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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 19 mai 2010 à 16h15

Résumé de la séance

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  • commissariat
  • excellence

La séance

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La Commission entend M. René Ricol, commissaire général à l'investissement et M. Jean-Luc Tavernier, commissaire général adjoint, sur les conventions d'investissement d'avenir.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Nous accueillons M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, et M. Jean-Luc Tavernier, commissaire général adjoint, à qui je souhaite, en votre nom à tous, la bienvenue.

Monsieur le commissaire général, je ne reviendrai pas votre audition du 26 janvier, au cours de laquelle vous nous aviez exposé les principes qui allaient guider votre action. Le grand emprunt, qu'on l'ait approuvé ou non, représente un engagement majeur de l'État dans l'économie pour tenter de retrouver un peu de croissance. Vous avez constaté qu'il existait au sein de notre commission un consensus, au moins sur les modalités d'utilisation des fonds, en particulier pour que la traçabilité des dépenses et l'évaluation des actions financées soient irréprochables. Le corollaire inévitable est un gonflement du volume des conventions conclues entre le Commissariat général à l'investissement et les différentes structures qui recevront les dotations.

Il s'agit aussi, pour le Parlement, d'une tâche originale aux délais contraignants. Une quarantaine de conventions sera signée et dix le sont déjà. Nos rapporteurs spéciaux sont en première ligne, et il convient de faire preuve d'indulgence à leur égard. Ainsi Jérôme Chartier qui devra vérifier en tant que rapporteur spécial de la mission « Économie » la validité de quatre des dix conventions signées, est aussi rapporteur du projet de loi de régulation bancaire et financière. C'est pourquoi il est aujourd'hui en déplacement à Bruxelles.

Avant de vous donner la parole, je vous demanderai de préciser les modalités de calcul du retour sur investissement dans les différents cas de figure traités par les conventions.

Confirmez-vous que la totalité des investissements passera par le canal des opérateurs et autres organismes dûment agréés ?

Confirmez-vous également que les programmes budgétaires propres aux investissements seront clos avant la fin de l'année, conformément aux engagements pris par les ministres lors de l'examen de la première loi de finances rectificative ? Quels seront les instruments de suivi et d'évaluation dont le Parlement pourra disposer ?

Enfin, dans vos discussions avec les opérateurs, avez-vous été amené à modifier les actions et à ajuster les montants qui étaient prévus dans le collectif budgétaire du 9 mars ? Le principe n'en serait pas choquant, mais à condition que le Parlement en soit informé.

PermalienRené Ricol, commissaire général à l'investissement

Je voudrais, avant de vous répondre, monsieur le président, exprimer le plaisir – d'autant plus vif que nos liens d'amitié sont anciens – que j'éprouve à vous voir occuper le fauteuil de président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

Le Commissariat général à l'investissement est désormais en place. Il emploie une trentaine de collaborateurs, tous d'une qualité remarquable. Nous avons mené à son terme le processus de recrutement prévu. La société Spencer Stuart nous a aidés gratuitement à trouver des candidats, dont les noms ont été soumis à un comité de nomination. Beaucoup ont été éliminés, mais chacun a été soumis au même traitement, ce qui a contribué à souder notre équipe, laquelle réunit un éventail de compétences et de sensibilités qui étaient nécessaires à notre mission.

Nous sommes en train de constituer les comités consultatifs selon la même procédure, légèrement simplifiée. L'idée, pour ne pas alourdir la structure malgré l'étendue des compétences requises, est d'avoir des responsables de pôle pour chacun des grands domaines, et des comités consultatifs qui apporteront leur expertise sur tel ou tel point particulier.

Nous avons arrêté avec le Premier ministre dix conventions qui ont été, comme prévu, transmises aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, dont nous attendons l'avis, purement consultatif.

Ainsi, avec notre comité de surveillance, présidé par deux anciens Premiers ministres, M. Juppé et M. Rocard, nous fonctionnerons avec trois organes de surveillance.

Répondant à votre première question, je confirmerai que toutes les conventions seront conclues et que l'argent sera engagé d'ici à la fin de l'année, et même, en principe, au mois d'octobre. Autrement dit, l'argent sera alors entre les mains des opérateurs.

J'en profite pour vous dire incidemment que nous sommes conscients que, après le temps de la discussion, est venu le temps de l'action. Il est essentiel, pour que notre gestion soit la plus efficace possible, d'être tous solidaires : Gouvernement, Parlement et collectivités territoriales, quelle que soit leur couleur politique.

En tant que professionnel, je tiens beaucoup à créer, pour chaque opération, un écosystème. Pour la rénovation thermique des logements des personnes défavorisées, par exemple, nous veillons à établir aussi un dialogue avec les artisans qui seront sur les chantiers afin qu'ils s'engagent à embaucher des apprentis, pour lesquels une filière de formation doit être organisée. Il en sera de même avec les industriels.

Pour réussir, aucune action ne peut être celle d'un seul. Le même état d'esprit doit régner dans les échanges que nous aurons avec les commissions des finances. Et la prise en compte pleine et entière des territoires, qu'il s'agisse des régions, des départements ou des communes, est la condition du succès. C'est dans cet état d'esprit que je travaille, conformément aux instructions que j'ai reçues. S'il en était autrement, il n'y aurait pas d'effet de levier. Un beau projet est un beau projet, et tout le monde doit contribuer à sa réussite !

Selon la ligne de conduite que nous avons adoptée, nous acceptons de prendre des risques, quitte à perdre, mais la réussite doit profiter à tous. Avant de nous lancer, nous avons l'obsession du retour sur investissement pour l'État et le pays, afin de miser sur des investissements d'avenir.

À votre question concernant les ajustements possibles, je répondrai : oui, très probablement. Nous reviendrons vers vous dès que nous y verrons un peu plus clair. Il est d'ores et déjà certain que l'enveloppe prévue pour les internats d'excellence est notoirement insuffisante : il faudra donc l'augmenter, si l'on considère l'enjeu important, mais au détriment d'autres projets. Il n'est cependant pas question d'aller piocher dans le budget de la solidarité : on devra demander des efforts à tout le monde ! La première tranche de travaux pour 2010, lancée par le ministère, sera pilotée par lui et nous demanderons, comme prévu, à l'ANRU d'être l'opérateur pour la suite.

Par ailleurs, nous avons pris l'initiative de changer légèrement la terminologie : de « campus d'excellence », qui était une source de confusion dans les esprits, nous sommes passés à « initiatives d'excellence », expression retenue par les Allemands, ne serait-ce que pour nous distinguer du « plan campus », qui est un programme immobilier de 5 milliards d'euros et qui concerne les campus stricto sensu. En effet, comment faire comprendre à l'extérieur que la montagne Sainte-Geneviève est un campus d'excellence, si nous ne le faisons pas nous-mêmes ? Cette modification terminologique nous évite de nous enfermer dans des pièges et nous donne une plus grande marge de manoeuvre. Nous reprendrons contact avec vous s'il faut aménager les enveloppes.

Tous les fonds engagés suivront-ils le même circuit budgétaire ? Oui, à une exception près : les internats d'excellence, pour ceux qui relèvent d'un projet déjà lancé. Comme il n'était pas question de revenir sur des crédits votés et engagés, les fonds correspondants ont été transférés du budget de l'État sans intervention du Commissariat général, qui se contentera de vérifier que les sommes ont été utilisées convenablement.

Enfin, pour l'instant, nous n'avons aucune idée du retour sur investissement. Nous en sommes au stade de la signature des conventions avec les opérateurs. Il s'agit de fixer le cadre juridique de nos relations, dont l'élément clé est qu'aucun projet ne pourra être lancé sans notre accord.

Les projets peuvent être classés en deux catégories. D'une part, ceux qui seront soumis à des procédures déjà bien spécifiées, à l'exemple des jurys internationaux, s'agissant notamment des équipements d'excellence, et sur le verdict desquels nous n'aurons rien à dire – sinon, il est inutile de faire appel à un jury – ; d'autre part, les projets pour lesquels, par nature, il n'est pas prévu de procédure aussi spécifique de sélection. Chaque fois que nous serons sur le point d'approuver un projet dont l'importance le justifie, nous le transmettrons pour avis à chacune des deux commissions des finances et nous ne déciderons que postérieurement. Le but est d'éviter les erreurs.

Notre conduite est guidée par deux principes : la volonté de créer des écosystèmes en évitant les actions isolées ; une prise de risque calculée de sorte qu'il y ait un retour en cas de succès, ce qui fait qu'il a fallu transformer le fonctionnement de certains opérateurs comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, qui, jusqu'à présent, se contentaient de financer. De la sorte, même si un seul projet sur dix aboutit, étant donné les sommes engagées, nous récupérerons beaucoup d'argent.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je voudrais bien comprendre la répartition des rôles entre le Commissariat général à l'investissement, les opérateurs et les ministères.

Dans les dix conventions conclues, l'implication du Commissariat est très variable. Votre contrôle sur les projets pilotés par OSÉO ou la Caisse des dépôts et consignations sera très lâche, intermédiaire sur l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et le Commissariat à l'énergie atomique. Mais, apparemment, aucune latitude ne sera laissée ni à l'Agence nationale de la recherche (ANR), ni à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Les opérateurs seront-ils de véritables partenaires ? Comment apporteront-ils leur expertise et jusqu'où pèseront-ils dans les choix ?

Nous nous interrogeons sur l'information du Parlement car est en train de s'organiser sous votre couvert toute une gouvernance d'experts, parallèle à ce qui existe chez les opérateurs. Qui va décider ? Ne faut-il pas privilégier une approche en réseau, la plus collégiale possible, même si c'est difficile ?

Par ailleurs, vous nous aviez dit que, pour éviter une utilisation systématique des crédits, vous seriez très vigilant quant aux modalités de déblocage. Les échéanciers de consommation sont-ils purement indicatifs ou ont-ils une valeur contraignante ?

Dans le cadre du grand emprunt, les montants mis à la disposition de certains opérateurs tels que l'ANAH et l'ADEME dépasseront leur budget annuel. Pourront-ils accomplir leur tâche sans que leurs moyens soient renforcés ? Puisqu'ils ont la chance de voir leurs crédits doubler, la tentation n'existera-t-elle pas – réduction du déficit oblige – de diminuer leurs crédits budgétaires habituels, en dépit des déclarations antérieures ?

Une partie des crédits distribués dans le cadre du grand emprunt sont dits « non consomptibles ». Ils ne procurent de ressources que par le biais des intérêts qu'ils génèrent. Le taux qui doit être fixé par arrêté ministériel est-il connu ?

Pratiquement, le « plan campus » n'a pas démarré. Les choses étaient assez avancées entre l'Université Paris Est-Créteil Val de Marne et le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) de Marne-la-Vallée. Pourtant, on est encore loin du premier coup de pioche ! Comment seront utilisés les 1,3 milliard d'euros supplémentaires qu'il est prévu d'injecter ?

Enfin, êtes-vous réellement indépendant des ministères ? Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche notamment est-il mis hors-jeu ?

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je me réjouis que ces investissements d'avenir se mettent en place, et je partage avec vous, monsieur le commissaire général, le souci d'obtenir des résultats, dans des délais raisonnables.

Si notre rapporteur général a le sentiment que votre tutelle est plutôt lâche, je serai quant à moi beaucoup plus nuancé.

Le recours systématique à des conventions types avec tous les opérateurs génère quelques rigidités. Le groupe Caisse des dépôts, qui gère plusieurs programmes pour le compte de l'État et qui a de l'expérience, essaie de s'adapter. La loi a veillé à ce que la commission de surveillance de la Caisse soit saisie du contenu des conventions. Il nous a donc paru normal, lors de l'examen des deux premières conventions relevant du financement de l'économie sociale et solidaire et des fonds d'amorçage, d'examiner l'étude préalable du retour sur investissement menée par le Commissariat général pour nous assurer des synergies potentielles. Je comprends votre souci de simplification, mais des questions se posent sur les marges de manoeuvre laissées par les conventions types.

Pas un seul projet, avez-vous dit, ne pourra voir le jour sans votre accord. Cela étant, les projets sont de nature différente. Et ceux qui relèvent de l'économie sociale et de l'amorçage sont en général de plus petite dimension. Quelle marge de manoeuvre sera laissée au niveau régional pour le lancement opérationnel des actions, une fois que celles-ci auront été « calées » avec les conventions et qu'auront été lancés, le cas échéant, les appels à projet ? Faudra-t-il repasser par le Commissariat général ?

Autre point important : la transversalité. Le programme d'investissements d'avenir arrive dans un paysage existant. Quels seront les liens entre les sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT), les pôles de compétitivité et les laboratoires d'excellence ? Comment éviter que l'instruction et la gestion des projets ne s'apparentent ni à un parcours de haies ni à un jeu de l'oie où l'on retournerait sans cesse à la case « Commissariat général » ? Comment la contribution des collectivités locales et des territoires sera-t-elle gérée ?

Je comprends votre souci de travailler dans un esprit de neutralité républicaine, mais il doit être partagé. Des règles par typologie de projets seront-elles fixées ? Dans l'affirmative, seront-elles adaptées en fonction des projets ?

On ne peut pas dire que le « plan campus » démarre très rapidement. Dans ces conditions, comment le nouveau dispositif s'articulera-t-il avec l'existant ?

Dans le cadre de la mission d'information relative à la mise en oeuvre de la LOLF, nous avons reçu le président de la conférence des présidents d'université, qui s'interroge sur l'articulation délicate entre les campus internationaux et les initiatives d'excellence. Par ailleurs, certains projets suivent la même logique que les PRES, lesquels sont loin d'être aboutis. Il faut dire que les universités sortent à peine des féodalités traditionnelles.

Tout cela risque fort d'être très compliqué. Et le temps travaille contre nous : nos concurrents progressent et le risque de déclassement de nos diplômes ou de nos laboratoires universitaires s'aggrave.

Comment l'échelon régional sera-t-il pris en compte par les SATT et les initiatives d'excellence ? Il est nécessaire de tenir compte des architectures locales qui sont le fruit d'initiatives antérieures. Comment la concertation s'organisera-t-elle ? Suivrez-vous la logique d'appel à projet ? Ou ferez-vous précéder l'appel à projet d'une consultation en amont en donnant les règles du jeu aux collectivités locales pour qu'elles puissent elles-mêmes s'engager en mobilisant les gestionnaires des fonds locaux ?

L'une des faiblesses de nos structures, maintes fois soulignée – comme hier encore par le conseil d'orientation d'OSÉO –, est l'absence de mobilisation de la ressource régionale.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Prenons l'exemple de la recherche sur le vivant. L'État a réformé le secteur et confié à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) le rôle de coordonnateur, qui passe, selon l'expression officielle, des alliances avec les autres organismes, du type CNRS ou CEA, travaillant dans la même branche. Eux aussi ont des priorités. Leur bras séculier, l'ANR, sélectionne des projets dont une part de projets « blancs » de recherche fondamentale. Comment le Commissariat va-t-il « s'incruster » – le terme n'est pas neutre et contient une partie de la réponse – dans le circuit ? Comment s'organisera la coordination entre l'ANR, l'INSERM et le ministère de la recherche ?

Deuxième exemple : le Grenelle de l'environnement a décidé qu'un pourcentage de la recherche financée par l'ANR devrait être consacré à l'environnement. Comment, par le biais des appels d'offre, allez-vous vous inscrire dans le processus ?

Troisième exemple : les universités d'excellence. Le ministère a rendu ses arbitrages, il a choisi des sites. Je suppose que les décisions ne seront pas remises en cause et que le Commissariat abondera les crédits budgétaires, étant entendu qu'il ne repartira pas de zéro.

Ces trois exemples étayent les interrogations du rapporteur général sur la cohérence du dispositif. Comment la conserver et la concilier avec le plus que vous apporterez, monsieur le commissaire ? J'ai pris connaissance des conventions avec l'ADEME, le CEA et l'ANR. L'ANR est d'ailleurs un vrai cas d'école, puisqu'elle a vocation à choisir les projets. Comment allez-vous cohabiter avec elle ?

PermalienPhoto de René Couanau

On est parti tout de suite dans des grandes considérations, mais reprenons les choses depuis le début. Nous y verrions certainement plus clair avec un exemple précis.

Imaginons que j'aie un projet d'initiative d'excellence. Quel sera son cheminement ? Comment faire examiner mon dossier par les quatre grands partenaires qui interviennent : l'université ou le centre de recherche, la tutelle ministérielle, le Commissariat général et l'ANR en tant qu'opérateur ? J'avoue ne pas savoir vers qui m'orienter. Mon projet entrera-t-il en collision avec d'autres portés par la même université ? Comment allez-vous piloter une action qui est nécessairement ministérielle et qui mobilise forcément une autorité déconcentrée comme l'université, sans parler de l'opérateur ?

PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Comment le nouveau dispositif se situe-t-il par rapport aux dispositifs antérieurs ? Après les pôles de compétitivité, dans lesquels l'État investissait dans les territoires, et qui se sont révélés plutôt efficaces, après le plan de relance, qui ne recouvrait tout de même pas que des investissements de remplacement, voici maintenant les investissements d'avenir. Comment le Commissariat général va-t-il se positionner ?

PermalienRené Ricol, commissaire général à l'investissement

Toutes vos questions peuvent se réduire à la suivante : à quoi sert le Commissariat général à l'investissement ?

Vous semblez penser que l'ANR, le ministère et les porteurs de projets suffisent largement, sans qu'il soit besoin de créer un nouvel organisme, qui s'« incruste » parmi d'autres instances. En fait, notre mission est double : nous sommes des facilitateurs, qui posent des questions, et nous effectuons le suivi des décisions.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Une structure d'évaluation créée par la loi sur la recherche assure déjà cette mission !

PermalienRené Ricol, commissaire général à l'investissement

L'objet du CGI n'est pas de faire double emploi avec des instances qui fonctionnent bien. Jugez plutôt : parce qu'il ne servait à rien de continuer à empiler des brevets qui ne débouchent concrètement sur aucune utilisation, il a été décidé d'aider les chercheurs à monter eux-mêmes leur start-up. En cas de succès, ils sont actuellement aidés par un fonds d'amorçage rémunéré par un carried interest, ce qui les incite à revendre leur entreprise le plus vite et le plus cher possible.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Pour la plus grande joie des Américains, qui rachètent !

PermalienRené Ricol, commissaire général à l'investissement

On mesure, face à de tels dysfonctionnements, que nous servons à quelque chose. Actuellement, le financement de la start-up peut être assuré soit par la Caisse des dépôts, soit par le fonds d'amorçage, dans lequel nous allons investir 300 millions en quatre versements, ce qui nous permettra de nous assurer du bon fonctionnement global du dispositif. Notre proposition, qui a reçu immédiatement l'approbation de la Caisse, modifiera le système de rémunération des fonds d'amorçage en supprimant le carried interest. Les gestionnaires des fonds, qui percevront une rémunération multicritères, percevront un bonus si les projets aboutissent à une création industrielle en France. Autrement dit, ils auront désormais intérêt, non à vendre les brevets le plus cher possible, mais à créer de l'emploi. Dans ce domaine, le Commissariat aura été utile.

M. Couanau a posé, comme toujours, une question judicieuse. Les opérateurs – comme l'ANR, l'ANRU ou l'ADEME – continueront de faire des appels à projet. Seulement, nous veillerons à ce que ceux-ci aient été rédigés de manière suffisamment claire, au regard de la démarche des investissements d'avenir. Ainsi, s'il s'agit d'acquérir des équipements d'excellence, nous nous demandons si leur maintenance, voire leur remplacement, à terme, ont été prévus. Chaque fois que nous posons ce type de questions, des solutions s'imposent. Autre exemple : le joli succès des pôles de compétitivité a incité le Gouvernement à prévoir un budget pour les renforcer. Mais, parallèlement, nous avons demandé aux opérateurs d'établir une liste des pôles qui ne marchent pas et perçoivent des sommes qui pourront être réorientées. De ce fait, le Premier ministre, qui a prévu de créer de nouveaux pôles, a aussi décidé d'en supprimer sept, qui ont produit peu de résultats.

Il faudra aussi agir en aval pour mettre en place un écosystème, dont les sociétés de valorisation constitueront un rouage essentiel. Celles-ci permettront un contrôle transversal, tout en aidant les chercheurs à choisir d'arrêter ou de poursuivre certaines études, et en les accompagnant éventuellement jusqu'au dépôt du brevet. La société d'amorçage, puis le capital développement prendront le relais. Avec la Caisse, nous avons décidé de prévoir un continuum. Nous nous sommes assurés, par exemple, de l'existence d'un accord entre l'ANR et la Caisse. Il est bon que la première ait son mot à dire sur l'amorçage, et la seconde, au même titre qu'OSÉO, sur les sociétés de valorisation. C'est ainsi que nous créons au jour le jour un écosystème.

Vous avez décidé à juste titre de recapitaliser OSÉO, qui accomplit un travail formidable. En la matière, il n'y a rien à redire. Mais cet organisme va se voir confier d'autres missions et nous y mettrons notre grain de sel, puisque nous devrons donner notre avis sur toutes les décisions. Dès lors, il nous a paru bon de signer une convention cadre avec OSÉO. Sans alourdir les procédures, trois questions devront être posées lors de l'examen de chaque dossier : l'entreprise est-elle reliée au bon pôle de compétitivité ? Y a-t-il un lien réel entre l'entreprise et l'université ? Et, si, dans le même secteur, plusieurs structures demandent les mêmes garanties, ne faut-il pas les pousser à se rapprocher ?

Cessons de déplorer, comme on le fait depuis trente ans, que la France manque d'entreprises de taille intermédiaire ! Pour en créer, il suffit de conditionner les financements au rapprochement des sociétés unipersonnelles. Leur fusion permettra la constitution d'entreprises de taille intermédiaire (ETI). Celles-ci, plus puissantes, seront dotées de capitaux propres plus importants, et disposeront d'une surface supérieure comme d'une plus grande capacité d'exportation.

Je comprends, monsieur Bouvard, que vous puissiez nous juger rigides vis-à-vis de la Caisse, qui doit, selon nous, faciliter des évolutions souhaitées par tous. Mais aurions-nous eu gain de cause si nous n'avions pas conditionné le versement de 300 millions au fonds d'amorçage à la modification du mode de rémunération des gestionnaires ? L'appétence de voir arriver quelques centaines de millions d'euros a vaincu toutes les réticences. Dans ces conditions, faut-il réellement parler de rigidité ? En l'occurrence, nous aurons plutôt été complices du changement.

J'en viens à la question de M. Claeys sur les campus d'excellence. Nous souhaitons bien entendu la mise en oeuvre rapide du « plan campus », qui, ayant été décidé avant le grand emprunt, ne figure pas parmi les investissements d'avenir. Notre financement concernera l'enseignement, la recherche et toutes les initiatives qui tendront à rendre l'université plus vivante et plus efficiente, et à multiplier le nombre des doctorants. Mais, si les lieux sont importants, surtout lorsqu'il s'agit de créer un laboratoire d'excellence, ce n'est pas parce qu'une université figurera dans le plan « campus » qu'elle accueillera automatiquement un laboratoire d'excellence, un institut de recherche technologique ou une initiative d'excellence. Pour y parvenir, il lui faudra créer plus de doctorants, plus de recherche, plus d'avenir et plus d'emplois.

Les projets ne font sens que si les territoires y participent et, si le Gouvernement a choisi de créer ce véhicule hybride qu'est un commissariat général, c'est que, lorsqu'on prévoit d'investir 35 milliards dans les territoires, peu importe leur couleur politique. Aucun de mes collaborateurs ne se soucie d'un tel critère. Pourtant, si les collectivités territoriales renoncent à financer certains projets, nous y renoncerons aussi. Loin de nous l'idée de vouloir contrarier qui que ce soit, mais, si un projet est bon, il serait absurde qu'on ne parvienne pas à se mettre d'accord à son sujet.

Vous m'avez interrogé, monsieur le rapporteur général, sur le montant du taux d'intérêt pour les crédits non consomptibles. Celui-ci n'est pas encore fixé, mais je fais le pari qu'il se situera aux alentours de 3,4 %.

Dans le domaine de l'économie sociale et solidaire, nous nous sommes mis d'accord avec la Caisse pour rechercher des effets de levier et lancer des appels à projet afin de mener des expérimentations. Puisque le plan prévoit de consacrer des sommes importantes à la recherche, afin d'augmenter le nombre de doctorants et de resserrer les liens avec les entreprises, il faut aussi que certains projets soient spécifiquement consacrés à l'emploi. Aujourd'hui, les chômeurs en fin de droits sont découragés. Arrêtons par conséquent de leur proposer les formations et cherchons ensemble, indépendamment de toute couleur politique, des projets d'emplois. On ne reparlera de formations que lorsque des solutions auront été trouvées en matière d'emploi.

Dans un premier temps, nous allons solliciter des consultants sans les rémunérer. C'est ainsi que nous travaillons pour l'instant. Dois-je rappeler que je ne suis pas payé pour ma fonction de commissaire général ? Ces consultants auront du moins la satisfaction de rendre service à leur pays en nous aidant à définir les lieux où l'on pourra procéder à des expérimentations dédiées à l'emploi. Il n'est pas question, en effet, de rogner sur le budget de l'économie sociale et solidaire.

Quant aux relations entre les PRES, les universités et les laboratoires d'excellence, ne fixons pas de règles trop précises. Certains PRES fonctionnent bien, d'autres moins bien, de même que la situation dans les universités, parfois bonne, peut aussi être très tendue. Veillons cependant, lorsqu'une somme sera versée pour créer un laboratoire d'excellence ou acquérir un équipement d'excellence, à ce qu'elle ne serve pas à créer un État dans l'État. L'université sera le réceptacle de l'argent, dont nous vérifierons l'affectation. Il ne faut pas créer des divisions, mais de l'union.

Quitte à déplaire, je répète que nous serons attentifs à la manière dont les universités gèreront le dossier des instituts universitaires de technologie. Les IUT remplissent parfaitement leur mission, qui consiste à favoriser l'insertion dans la vie professionnelle au terme d'une filière courte, et le pourcentage des ingénieurs et des doctorants qui en sortent est spectaculaire.

PermalienRené Ricol, commissaire général à l'investissement

C'est pourquoi, quand nous examinerons les projets des universités, je regarderai si elles ont bien aidé les IUT à se développer.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Irez-vous jusqu'à remettre en cause l'autonomie des universités ?

PermalienRené Ricol, commissaire général à l'investissement

Pas du tout ! Soyons francs : certains IUT ont manifesté une inquiétude, probablement excessive, au moment même où certaines universités, saisies d'une euphorie non moins excessive, se sont réjouies à l'idée de disposer de nouveaux crédits. C'est à nous qu'il incombe de faire en sorte que ce qui marche bien fonctionne de mieux en mieux.

Concrètement, comment travaillons-nous ? Aujourd'hui, ceux qui ont un projet prennent contact avec nous, avec un opérateur et avec le ministère. Nous nous entendons fort bien avec les opérateurs, auxquels nous apporterons beaucoup d'argent, à la seule condition qu'ils le dépensent sous notre contrôle. La situation est plus délicate avec les ministères, mais, si la discussion est parfois virile – car nous jouons notre rôle –, nous sommes toujours parvenus à un accord.

Nous devons discuter en toute franchise, puisque nous devons remettre en cause les systèmes. Il y a quelques années, j'avais été chargé de restructurer l'Agence pour la création d'entreprises, qui était quasiment en faillite. Ceux qui en faisaient partie étaient payés dans des conditions scandaleuses, et les résultats n'étaient pas au rendez-vous. Une règle non écrite voulait que, dès qu'un projet était en préparation, il fût envoyé aux chambres de commerce. Je n'ai aucun doute sur la qualité de celles-ci, mais j'ai préféré faire appel aux réseaux, qui peuvent apporter une caution ou donner de leur argent aux projets. Cette seule décision a permis de créer 50 000 emplois de plus en un an.

Notre objectif est de casser des rigidités et de faire que tout le monde se parle !

Certains se sont imaginés que mon rôle consistait à me placer en fin de cursus pour donner aux projets le coup de tampon final. Si tel était le cas, j'aurais volontiers laissé le poste à d'autres. Ma mission consiste en fait à recevoir tout le monde et à proposer à mes interlocuteurs de se rencontrer. Le Commissariat général à l'investissement est un lieu neutre, à même d'accueillir les échanges.

En général, les gens croient à leur projet. Certains nous expliquent avec flamme qu'ils ont trouvé la solution aux problèmes de la biomasse, et qu'il faut faire du bioéthanol pendant cinq générations. Dans ce cas, nous posons des questions simples. Nous leur demandons par exemple combien la récolte de paille rapportera aux agriculteurs. Si nous sommes prêts à faire confiance à ceux qui peuvent y répondre, nous nous méfions un peu des autres. Il ne suffit pas d'avoir des projets : encore faut-il qu'ils soient viables !

PermalienPhoto de Charles de Courson

Avez-vous constaté des effets de levier, sinon avec l'État, du moins avec d'autres intervenants publics : conseils généraux, conseils régionaux ou bloc communal ? Y a-t-il des cas où vos crédits se sont substitués à ceux de l'État ?

D'autre part, quelle méthode utilisez-vous pour fixer des objectifs et, surtout, pour mesurer les résultats, puisque, dans les programmes qui ont été ouverts, tous les investissements ne donnent pas lieu à un retour économique direct ?

PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Dans le cadre des aides à la réindustrialisation, il a été beaucoup question des industries innovantes. Mais, dans les territoires très désindustrialisés, il faut surtout aider les industries traditionnelles – les seules qui résistent encore –, non à créer des emplois, mais à maintenir ceux qui existent actuellement. Allez-vous les soutenir ? Il est bien beau de parler de la recherche et de créer des liens entre l'université et les industries du futur mais, souvent, loin des métropoles régionales et universitaires, les petites industries ont du mal à survivre, faute de trouver les crédits nécessaires.

Par ailleurs, il y a eu la création d'un ministère chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, l'ouverture des états généraux de l'industrie, le lancement des pôles de compétitivité, puis du grand emprunt. Comment s'articulent ces dispositifs ? Nous craignons un effet de saupoudrage, alors qu'il faudrait – vous l'avez dit – créer un écosystème, notamment pour relancer la politique industrielle, ce qui ne peut se faire qu'au niveau des territoires ou au moins à l'échelle régionale. Vous insistez pour que les collectivités soutiennent les projets. Mais c'est ce qu'elles font actuellement.

PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Quelle sera donc votre politique vis-à-vis des régions, voire des territoires plus petits ?

PermalienPhoto de François Scellier

Si je comprends les objectifs du CGI et les modes de fonctionnement envisagés, je m'interroge sur la convention passée avec l'ANAH en vue de la rénovation thermique des logements locatifs privés. L'Agence n'a pas d'autre mission que la rénovation de ces logements. L'ajout de l'adjectif « thermique » semble constituer la seule innovation d'un dispositif qui prévoit des délégations de crédits au niveau territorial ou la signature de conventions avec les collectivités. Comment distinguera-t-on les actions menées au titre du fonctionnement normal de l'ANAH et celles qui seront mises en place dans le cadre des investissements d'avenir ?

PermalienPhoto de Yves Censi

Je reviendrai pour ma part sur le lien entre les PMI et la recherche appliquée, domaine dans lequel la France souffre d'un grand retard, notamment par rapport à l'Allemagne.

Faute de trésorerie, les PMI-PME ont beaucoup souffert pendant la crise. Contraintes de réduire leurs investissements, elles ont souvent sacrifié la préparation de l'avenir. À présent, il faut trouver un bon process et de bons véhicules pour les accompagner en matière d'ingénierie, de recherche appliquée et de gestion de projet.

Or on a parfois tendance à oublier les centres techniques industriels, dont la répartition sur le territoire est gage d'efficacité et qui peuvent accueillir de jeunes ingénieurs sortant de l'école. Dans leur domaine, l'Association de coordination technique pour l'industrie agro-alimentaire et le Centre technique du bois et de l'ameublement ont non seulement sauvé des entreprises, mais veillé sur tout leur secteur en termes de préparation de l'avenir, de stratégie de développement, de marketing et de technique. Ne peut-on exploiter davantage les compétences de tels organismes ? Au lieu d'explorer toujours les mêmes pistes, mieux vaudrait s'appuyer sur les fédérations professionnelles pour développer la recherche, puisque, à titre individuel, les PME-PMI ne parviennent à assurer ni le financement, ni le pilotage de projets utilisant les résultats de la recherche appliquée.

PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur le commissaire général à l'investissement, la multiplicité de vos interventions me cause un certain malaise. Aujourd'hui, le pourcentage de l'industrie dans notre PIB est tombé à 16 %. C'est le problème majeur de notre pays, plus grave à mon sens que celui des retraites, car, si ce taux tombe à 12 %, la question des retraites ne se posera plus en 2050. Votre mission est-elle centrée sur la réindustrialisation et, dans l'affirmative, quelle est votre méthode ?

Dans le bassin d'emploi de ma circonscription, 1 200 emplois ont disparu en moins de deux ans. Nous n'avons plus d'interlocuteurs : au Comité interministériel de restructuration industrielle, il n'y a plus personne ; le ministère de l'économie et celui de l'industrie se contentent de réponses polies ; le système bancaire se désintéresse de la question et ne sert qu'à spéculer sur les marchés.

Le Commissariat général à l'investissement a-t-il reçu pour mission de se focaliser sur la réindustrialisation ? Si la part de l'industrie dans le PIB ne remonte pas à 20 % au moins – elle est à 30 % en Allemagne –, il n'y aura plus de recherche, puisque c'est l'industrie qui la demande, la supporte et la finance.

PermalienPhoto de Yves Censi

C'est vrai au moins pour la recherche appliquée !

PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Aux États-Unis, c'est l'industrie qui finance la part de la recherche qui dépend des investissements privés. En France, non seulement la part de PIB consacrée à la recherche est moins importante, mais le crédit impôt recherche va pour une bonne part aux établissements financiers, dont nous venons seulement de découvrir qu'ils faisaient de la recherche.

Bref, monsieur le commissaire général, votre mission est-elle centrée sur la réindustrialisation ou comprend-elle aussi l'habitat, la recherche, les communications et internet ? Tous ces secteurs sont intéressants mais, si votre action n'est pas centrée, il est à craindre que ses résultats ne restent, dans le meilleur des cas, peu visibles.

PermalienRené Ricol, commissaire général à l'investissement

Tous les jours, nous essayons de créer des effets de levier. Aujourd'hui même, nous avons discuté avec la confédération générale des SCOP, les sociétés coopératives et participatives, à laquelle nous prévoyons de verser de l'argent. Nous allons d'abord demander à la Caisse des dépôts de s'associer à notre effort, ce qui est conforme à son programme. Puis, nous allons proposer aux entreprises d'ouvrir leur capital aux personnes physiques qui sont prêtes à investir. Nous pourrons par ce biais ouvrir un petit marché. Ainsi, dans le domaine de l'emploi de proximité, on doit pouvoir, avec un peu d'astuce, lever facilement des fonds. Le directeur de la Caisse des dépôts en a convenu.

Monsieur de Courson, l'argent du grand emprunt n'est pas destiné à se substituer aux sommes versées ordinairement par l'État. D'ailleurs, si le cas se présentait, vous protesteriez avant nous.

Je n'ai pas encore fixé de méthode ni d'objectifs de mesure, car je refuse d'adopter une démarche de technocrate. Pour l'heure, les conventions ont pour objet de remettre des fonds entre les mains d'opérateurs. Ensuite, nous définirons les instruments de mesure projet par projet. En procédant autrement, nous risquerions de passer à côté de tel ou tel aspect. Au passage, je signale que j'ai demandé aux préfets de région de faire remonter jusqu'à nous toutes les informations, quelles qu'elles soient, notamment dans le but de sauvegarder les industries traditionnelles, car il faut avant tout éviter de détruire certains secteurs.

Quant aux industries innovantes, une disposition législative prévoit l'affectation de crédits à l'ADEME, à la recherche et aux universités. À présent que les mesures ont été votées, il s'agit de les rendre efficaces. Mon obsession est que chacune d'elles se traduise par de la création d'industries et d'emplois. La réforme des fonds d'amorçage, que j'ai citée tout à l'heure, ne vise rien d'autre. De même, notre action en faveur des universités et des laboratoires d'excellence est sous-tendue par la volonté de les rapprocher de l'industrie. Dans le même esprit, j'avais tenu à étendre mon activité de médiation du crédit à celle de la sous-traitance, pour mettre fin au scandale que représentait la relation entre les grands groupes et les petits.

Actuellement, il existe plusieurs instruments pour aider les entreprises. Quand ils ne fonctionnent pas, j'essaie de résoudre les problèmes en réseau : c'est en cela que consiste l'essentiel de ma tâche. Les entreprises peuvent se rapprocher de certains fonds destinés à les soutenir. Par ailleurs, les aides prévues dans le grand emprunt au titre du numérique ne s'adressent pas aux seules entreprises qui ont un projet d'innovation. Les entreprises traditionnelles peuvent aussi recourir à certains fonds démonstrateurs gérés par l'ADEME. Chaque fois que c'est possible, nous établissons des connexions. Le CGI est ouvert à tous et ne vise qu'à aider les gens. Tous ensemble, nous allons créer des réseaux sur le terrain. C'est en créant de tels relais que j'ai réussi ma mission à la médiation du crédit.

Pour la rénovation thermique, j'ai demandé deux choses. Les entreprises, notamment artisanales, devront embaucher davantage d'apprentis. Quant à la part des projets qui sera financée par les particuliers, il faudra éviter que les conditions de remboursement ne mettent en difficulté les personnes qui ont un revenu modeste. Ces mesures relèvent du bon sens. Si nous apportons quelques centaines de millions d'euros, n'est-il pas logique que les entreprises acceptent d'accueillir plusieurs dizaines de milliers d'apprentis ? Nous ne signerons le projet que si elles s'y engagent. Mais nous ne sommes pas inquiets : quand nous avons formulé cette exigence, M. Apparu nous a immédiatement donné satisfaction et il s'est rapproché de M. Novelli, ce qui prouve que nos attentes n'étaient pas irréalistes.

Avec vos questions, se profilent les problèmes plus politiques de la relance, des pôles de compétitivité et du grand emprunt. Nous essayons de réaliser un tuilage avec ce qui relève du plan de relance ou du budget de l'État. À l'ADEME, qui est tournée vers la recherche d'industries nouvelles, nous avons proposé une règle : nous voulons bien risquer de perdre de l'argent, mais pourvu que, dès lors qu'un profit peut être dégagé, nous y soyons associés. C'est une vraie discussion : l'État et les collectivités qui nous aideront doivent pouvoir attendre un retour, ce qui relève du bon sens. L'ADEME disposant encore de sommes non employées, nous lui avons demandé de les dépenser en respectant les critères que nous avons mis en place, et nous sommes parvenus à un accord. Notre rôle n'est pas de contrôler, mais, s'il existe un fonds démonstrateur, les industriels doivent jouer le jeu. En amenant des sous-traitants, ils revivifieront le tissu économique. Enfin, si l'on réfléchit au retour sur investissement, on perdra moins d'argent et on créera davantage d'emplois.

Sur les pôles de compétitivité, j'ai déjà indiqué ma position, qui n'a rien d'original : il faut fermer ceux qui ne fonctionnent pas, pousser ceux qui marchent bien et peut-être en créer d'autres. Enfin, quand des pôles travaillent sur les mêmes activités, on peut créer des interpôles, afin de créer des synergies et une coordination.

En somme, nous essayons d'être la mouche du coche, qui pose mille questions pour apporter des améliorations. Le Commissariat général est un lieu ouvert, prêt à recevoir tous les projets et à orienter ceux qui ne relèveraient pas de sa responsabilité. Nous sommes capables d'écouter toute opinion ou toute critique constructive. Notre obsession est que tout investissement débouche sur de la réindustrialisation et de l'emploi. C'est pourquoi je conviens avec vous, madame Filippetti, qu'il faut commencer par ne pas tuer ce qui fonctionne.

Ne nous y trompons pas : la réforme que nous proposons à OSÉO est une véritable révolution culturelle. Actuellement, toutes les entreprises qui ont un projet s'adressent à leur banque, qui demande à OSÉO de couvrir les emprunts. Nous demandons désormais à OSÉO de les regarder d'un oeil différent, pour améliorer trois points : la connexion des entreprises traditionnelles à un pôle de compétitivité, ce qui offrira à celles-ci des perspectives pour résister et se développer, leur connexion aux universités et à la recherche, et leur mise en réseau, afin de créer un tissu plus dense que celui des toutes petites PME.

Si nous étions à l'étranger, nous considérerions nos grandes comme nos petites écoles comme des universités, ce qui nous permettrait de créer plus facilement un lien entre elles. Vous livrant le fond de ma pensée, je vous dirai que je m'inquiète de l'avenir des « petites écoles ». Puisqu'on ne peut les assimiler à des écoles privées – elles sont financées par les chambres de commerce et reçoivent de l'argent public –, rangeons-les parmi les universités et demandons-nous quelles sont celles qui offrent les meilleures formations aux jeunes. Nous ferons ainsi tomber une barrière. C'est ainsi que nous agirons pour le soutien aux initiatives d'excellence. Les grandes écoles ont déjà commencé à se rapprocher des universités, ce qui va dans le bon sens : les unes et les autres mènent de plus en plus de doctorats en partenariat, comme cela se fait à l'étranger. Le mouvement doit s'étendre aux « petites écoles ». Vous le voyez : je n'ai pu m'empêcher de terminer mon propos en réaffirmant mon attachement aux IUT.

PermalienPhoto de René Couanau

Monsieur le Commissaire général, je vous remercie de ces explications et je salue votre pragmatisme. Cependant, si je fais confiance à la structure que vous dirigez, je ressens un certain embarras vis-à-vis de l'administration. Vous n'êtes pas un décideur, mais rien ne pourra se décider sans vous ; vous n'êtes pas un opérateur, mais les opérateurs seront pilotés par vos soins ; vous n'êtes pas garant de la bonne utilisation de l'argent public, mais nul ne pourra s'exonérer de votre évaluation.

Vous êtes en somme l'indispensable prestataire de services d'une fonction que l'État a externalisée.

J'en viens donc à me demander si cette externalisation ne permettra pas certaines économies dans l'administration. Vous allez réussir avec vos chevau-légers ce qui n'a pas pu aboutir avant vous. N'y aura-t-il aucun effet de levier dans ce domaine ? Je souhaite que vous soyez bientôt chargé d'un commissariat général à l'industrialisation. Je pense aussi que, l'effet de levier jouant, vous n'allez pas épuiser vos moyens financiers tout de suite. Par conséquent, vous allez devenir indispensable au détriment de certaines administrations, qui ne le seront plus.

PermalienRené Ricol, commissaire général à l'investissement

Qu'elles soient territoriales ou nationales, nos administrations sont formidables. Pour notre part, nous sommes simplement des prestataires de services : nous faisons en sorte que les gens se parlent et, quand ils ne se font pas, nous haussons un peu le ton. C'est ainsi qu'il faut concevoir notre activité.

J'ai une dernière proposition à faire à votre commission comme à la commission des Finances du Sénat. Certains projets seront sélectionnés par des jurys ; d'autres recevront une aide d'OSÉO et de la Caisse des dépôts. Une fois l'argent versé, nous vous rendrons compte de son utilisation. Cependant, dans d'autres cas – par exemple pour l'avion du futur –, il n'y aura pas de véritable contre-expertise. Il importera du moins de vérifier que les industries qui solliciteront des fonds feront travailler leurs sous-traitants en France. Même si le succès de certains projets sera toujours incertain – et notre engagement en leur faveur pourrait être jugé « à la limite de l'arbitraire », ou du pouvoir discrétionnaire –, ils devront en tout cas favoriser l'ensemble du tissu économique. Veillons à ne pas financer une recherche peut-être excellente, mais qui serait finalement menée loin de la France et ne se concrétiserait qu'à l'étranger ! Je me propose donc de vous adresser ces projets à l'avance, afin que vous puissiez y réfléchir.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Votre proposition ne peut susciter que l'approbation des membres de notre Commission, mais il est souhaitable que vous travailliez conjointement avec les rapporteurs spéciaux, qui, parmi nous, sont les plus compétents dans le domaine qui les concerne.

Monsieur le commissaire général, je vous remercie.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 19 mai 2010 à 16 h 15

Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. Michel Bouvard, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Alain Claeys, M. René Couanau, M. Charles de Courson, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Nicolas Forissier, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Jean Launay, M. Hervé Mariton, M. Patrice Martin-Lalande, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre-Alain Muet, M. Nicolas Perruchot, M. François Scellier

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Bernard Carayon, M. Michel Diefenbacher, M. Patrick Lemasle, M. Victorin Lurel, M. Henri Nayrou