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Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Séance du 14 mai 2009 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • afghanistan
  • externalisation
  • extérieure
  • matériel
  • militaire

La séance

Source

PermalienPhoto de David Habib

Monsieur le ministre, nous avons le plaisir de vous accueillir pour cette dernière séance de la mission d'évaluation et de contrôle consacrée aux opérations militaires extérieures, notamment sous mandat international. Comme vous le savez, nous avons demandé à deux parlementaires issus de deux commissions et de deux groupes différents de bien vouloir procéder à cette évaluation, comme nous l'avions fait l'an dernier pour les programmes d'armement de la marine, sur lequel les deux parlementaires alors chargés du rapport avaient formulé des préconisations portant notamment sur l'articulation entre programmation militaire et budget.

Nos deux rapporteurs, Mme Françoise Olivier-Coupeau et M. Louis Giscard d'Estaing, connaissent très bien ces questions et sont rentrés hier d'un déplacement en Afghanistan, après être allés au Tchad et au Kosovo.

Je salue en outre les trois représentants de la Cour des comptes qui accompagnent nos travaux : M. Alain Hespel, Président de la deuxième chambre, Mme Françoise Saliou, et M. Benoît d'Aboville.

Il ne s'agit nullement ici, à l'heure où le Parlement se penche sur son règlement, d'empiéter sur les prérogatives de la commission de la Défense. Il ne s'agit pas davantage de subordonner la politique de la défense à des préoccupations budgétaires, mais bien plutôt de s'assurer de la bonne utilisation des fonds publics, dans le cadre de la LOLF et du rôle imparti à la Mission d'évaluation et de contrôle par le bureau de la commission des Finances et son Président, M. Didier Migaud.

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Les opérations extérieures connaissent aujourd'hui deux innovations majeures. L'une, d'ordre institutionnel, est le fait que Parlement doive désormais autoriser la prolongation d'une intervention au-delà de quatre mois. Outre l'expression démocratique qu'elle permet, cette mesure est un aiguillon utile pour l'exécutif, et particulièrement le ministère de la Défense, car elle oblige à vérifier en permanence l'adéquation de notre présence aux besoins opérationnels et à la situation du pays concerné et à procéder aux ajustements nécessaires.

L'autre innovation, qui fait suite au Livre blanc, concerne le traitement budgétaire des opérations extérieures. Ce que réclamaient les parlementaires depuis des années va enfin trouver sa traduction dans la loi de programmation militaire. La provision en loi de finances initiale, destinée à financer le surcoût des Opex, qui n'était encore en 2004 que de 24 millions d'euros, est passée à 100 millions d'euros en 2005, 175 en 2006 et 360 en 2007, et depuis l'entrée en fonctions du Président de la République et de l'actuel gouvernement, à 460 millions d'euros en 2008 et 510 en 2009. Mais à cette dotation très fortement revalorisée, le projet de loi de programmation militaire prévoit d'ajouter 60 millions d'euros en 2010 et à nouveau 60 millions en 2011, dont 30 millions pris sur le budget global du ministère de la Défense et 30 millions d'euros sur la réserve de budgétisation. Et surtout, dès 2009, au-delà de cette provision ainsi revalorisée, nous bénéficierons de la réserve de précaution, ce qui assurera enfin la sincérité budgétaire que demandait en vain la représentation nationale depuis fort longtemps.

PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier tout d'abord de l'effort réalisé par le ministère de la Défense pour parvenir à la sincérité budgétaire que le Parlement appelait en effet depuis longtemps de ses voeux. Je tiens également à remercier votre ministère et tous les militaires qui ont parfaitement répondu à toutes nos attentes au cours des missions que nous avons effectuées. Je salue en particulier le commissaire-colonel Éric Rémy-Néris, ici présent, qui, avec l'ensemble de l'équipe du Commissariat, a considéré que notre mission ne faisait que conforter l'effort engagé par l'ensemble des militaires en opérations en matière de justification des dépenses engagées et de refacturations entre nations participantes.

Nous sommes bien conscients que le calcul des coûts liés aux Opex n'est pas chose facile. Malgré la volonté du ministère de retracer ces dépenses avec précision, de nombreux coûts ne sont pas pris en compte. Désireux d'examiner le financement des opérations extérieures dans sa globalité, nous souhaitons pour notre part ne pas nous limiter à la notion de surcoûts. Nous nous intéressons donc notamment aux bonifications de carrière, aux pensions d'invalidité, à la hausse du coût de l'entretien – le MCO, maintien en condition opérationnelle –, à l'usure prématurée, voire à la perte, des matériels sur place, au soutien de militaires étrangers, ainsi qu'aux coûts spécifiques de formation préalable à l'envoi en opérations. Comptez-vous approfondir le travail de clarification engagé, afin que nous ayons la vision la plus complète possible du coût des Opex ?

Vous avez en partie répondu à la question que je voulais vous poser sur la justification des 60 millions d'euros supplémentaires prévus en 2010 puis en 2011. Néanmoins, qu'en est-il de la diminution des coûts en Côte d'Ivoire et au Tchad, avec le passage de relais de l'EUFOR à la MINURCAT ?

Enfin, où en est la réforme de l'instruction de 1984, que chacun dit appeler de ses voeux mais qui n'avance guère ? Des désaccords subsistent-ils entre les ministères du Budget et de la Défense sur les notions de coût et de surcoût des opérations extérieures et sur leur imputation budgétaire, voire leur remboursement par la loi de finances rectificative ?

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Nous sommes en effet en train de réviser l'instruction commune des ministères chargés des finances et de la défense et faisons nôtres les conclusions du rapport de la Cour des comptes sur ce point.

Le coût du MCO augmente considérablement en opération extérieure. Ainsi, le coût d'entretien programmé des chars Leclerc au Liban représente à lui seul de 10 % à 15 % de l'ensemble du MCO pour ces matériels. La difficulté, que saisira aisément le député du Puy-de-Dôme, avec qui j'ai visité hier des ateliers aéronautiques à Clermont-Ferrand, est que, si nous tendons à généraliser les contrats globaux destinés à intégrer le coût d'acquisition des programmes et celui de leur utilisation, voire de leur destruction, l'externalisation d'une partie de l'entretien programmé du matériel rend cette intégration problématique. En matière de personnel, par ailleurs, l'intégration des surcoûts est méthodologiquement très difficile.

Du reste, les armées ayant vocation à se projeter pour assurer la sécurité et la stabilité de théâtres de crise dans le cadre de la politique étrangère de la France, il ne me semble pas choquant que certains surcoûts ne soient pas clairement identifiés dans la loi de finances et qu'un reliquat demeure à la charge du ministère de la Défense, la sincérité et la transparence de la loi de finances dussent-elles en souffrir un peu.

PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Sur des terrains d'opérations enclavés, comme l'Afghanistan ou le Tchad, la logistique reste un facteur de coûts très important. Le fait que les unités ne se rendent plus sur ces théâtres avec leur matériel, mais trouvent sur place les véhicules qu'elles utiliseront impose à ces derniers, destinés à rester plus d'un an sur place, un vieillissement accéléré. Quelle est votre politique de MCO pour l'ensemble de l'armée de terre, compte tenu du fait que ce matériel n'est pas disponible pour les unités demeurées en métropole ?

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

La politique d'emploi et de gestion des parcs que nous mettons en place – et qui est loin d'être achevée – obéit à un motif géostratégique : après la disparition du Pacte de Varsovie, s'il est cohérent que, comme le prévoit le Livre blanc, nous disposions d'un niveau d'équipement nous permettant de répondre à une crise majeure, une partie de ce parc est en quelque sorte mise en réserve, sans être physiquement « sous cocon », c'est-à-dire que nous limitons l'utilisation de nos équipements à nos besoins en vue d'opérations extérieures et pour l'entraînement de nos forces. Il faut donc avoir à l'esprit l'idée, qui peut paraître choquante mais qui est cohérente, dont j'ai vu l'illustration en visitant le camp de blindés de Mourmelon : il y a des équipements dont nous n'assurons pas le MCO, parce que nous ne sommes pas dans une situation nécessitant de projeter 30 000 hommes. En outre, compte tenu du coût du transport, il serait incomparablement plus cher de déployer nos forces avec leur matériel que d'assumer l'usure rapide de certains équipements.

PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

La question qui se pose me paraît être surtout celle de l'utilité des équipements. On peut se demander si, pour l'armée de terre, ce débat n'est pas tranché au nom d'objectifs financiers plutôt qu'en termes stratégiques. Au regard des observations du Livre blanc, en particulier sur les régiments projetables, la forme d'utilisation des blindés ne devrait-il pas être fondée sur les critères de réussite des missions et de sécurité des hommes ?

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Les objectifs fixés par le Livre blanc – la capacité de projeter 30 000 hommes sur un théâtre majeur pour une durée de six mois et 5 000 hommes sur un théâtre secondaire, avec 320 blindés en parc et 254 opérationnels – n'ont aucunement été dictés par des considérations financières. Mon souci est plutôt que chaque régiment de blindés dispose d'un potentiel un peu plus important, ce à quoi nous réfléchissons dans le cadre de la politique d'emploi et de gestion des parcs et des discussions menées avec Nexter pour réduire le coût du MCO des blindés. Dans la réalité, en effet, des militaires du rang qui ont été recrutés pour être conducteurs de char n'ont parfois guère l'occasion de conduire un char. Malgré les camps d'entraînement intensif auxquels participent les troupes, il conviendrait que l'entraînement quotidien sur blindés atteigne un niveau propre à assurer la fidélisation et la motivation de nos unités. Dans le contexte de la politique d'emploi et de gestion des parcs, on pourrait s'interroger sur le choix de spécialisation des régiments qui a été fait voilà une quinzaine d'années, et imaginer des régiments davantage mixtes. Nous travaillons, avec le chef d'état-major, à relever le potentiel des régiments de chars. Le déploiement de chars Leclerc au Liban exprime d'ailleurs une capacité de réaction et de forces très bien perçue par nos camarades de la FINUL. Cette capacité peut sembler coûteuse lorsque les temps sont paisibles, mais elle est un élément de présence et de puissance fort utile lorsque la situation se tend au sud du Litani.

PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Comment justifier l'achat en urgence d'équipements destinés à des Opex qui durent déjà depuis plusieurs années, notamment en Afghanistan ? Les matériels dont nos forces ont besoin n'auraient-ils pas dû être achetés au cours des exercices budgétaires passés, dans le cadre de procédures classiques, beaucoup moins onéreuses ? Je pense notamment, aux chenillettes finlandaises d'Hägglunds demandées par le général Thorette, alors chef d'état-major de l'armée de terre, refusées par la ministre de l'époque et par le DGA, et qui doivent aujourd'hui être achetées en urgence.

Par ailleurs, les responsables que nous avons rencontrés à Kaboul nous ont indiqué que le parc de voitures civiles que nos militaires utilisent en Afghanistan est loué et non acheté. Si le prix de location d'une voiture civile non blindée, de l'ordre de 600 euros par mois, reste acceptable, celui d'un véhicule civil blindé est de 6 600 euros par mois, soit onze fois plus. Le marché est étroit et le nombre de prestataires est faible, ce qui fait de nos forces une clientèle captive. Le coût d'un véhicule blindé neuf étant compris entre 80 000 à 100 000 euros, un achat serait rentabilisé en 12 à 15 mois. Or la durée de vie d'un tel engin en Afghanistan est estimée à trois ans au moins. Pourquoi, donc, choisit-on de louer plutôt que d'acheter ? Les militaires nous ont répondu que la location était une dépense de fonctionnement de titre 3, donc inscrite dans le coût des Opex et faisant l'objet d'un remboursement en fin d'exercice, dans le cadre du collectif budgétaire, alors qu'une acquisition patrimoniale constituait une dépense de titre 5, non éligible au remboursement au titre des surcoûts des Opex. De ce fait, en termes comptables, acquérir 20 à 25 véhicules civils blindés équivaut à renoncer à l'achat d'un VBCI ou d'un canon Caesar. Ainsi, pour des raisons d'ordre administratif, le contribuable paie beaucoup plus cher.

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Le coût d'un VBCI est de 4 millions d'euros.

PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Soit, mais le raisonnement reste valide. À ma connaissance, la LOLF autorise la « fongibilité asymétrique » des crédits, c'est-à-dire l'affectation en titre 5 de crédits non utilisés en titre 3, en vue d'encourager les comportements vertueux. Ne pourrait-on recourir à cette fongibilité pour passer de la location à l'achat ? Je vous serais reconnaissante de bien vouloir demander à vos services de vérifier ces informations et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires.

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Les informations qui vous ont été fournies ne correspondent pas à la réalité administrative. La France étant engagée au sein d'une coalition, c'est cette dernière qui loue les véhicules. Cela dit, la fongibilité permet en effet d'acheter du matériel avec des crédits destinés aux Opex.

Je rappelle par ailleurs que ma décision d'acquisition de matériel a été prise lorsque le Président de la République a décidé d'engager des troupes en région Est, en vallée de Kapisa, c'est-à-dire avant la perte de dix de nos soldats, le 18 août, à Ouzbin. Ces achats représentaient environ 100 millions d'euros. Nos troupes, longtemps engagées dans la zone la plus tranquille d'Afghanistan, n'avaient alors pas les mêmes besoins que celles qui étaient engagées dans le Sud ou l'Est du pays et il nous a donc fallu adapter l'équipement aux nouvelles conditions d'engagement.

Se pose en outre une question de fond : alors que les programmes à effet majeur sont toujours assez préservés en cas de régulation budgétaire, les programmes de cohérence opérationnelle, de moindre ampleur mais d'une très grande importance au quotidien pour nos troupes sur le terrain, sont les premiers sacrifiés. Aussi, dès que la situation l'exige, nous leur restituons toute la place qu'ils méritent. Les parlementaires sont en effet prompts à protester quand on renonce à deux Caracal supplémentaires, mais je n'en ai jamais entendu un déplorer la suppression d'un programme de cohérence opérationnelle. Je vous invite d'ailleurs à assurer sur le sujet votre vigilance démocratique.

PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Pour assurer l'hébergement de nos militaires en opérations extérieures, il existe actuellement trois possibilités : la tente, le module préfabriqué du type Corimec ou Algeco, et la construction en dur.

À Abéché, lors de la relève de l'EUFOR par la MINURCAT, l'ONU a refusé de racheter pour une trentaine de millions d'euros les installations du camp des Étoiles. Les préfabriqués auraient-ils vocation à être démontés et rapatriés à l'issue des opérations extérieures ? Cela semble impraticable pour des raisons de coût.

Nous avons donc été favorablement impressionnés par les bâtiments en dur construits sur la base opérationnelle avancée de Tora, en Afghanistan. Les réalisations de ce type supposent une dépense initiale élevée, mais elles permettent d'assurer une meilleure protection des troupes, de donner du travail aux entreprises locales et, à l'issue de la période de stationnement de nos troupes, de laisser les bâtiments à la disposition de l'armée nationale ou de leur donner une affectation civile.

Quelle est votre stratégie dans ce domaine, Monsieur le ministre ?

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

En Afghanistan, le choix de construire des installations en dur répond d'abord à la volonté d'assurer la sécurité de nos troupes. De surcroît, cela nous permettra en effet de céder aux autorités locales des infrastructures pérennes à l'issue de notre mission.

Lors de ma première visite au Liban, j'ai été scandalisé par les conditions dans lesquelles nos soldats étaient hébergés. Depuis 1978, ils vivaient sous la tente et dans la poussière, alors que, cent mètres plus loin, les Qatarotes bénéficiaient de modules climatisés. À ma demande, le chef d'état-major a fait réaliser les travaux d'aménagement nécessaires.

En général, au départ de nos troupes, nous cédons les modules préfabriqués. Le problème, au Tchad, est que l'ONU refuse de verser la somme demandée.

PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Monsieur le ministre, j'aimerais avoir votre sentiment sur les opérations d'externalisation, et en particulier sur l'opération CAPES France ? Est-elle vraiment de nature à engendrer des économies ? Quelles sont vos perspectives en la matière ? L'externalisation est-elle compatible avec la dangerosité de certaines opérations, en particulier en Afghanistan ?

Nous sommes par ailleurs très déçus que les entreprises françaises ne soient pas davantage présentes en Afghanistan.

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

J'ai défini, il y a un mois et demi, le cadre de la politique d'externalisation du ministère. Comme libéral, j'ai toujours pensé qu'il était bon d'expérimenter avant de généraliser. J'ai donc commandé deux études, l'une sur la base de Creil, l'autre sur une base de défense expérimentale, afin d'examiner jusqu'où l'externalisation peut être poussée et d'en évaluer les conséquences, notamment financières.

Par ailleurs, la révolution culturelle et structurelle engagée au sein du ministère, avec la création des bases de défense, avec la mutualisation et « l'interarmisation » des fonctions de soutien et de l'administration générale, va déjà provoquer la suppression de 54 000 postes, les crédits libérés étant dédiés à l'équipement des forces. Par conséquent, je souhaite que le processus d'externalisation soit progressif : on ne peut pas tout faire en même temps.

J'ai fixé plusieurs critères.

En premier lieu, il faut tenir compte des nécessités opérationnelles et des impératifs de sécurité. Certains services doivent impérativement être conservés en interne. Toutefois, j'ai demandé à mon cabinet de vérifier, dans le détail, le bien-fondé de ces exigences, d'autres pays ayant fait d'autres choix que les nôtres. Ainsi, en Afghanistan, la maintenance et la mise en oeuvre des drones britanniques sont assurées par Thalès. L'armée allemande, quant à elle, a lancé avec Siemens, et avec l'appui d'IBM, l'ambitieux programme Héraclès sur les systèmes d'information et de communication, tandis que pour notre part, en choisissant la voie interne, nous avons rencontré de nombreux problèmes de compatibilité et d'interopérabilité.

Ensuite, nous devons avoir l'assurance que, à moyen et long terme, l'opération d'externalisation sera rentable – au niveau de l'État et non du seul ministère de la Défense : certaines opérations neutres pour le ministère peuvent en effet être rentables pour l'État grâce aux recettes de la TVA.

Il faut aussi vérifier que ces opérations d'externalisation ne conduisent pas à une relation déséquilibrée entre l'État et un oligopole, comme cela s'est produit pour les collectivités locales dans le domaine de la collecte des ordures ménagères.

Par ailleurs, il convient que les entreprises bénéficiaires des contrats aient l'obligation de faire une offre d'embauche au personnel concerné.

Enfin, les marchés d'externalisation ne doivent pas bénéficier seulement à quelques grands groupes avec lesquels on passerait des contrats nationaux globaux, mais irriguer le réseau des PME.

Ce mouvement d'externalisation, que nous mènerons à partir de 2010, s'appliquera à plusieurs domaines.

En ce qui concerne les systèmes d'information et de communication, il y a d'abord un gros travail à mener en amont. Le directeur général des SIC, qui n'avait jusqu'à présent aucune autorité sur les états-majors, va avoir la responsabilité du budget et des commandes. Auparavant, les états-majors choisissaient leurs systèmes sans se concerter ; le résultat, c'est que, par exemple, pour mutualiser la gestion des ressources humaines, nous devons commencer par rendre les systèmes d'information compatibles. Concernant la bureautique, nous devons faire comme les collectivités, c'est-à-dire passer des contrats globaux de fourniture et de maintenance, prévoyant un renouvellement régulier des matériels, de manière à uniformiser l'ensemble de notre parc, qui est gigantesque.

Concernant les infrastructures, nous conserverons des compétences en interne pour des réalisations spécifiques, mais pour construire des logements ou des gymnases, il faut évidemment faire appel à des maîtres d'oeuvre privés.

S'agissant de l'alimentation, je souhaite que le processus soit plus progressif, eu égard à l'importance des effectifs concernés. Il faut que nous puissions proposer des alternatives au personnel civil touché par les mesures de rationalisation.

Enfin, en matière d'habillement, je souhaite mettre fin à la politique actuelle consistant à constituer des stocks de treillis et de chaussures de diverses tailles, et demander aux entreprises de livrer, à date fixe, des vêtements pour chaque unité, aux tailles correspondant exactement à leurs besoins.

PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Pour les opérations extérieures, deux éléments sont très importants : la sécurité, mais aussi les conditions de vie. Or, sur la FOB Tora, nous avons mangé une nourriture délicieuse, confectionnée par des Turcs, mais selon les soldats, le menu est le même tous les jours.

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Excusez-moi, madame la rapporteure, mais ce genre de problème n'est pas du ressort du ministre : c'est au commandant d'unité de faire le nécessaire ! Je pourrais moi aussi vous rapporter des anecdotes. Par exemple, alors qu'il existe une vingtaine de menus différents dans les rations de combat, le capitaine d'une OMLT m'a raconté qu'il avait reçu, pour nourrir ses cinquante hommes durant six mois, une palette de rations toutes identiques…

PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

En ce qui concerne l'externalisation, faites-vous une différence entre les régiments stationnés en métropole et les Opex ? Avez-vous tiré des enseignements des opérations menées en coopération avec d'autres pays ?

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Non, je ne fais pas de différence selon le lieu de stationnement.

S'agissant de CAPES France, l'expérimentation a été lancée après le retrait de l'essentiel des forces françaises en Allemagne. Les premiers résultats financiers montrent qu'à périmètre constant, le système est plus onéreux qu'une gestion en régie. En effet, les tâches concédées à l'économat des armées étaient pour la plupart déjà exécutées par des personnels civils recrutés localement, donc moins bien rémunérés. Les effectifs militaires économisés ayant été redéployés ailleurs, il n'y a eu aucune économie salariale en interne. Enfin, le coût de l'intervention de l'opérateur représente entre 8 et 10 % du chiffre d'affaires.

PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Ne pensez-vous pas que dans la stricte logique de la LOLF, un certain nombre de dépenses actuellement prises en charge par le ministère de la Défense dans le cadre des missions de stabilisation et de maintien de la paix ou des actions civilo-militaires devraient être imputées sur le budget d'autres ministères, au titre soit de la coopération, soit de l'aide au développement, soit de l'aide à la formation des cadres locaux ?

De même, l'action du service de santé des armées en Opex est de toute évidence dimensionnée non seulement pour assurer le soutien médical de nos troupes, mais aussi, et même surtout, pour apporter des soins aux populations civiles locales. Comment pourrait-on traduire cela sur le plan budgétaire ?

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Il vaut mieux que ces actions restent financées par le ministère de la Défense car s'engager dans des discussions interministérielles nous ferait perdre de l'autonomie, de la flexibilité et de la réactivité.

La coopération civilo-militaire a une très grande importance. Certes, on n'y consacre pas assez de moyens, mais les officiers qui s'en occupent réalisent des prouesses, notamment en ayant recours à des financements européens complémentaires. En outre, ces activités, ainsi que l'action des équipes de santé, permettent de renforcer les liens entre nos soldats et les populations locales.

Quant à la formation des cadres, on peut souhaiter qu'elle ait un caractère plus interministériel, mais l'autonomie de gestion a ses avantages.

PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Les cinq premiers gendarmes français sont arrivés en Afghanistan. Quel est le cadre budgétaire de cette opération ?

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Il s'agit d'une provision sur le programme 152 Gendarmerie.

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Nous avons demandé à la gendarmerie de mettre les crédits à la disposition du directeur du commissariat de la FIAS.

PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Nous avons visité l'hôpital médico-chirurgical « Rôle 2 » à Kaia Nord, près de Kaboul. Sa construction s'achève et il devrait bientôt entrer en service. Hôpital international dépendant de l'OTAN, il sera servi principalement par des personnels français. Louis Giscard d'Estaing et moi-même souhaiterions, si c'est possible, qu'il porte le nom du sergent Rodolphe Penon, mort de manière héroïque le 18 août 2008 à Ouzbin. Ce serait une façon de rendre hommage à l'ensemble des soldats tombés sur ce théâtre. Nous vous adresserons un courrier officiel à l'appui de cette demande.

PermalienHervé Morin, ministre de la Défense

Je vous répondrai, mais des morts susceptibles d'être honorés, il y en a eu malheureusement bien d'autres en Afghanistan. Les Canadiens ont perdu 120 hommes, les Anglais 150, les Américains 700. Cela étant, j'ai parfaitement en mémoire l'action héroïque du sergent Penon, qui a trouvé la mort en portant secours à ses camarades malgré ses blessures. Par ailleurs, nous allons en effet avoir la responsabilité du fonctionnement de l'hôpital au début, mais il y aura des rotations annuelles.

PermalienPhoto de David Habib

Merci, Monsieur le ministre, pour vos réponses.

Je précise que le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle sur les opérations militaires extérieures devrait être présenté à la fin du mois de juin.