Dans certains cas particuliers répondant à une nécessité d'aménagement du territoire, certaines l'ont souhaité. Nous l'avons accepté, mais cela doit demeurer l'exception.

S'agissant du projet de Grand Paris, la SNCF souhaite qu'il comporte également un volet transport de marchandises. Notre préoccupation est par ailleurs triple : améliorer le service sur les lignes existantes, notamment de RER – nous y mettons l'énergie et les moyens financiers nécessaires ; prolonger ou réutiliser des lignes existantes, comme la Grande ceinture, afin de soulager le réseau actuel, saturé ; poursuivre le contournement LGV de l'Ile-de-France, notamment avec le barreau Sud, décidé par le Gouvernement, qui relierait le Nord et le Sud-Ouest de l'Europe, et dont nous pensons que c'est une excellente idée.

Pour ce qui est de l'électrification, un débat public est en cours concernant le tronçon CreilRoissy. Vous y participez activement, monsieur Paternotte. Je ne me prononcerai pas sur ce débat. Je dirai seulement que l'électrification constitue un progrès considérable. Elle coûte un million d'euros du kilomètre, mais c'est le gage d'un service ferroviaire plus fiable, plus respectueux de l'environnement et qui permet d'augmenter les capacités de trafic. La France est l'un des pays qui a le plus électrifié son réseau. Il faut continuer progressivement. Un réseau thermique est une aberration sur le plan environnemental et une source majeure de difficultés d'exploitation.

Quant à l'alliance de la SNCF et de la Deutsche Bahn dans le domaine du fret, ce serait une excellente idée. Il est évident que pour construire une Europe du fret ferroviaire, il faudrait que les deux acteurs principaux, français et allemand, s'entendent et mettent au point un dispositif franco-allemand. Mais avant que cette ambition, ce rêve, ne se concrétisent, de nombreuses questions devraient trouver réponse. Une telle alliance serait-elle euro-compatible au regard des règles de la concurrence ? Le tandem serait-il, à terme, équilibré, ou plutôt français ou plutôt allemand ? Le précédent d'EADS incite à la réflexion. Je ressens la nécessité d'une Europe du fret ferroviaire, mais je sais qu'il ne sera pas facile de la mettre en place, ne soyons pas hypocrites.

Monsieur Demilly, la SNCF est convaincue que le covoiturage est le complément indispensable du transport ferroviaire. Encore inexistant ou presque il y a quelques années dans notre pays, il est désormais une pratique dont nous sommes devenus acteurs. Nous disposons en Ile-de-France d'un dispositif qui couvre l'intégralité de la région et facilite le covoiturage vers les gares, de façon que des automobilistes empruntant un même trajet puissent partager leur véhicule et n'occuper ensuite qu'une place de stationnement près des gares. En province, nous menons plusieurs expériences en partenariat avec les conseils régionaux. Nous avons monté une société de covoiturage, Green Cove, dont l'objectif est de rapprocher l'offre et la demande. Enfin, le jour où la voiture électrique aura pris son essor dans notre pays, nous souhaitons également en être un acteur car nous sommes convaincus, à la fois du succès qu'elle rencontrera et de sa complémentarité avec le train.

Pour faire reculer la circulation des poids lourd sur nos routes, il faut jouer à fond la complémentarité entre le transport fluvial et ferroviaire. Ainsi nous ne pourrions pas en vallée de Seine faire circuler beaucoup plus de trains de marchandises sur les voies existantes, déjà saturées et à la qualité de service médiocre. En revanche, l'utilisation de la voie d'eau jusqu'au port de Gennevilliers, puis un relais habilement pris par le rail serait une solution intelligente, que nous sommes en train d'explorer avec les collectivités.

Pour ce qui est du bilan, mitigé, de l'utilisation du B 30, je préfère, si vous l'acceptez, vous adresser une réponse écrite.

Monsieur Paul, j'ai estimé normal qu'à l'issue d'un conflit qui a durablement marqué tous les usagers du rail, le président de la SNCF fasse part de son analyse à chacun des membres de la représentation nationale. Sur le second courrier auquel vous avez fait allusion, je veux lever tout malentendu : il s'agit simplement d'une invitation aux travaux de notre groupe de réflexion, notre think tank, qui, après avoir entendu des personnalités comme Roland Castro, Nicole Notat, se trouve entendre prochainement Raphaël Hadas-Lebel, président du COR.

Vous déplorez que dans certaines gares, des matériels soient stockés faute d'usage. Force m'est de dire que certaines de nos locomotives étaient hors d'âge. Celles qui ont plus de trente ou de quarante ans ne seront pas remises en service. D'autres, tout à fait modernes, simplement garées le temps que le trafic ferroviaire qui a, l'an passé, chuté de 26% dans l'ensemble de l'Union européenne, reparte à la hausse, ont bien entendu vocation à être réutilisées.

PermalienPhoto de Jacques Kossowski

Tout ce que vous avez dit, monsieur Pepy, est très intéressant mais rien ne pourra être mis en oeuvre sans renforcement du dialogue social dans l'entreprise. Vous ne pourrez pas sinon aller plus loin car n'y aurait-il que 10% ou 15% de grévistes, cela suffit à tout paralyser. Gardons toujours présent à l'esprit que la loi abusivement dite sur le service minimum s'intitule « dialogue social et continuité du service public ».

Quel est le montant annuel des investissements de la SNCF ? Du temps de Mme Anne-Marie Idrac, ils s'élevaient à quelque deux milliards d'euros. Allez-vous continuer sur le même rythme ?

Quelles relations la SNCF entretient-elle exactement avec RFF, car il n'est pas rare que les deux sociétés se « renvoient la balle » ?

Lors du réaménagement de certaines gares, la SNCF sollicite la participation des communes. Je le sais pour avoir moi-même reçu une demande en ce sens. Permettez-moi de m'en étonner.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Pérol-Dumont

Je me félicite de l'apparent consensus qui semble exister sur le maintien du statut actuel de la SNCF et espère qu'il perdurera.

Quel rôle joue la SNCF dans les études sur le trafic voyageurs attendu pour les futures lignes grande vitesse ? Il me semblait que ces études relevaient en priorité de la responsabilité de RFF. Certaines déclarations récentes de hauts responsables de la SNCF, notamment sur le barreau Poitiers-Limoges, sont quelque peu discordantes avec celles de RFF. La SNCF semble comme en retrait par rapport aux annonces du Grenelle de l'environnement sur ces futures lignes. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?

La SNCF est-elle seule compétente pour déterminer la politique tarifaire sur le réseau à grande vitesse ? Sur quels critères la tarification est-elle élaborée ? Quels éléments sont pris en compte pour fixer les tarifs sur les futures LGV par rapport aux lignes classiques existantes ? Enfin, quelles conséquences attendre sur les tarifs de l'ouverture à la concurrence des LGV voyageurs ?

PermalienPhoto de Jacques Le Nay

La vétusté de certains réseaux a-t-elle fait perdre à la SNCF des parts de marché dans le fret ? Je n'ignore pas que l'entretien du réseau relève de RFF mais pourriez-vous nous faire un point sur le sujet ? Pourriez-vous également nous rassurer quant aux produits d'entretien utilisés pour les abords des voies, dont certains peuvent être très polluants pour les cours d'eau et les nappes phréatiques ?

Une gare-modèle sur le plan écologique avec panneaux solaires, isolation naturelle renforcée, toilettes utilisant l'eau de pluie… vient d'être inaugurée à Achères. Des gares de ce type sont-elles appelées à se généraliser ?

PermalienPhoto de Claude Darciaux

Je souhaiterais évoquer la question de l'étoile ferroviaire de l'agglomération dijonnaise. La branche Est de la LGV Rhin-Rhône sera opérationnelle en 2011. Quel est votre sentiment à la fois sur l'utilité et la faisabilité de la branche Ouest avec la création d'une deuxième gare à Dijon, sachant que cette branche rejoint ensuite la LGV Méditerranée, saturée ? Que pensez-vous des investissements considérables qui seraient nécessaires, puisque la ligne passerait en souterrain ? Ne serait-il pas plus opportun de réaliser la branche Sud ? Où en sont les études ? Enfin, plus de dix hectares ont été réservés, notamment sur le territoire de ma commune, pour la construction du tunnel de la branche Ouest, ce qui fige tout projet de développement économique et d'habitat. Est-ce justifié si ce projet est reporté aux calendes grecques ?

PermalienPhoto de Jean-Marie Sermier

L'institution d'une éco-redevance sur les poids lourds ne permettrait-elle pas de rééquilibrer la concurrence entre réseau ferré et réseau routier ? Des études précises ont-elles été réalisées sur les transferts de trafic pouvant être escomptés sur la base des différents tarifs envisagés ?

Il a été un temps question de faire cohabiter le trafic fret et le trafic voyageurs sur la branche Sud de la LGV Rhin-Rhône. Cette option est-elle toujours d'actualité ?

Ma dernière question concerne les opérateurs ferroviaires de proximité. En Franche-Comté, nous travaillons à un vaste plan Bois. La SNCF envisage-t-elle d'améliorer significativement la logistique du transport du bois ?

PermalienPhoto de Albert Facon

Il faut être l'as des experts pour se retrouver dans la jungle tarifaire des TGV ! Au tarif Senior, le prix d'un aller Paris-Arras peut varier de 17 à 36 euros selon le train emprunté. Depuis trois ans, le prix des billets a augmenté de 7% et il semble désormais que la SNCF se comporte davantage comme une entreprise commerciale, attirant le client par des prix d'appel, des « têtes de gondole », que comme un service public. La région Nord-Pas-de-Calais est particulièrement mal traitée avec un prix du billet s'élevant à 20 centimes du kilomètre pour Paris-Lille, ligne la plus chère de France, contre 13,6 centimes pour Paris-Rennes, 12 centimes pour Paris-Strasbourg et 10,6 centimes pour Paris-Marseille. Certes, à Marseille, la SNCF peut craindre la concurrence des compagnies aériennes low cost, ce qui n'est bien entendu pas le cas à Lille ou Arras. Mais je trouve vraiment anormal que la région Nord-Pas-de-Calais, qui n'est déjà pas bien riche, soit ainsi doublement pénalisée.

PermalienPhoto de Martial Saddier

Tous les territoires de France, y compris les zones rurales et péri-urbaines, ont le droit d'être desservis par des transports collectifs. Mais dans ces territoires à faible densité, il ne peut y avoir de solution unique. Il faut penser des solutions multimodales, spécifiques et complémentaires. Aux côtés des communes qui mettent en place des systèmes de transport à la demande ou organisent des parkings de covoiturage, des départements qui ont la charge des transports scolaires et des lignes inter-urbaines, des régions qui gèrent les TER, quelle part la SNCF prend-elle aux réflexions en cours ? Se voit-elle comme un partenaire potentiel dans la nouvelle organisation adaptée à ces territoires ?

PermalienPhoto de Christophe Bouillon

Monsieur le président, le 4 mai dernier lors d'une rencontre sur le projet de Grand Paris avec des décideurs locaux au Havre, vous avez été vigoureusement interpellé par certains élus, exaspérés des dysfonctionnements actuels de la ligne Le Havre-Paris, dont je me fais ici à mon tour l'écho. Vous vous êtes ce jour-là engagé à trouver des solutions, notamment pour le Mantois, « dans des délais raisonnables ». Quels sont, selon vous, des « délais raisonnables » et quels moyens êtes-vous prêt à consacrer ? La SNCF a, me semble-t-il, une dette vis-à-vis de ce secteur.

PermalienPhoto de Didier Gonzales

Le programme de service wagon isolé nouvelle génération, dit multi-lots, resserre le traitement du fret loti autour de quatre hubs régionaux et une trentaine de plates-formes intermédiaires. Si un choix devait être fait en région parisienne, quelle gare de triage serait privilégiée, celle du Bourget ou celle de Villeneuve-Triage ? Le secteur de Villeneuve-Triage fait l'objet d'une opération d'intérêt national (OIN) et l'activité ferroviaire y irrigue le tissu économique local. Il doit donc faire l'objet d'une attention particulière. Pour ce qui est du barreau Sud de contournement LGV, j'invite la SNCF et RFF à tenir le plus grand compte de la densité du tissu urbain dans lequel sa réalisation est envisagée, afin que le progrès pour certains ne se traduise pas par des nuisances supplémentaires pour d'autres.

PermalienPhoto de Christophe Caresche

Savez-vous, monsieur le président, si des recours ont été introduits par la France devant la Cour de justice des communautés européennes qui pourraient éclairer les décisions à venir concernant le statut de l'entreprise ?

PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Parmi les priorités du Grenelle de l'environnement, figure la rénovation des lignes classiques. Quel est le programme de la SNCF pour la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse ? RFF vous « renvoie largement la balle », imputant à la seule SNCF les problèmes rencontrés sur cette ligne. Les trois présidents des régions concernées vous ont déjà interrogé à ce sujet. Quelle jonction envisagez-vous avec la future LGV Paris-Centre-Auvergne, sachant que si elle s'effectuait le plus au sud possible, cela permettrait d'améliorer substantiellement les dessertes de Limoges, Brive et Toulouse ? Tant pour le trafic voyageurs que pour le trafic marchandises, notre pays a besoin de trois radiales, vers Bordeaux, vers Lyon et bien entendu vers Limoges et Toulouse.

PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

La SNCF a annoncé un plan fret d'un milliard d'euros sur la période 2010-2015, le Gouvernement un plan de sept milliards d'euros d'ici à 2020. Quels crédits la SNCF et l'État consacreront-ils respectivement à la mise en oeuvre de ce plan en 2010 ?

PermalienGuillaume Pepy, président de la SNCF

Monsieur Kossowski, nous restons à un pic d'investissements de 2,2 milliards d'euros, dont 300 millions d'euros en 2010 correspondent à l'effort supplémentaire consenti par l'entreprise dans le cadre du plan de relance. Sur ces 2,2 milliards, 60% sont consacrés aux matériels – achat de matériels neufs ou rénovation totale.

Nos relations avec RFF sont bonnes. La question, que je pose à la représentation nationale et au Gouvernement, est de savoir comment financer la nouvelle ambition ferroviaire de notre pays. La France a « envie de fer » et il faut s'en féliciter mais où trouver les ressources supplémentaires nécessaires ? Euro-vignette, taxe carbone, taxe poids lourds, fiscalité écologique, versement transport, ressources tirées du développement autour des gares ?

Madame Pérol-Dumont, dans les projets de ligne à grande vitesse, le dernier mot appartient à l'État et à RFF. La SNCF n'est interrogée que sur son expérience de transporteur. Dans certains cas, vous avez raison, celle-ci nous conduit à être moins optimistes que les promoteurs, toujours très volontaristes, des projets. Il est normal qu'il y ait débat sur les prévisions de trafic, toujours incertaines. Ce n'est pas nous qui tranchons. Aujourd'hui, les lignes à grande vitesse sont financées par les contribuables –nationaux, régionaux et européens – et par les voyageurs. Ceux-ci assument la partie empruntée des investissements. Le tarif grande vitesse doit en gros refléter le temps gagné et l'investissement de la collectivité. Là encore, les arbitrages sont difficiles. Sur les six premiers TGV à avoir été mis en service, les prix ont augmenté d'environ un tiers par rapport aux anciennes lignes Corail. Comme l'a souligné, à juste titre, M. Facon, l'augmentation a été plus importante sur le trajet Paris-Lille, le temps de trajet ayant été diminué de moitié et l'offre lilloise en matière de liaisons grande vitesse étant aujourd'hui parmi les meilleures de France. Il y aujourd'hui plus de trains allant de Lille vers les régions de France que vers Paris.

Monsieur Le Nay, la vétusté du réseau classique a pesé sur le trafic ferroviaire de marchandises en France. Notre pays avait très peu investi depuis 1945 sur les lignes de fret, énormément en revanche sur les lignes à grande vitesse. Certains pays ont fait d'autres choix : les Pays-Bas ont fortement investi dans la desserte ferroviaire du port de Rotterdam, la Belgique dans celle du port d'Anvers. Avec le plan Borloo de transport écologique des marchandises, l'État investira sept milliards d'euros sur des lignes dédiées au fret. J'en veux pour exemple emblématique le contournement fret de l'agglomération lyonnaise (CEFAL), projet complexe car il passe en zone urbaine dense, qui attendait depuis vingt ans et qui va pouvoir enfin démarrer, faisant désormais l'objet d'un consensus politique. Je m'en félicite. Les gares éco-durables, comme on les qualifie, sont d'excellentes initiatives. Achères a été la première. Les gares SNCF doivent accueillir tous les modes doux de circulation – vélo, tramway, voiture électrique –, et pas seulement les trains. Leur bilan énergétique doit également être le meilleur possible et les surfaces qui y sont disponibles être utilisées pour produire de l'énergie.

Madame Darciaux, votre question sur l'étoile dijonnaise me donne l'occasion de dire un mot du TGV Rhin-Rhône, dont la branche Est sera inaugurée en 2011. Cet investissement lourd constitue, outre un élément-clé d'aménagement du territoire européen, un geste politique considérable puisqu'il relie l'Europe du centre et de l'Est à l'Europe du Sud. Je pense pour ma part qu'il faut procéder avec méthode et dans l'ordre. Il faut d'abord terminer la branche Est, ce qui exige d'ailleurs un nouvel investissement public très lourd. Il appartiendra ensuite aux décideurs publics et aux élus de savoir s'ils veulent que soit réalisée la branche Ouest. Cela me paraît, à moi, un projet de long terme, vu l'ampleur des investissements nécessaires. Enfin, reste la question, très discutée, du statut de la branche Sud reliant en gros Dole à Lyon. Doit-elle être réservée au trafic voyageurs, au trafic fret ou mixte ? Un débat politique d'excellente qualité s'est engagé : je constate, avec mon homologue de RFF, qu'il n'a pas permis pour l'instant de dégager le moindre début de consensus. Ayons le courage de conclure que le projet n'est pas mûr et demande à être réétudié. Ce n'est pas perdre du temps, bien au contraire, que passer six mois ou un an de plus à débattre de manière démocratique sur des investissements engageant pour cinquante ans !

Monsieur Sermier, je le dis sans ambiguïté, le train n'est pas un bon moyen pour transporter le bois sur de courtes distances. Compte tenu du temps que prennent le chargement et le déchargement des grumes, la SNCF sera toujours extrêmement chère. En revanche, elle redeviendra un peu plus compétitive pour des transports de longue distance vers des ports spécialisés, comme sur la côte Atlantique.

Le seul moyen de financer le niveau d'ambition ferroviaire aujourd'hui affiché est de trouver des ressources nouvelles et de rééquilibrer, sur le plan réglementaire et fiscal, le financement des différents modes de transport. En effet, le ferroviaire ne pourra jamais seul financer le ferroviaire, pas plus que la route ne finance seule la route, largement financée par les contribuables et les collectivités (approbation sur divers bancs). Si on veut davantage de ferroviaire, il faut prévoir un financement « externe ». Cela suppose une véritable décision politique de rééquilibrage par le biais d'une fiscalité appropriée, comme cela a été fait en Suisse, en Autriche ou dans certains pays nordiques.

Monsieur Facon, nous venons de rendre nos tarifs plus clairs et transparents. Vous nous donnerez votre avis dans quelques mois. Ce qu'il faut savoir est que le prix moyen d'un billet de TGV en France est de 42 euros, soit 30% moins cher qu'en Allemagne et 25% moins cher qu'en Espagne, comme en atteste une étude non pas de la SNCF, mais du ministère des transports. Notre système tarifaire est complexe, je le reconnais, mais il a le mérite de faire en sorte que chaque voyageur puisse trouver un tarif adapté et, en gros, paie selon ses capacités. On peut aller de Nice à Lille pour 22 euros à condition de voyager un jour creux à une heure creuse, alors qu'on paie 150 euros pour aller de Paris à Marseille en première classe en période de pointe. Ce système tarifaire a fait le succès du TGV à la française. Et lorsque nous interrogeons les voyageurs, ils ne nous demandent pas un retour au tarif kilométrique, seulement plus de transparence et de clarté.

PermalienPhoto de Albert Facon

Il n'en reste pas moins que le trajet Paris-Lille est presque aussi cher que le Paris-Marseille !

PermalienGuillaume Pepy, président de la SNCF

Je ne vous ai pas contredit, le TGV est moins cher sur longue distance que sur courte distance.

Monsieur Saddier, je suis d'accord avec vous sur la nécessité du caractère multimodal des transports collectifs. Le train, c'est formidable, mais ce ne peut être la réponse unique à l'ensemble des besoins de transport collectif. La SNCF doit devenir l'entreprise de la multimodalité, c'est-à-dire être ouverte à tous les modes de transport, en particulier ceux qui ont le meilleur ratio coûtefficacité pour la collectivité. Le train est bien sûr inscrit dans nos gènes mais nous pouvons reconnaître que dans certains cas, un autre mode de transport, pourvu qu'il soit écologique et économique, a toute sa pertinence, notamment lorsqu'il n'y a qu'un faible nombre de voyageurs à transporter.

Monsieur Gonzales, il n'y aura pas à choisir entre Le Bourget et Villeneuve-Triage. Ce qu'il faut, c'est trouver à chacun des sites sa vocation. L'un d'entre eux sera un centre de tri car nous conservons, en dépit de la réforme, des besoins de tri de wagons. L'autre sera très certainement un centre multimodal, une plate-forme de transport combiné à la française car nous devons continuer à développer le transport combiné, ce qui demande de la place. Nous y travaillons avec les élus, et les décisions devraient être prises à l'automne.

Monsieur Caresche, oui, le Gouvernement français, considérant que le terrain juridique sur lequel s'était placée la Commission européenne pour rendre une décision concernant La Poste n'était pas le bon, a introduit un recours devant la Cour de justice européenne, dont l'issue pourrait nous éclairer.

Monsieur Sandrier, vous avez tout à fait raison, la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse est une grande ligne d'aménagement du territoire. Un travail est en cours avec les trois conseils régionaux concernés. Nous nous revoyons le 7 juillet pour en tirer les conclusions. Ce n'est qu'alors que nous serons capables de déterminer avec RFF comment améliorer le service sur cette ligne.

Monsieur Chanteguet, la SNCF a engagé en 2010 l'achat d'une quarantaine de wagons multimodaux, qui s'inscrivent dans le milliard d'euros que nous allons consacrer au renouvellement des matériels. L'État, pour sa part, a décidé certains investissements sur les lignes de fret, notamment celles qui desservent le port du Havre.

Monsieur Bouillon, c'est une véritable reconstruction de la ligne Paris-Rouen-Le Havre qu'il faut opérer. Nous avons, avec RFF, remplacé le viaduc d'Oissel, refait plusieurs tunnels et allons poursuivre cette rénovation. Quarante week-ends de travaux ont été prévus sur cette ligne en 2010 ! Parallèlement, conformément à ce qui est prévu dans le projet de Grand Paris, des tronçons neufs seront construits. Le rapport de Jean-Pierre Duport, qui devrait être disponible après l'été, indiquera aux pouvoirs publics lesquels doivent être reconstruits et selon quelles caractéristiques. En tant que cheminot, je me sens une dette quant à la desserte ferroviaire de la Normandie. La gare Saint-Lazare n'a pas évolué depuis les années soixante, quand les autres gares parisiennes ont été rénovées à l'occasion de l'arrivée du TGV. Le réseau normand a clairement été mal traité.

PermalienPhoto de Christian Jacob

M. Pepy doit maintenant impérativement nous quitter. Je prie les membres de la commission qui souhaitaient encore l'interroger de bien vouloir l'excuser. Nous reprogrammerons une autre audition dans les meilleurs délais et si possible avant la suspension des travaux parlementaires. Monsieur le président de la SNCF, je vous remercie.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 2 juin 2010 à 9 h 15

Présents. - M. Maxime Bono, M. Jean-Yves Bony, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Claude Darciaux, M. Stéphane Demilly, M. Raymond Durand, M. Albert Facon, M. Yannick Favennec, M. Daniel Fidelin, M. André Flajolet, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean-Pierre Giran, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Jacques Houssin, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Le Nay, M. Bernard Lesterlin, M. Gérard Lorgeoux, Mme Christine Marin, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Jean-Luc Pérat, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. André Vézinhet

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Michel Havard, M. Armand Jung, Mme Conchita Lacuey, M. Christian Patria, M. Christophe Priou

Assistaient également à la réunion. - M. Yves Cochet, M. Pascal Deguilhem, Mme Marianne Dubois, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Daniel Paul, M. Jean-Claude Sandrier