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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Séance du 18 décembre 2008 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 18 décembre 2008

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la Mission)

La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l'audition de M. Thierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relative à la politique familiale.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Nous accueillons ce matin M. Thierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Je vais vous faire part des principales conclusions des travaux menés par l'équipe que j'ai conduite.

Ces travaux s'inscrivaient dans le cadre du processus RGPP – révision générale des politiques publiques – initié le 10 juillet 2007 par le Premier ministre. La mission RGPP « famille » faisait partie du groupe des six équipes RGPP qui devaient analyser des politiques transversales ayant trait, pour la plupart d'entre elles, aux questions d'ordre social, notamment l'assurance maladie, la politique de solidarité, la politique de l'emploi et la politique familiale.

L'équipe RGPP « famille » était composée de membres de l'Inspection générale à la fois des affaires sociales, des finances, de l'intérieur, de l'Éducation nationale et de l'INSEE, et a travaillé pendant dix mois, jusqu'en mai 2008, sur l'analyse de l'ensemble des composantes de la politique familiale. Ses travaux ont été soumis à trois reprises au comité de suivi de la RGPP, coprésidé par le secrétaire général de l'Élysée et par le directeur de cabinet du Premier ministre ; ils n'ont pas encore été, non plus que la plupart des six RGPP transversales ayant trait à des questions sociales, traduits en décisions par le conseil de modernisation des politiques publiques, compte tenu des multiples enjeux sociaux et fiscaux qui y sont attachés.

Le parti que nous avons adopté, lorsque nous avons été saisis par le Premier ministre d'une lettre de mission sur cette thématique, a été de profiter de l'opportunité unique qui nous était offerte pour analyser de façon globale la politique familiale, ce qui, si ma mémoire est bonne, n'a jamais été fait dans un contexte aussi général. Si les réflexions sont riches en matière de politique familiale, elles ont généralement pour défaut d'être séquencées selon les thématiques et contribuent à cristalliser le « millefeuille » en abordant les problématiques prestation par prestation et dispositif fiscal par dispositif fiscal.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Ce n'est malheureusement pas spécifique à la politique familiale.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

En l'espèce, cela a un effet rédhibitoire sur les réflexions de fond concernant la politique familiale.

Sur la base des études administratives qui avaient été conduites au cours des années précédentes, des travaux de la Cour des comptes et des divers rapports qui avaient pu être émis, nous avons essayé d'enrichir la réflexion sur le sujet en intégrant l'ensemble des problématiques : les prestations en espèces, les prestations en nature, les dispositifs fiscaux et l'ensemble du dispositif d'offre de garde.

Cela nous a conduits assez vite à un premier constat : alors même que l'objectif de la RGPP était de contrôler l'utilisation des euros affectés aux dépenses publiques dans une perspective, il ne faut pas se le cacher, d'optimisation, c'est-à-dire de réduction, de celles-ci, nous ne pouvions pas – et c'est le parti que nous avons pris dès le départ – considérer la quête des économies à tous crins comme notre objectif premier : nous avions à analyser 47 milliards d'euros de prestations familiales dont 85 % étaient en espèces, c'est-à-dire contribuant directement au revenu des ménages, et un peu plus de 15 milliards de dépenses fiscales qui, à défaut de contribuer directement au revenu des ménages, allègent la charge d'impôt de ces derniers. Raisonner sur ces crédits en termes de pures économies n'avait pas de sens dans le contexte économique et social déjà difficile de 2007 : nous étions sûrs que cet exercice purement technocratique n'aurait eu aucune chance d'aboutir dans la mesure où il ne se serait soldé que par des économies nettes.

Notre raisonnement a consisté à repérer, au sein de l'ensemble de ces dépenses, celles dont l'efficience pouvait être limitée et à recycler intégralement les économies effectives qui pouvaient être réalisées en direction de la politique familiale, non seulement pour rendre plus efficaces certaines des politiques qui ne le sont pas assez, mais aussi pour répondre à l'objectif politique majeur de densification de l'offre de garde des jeunes enfants. Cet objectif, qui s'est exprimé en un temps sous la forme d'une revendication d'un droit de garde opposable, concourt à l'amélioration de l'emploi féminin, qui est un objectif stratégique pour les années à venir, et de la conciliation légitime entre vie professionnelle et vie familiale, mais il impose des dépenses considérables. Cela doit, au regard de la situation des finances publiques et de la branche famille en particulier, se solder non par des dépenses supplémentaires, mais par un recyclage des économies éventuelles réalisées par ailleurs.

Il serait trop long, et cela n'entrerait pas directement dans le champ de vos préoccupations, de vous donner l'état global des « plus » et des « moins » envisagés dans notre réflexion, d'autant que le comité de suivi de la RGPP n'a pas fini ses travaux sur ces thématiques.

La conclusion à laquelle nous sommes arrivés est que, pour densifier l'offre de garde à un point où l'arbitrage puisse être quasiment neutre, au sein des familles, pour la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, tout en poursuivant l'objectif d'amélioration du taux d'activité féminin, il fallait créer entre 350 000 et 400 000 places d'une structure de garde ne figurant pas dans la liste de celles qui sont actuellement répertoriées, ce qui aboutissait à une dépense brute proche de 4 milliards d'euros. Cette somme est hors de portée de nos finances publiques. Il fallait donc pouvoir l'autofinancer. C'était le pendant de l'exercice : trouver l'équivalent d'une charge potentielle située, selon les hypothèses, entre 3,7 et 3,9 milliards de dépenses supplémentaires dans la partie la moins efficiente de nos dépenses de politique familiale.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Quelles précisions pouvez-vous nous donner sur les 3,7 milliards de dépenses supplémentaires que vous évoquez ?

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

La politique familiale a trois vocations : premièrement, compenser les charges d'enfants ; deuxièmement, redistribuer de façon verticale, comme on dit dans le jargon technocratique, c'est-à-dire entre les ménages qui ont le plus de ressources et ceux qui en ont le moins ; troisièmement, permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle. Ce troisième objectif prend une dimension particulière de nos jours puisqu'il est prévu, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, d'améliorer de manière concertée au niveau européen les taux d'emplois féminins pour des raisons à la fois d'emploi, de financement des systèmes sociaux et de vie sociale.

La densification de l'offre de garde permet d'opérer cet arbitrage entre vie professionnelle et vie familiale tout en soutenant la natalité. Depuis 1996, on observe un lien favorable entre l'augmentation du taux d'activité féminin et l'augmentation de la natalité, alors que, jusqu'en 1996, on pensait que la première faisait courir un risque sur la seconde. L'amélioration du taux d'activité féminin et celle de l'effort de garde apparaissent désormais comme des facteurs de nature à soutenir la natalité.

Dans ce contexte, il ne nous a pas semblé très opérant de poursuivre sur les mêmes lignes que celles qui avaient été adoptées jusqu'alors et qui consistaient à proposer une offre certes diversifiée et de qualité, mais extrêmement coûteuse du fait, principalement, des normes exigées pour les établissements d'accueil du jeune enfant – les crèches – et pour les assistantes maternelles. Par ailleurs, nous nous sommes rendu compte que la baisse de la prise en charge des enfants de deux ou trois ans à l'école maternelle grignotait au fil du temps tous les efforts que la collectivité faisait pour densifier la capacité d'accueil. Quand on dresse le bilan depuis 2000 de l'impact de cette baisse sur la création de places de crèche et l'offre de garde par des assistantes maternelles, on se rend compte que l'économie budgétaire réalisée légitimement par l'État par rapport à sa stratégie sur la prise en charge des enfants de deux ou trois ans à l'école maternelle a été plus que « mangée » – dans un facteur certainement de deux à trois – par la nécessité d'augmenter l'accueil dans les crèches ou par les assistantes maternelles. Le paradoxe est que l'économie réalisée par l'État a entraîné des charges supplémentaires supportées à titre principal par les caisses d'allocations familiales. Pour les communes, l'enjeu était quasiment neutre puisque les économies réalisées sur la prise en charge par l'école maternelle – où la dépense se partage en gros à 5050 entre l'État et la commune – compensaient la dépense supplémentaire – là aussi quasiment à 5050 – en matière de prise en charge en crèche.

Nous avons compris que, si nous continuions dans cette voie, il était impossible, d'autant qu'une place en crèche coûte trois fois plus cher à l'année qu'une place en école maternelle, de développer l'offre de garde et de diminuer les coûts budgétaires. Le nombre d'enfants de deux-trois ans pris en charge à l'école maternelle est passé de 35 % d'une classe d'âge en 2000 à moins de 19 % aujourd'hui, soit une perte de 15 points en sept ans. Le nombre de places créées sur la même période laisse penser que celles-ci ont compensé celles-là, à un coût environ deux fois et demi supérieur.

Nous avons donc décidé d'engager une réflexion selon un paradigme complètement nouveau, en évoquant une alternative à la prise en charge par l'école maternelle qui permette de densifier l'offre de garde de façon qualitative – il ne s'agissait pas de trouver une solution au rabais –, avec des normes plus souples et des modalités financières différentes. Nous avons ainsi remis au goût du jour l'ancien concept de jardin d'enfant – qui avait fait florès il y a plusieurs dizaines d'années, notamment en association avec le mouvement du logement social – rebaptisé « jardin d'éveil ». Cela reviendrait à avoir, dans les locaux disponibles soit d'une école maternelle, soit d'une crèche – il ne s'agit pas de construire dans l'unique but de « faire du neuf » –, des unités spécifiques réservées aux deux-trois ans s'inscrivant dans une même problématique pédagogique qu'à l'école maternelle mais avec un encadrement, et donc un coût, moindres. C'est sur cette tranche d'âge que l'on peut envisager un assouplissement des normes. Une baisse du taux d'encadrement pour les enfants plus petits paraît plus difficile pour des raisons de sécurité et pour d'autres liées à l'attachement des parents à un bon encadrement de leurs enfants à cet âge.

Selon notre simulation, qui mérite sans doute d'être affinée et réactualisée, nous arrivions à un coût de prise en charge en jardin d'éveil un peu inférieur à 6 000 euros par an et par place, à mettre en parallèle avec celui en école maternelle, qui se situe entre 4 800 et 4 900 euros, avec celui d'une assistante maternelle – environ 7 500 euros – et avec celui d'une crèche, qui, selon les critères, oscille entre 10 000 et 12 000 euros par an et par place.

Dans ce schéma, le jardin d'éveil revêtant toutes les caractéristiques d'un établissement d'accueil du jeune enfant, il pouvait solliciter les mêmes types de financement qu'une crèche, notamment les financements des caisses d'allocations familiales et les financements communaux, mais, n'étant pas une école maternelle, il nécessitait forcément la participation des parents, laquelle peut être allégée par les dispositifs tels que ceux qui sont l'objet de votre étude en ce moment, c'est-à-dire la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) et l'ensemble de ses composantes.

Nous sommes partis de la nécessité de densifier l'offre de garde tout en diminuant les coûts de celle-ci sans pour autant en amoindrir la qualité, et du constat du mouvement de retrait, maintenant quasi irréversible, de l'Éducation nationale en matière d'accueil des enfants de deux-trois ans, tout en intégrant les mécanismes de financement existants.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Pourquoi sortir l'accueil des deux-trois ans de l'Éducation nationale pour le réintroduire dans le système de la petite enfance ? Cela induit des charges supplémentaires pour les collectivités locales.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

C'est une question pertinente, mais je ne suis pas sûr d'être le mieux placé pour y répondre.

La mission, qui comprenait en son sein un membre de l'Inspection générale de l'Éducation nationale, a pris acte d'une situation. Il lui est apparu que, dans le cadre des arbitrages à rendre concernant le budget de l'Éducation nationale, cette dernière privilégie au premier chef celles de ses dépenses qui correspondent à sa mission obligatoire, la scolarité à partir de six ans, puis tout l'enseignement secondaire et supérieur, où les besoins sont très importants. La scolarité des enfants entre deux ans et cinq-six ans à l'école maternelle n'est pas obligatoire mais il n'est pas question pour autant que l'Éducation nationale s'en retire.

Ce qui est en jeu, c'est la préscolarisation, c'est-à-dire la partie de la mission actuellement assurée par l'Éducation nationale pour les deux-trois ans. Au-delà des débats budgétaires, qui sont tout à fait légitimes – le ministre de l'éducation nationale s'est exprimé récemment sur ces sujets –, se pose une problématique pédagogique et éducative, sur laquelle la mission RGPP n'était pas compétente. Certains courants de pensée ont tendance à considérer qu'il n'est pas forcément souhaitable que des enfants de deux-trois ans soient d'emblée scolarisés en école maternelle.

S'appuyant sur ces éléments, d'une part budgétaires et, d'autre part, pédagogiques et psychologiques, le ministère de l'éducation nationale a, de manière structurelle, imprimé un mouvement de désengagement de la scolarité des deux-trois ans. Les 15 points de baisse de prise en charge sur sept ans que j'ai cités témoignent de ce mouvement.

Nous avons considéré ce désengagement comme un acquis, c'est-à-dire comme un élément sur lequel la mission RGPP Famille n'avait pas de prise, et que tout ce qui était traité dans la RGPP Éducation nationale confirmait.

Ce mouvement de désengagement étant intégré comme un acquis, il fallait lui apporter une réponse, si possible de type innovant et sans que cela pèse durablement et de façon contre-productive sur les finances publiques.

Comme vous l'avez évoqué, madame la rapporteure, ce mouvement va forcément aboutir à des transferts de charges. Mais, contrairement à ce que vous pouvez penser, ce ne sera pas de prime abord et de façon massive en direction des communes. On est en droit de penser – je reste prudent – qu'elles pourront, comme elles le font actuellement pour la préscolarisation des deux-trois ans en école maternelle, cofinancer à 5050 l'accueil en jardin d'enfant. Sinon, elles seront obligées de le faire dans le cadre d'une crèche, à des coûts beaucoup plus importants.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Vous avez affirmé que la baisse de la scolarisation des enfants de deux-trois ans à l'école maternelle limitait le nombre de places en crèches disponibles.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Absolument !

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Cela signifie que les besoins ne sont pas satisfaits. Les collectivités vont se retrouver sur deux fronts : elles devront continuer de payer pour les crèches et les assistantes maternelles, pour lesquelles on enregistre des manques, et d'assurer un cofinancement de la scolarisation des enfants de deux-trois ans. On peut très bien imaginer un accueil différent de ces derniers dans le cadre de l'Éducation nationale selon le même mode de financement.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

On peut l'imaginer, mais je ne suis pas compétent pour vous répondre.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Dans les documents que vous nous avez fait parvenir, vous proposez de limiter les congés parentaux à deux ans. Cela me semble intéressant car plus les femmes sont éloignées du travail, plus il leur est difficile de reprendre une activité. Quel serait le nombre de places de garde à prévoir en plus ?

Ne pourrait-on envisager un allongement du congé de maternité, qui est l'un des moins longs d'Europe ? Si cet allongement intervenait, certaines femmes pourraient ne pas prendre de congés parentaux par la suite et retrouver donc plus rapidement leur travail.

Le congé de maternité et les congés parentaux pourraient également être partagés par les deux parents.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Vous avez fait le tour complet de la question.

Comme je l'ai indiqué, la mission s'est employée, pour financer les dépenses supplémentaires engendrées par la densification de l'offre de garde favorisant la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, à repérer les prestations les moins efficientes en lien avec ces objectifs et à rechercher les évolutions juridiques et réglementaires permettant de les améliorer.

Dans la lettre de mission qui nous avait été adressée, il nous était demandé d'identifier tous les effets pervers que pouvaient avoir certaines prestations sur la capacité de certaines femmes de se retirer du marché du travail et d'y revenir ensuite. Nous nous sommes rendu compte que le CLCA – complément de libre choix d'activité – présentait, à côté de bien des vertus, certains défauts pouvant provoquer des effets pervers rendant une partie de la dépense peu justifiée. Si l'on repère des effets pervers et que l'on demande à la collectivité de payer pour les financer, on est typiquement dans la non-efficience, et il faut essayer d'y remédier.

C'est ainsi que nous avons recommandé que le CLCA ne soit plus ouvert à partir du premier enfant car, à ce stade, les possibilités qu'il offre ne sont pas déterminantes.

Pour contribuer à remédier à l'effet pervers du retrait durable des femmes –notamment les moins qualifiées – du marché du travail, il a paru utile de réduire la durée de ce complément à environ deux ans. Nous avons proposé de la fixer à vingt mois et de compenser cette réduction, comme vous l'avez indiqué, madame la rapporteure, par un allongement du congé de maternité. Nous avions tiré argument du fait que ce dernier était plus court que dans d'autres pays de l'Union européenne pour proposer une répartition de charges entre la branche famille et la branche maladie.

Nous avons, par ailleurs, préconisé des évolutions du régime juridique du CLCA en envisageant, notamment, un bonus, d'une part sur la durée du congé ouvert au titre du CLCA et, d'autre part, sur le montant du complément quand les deux parents demanderaient à en bénéficier.

Mais nous ne nous faisons par d'illusions : des pesanteurs sociologiques font que ce sont les femmes qui prennent actuellement ce type de congé et il est fort peu probable que, à l'instar de pays comme la Suède, la moitié des pères se mettent brusquement à le prendre. Nous avons proposé que, lorsque le père prendrait, par exemple, deux mois de congé, ces deux mois viennent s'ajouter aux congés offerts et que le complément soit majoré d'une prime dite de parentalité.

Cette hypothèse avait un but pédagogique : sa réalisation contribuerait à remédier à certains effets pervers et des économies substantielles seraient dégagées.

Ces économies, je le rappelle, étaient destinées à être recyclées dans les modes de garde. En effet, dès lors qu'on réduit la durée du congé ouvert au titre du CLCA, il faut pouvoir compenser cette réduction par une offre de garde. Sinon, on ne fait pas avancer la réponse sociale !

L'estimation du coût supplémentaire immédiat sur l'offre de garde de la modification des règles du CLCA que je viens de décrire serait de l'ordre de 130 millions d'euros. Il suffit, si l'on raisonne en places de crèches, de diviser ce nombre par 13 000 euros pour évaluer le nombre de places en jeu, tout en sachant que l'offre ne doit pas être estimée seulement en places de crèches. Quant à l'économie globale que ce dispositif apporterait sur la durée, elle serait de l'ordre de 860 millions d'euros, que nous proposions de basculer intégralement sur le financement des jardins d'éveil.

PermalienPhoto de Pierre Morange

La branche famille et la branche maladie sont cloisonnées : il est impossible de reverser intégralement les économies réalisées par l'une sur l'autre.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Certes, mais les coûts ne sont pas du tout du même ordre. Le coût de l'allongement éventuel du congé de maternité – de quinze jours ou trois semaines – que je n'ai plus en tête est beaucoup moins élevé que les 860 millions d'économies générées par la modification des règles du CLCA.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Je vous saurais gré de nous faire parvenir les chiffres permettant d'affiner notre compréhension du dispositif.

Vous avez indiqué que les normes pouvaient être allégées pour la tranche d'âge de deux à trois ans, mais pas pour celle des trois mois à deux ans. Or le poids des normes imposées aux crèches pèse lourdement dans le déficit d'exploitation de ces dernières.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Nous avons réfléchi à la question car c'est un point de blocage.

Si j'ai dit que la tranche d'âge sur laquelle la réduction des normes est la plus aisée est celle des deux-trois ans, je n'ai pas dit qu'elle était totalement impossible sur celle des zéro-deux ans. Nous avons évoqué au fil de nos travaux divers scénarios permettant d'adoucir celles-ci dans les crèches.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Oui, mais je n'ai pas les chiffres en tête. Je crois vous avoir remis des documents à ce sujet.

L'abaissement des normes qui était proposé dans les établissements d'accueil du jeune enfant ne représentait pas des sommes très importantes, de l'ordre de 100 ou 150 millions d'euros. Le corps législatif ou l'exécutif auraient du mal à faire admettre des assouplissements drastiques des normes pour cette tranche d'âge.

Quoi qu'il en soit, cela ne permettait pas de boucler le financement global du dispositif. Ce qui le permettait, c'était, comme je vous l'ai indiqué, de demander une contribution aux familles pour prendre en charge les 19 % d'enfants de deux-trois ans accueillis aujourd'hui gratuitement à l'école maternelle. La contribution des familles représente le troisième tiers de ce financement – les 4 milliards d'euros dont je parlais en introduction –, avec les contributions de la branche famille et celles des communes.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Combien cela représente-t-il par enfant de deux-trois ans ?

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Je donnerai, avant de répondre, une petite précision méthodologique : il va de soi que la tarification pouvant être proposée pour les jardins d'éveil peut reposer sur les mêmes barèmes que ceux qui sont appliqués aux crèches, avec les mêmes quotients familiaux et règlements appliqués par les caisses d'allocations familiales (CAF) qu'aujourd'hui. Dans ce contexte, nous avions imaginé une participation moyenne des familles pour les jardins d'éveil de l'ordre de 2 100 euros, par enfant et par an, sans tenir compte des éventuelles subventions versées actuellement par les CAF pour les crèches. Il y a une partie de solvabilisation à ajouter.

Sans participation financière des familles, le dispositif ne peut pas être bouclé, à moins que des crédits supplémentaires ne soient attribués, ce qui ne semble pas possible dans le contexte actuel.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Vous proposez de baisser le montant de certaines prestations selon le revenu, ce qui heurte les différentes associations familiales. Avez-vous réfléchi à la fiscalisation des prestations ?

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Absolument.

La difficulté du débat vient du fait que la simple évocation de « conditions de ressources » provoque des réactions épidermiques avant même que l'on n'ait le temps de préciser le niveau et les types de prestation concernés.

Quant à la fiscalisation des prestations, je prendrai, tout d'abord, le cas du CLCA. Ce complément est, certes, une prestation familiale et bénéficie à ce titre d'un régime de non-imposition. Il n'a pas vocation à compenser la charge du coût de l'enfant comme les allocations familiales et le premier étage de la PAJE, et il ne répond pas à des objectifs spécifiquement sociaux comme l'allocation de soutien familial et le complément familial. Il y a donc une certaine logique à ce qu'il n'y ait pas de fiscalisation. Cela étant, le CLCA est un revenu de transfert : il se substitue à un revenu d'activité et, puisque ce dernier est fiscalisé, on ne voit pas au nom de quoi le substitut du revenu d'activité ne le serait pas.

Mais reconnaissons que nous n'avons pas inventé l'eau tiède en ce domaine puisque, dès 1996, figurait déjà, dans un rapport demandé par le Premier ministre de l'époque à M. de la Martinière, une recommandation pour que l'APE, l'allocation parentale d'éducation, fasse l'objet d'une fiscalisation.

La fiscalisation apporterait, d'ailleurs, des éléments supplémentaires pour le bouclage financier de l'opération : fiscaliser le CLCA permettrait de « rendre », en quelque sorte, en prélèvements fiscal et social – c'est-à-dire en impôt sur le revenu et en CSG –environ 300 millions d'euros, soit à peu près 10 % de l'effort supplémentaire chiffré pour les modes de garde supplémentaires.

Notre position, qui n'engage que nous, est donc qu'il n'est absolument pas scandaleux, et qu'il est même judicieux de fiscaliser le CLCA. Voilà une première réponse à votre question, madame la rapporteure.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Les personnes qui demandent à bénéficier du CLCA sont souvent des femmes aux revenus modestes. La fiscalisation de celui-ci ne concernerait pas les tranches de revenus élevées.

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Si, car on se rend compte, d'après la façon dont le CLCA fonctionne actuellement, qu'il a également un effet incitatif vis-à-vis des familles des milieux aisés, ce qui a d'ailleurs été souligné lors de précédentes auditions.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Disposez-vous d'une ventilation des effets du CLCA selon les milieux socioprofessionnels ?

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

Ces informations figurent dans les documents qui vous ont été remis. Des tableaux présentent les décompositions par revenu des bénéficiaires, soit du CLCA, soit du COLCA – complément optionnel de libre choix d'activité –, soit du complément mode de garde.

La fiscalisation des allocations familiales a souvent été présentée comme une alternative à la repoussante mise sous condition de ressources de celles-ci. Dans le débat politique qui dure depuis des années, puisqu'il remonte au gouvernement de Lionel Jospin de 1997, on n'a cessé de balancer entre l'une et l'autre, une autre possibilité évoquée touchant au quotient familial.

Nous avons procédé à une simulation de la fiscalisation des allocations familiales. Dès lors qu'on fiscalise les allocations familiales, on rend éligibles à l'impôt sur le revenu…

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

…un nombre assez significatif de personnes du seul fait qu'elles perçoivent des allocations familiales, ce qui ne va pas forcément de soi. Ce n'est pas tant qu'il soit critiquable d'élargir le champ des ménages imposables à l'impôt sur le revenu, mais le fait d'être non imposable permet de bénéficier d'un certain nombre de droits connexes qui portent sur d'autres éléments de la fiscalité, d'autres systèmes ou d'autres barèmes d'admission à certaines prestations : il y a un effet en cascade.

Dans le modèle qui a été réactualisé par la direction de la législation fiscale, on admet qu'environ 220 000 familles supplémentaires seraient redevables de l'impôt sur le revenu du fait qu'elles bénéficient d'allocations familiales. Mais nous n'avons pas pu chiffrer l'effet en cascade sur l'ensemble des droits connexes. Le produit pour le budget de l'État se monterait à un peu plus de 600 millions d'euros.

Il y a un paradoxe à présenter la fiscalisation des allocations familiales comme une alternative à leur mise sous condition de ressources. Cette dernière est contestée au motif que les allocations familiales seraient universelles. Or, en les fiscalisant, on admet qu'elles ne sont plus universelles mais qu'elles sont des revenus de transfert d'activité. Cela signifie qu'on attire dans le champ de la fiscalisation des allocations familiales dont « théologiquement » ce n'est pas la vocation. Il y a donc une contradiction.

L'autre effet pervers de la fiscalisation des allocations familiales, qui est apparu très nettement au vu du barème actuel de l'impôt, est que, par construction, une personne devient d'autant plus imposable qu'elle a un grand nombre d'enfants, la courbe de croissance des allocations familiales ayant une pente assez raide. Lorsqu'on fiscalise les allocations familiales, on reprend quasiment un mois et demi de bénéfice d'allocations familiales au titre de l'impôt pour un ménage de deux enfants avec des revenus modestes, et jusqu'à deux, voire trois mois de prestations familiales pour les familles plus nombreuses disposant de revenus tout aussi modestes.

Cela dit, nous avons considéré qu'il fallait étudier cette mesure – et c'est ce que nous avons fait dans notre rapport –, mais nous n'avons pas recommandé qu'elle soit mise en oeuvre, en dehors du CLCA.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Quelles sont vos préconisations les plus intéressantes pour équilibrer le taux d'effort des familles ?

PermalienThierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale

À la faveur de l'analyse du passé comme des évolutions récentes à l'époque où nous travaillions – une disposition nouvelle était alors prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale –, il nous est apparu que la collectivité dans son ensemble avait, soit au titre des prestations familiales, en espèces ou en nature, soit au titre de la fiscalité, contribué de façon puissante et à des titres divers à réduire singulièrement le taux d'effort, même si l'on peut considérer que celui-ci demeure trop élevé, ce qu'il est de fait pour certaines catégories de la population. Nous pointions dans le rapport que la mesure prévue dans le PLFSS, qui tendait à relever de 50 euros le montant du complément mode de garde – CMG – pour les tranches de revenus les plus faibles, était une bonne mesure, mais nous considérions qu'elle n'était pas suffisante et qu'il fallait faire davantage en mettant 50 euros supplémentaires sur les bas revenus et en diminuant de 50 euros les dernières tranches, en faisant jouer la solidarité des plus hauts revenus pour le CMG. Nous recommandions aussi de faire sauter le butoir des 85 %, c'est-à-dire des 15 % de restant à charge obligatoire tel qu'il est actuellement fixé par les textes pour permettre aux populations les plus modestes de bénéficier à plein de cette majoration supplémentaire de 50 euros. Qui plus est, ce mécanisme générerait des économies : le recyclage des 50 euros prélevés sur les tranches de revenus les plus élevés et affectés aux revenus les plus bas dégagerait une économie de 40 millions d'euros. La somme est symbolique, mais cela voudrait dire que la redistribution fonctionne bien et qu'on pourrait même la faire jouer un peu plus.

D'autres mesures étaient envisageables sur le plan fiscal, notamment sur le crédit d'impôt dont chaque famille bénéficie dès lors qu'elle fait garder son enfant dans une structure de garde, chez une assistante maternelle ou dans une crèche. Nous prônions une augmentation des plafonds de ce crédit d'impôt, donc des montants susceptibles d'être déduits de l'impôt, lorsque la garde se fait chez une assistante maternelle, pour rendre ce mode de garde plus attractif.

Nous étions bien tentés, par ailleurs, de faire des propositions sur l'abattement fiscal de 50 % pour la garde au domicile des parents. Cette mesure produit des effets puissamment anti-redistributifs puisque les principaux bénéficiaires sont les familles aisées résidant notamment en région parisienne, mais nous nous sommes rendu compte qu'elle était indissociable du dispositif prévu pour les emplois à domicile, qu'il s'agisse, entre autres, de la garde de personnes âgées, de travaux de ménage ou de l'entretien d'un jardin. Si l'on attaquait l'abattement pour garde d'enfant, on déstabiliserait tout le dispositif. Il n'en reste pas moins que cette mesure fiscale a considérablement diminué le taux d'effort des ménages aisés et qu'il s'agit aujourd'hui du dispositif le plus coûteux unitairement pour la collectivité puisqu'il coûte environ 14 000 euros par an et par place. Mais assez peu d'enfants en bénéficient.

La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède ensuite à l'audition de M. Yves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l'Assemblée des départements de France (ADF), président du conseil général du Territoire-de-Belfort, et M. Jean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l'enfance, de Mme Fabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique, et de M. Claude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d'Or.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Nous avons le plaisir d'accueillir plusieurs invités. Bienvenue à tous et merci d'avoir répondu à cette demande d'audition.

Avant que Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure, ne vous assaille de questions, nous souhaitons connaître le bilan que vous, acteurs de terrain, avez pu dresser de la politique d'accueil du jeune enfant, sachant que le conseil général est, par définition, le maître d'oeuvre de la politique en la matière.

PermalienYves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l'Assemblée des départements de France, ADF, président du conseil général du Territoire-de-Belfort

Avant tout et puisque vous parlez du terrain, je voudrais vous rappeler dans quelles conditions les conseils généraux préparent et votent leur budget aujourd'hui. Nous sommes dans une situation particulièrement difficile car, à la suite des transferts de compétences de l'État, nous constatons, dans le cadre de la préparation de l'exercice 2009, une baisse importante de nos recettes, liée principalement aux droits de mutation, au plafonnement de la taxe professionnelle et à la limitation de la dotation globale de fonctionnement, qui intègre aujourd'hui la TVA, l'augmentation de la dépense ne dépassant pas 0,3 %.

Nous avons déjà connu – je suis issu d'un des plus gros bassins industriels de France, Belfort étant associé à Montbéliard – une situation difficile avec la crise d'Alstom et celle liée au transport et à l'énergie, qui ont entraîné de très nombreux licenciements. Il s'est ensuivi une progression phénoménale, de plus de 30 %, du nombre de RMIstes depuis la décentralisation, et de 12 points d'impôt pour pouvoir faire face, en termes de fiscalité, à cette augmentation intégralement à la charge des conseils généraux. Et aujourd'hui, avec la baisse des droits de mutation, la stagnation des recettes et l'augmentation des dépenses liées à la précarité et aux sous-traitants de l'automobile – Valeo ayant annoncé un plan de licenciements massif, après Foressia –, nos budgets sociaux sont, une nouvelle fois, sur le point d'exploser. Dans ce contexte, nous envisageons une augmentation de l'ordre de 6 à 7 points de fiscalité, avec beaucoup d'incertitudes quant à la préparation du budget pour 2010.

Je tenais à faire ce préalable très important, qui montre pourquoi tant de départements ne pourront quasiment faire aucun effort financier supplémentaire.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Ce que vous dites est aussi valable pour les communes.

PermalienYves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l'Assemblée des départements de France, ADF, président du conseil général du Territoire-de-Belfort

En effet.

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Ma présentation de l'état des lieux d'accueil de la petite enfance en Loire-Atlantique sera très brève, sachant que vous avez déjà reçu M. Clément Charlot, directeur de la caisse d'allocations familiales de Loire-Atlantique, dont je partage un certain nombre de réflexions.

La Loire-Atlantique compte 1,2 million d'habitants. Ce département a connu une activité démographique importante, et l'action en matière d'accueil de la petite enfance se situe dans le cadre de l'accompagnement des enfants et des familles. C'est dans le cadre de cet accompagnement sanitaire, éducatif et social que se situe l'action de la Protection maternelle et infantile (PMI).

La répartition des modes d'accueil dans le département ne vous étonnera pas : une forte disparité existe entre le rural et l'urbain. Et c'est tout l'objet du travail de la commission départementale du jeune enfant, que préside le conseil général, qui oeuvre à la mise en place d'un observatoire commun, avec les chiffres de la caisse d'allocations familiales (CAF), de la Mutualité sociale agricole (MSA), des grosses agglomérations, pour aboutir à un rééquilibrage de l'accueil de la petite enfance sur le département.

Ce département enregistre 6 211 places d'accueil collectif et familial, soit 13 places pour 100 enfants, et 2 706 places – je dis bien : « places », une assistante maternelle pouvant recevoir plusieurs enfants – d'assistantes maternelles pour les enfants de zéro à trois ans, soit 68 places pour 100 enfants. Il y a donc un delta assez élevé, en partie couvert par la garde familiale, assez importante en Loire-Atlantique : par la mère grâce à un congé parental, par exemple, mais aussi par la grand-mère.

La prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) mise en place, les services de PMI ont constaté son intérêt avant tout pour les parents, mais aussi pour les professionnels. Cette prestation donne toute satisfaction aux parents lorsqu'un seul mode de garde est nécessaire, mais elle est insuffisante en cas de cumul de modes de garde, du type assistante maternelle ou garde à domicile. Effectivement, les assistantes maternelles travaillent très peu sur l'accueil périscolaire, alors que certaines familles peuvent avoir besoin d'un mode de garde complémentaire après l'accueil périscolaire dans les cas de fratrie. Dans ces cas-là, la PAJE n'est pas favorable aux parents en termes de financement. Les familles doivent combiner l'accueil dans un établissement, avec un financement du type PSU-CAF (prestation sociale unique), en plus de la PAJE pour la garde à domicile. Cela exclut de fait toutes les familles de Loire-Atlantique pour lesquelles il n'y a pas d'accueil collectif, notamment en milieu rural.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Les chiffres existent-ils pour les autres départements et – je me tourne vers l'ADF – des comparaisons ont-elles été réalisées en particulier entre zones urbaines et zones rurales ?

PermalienYves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l'Assemblée des départements de France, ADF, président du conseil général du Territoire-de-Belfort

L'ADF ne dispose pas d'étude exhaustive à ce sujet. La situation des départements est particulièrement hétérogène. Il s'agit d'une des tâches auxquelles nous allons très prochainement nous atteler.

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Les familles confrontées à des difficultés sont en premier lieu celles qui ont une fratrie. Un enfant âgé de six ans est-il assez autonome pour rester seul à la maison en attendant le retour de papa et maman ? Question éternelle pour la PMI.

En second lieu, il s'agit des familles qui travaillent selon des horaires atypiques : tôt le matin, tard le soir etou le week-end. Avec les villes de Saint-Nazaire, de Nantes et la caisse d'allocations familiales, le département a beaucoup travaillé sur ces familles, la Loire-Atlantique étant une zone touristique assez développée et le travail sur le littoral important le week-end.

Un travail a été mené avec ADT 44, association qui dépend de la Mutualité et des entreprises de l'économie sociale et solidaire. À côté des aides du conseil général pour le retour à l'emploi des femmes et des aides octroyées dans le cadre du revenu minimum d'insertion et du revenu de solidarité active (RSA), un élément important apparaît : la difficulté pour les parents de combiner un mode de garde de type assistante maternelle – qui peut être un choix – avec un travail dont les horaires ne correspondent pas aux horaires classiques des assistantes maternelles. La Loire-Atlantique ne fait pas exception : les assistantes maternelles préfèrent y travailler selon des tranches horaires classiques, en dépit de tout ce que nous pouvons mettre en place pour les inciter à accepter des horaires atypiques.

Quel avantage la prestation d'accueil du jeune enfant a-t-elle apporté en Loire-Atlantique pour les assistantes maternelles ? Quelles sont les informations qui remontent de nos discussions avec elles au sein de notre commission ? Selon ces professionnelles, la PAJE a atteint son but. En clair, il est tout simplement plus intéressant pour les familles, quand c'est leur choix, d'avoir un mode de garde du type assistante maternelle, plutôt qu'une garde non déclarée. Pour nous, si la PAJE peut être une porte ouverte, elle est importante car un de ses buts premiers était justement d'éviter la garde au noir et de maintenir pour les femmes gardant des enfants des droits à la retraite et une couverture sociale. En ce sens, je pense que la PAJE a complètement rempli son rôle.

Troisième difficulté : il est très compliqué d'expliquer aux familles quel sera le montant de la PAJE, le calcul restant entièrement sous la responsabilité de la caisse d'allocations familiales. Les parents que l'on rencontre dans les relais d'assistantes maternelles expriment leur souhait d'avoir une sorte de « paquet groupé », comprenant toutes les informations, y compris le montant de la PAJE qu'ils vont toucher, sachant que le premier mois à avancer en cas de choix d'une assistante maternelle est pour certains très lourd à supporter.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Selon vous, cette difficulté d'explication en amont amène-t-elle les parents à regretter leur choix de mode de garde ?

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

D'après toutes les enquêtes réalisées en Loire-Atlantique, 67 % des familles se dirigent spontanément vers l'accueil collectif. Mais, à Nantes, par exemple, 30 % seulement profitent d'un accueil collectif. Cela signifie qu'un nombre important de parents ayant trouvé un mode d'accueil chez une assistante maternelle en sont satisfaits. Le mode d'accueil collectif est rassurant, les familles n'ayant pas à avancer d'argent. En ce qui concerne la PAJE, l'avance ne représente pas une grosse somme et les choses se mettent naturellement en place, sachant que les assistants sociaux peuvent intervenir en amont sur cette question d'avance d'argent – je pense aux familles pour lesquelles le taux d'effort reste très important quel que soit le montant de la PAJE qui leur est octroyé, même maximum, et auxquelles le conseil général doit porter une attention toute particulière. Les services du conseil général de Loire-Atlantique travaillent sur ce problème car si, pour certains couples, cela ne pose aucun problème, pour des femmes seules avec trois enfants, les choses sont beaucoup plus compliquées.

Vous l'aurez compris : l'accueil de la petite enfance est une priorité pour la Loire-Atlantique. Elle s'articule sur plusieurs axes.

D'abord, le soutien à l'accueil des enfants en horaires atypiques. À côté de l'expérience avec ADT 44 que je viens de citer, une expérience est menée sur la CARENE (communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire) à Saint-Nazaire, également avec les Mutuelles de Loire-Atlantique, qui sont des partenaires forts. Au regard des difficultés financières pour monter les projets, il est intéressant pour nous de travailler avec des partenaires de l'action mutualiste, car je pense qu'il faut un côté militant pour aller au bout de ces projets.

Ensuite, nous avons mis en place un « réseau hôtellerie » pour tous les intermittents de l'hôtellerie. Pendant la saison, la mobilisation des services de PMI sur le littoral est plus forte pour permettre à de jeunes femmes et de jeunes hommes qui travaillent pendant cette période de bénéficier de places temporaires chez des assistantes maternelles.

Nous soutenons également les équipes de professionnels, les assistantes maternelles dans les relais assistantes maternelles (RAM).

En outre, dans le cadre de notre travail en faveur de l'accueil des enfants handicapés, un jardin pour enfants handicapés et malades de trois à six ans a été créé à Nantes, ouvert à l'agglomération nantaise. Le conseil général n'y participe pas en termes de fonctionnement d'un mode d'accueil collectif, mais il finance à l'année un poste et demi pour cet établissement qui offre une place aux enfants handicapés ou malades au-delà de trois ans et qui prépare l'intégration de certains dans des établissements spécialisés.

La PMI travaille de façon très volontaire pour les assistantes maternelles – formation, agrément, suivi, mise en place –, la Loire-Atlantique ayant le même souci que les autres départements car, sur 1 000 agréments accordés en une année, nous en perdons à peu près 800. Ce chiffre s'explique par les départs à la retraite, les retours à l'emploi, mais aussi par la fatigue de travailler chez soi. Si certaines pistes ne satisfont pas le conseil général, d'autres figurant dans le rapport de Mme Michèle Tabarot nous conviennent, comme l'animation des relais visant à maintenir les assistantes maternelles, aujourd'hui professionnalisées, dans le métier.

PermalienClaude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d'Or

La Côte-d'Or est un département atypique : 506 000 habitants et une grosse agglomération – l'agglomération dijonnaise concentrant de 250 000 à 300 000 habitants, le reste du département, où l'habitat est diffus, comptant 200 000 habitants.

Le budget enfance-famille est le premier budget du conseil général, avec une dépense de 68 millions d'euros pour une recette de 850 000 euros, soit une charge très lourde. Il traduit une volonté politique très forte engagée par la précédente majorité avec le président Louis de Broissia, et poursuivie par la majorité actuelle présidée par M. François Sauvadet.

Ce département a une particularité. En effet, si beaucoup de structures collectives existent sur l'agglomération dijonnaise, il n'en est pas de même sur le reste du territoire du département. En relation avec la caisse d'allocations familiales, les intercommunalités ont pris la compétence petite enfance : elles ont, d'abord, organisé le périscolaire et les cantines scolaires et, aujourd'hui, réfléchissent au montage de structures collectives dans le monde rural diffus. L'effort est extrêmement important, et la collaboration très efficace.

En Côte-d'Or, en 2008, 15 111 familles sont bénéficiaires de la PAJE, 413 de la prime de naissance, 13 515 de l'allocation de base, 2 846 du complément d'activité à taux plein, 1 870 du complément d'activité à taux réduit, 4 911 du complément mode de garde pour enfants gardés par une assistante maternelle, et 120 du complément mode de garde pour enfants gardés à domicile.

Parallèlement, le département finance le fonctionnement des relais assistantes maternelles à hauteur de 10 % du prix plafond fixé chaque année par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), ce qui représente à peu près 4 500 euros par relais et par an.

Nous avons aussi participé de façon très active à la formation des assistantes maternelles, prévue par la loi. Néanmoins, la prise en charge des déplacements n'étant pas adaptée, le coût est beaucoup trop lourd pour les personnes désirant obtenir leur premier agrément, et si les collectivités locales et les intercommunalités ne les aident pas, nous aurons bientôt beaucoup moins d'assistantes maternelles agréées en activité dans notre département.

En 2008, le nombre d'assistantes maternelles en activité a connu une baisse régulière tous les mois, passant de 4 493 en janvier à 4 307 en novembre, d'où une baisse du nombre de places offertes : 12 579 en janvier, puis 12 040 en novembre, malgré les mesures de revalorisation de la profession. La diminution est d'autant plus importante dans le monde rural diffus. En effet, le département de la Côte-d'Or étant très étendu, les candidats à l'agrément doivent faire 70 kilomètres aller et 70 kilomètres retour pour suivre la formation, ce qui en décourage plus d'un, d'autant que l'agrément sera accordé au départ pour un seul enfant. Cette situation constitue un frein au recrutement. Nous essaierons donc de mettre en place des formations dans nos villes pôles, comme Châtillon-sur-Seine.

Le deuxième frein résulte du refus des assistantes maternelles de travailler du vendredi soir au lundi matin. Or un certain nombre de parents travaillent le samedi et, leurs enfants n'ayant plus école le samedi matin, ils sont obligés de se débrouiller comme ils peuvent. D'où la réaction d'un certain nombre de collectivités. Après avoir pris la compétence petite enfance, l'intercommunalité dont je suis l'un des vice-présidents a travaillé avec l'ANSA, l'Agence nationale des solidarités actives : elle a consulté la population et fait des propositions qui ont été agréées par nos collègues du conseil communautaire. Ainsi, nous allons mettre en place des structures collectives dans un secteur rural diffus où la densité moyenne de population est de 7 habitants au kilomètre carré. Sans organisation, il est clair que nous ne pourrons offrir aucun service à notre jeune population et que nous découragerons encore plus les jeunes de venir s'installer chez nous.

Tel est, rapidement brossé, le tableau concernant la PMI et la petite enfance. C'est un des aspects, très important, de notre travail, à côté de l'effort non moins important que nous consentons pour l'accueil des enfants en danger – 3 000 dans notre département. C'est pour moi un devoir d'être aux côtés de nos jeunes en grande difficulté.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Pour les collectivités, le mode de garde par assistante maternelle est le moins coûteux comparé aux modes d'accueil collectif. Or, vous l'avez dit, des assistantes maternelles ayant reçu l'agrément n'ont pas d'enfant en garde. Mme Padovani a avancé une explication, mais il en existe certainement d'autres liées au quartier où vivent les assistantes maternelles, par exemple. Avez-vous fait, dans vos départements respectifs, une analyse de la situation ?

Depuis la mise en place du statut des assistantes maternelles, avez-vous constaté des modifications, concernant les horaires, par exemple ?

Les règles actuelles relatives au fonctionnement des crèches ne pourraient-elles pas être allégées, sachant qu'elles induisent un coût important ?

Depuis plusieurs années déjà, la scolarisation des enfants de deux à trois ans étant en baisse, une partie d'entre eux est accueillie dans les lieux collectifs ou chez les assistantes maternelles, ce qui limite les possibilités pour les nouveau-nés – nombreux en France, et heureusement ! – d'être accueillis dans ces lieux. Quelle est la position de vos conseils généraux sur les jardins d'éveil ?

Quelle amélioration pourrait être apportée au dispositif de la PAJE, et qui pourrait faire l'objet d'une des propositions de la MECSS ?

PermalienJean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l'enfance de l'ADF

Madame la rapporteure, vous avez posé des questions importantes sur le métier d'assistante maternelle.

Vous l'avez dit, le statut de ces professionnelles a connu une évolution très importante, et l'Assemblée des départements de France souhaite vous dire combien les départements sont engagés collectivement en faveur de l'accompagnement de ce métier essentiel.

Les conseils généraux ont la volonté de promouvoir une très grande diversification des moyens de garde pour la petite enfance, avec un accent fort sur l'accompagnement des assistants maternels, dans la droite ligne de certaines propositions formulées dans le rapport de Mme Tabarot.

Pour autant, un certain nombre de difficultés existent.

La première tient au décalage très important entre le nombre des demandes d'agrément et les besoins. Certains territoires ont beaucoup de candidats et de candidates face à des besoins peu importants, d'autres n'en ont pas assez alors que les besoins sont élevés. La gestion du rapport entre l'offre et la demande est complexe, les besoins étant très différents selon les territoires.

La deuxième difficulté est liée à l'évolution du statut du métier d'assistante maternelle, et donc à la professionnalisation. Des assistantes maternelles sont parfois sans activité. Il faut dire aussi que certaines d'entre elles formulent des critiques sur le nombre d'enfants qu'elles accueillent. Si les dispositions récemment prises pour porter de trois à quatre le nombre d'enfants accueillis procèdent d'une évolution intéressante, elles posent des problèmes à nombre de départements qui souhaitent garantir les meilleures conditions d'accueil et de développement harmonieux de l'enfant. L'article 1er de la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux dispose que « la politique de la petite enfance a pour but de favoriser le développement physique et psychique de l'enfant, de permettre son épanouissement et de garantir son bien-être ». Oui, les conseils généraux sont exigeants en matière d'agrément, et cela au regard de la loi. Pour autant, ils souhaitent accompagner tous les aspects de formation, mais aussi donner aux assistantes maternelles des occasions de se retrouver. À cet égard, les RAM présentent un intérêt certain.

Le renouvellement générationnel des assistantes maternelles est la troisième difficulté à laquelle les départements sont confrontés, un nombre important de celles-ci devant partir à la retraite.

Enfin, le président Ackermann l'a rappelé, l'engagement des conseils généraux dans le domaine de l'enfance étant très important – plus d'un quart des dépenses sociales y est consacré –, il est très difficile d'accompagner tous les dispositifs de ce moyen de garde qui peut pourtant paraître moins onéreux que d'autres : le financement de la formation est plus important, l'organisation du suivi en fonction des besoins n'est pas toujours simple, sans oublier le financement d'un certain nombre de structures.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Le problème a été posé depuis le début des auditions : tous les départements comptent un nombre très important d'assistantes maternelles agréées, mais certaines d'entre elles ne gardent pas d'enfant alors qu'elles aimeraient en accueillir. Pourquoi ?

PermalienYves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l'Assemblée des départements de France, ADF, président du conseil général du Territoire-de-Belfort

Ce point a été abordé par Jean-Michel Rapinat : si des assistantes maternelles agréées n'ont pas d'enfant, c'est peut-être parce que l'agrément ne correspond pas directement à l'accueil de deux ou trois enfants. Beaucoup d'assistantes maternelles sont agréées pour accueillir un enfant, mais pas au-delà. Nous avons souvent à traiter ce problème récurrent. Il se trouve qu'aujourd'hui les départements accordent l'agrément intuitu personae. En d'autres termes, chaque PMI décide de ses propres règles.

Une modification substantielle pourrait être la création d'un référentiel écrit au niveau national pour essayer d'harmoniser les agréments sur l'ensemble du territoire, les situations étant très diverses selon les départements. Cette réforme pourrait à mon avis être menée assez rapidement, sans engager de coûts trop élevés.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Qu'en est-il en Côte-d'Or et en Loire-Atlantique ?

PermalienClaude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d'Or

Comme je vous l'ai expliqué, il y a une disparité entre le milieu urbain et le milieu rural.

En milieu urbain, un certain nombre d'assistantes maternelles ont du mal à trouver des enfants à garder car elles ne sont pas forcément connues.

Le problème est différent dans le monde rural diffus, et l'explication est basique ; entre un village de 50 habitants où se trouve une assistante maternelle, et un chef-lieu de canton situé à douze kilomètres mais comportant toutes les structures d'accueil pour les enfants, que choisissez-vous en tant que parents ? En emmenant vos enfants à l'école, vous déposerez les plus petits chez une assistante maternelle à proximité des structures d'accueil pour ne pas refaire vingt kilomètres ! Dans notre secteur, les assistantes maternelles n'ayant pas d'enfant sont donc confrontées au problème de l'éloignement des structures d'accueil des enfants plus grands.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Connaissez-vous la proportion approximative des assistantes maternelles sans activité ?

PermalienClaude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d'Or

Elle n'est pas très importante : peut-être de 15 à 20 %.

PermalienClaude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d'Or

Certes ! Se pose également le problème du service rendu aux parents : aujourd'hui, certaines jeunes assistantes maternelles refusent les contraintes et ont tendance à ne prendre des enfants qu'à l'intérieur de certains créneaux horaires.

Le problème est donc double, d'où la nécessité d'une structure collective en horaires atypiques sous la forme d'une micro-crèche. Nous y avons réfléchi, et je vous en parlerai tout à l'heure.

PermalienPhoto de Martine Carrillon-Couvreur

Vous avez évoqué le rôle des intercommunalités qui ont pris la compétence petite enfance, ce qui n'est pas le cas dans tous les départements. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette organisation, qui semble intéressante ? Ce regroupement intercommunal permet-il aujourd'hui des améliorations concernant les assistantes maternelles sans enfant malgré les demandes ?

PermalienClaude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d'Or

L'intercommunalité dont je suis le président est la communauté de communes du Pays châtillonnais, situées au nord de la Côte-d'Or, qui regroupe 6 cantons et 95 communes, pour une population de 24 000 habitants. Elle a élaboré ce que l'on appelle un projet éducatif territorial, dans le cadre duquel des groupes de travail ont été constitués, en particulier celui sur la petite enfance.

Cette compétence a d'abord amené la communauté de communes à prendre en charge le périscolaire et les cantines scolaires dans le monde rural. Aujourd'hui, elle fait vivre sept cantines scolaires et s'engage aux côtés de l'Éducation nationale pour le périscolaire. Nous avons ensuite continué, étant parfaitement conscients que les tranches d'âge jeunes ne sont pas prises en charge.

À l'issue de la réflexion des groupes de travail, des propositions ont été formulées.

Il faut d'abord faciliter la vie des parents et introduire de la souplesse concernant les cartes de transport. Nous avons donc mis en place avec la communauté de communes un schéma de mobilité, permettant de prendre en charge les parents et les enfants, et de les emmener vers les structures.

Nous mettons actuellement en place un plan de communication pour valoriser le métier d'assistante maternelle, ainsi qu'une aide financière et matérielle afin de susciter des vocations et donc de développer l'offre territoriale : une bourse pour la formation ; des formations au sein de Châtillon-sur-Seine, ville-pôle la plus proche ; une aide pour les dépenses afférentes à l'installation ; la réalisation de plaquettes et d'affiches présentant le métier.

Pour les personnes dont les revenus sont sous le seuil de pauvreté, nous avons mis en place une aide. Dans la communauté de communes du Pays châtillonnais, 11 % de la population est en état de précarité, ce qui est très important pour une zone à caractère rural diffus.

Il faut également connaître l'offre de garde en horaires atypiques et pour une garde en urgence. Nous avons donc identifié finement, bassin de vie par bassin de vie, les assistantes maternelles qui acceptent les horaires décalés – il y en a malgré tout – et celles qui pourraient accueillir un enfant supplémentaire, grâce à l'extension de l'agrément, en cas de reprise d'emploi ou d'urgence.

Nous avons enfin un lieu identifié pour la petite enfance : le relais assistantes maternelles, itinérant. Nous avons investi dans un véhicule permettant au RAM de se rendre régulièrement dans certaines communes, ce qui permet aux jeunes mamans de souffler un peu en faisant garder leur enfant.

Nous projetons la mise en place de deux micro-crèches, mais aussi l'extension d'une halte-garderie et l'amélioration de la structure multi-accueil au centre de la ville-pôle Châtillon-sur-Seine.

Telle est la politique que nous mettons en place. Elle nécessite un engagement politique, mais aussi un investissement fort de la communauté de communes. Nous le devons à notre population car nous n'avons rien, étant éloignés des structures collectives.

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Madame la rapporteure, la question de fond des assistantes maternelles qui ne reçoivent pas d'enfant, alors que c'est le mode de garde le moins coûteux, revient dans tous les comptes rendus de la Mission. La Loire-Atlantique connaît aussi cette difficulté, qui varie en fonction du lieu d'habitation de l'assistante maternelle. En milieu rural, se pose le problème de l'accessibilité, comme l'a expliqué M. Vinot. En milieu urbain, c'est celui du positionnement de l'habitation, certaines familles ayant du mal à aller chez une assistante maternelle habitant au dernier étage d'une tour dans une zone sensible. Rien à voir, donc, avec la qualité et le travail de ces professionnelles.

Il y a plus de six ans, nous avons commencé des travaux au sein de la commission départementale. Chemin faisant, certaines choses ont été mises en place avec la caisse d'allocations familiales.

Dans un premier temps, dans le cadre de sa responsabilité, le conseil général a installé une dizaine d'unités d'agrément qui, non seulement réceptionnent les agréments des assistantes maternelles, font le travail d'accueil, organisent la formation dans les chefs-lieux de canton où habitent les assistantes maternelles, mais travaillent aussi, en relation avec les relais assistantes maternelles, sur l'adéquation entre la demande des parents et l'offre des assistantes maternelles. Un travail important a également été réalisé au sein des communes. À Nantes, par exemple, plus de 500 familles étaient, il y a trois ans, sur une liste d'attente pour les accueils collectifs, alors que 200 assistantes maternelles ne recevaient pas d'enfants. C'est sur ce manque de cohérence entre l'offre et la demande que l'effort des collectivités a porté.

Un élément important a redonné ses lettres de noblesse au métier d'assistante maternelle : la formation. En Loire-Atlantique, 200 000 euros y ont été affectés en 2005, 900 000 euros l'ont été en 2007, et le montant sera plus élevé pour 2008. Le besoin de formation est réel. Cette formation permet aux assistantes maternelles d'être considérées pour ce qu'elles sont : des professionnelles, et non des femmes qui gardent les enfants de leurs voisins pour élever les leurs, image négative qui a longtemps prévalu.

En plus de la mise en place d'unités d'agrément, le conseil général travaille avec les RAM, où les parents peuvent faire part de leurs besoins et les assistantes maternelles se déclarer libres ou non, sachant que s'inscrire dans un RAM procède d'une démarche volontaire des assistantes : ce n'est pas une obligation.

En outre, le conseil général travaille actuellement avec la caisse d'allocations familiales afin de diffuser sur Internet les demandes des parents et celles des assistantes du département. Ce travail est long et difficile, car cette banque de données ne peut bien fonctionner que si elle est correctement nourrie en amont et mise à jour. Le conseil général s'y emploie et le dispositif sera mis en place dans le courant de 2009.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Cette dernière information est très intéressante et peut inspirer nos propositions.

Est-il possible d'assouplir les règles actuelles de fonctionnement des crèches ?

Quelle est votre position sur les jardins d'éveil pour les deux-trois ans ?

Avez-vous réfléchi aux améliorations que le législateur pourrait apporter aux prestations en direction des familles, notamment à la PAJE ?

PermalienPhoto de Pierre Morange

Vous avez évoqué, madame Padovani, l'adéquation entre l'offre et la demande et le principe du volontariat pour les assistantes maternelles s'agissant des RAM, celles-ci ayant toute liberté de communiquer ou pas des informations. À cet égard, la mise en place – enfin – d'un portail unique est une proposition logique, car elle permettra non seulement une transparence de l'information, mais surtout une réactivité pour répondre au problème du déséquilibre entre l'offre et la demande.

Que penseriez-vous du caractère obligatoire de la fourniture des informations en temps réel par les structures d'accueil à l'unité centrale chargée de collecter ces informations, le dispositif devant être conçu avant tout pour les parents et les enfants ?

Des deniers publics étant affectés à l'accueil de la petite enfance, il ne me semble pas absurde d'imaginer, en contrepartie, l'obligation de fournir en temps réel les informations sur les capacités d'accueil, quelles que soient leurs modalités, afin d'optimiser le dispositif.

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

La formation obligatoire s'est révélée très difficile à vivre pour certaines assistantes maternelles, qui l'ont ressentie comme une remise en cause de leur métier, voire de leur dévouement. Pour moi, il ne s'agit pas d'un dévouement, mais d'un travail.

Personnellement, je ne vois aucune difficulté à obliger les assistantes maternelles à s'inscrire à une banque de données.

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Au regard du financement de ce mode de garde, l'idée ne me dérange pas, mais cette mise en place ne sera possible qu'après en avoir expliqué les raisons et la nécessité aux assistantes maternelles. Certaines d'entre elles n'ont en effet pas besoin du RAM pour travailler et réservent même des places pour des enfants en attente, le bouche à oreille faisant son oeuvre. Il ne sera donc pas si évident de les y amener, même si je trouve personnellement cette proposition d'inscription obligatoire à une banque de données intéressante, en contrepartie de la reconnaissance de leur métier et de l'augmentation de leurs revenus.

M. Vinot a indiqué que la PMI de Côte-d'Or donnait seulement un agrément pour un enfant. On peut progresser. En Loire-Atlantique, en échange de la formation, les assistantes ont d'emblée un agrément pour deux enfants. Car, soyons clairs, une femme ne vit pas en gardant un seul enfant, c'est-à-dire en gagnant à peu près 500 euros par mois, soit un salaire juste au-dessus des minima sociaux ! Si l'on parle de filière « métier », les femmes concernées doivent pouvoir en vivre pour être motivées. C'est pourquoi, en Loire-Atlantique, nous travaillons sur l'extension de l'agrément de deux à quatre enfants, quand le logement de l'assistante maternelle le permet, et en prenant un certain nombre de précautions : agrément donné depuis trois ans, vérifications, passage de la puéricultrice, distinction dans les âges des enfants afin que les assistantes ne gardent pas, par exemple, quatre bébés, mais plutôt deux enfants qui marchent et deux bébés.

Il existe aussi des regroupements d'assistantes maternelles.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Il y a une certaine dysharmonie dans les informations qui nous sont fournies sur le revenu mensuel des assistantes maternelles.

Comme nous sommes assez tenaces, nous vous reposons la question parce que vous êtes des acteurs de terrain. S'il s'agit de 500 euros pour un enfant, comme vous venez le dire, quel est le revenu mensuel correspondant à deux enfants, trois enfants et quatre enfants, y compris pour une garde de deux enfants ne marchant pas et deux enfants qui marchent ?

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Le revenu d'une assistante maternelle s'élève en moyenne à 750 ou 800 euros, chiffres qui vous ont, me semble-t-il, déjà été donnés et qui sont reconnus au niveau national.

Il est compliqué de calculer le revenu exact car il inclut, d'une part, la somme payée par les parents en fonction du nombre d'heures de garde et, d'autre part, les indemnités d'entretien qui sont extrêmement variables d'une assistante maternelle à l'autre. Il n'y a aucune homogénéité entre les départements, et c'est bien dommage.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Votre prudence est compréhensible et ne fait que montrer la grande diversité française. Cela dit, une équité de traitement est tout de même à la base de notre philosophie sur le territoire de la République. J'insiste donc lourdement : si c'est 500 euros pour un enfant, est-ce deux fois 500 euros pour deux enfants ?

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Non. L'ADF a beaucoup travaillé sur ce point…

PermalienJean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l'enfance de l'ADF

Il y a les obligations légales avec l'amélioration du statut prévu par la loi de 2005. Les bases minimales sont de 120 SMIC horaire pour le premier enfant, de 170 pour deux enfants – notre but étant de valoriser, à la demande des professionnels, l'accueil du premier enfant – et de 70 SMIC supplémentaires pour le troisième enfant. Et il y a les compléments demandés par les assistantes maternelles aux parents, les indemnités d'entretien, très variables d'une assistante maternelle à l'autre. Au-delà des obligations légales, les rémunérations sont donc très différentes les unes des autres.

N'oublions pas qu'il s'agit d'un contrat passé entre l'assistante maternelle et les parents.

PermalienJean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l'enfance de l'ADF

Pour deux enfants en garde, cela signifie grosso modo un salaire du niveau du SMIC, non chargé.

PermalienJean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l'enfance de l'ADF

Le salaire est légèrement dégressif, la valorisation du troisième enfant étant de 70 SMIC horaire supplémentaires. C'est pourquoi la demande réitérée des assistantes maternelles de pouvoir aller au-delà de l'accueil de trois enfants nous paraît intéressante au regard des besoins. Néanmoins, la question de l'accueil de quatre enfants ou plus se pose à un certain nombre de départements, la comparaison pouvant être faite entre le niveau de rémunération de ces professionnels et celui d'autres professionnels du secteur de la petite enfance.

PermalienPhoto de Pierre Morange

J'entends bien, mais je me permets d'insister une dernière fois.

D'après les statistiques, le revenu moyen serait aux alentours de 800 euros – le chiffre cité est de 786, si ma mémoire est bonne – pour 2,6 enfants par assistante maternelle. Or vous venez de nous parler d'un SMIC non chargé pour deux enfants. Je vois donc une légère dysharmonie dans les chiffres – c'est encore l'auvergnat qui parle !

Notre démarche s'exonère de toute sensibilité politique, le rôle de la MECSS étant de comprendre, d'évaluer, de contrôler et de rationaliser, et nous irons jusqu'au bout.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Nous souhaitons donc entendre des informations précises sur le sujet – sur les extrêmes et la médiane, la charge variant en fonction des collectivités territoriales. C'est aussi important pour nous que pour nos concitoyens. Mais, si je comprends bien, vous n'avez pas vraiment de réponse…

PermalienJean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l'enfance de l'ADF

Monsieur le président, les obligations légales que j'ai rappelées en matière de valorisation des enfants accueillis sont toutes respectées. Aucun département n'est en deçà.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Notre propos n'est pas de mettre en cause les départements, mais de souligner la contradiction entre la médiane issue d'une statistique, et qui en théorie ne devrait pas être sujette à caution, et les autres éléments dont nous disposons.

PermalienJean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l'enfance de l'ADF

Dans la moyenne, que vous rappelez fort justement, de 2,6 enfants gardés par assistante maternelle, s'agit-il effectivement d'un accueil à temps complet ? Les chiffres que je vous ai cités concernent un accueil à temps complet.

PermalienJean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l'enfance de l'ADF

Les extensions d'agrément concernent souvent du périscolaire. L'activité de l'assistante maternelle au regard du nombre d'heures réalisé pour chaque enfant peut donc être une explication.

PermalienPhoto de Pierre Morange

J'entends bien, mais si vous parlez de 500 euros pour un enfant à temps complet, pour 2,6 enfants, même à temps partiel, on a du mal à trouver le 1,6 restant dans les 300 euros de différence !

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Je n'ai pas les chiffres sous les yeux car la PMI ne me les a pas fournis, mais je peux vous les faire parvenir sans difficulté.

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Les crèches sont à la charge non pas des départements, mais des collectivités locales et des intercommunalités, et l'on observe depuis une dizaine d'années une montée en puissance des contraintes en matière d'accueil des enfants. On n'en est plus aux portes anti-pince-doigts et, le développement durable étant passé par là, les contraintes ont de nouveau augmenté en termes de construction. Effectivement, il y a une relative dichotomie entre les contraintes exigées dans les accueils collectifs et celles demandées au domicile des assistantes maternelles.

D'où la mise en place des micro-crèches, dont les règles de fonctionnement sont plus souples. En ce qui concerne les assistantes maternelles, ce mode d'accueil est intéressant pour rompre leur isolement et remédier aux difficultés rencontrées en milieu rural. Mais, pour accueillir les enfants, des communes et des intercommunalités mettent à disposition des locaux qui sont du niveau d'une crèche. Par conséquent, si l'accueil de huit enfants coûte aussi cher, autant faire une crèche pour vingt ou trente, ce qui rend davantage service à la population, l'investissement étant peu ou prou le même.

Le rapport Tabarot présente le projet sur les rassemblements d'assistantes maternelles, qui sont différents des micro-crèches. Une expérience en Mayenne et une à Nantes pourraient être généralisées si l'on n'exigeait pas des assistantes maternelles qui se rassemblent une mise aux normes de type accueil collectif pour leurs locaux. Si vous cherchez, dans le cadre de vos travaux, une piste pour améliorer l'accueil de la petite enfance, les regroupements d'assistantes maternelles peuvent être une solution si l'on sait raison garder quant à l'aménagement des locaux. Les services de PMI de Loire-Atlantique ont travaillé sur le contrat, la responsabilité, l'assurance et la médiation, et cette solution est tout à fait envisageable. Pour une commune, refaire une cuisine dans une crèche représente quasiment le prix d'une moitié de crèche ! Pour accueillir trente enfants, vous mettez en place, selon la méthode HACCP (Hazard analysis critical central point), une cuisine où l'on peut préparer 80 repas ! Les proportions sont complètement folles pour les finances publiques que vous avez si bien défendues, monsieur Morange.

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

J'en viens aux jardins d'éveil.

À Nantes, depuis trois ans, les enfants de deux à trois enfants ne sont quasiment plus accueillis à l'école. Et ce n'est pas une ville qui connaissait un fort taux d'accueil d'enfants de deux à trois ans, comme la ville de Rennes.

Nous avions signé avec la ville de Nantes une convention d'accompagnement à l'accueil des enfants de deux à trois ans. Je ne parle pas des enfants de deux ans, mais de ceux qui vont avoir trois ans dans l'année et qui sont prêts physiquement et physiologiquement à entrer à l'école.

Dans la ville de Nantes, depuis que l'Éducation nationale ne fait plus de rentrées échelonnées au cours de l'année, ce sont 80 enfants – qui auparavant seraient allés à l'école – qui sont dans les structures d'accueil collectif de la ville. Il y a donc 80 bébés qui n'ont pas accès à ces structures d'accueil.

Je me suis rendue à Stuttgart, et nous avons reçu à Nantes des chercheurs de l'université de Berlin dans le cadre du travail de l'Allemagne sur les jardins d'éveil et sur l'école maternelle. Les jardins d'éveil sont des lieux formidables pour les enfants, qui y sont très heureux, mais là n'est pas la question. La question est : qui va payer les personnes qui encadrent ces enfants ? La petite enfance, c'est 80 % de frais de personnel. La question ne porte pas sur la structure – qu'elle soit associative, municipale ou intercommunale –, mais sur le coût. L'Éducation nationale a fait un choix, et je ne suis pas sûre qu'elle ait calculé les conséquences chiffrées de sa décision, compte tenu du report des coûts sur les collectivités locales. Car il ne faut pas se leurrer : ou les mères de famille continueront à garder leurs enfants en ne reprenant pas leur travail, ou la garde au noir se développera, ou ce sont les collectivités locales qui prendront en charge le financement.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Selon notre premier invité de ce matin, les jardins d'éveil pourraient faire l'objet d'un financement de l'État pour un tiers, des collectivités locales pour le second tiers, et des familles pour le dernier.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Il s'agit d'une préconisation de M. Dieuleveux dans le cadre de la RGPP, et non d'une décision politique.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

La PAJE pourrait-elle être améliorée eu égard au taux d'effort des familles ou convient-elle aux parents dans sa forme actuelle ?

PermalienYves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l'Assemblée des départements de France, ADF, président du conseil général du Territoire-de-Belfort

Souvenez-vous des chiffres que j'ai cités au début de cette réunion. Le budget de l'État ayant été voté avec un déficit de 79 milliards d'euros, je pense qu'il est aujourd'hui difficile de demander un effort complémentaire. Il faudrait augmenter la PAJE, c'est évident, et je pense que toutes les structures concernées pourront dire la même chose. Mais est-ce sérieusement possible ? C'est la première question.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Ne pourrait-elle être, par exemple, supprimée, à tout le moins régulée, pour les plus hauts revenus ?

PermalienYves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l'Assemblée des départements de France, ADF, président du conseil général du Territoire-de-Belfort

Le plafonnement paraît absolument indispensable. On ne peut collectivement qu'y être favorable. Mais permettra-t-il une redistribution suffisante ?

Les jardins d'enfants sont, c'est vrai, des structures formidables. Néanmoins, dans la situation où se trouvent aujourd'hui l'État, les familles et les collectivités territoriales, on ne peut pas faire supporter aux deux tiers par les familles et les collectivités territoriales ce qui l'était par l'école avec l'accueil en école maternelle des enfants de deux ans. Voilà la réponse que l'on peut faire.

J'exprime donc la plus extrême réserve sur toutes les nouvelles structures qui entraîneraient une dépense publique supplémentaire.

PermalienFabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique

Dans mon propos liminaire, j'ai parlé de la possibilité éventuelle de mixer les différents modes d'accueil et de garde. C'est important quand on connaît la réalité de l'accueil des assistantes maternelles : quand on garde trois enfants, on ne peut pas en avoir un qui arrive à six heures du matin, le deuxième à huit, le troisième à dix heures, et au surplus avec des départs décalés. Les assistantes maternelles travaillent à domicile, et elles ont aussi leur vie, comme tout le monde. Avec les revenus qui sont les leurs, personne ne travaillerait sur une amplitude horaire allant de six heures à vingt et une heures en gardant plusieurs enfants. Il faut en tenir compte. D'où la nécessité d'avoir parfois un mode de garde complémentaire mais, dans ce cas, la PAJE n'est pas très souple pour les familles. Avec la bonne volonté de tous, cela peut fonctionner – la preuve en est l'expérience novatrice conduite en Loire-Atlantique –, mais c'est tout de même compliqué.

Par ailleurs, je partage ce qui a été dit sur le plafonnement. De mémoire, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) ont été plafonnées jusqu'en 2005, et je ne pense pas que les familles qui ne la touchaient pas en souffraient en termes de pouvoir d'achat. Tant que ces charges sont déductibles des impôts, travailler à un plafonnement pourrait être intéressant. Je ne connais pas le nombre de familles qui serait concerné par cette mesure et j'ignore si les incidences financières seraient assez importantes pour permettre une réelle baisse du coût de la prestation d'accueil du jeune enfant. Ce coût, on ne peut le nier, est lourd à supporter pour les finances de la CNAF.

PermalienClaude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d'Or

Effectivement, il faudrait s'orienter vers un plafonnement.

À titre d'exemple, je vais vous donner les chiffres 2008 pour les deux micro-crèches de neuf places que nous allons créer et dont je vous ai parlé. Pour ces deux structures, les frais d'investissement – estimations, frais d'architectes, frais d'étude, mobilier – s'élèvent à 470 000 euros. Le plan de financement est de 220 000 euros pour la CAF via son plan d'aide à la petite enfance, de 20 000 euros pour la MSA, de 112 000 euros hors mobilier pour LEADER (programme européen en faveur des zones rurales) et de 118 000 euros pour la communauté de communes du Pays châtillonnais.

Mais, s'agissant du budget prévisionnel de fonctionnement, les choses sont un peu moins favorables pour la collectivité de rattachement. Si le budget de fonctionnement d'une micro-crèche accueillant neuf enfants est estimé à 130 000 euros, sur une base de 47 semaines d'ouverture, avec des charges de personnel de 110 000 euros et de 20 000 euros pour les autres charges, le montant à charge serait alors de 70 000 euros pour la collectivité, de 37 000 euros pour la CAF, de 25 000 euros pour les familles, sachant que le conseil général ne finance pas aujourd'hui les micro-crèches, qui sont de nouvelles structures de garde, mais qu'il étudie le dossier – je cite les chiffres de 2008 actualisés 2009.

Pour une communauté de communes comme la nôtre, 118 000 euros pour l'investissement, 70 000 euros pour le fonctionnement – au départ, car nous craignons le désengagement de la CAF –, ajoutés à notre action sur le périscolaire et les cantines scolaires, représentent un effort extrêmement important. Notre collectivité mériterait donc d'être aidée de façon substantielle, car aider notre jeunesse, c'est préparer l'avenir.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Effectivement !

Nous vous savons gré d'avoir répondu à nos questions et vous remercions par avance des compléments d'information que vous ne manquerez pas de nous faire parvenir.

La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l'audition de M. Yves Fournel, vice-président de la commission éducation de l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), adjoint au maire de Lyon à l'éducation et la petite enfance, et Mme Hélène Cascaro, chargée de mission culture, éducation, enfance, de M. Patrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l'Association des maires de France (AMF), maire d'Arleux, et Mme Isabelle Voix, en charge du domaine social, et de M. Jean Marc Collet, vice-président de la Communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon (COVATI), président de la commission enfance jeunesse.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Je souhaite la bienvenue à M. Yves Fournel, vice-président de la commission éducation de l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), adjoint au maire de Lyon à l'éducation et à la petite enfance, à Mme Hélène Cascaro, chargée de mission « culture, éducation, enfance », à M. Patrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l'Association des maires de France (AMF), maire d'Arleux, et Mme Isabelle Voix, en charge du domaine social et, enfin, à M. Jean-Marc Collet, vice-président de la communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon (COVATI), président de la commission enfance-jeunesse.

S'agissant de la politique d'accueil du jeune enfant, nous serons très attentifs au diagnostic des acteurs de terrain que vous êtes ainsi qu'à vos attentes. Je vous donne donc la parole pour un bref exposé liminaire avant que la discussion ne s'engage.

PermalienPatrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l'Association des maires de France, AMF, maire d'Arleux

Qu'ils administrent une commune en milieu urbain ou en milieu rural, les maires sont très sensibles à la politique en faveur de la petite enfance. En effet, si les nouveaux habitants, lorsqu'ils viennent les voir, sont préoccupés par les questions de santé, ils s'interrogent également sur les différents modes de garde proposés par la municipalité. À cela s'ajoute que, compte tenu de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), l'attractivité des territoires est de plus en plus subordonnée à leur développement propre, ce qui implique des efforts particuliers dans ce domaine. Enfin, je souligne que les maires sont très soucieux de l'accueil ainsi que du financement des structures.

PermalienIsabelle Voix, en charge du domaine social à l'AMF

Il est tout à fait exact que l'accueil des jeunes enfants constitue une priorité pour les maires, lesquels souhaitent en particulier diversifier les modes d'accueil – ce qui suppose à la fois de développer des structures, mais également de disposer d'un nombre suffisant d'assistantes maternelles.

La PAJE soulève à ce propos une question importante : est-il préférable d'aider à la « solvabilisation » des familles ou au développement des structures ? Si la réponse, me semble-t-il, réside dans un juste équilibre entre les deux options, il n'en demeure pas moins que la crèche favorise la mixité sociale en accueillant les enfants des familles modestes ou bénéficiaires des minima sociaux. En tout état de cause, il me semble nécessaire que les maires, dans le cadre de la convention d'objectif et de gestion, puissent continuer à développer les établissements créés.

PermalienLaurent Collet-Billon, vice-président de la communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon, COVATI, président de la commission enfance-jeunesse

Élu d'un territoire semi-rural situé à vingt-cinq kilomètres au nord de Dijon, la communauté de communes dont je suis le vice-président a choisi de garder la compétence « enfance-jeunesse » hors temps scolaire.

C'est par ailleurs parce que nous ne souhaitons pas opposer les accueils collectif et individuel que nous avons mis en place un relais assistantes maternelles (RAM) dit, en l'occurrence, « relais petite enfance ». Nous travaillons, en outre, à la mise en place d'une structure multi-accueil d'une quarantaine de places, mais nous ne manquerons pas d'être confrontés à des dépenses de fonctionnement importantes : si le budget de 1,5 million a été financé par des subventions à hauteur de 70 ou 75 %, le coût horaire n'en demeure pas moins de 7,67 euros, dont 3,79 restent à la charge de la collectivité, 3,88 euros relevant de la prestation de service unique (PSU). En 2009, les frais de fonctionnement s'élèveront ainsi à 150 000 euros – pour une collectivité de 11 000 habitants seulement – alors que la dotation prévue par le contrat enfance et jeunesse (CEJ) a diminué.

PermalienYves Fournel, vice-président de la commission éducation de l'Association des maires des grandes villes de France, AMGVF, adjoint au maire de Lyon à l'éducation et à la petite enfance

Président du réseau français des villes éducatrices, j'ai eu l'occasion d'animer un groupe de travail sur la petite enfance avec les représentants de plusieurs villes européennes, qui a montré combien nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes.

À Lyon, on dénombre chaque année 8 000 naissances et 8 000 demandes d'entrée en crèches, plus de 75 % des parents formulant une première demande en ce sens pour des raisons certes financières, mais également de sécurité et de choix éducatif. C'est un paradoxe, mais il semble que l'amélioration des conventions collectives qui régissent le travail des assistantes maternelles et la reconnaissance professionnelle que cela a entraîné ont induit une certaine rigidité dans ce mode d'accueil : outre la hausse des coûts en milieu urbain, de moins en moins d'assistantes maternelles acceptent des horaires élargis, les contraintes imposées aux parents ne font que s'accroître et l'installation de nouvelles assistantes là où la demande est la plus forte devient de plus en plus délicate en raison des difficultés de logement.

La diversité des modes d'accueil est donc bénéfique, de nombreuses grandes villes ayant par exemple augmenté le nombre de RAM – à Lyon, ils sont ainsi passés en quelques années de 2 à 17, un relais étant en moyenne complet deux mois après son ouverture. Sans doute constituent-ils, d'ailleurs, un moyen terme entre la garde individuelle au sens strict et la crèche.

Depuis deux ou trois ans, nous avons également constaté une évolution des demandes parentales sans qu'il soit aisé de l'expliquer par le développement du multi-accueil, la PSU ou la PAJE. Ainsi, l'âge d'entrée en crèche a-t-il été retardé de six mois à un an. Est-ce dû au complément optionnel de libre choix d'activité (COLCA) ? Il est en tout cas notable que les femmes ayant de faibles revenus cessent le plus souvent toute activité professionnelle à la naissance de leur enfant et qu'elles ont par la suite le plus grand mal à retrouver un emploi. À Lyon, seulement 30 % des enfants accueillis dans les crèches municipales ont moins de dix-huit mois, 40 % ont entre dix-huit et trente mois, et 23 % entre deux ans et demi et trois ans et demi. La scolarisation des enfants de moins de trois ans a par ailleurs chuté et l'on dénombre autant d'enfants scolarisés dans les crèches municipales qu'à l'école maternelle. Plus précisément, en six ans, le nombre d'enfants de moins de trois ans scolarisés a diminué de 700 ou 800, et 800 berceaux ont été créés en crèches, chacun de ces derniers étant utilisés en moyenne par trois enfants : c'est donc au moins un tiers de l'extension de la capacité d'accueil qui a été annihilé par la baisse de la scolarisation en classe maternelle.

Au-delà de la question certes importante des différents modes d'accueil du jeune enfant, celle de l'utilisation des fonds publics me semble aussi explicitement posée lorsque l'on sait qu'une place en crèche coûte 15 000 euros par an et une place en école maternelle 4 000 euros. Par ailleurs, la participation financière des parents étant plafonnée et celle de la CAF diminuant dans le cadre des nouveaux CEJ, les financements communaux constituent désormais les seules variables d'ajustement en matière de politique d'accueil, surtout dans les moyennes ou les grandes villes, où le nombre d'enfants présents dans les structures collectives est particulièrement important. À Lyon, sur 22 000 enfants âgés de zéro à trois ans, 1 200 bénéficient d'une garde à domicile, 12 000 sont dans les crèches, la plupart des enfants restants sont dans les écoles maternelles, et la perte de recettes due aux évolutions du CEJ, en outre, est évaluée à 2 millions par an à partir de la fin de 2010.

De plus, la mise en place du multi-accueil dans la perspective d'accroître l'amplitude des horaires d'ouverture a eu un effet exactement inverse de celui que l'on attendait puisque les parents ont limité leurs plages horaires pour des raisons essentiellement financières en combinant plusieurs modes de garde, en organisant leurs RTT et en utilisant le COLCA afin de travailler à temps partiel. À cela s'ajoutent les coûts de fonctionnement dus à cet élargissement et la pénalisation prévue par le CEJ en cas de faible taux de fréquentation.

Enfin, la priorité donnée à l'aide à la personne sur l'aide à la structure me semble à la fois déséquilibrée et injuste.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Je vous remercie pour vos exposés qui, s'ils font état des difficultés rencontrées par les collectivités, ne doivent pas oblitérer celles de l'État.

Les entrées en crèche sont de plus en plus tardives, en raison moins du COLCA, me semble-t-il, que de la baisse du nombre d'enfants scolarisés entre deux et trois ans qui occupent ainsi les places des plus petits.

Que pensez-vous, par ailleurs, de l'accueil des enfants de deux à trois dans des jardins d'éveil ?

Je note, de plus, que si les familles demandent d'abord l'obtention d'une place en crèche, elles plébiscitent les assistantes maternelles lorsqu'elles ont bénéficié de leurs services. Sachant que leur taux d'effort est moindre dans le premier cas que dans le second, ne pourrait-on pas réfléchir à la mise en place d'un certain nombre d'aides pour les familles les plus modestes qui décideraient d'avoir recours à ces dernières ?

Enfin, que pensez-vous de la réglementation relative à l'ouverture de crèches collectives ?

PermalienPhoto de Pierre Morange

Quel est le mode de gestion de crèches – associatif, municipal ou dans le cadre d'une délégation de service – qui vous paraît le plus approprié ? Que pensez-vous des crèches d'entreprises ?

PermalienPatrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l'Association des maires de France, AMF, maire d'Arleux

La scolarisation des enfants de deux à trois ans diffère assez sensiblement selon les villes ou les départements : il ne faut pas oublier, en effet, que l'État a jadis fortement incité à leur inscription précoce dans les établissements scolaires.

Par ailleurs, les CAF incitent aujourd'hui à la mise en place d'un certain nombre de services tout en diminuant ensuite les aides proposées, les élus locaux n'ayant dès lors plus d'autres solutions que de réviser la fiscalité, de diminuer l'amplitude horaire des services, voire de supprimer ces derniers.

S'agissant des jardins d'éveil, nous sommes très réservés. Outre qu'il est faux de penser que des classes ou des bâtiments scolaires se libéreront en raison de la diminution de la scolarisation des enfants de deux et trois ans, qu'en sera-t-il de l'accès effectif aux services pour les familles les plus modestes dès lors que l'école maternelle constituait pour elles un mode de garde gratuit ? Les jardins d'éveil, de surcroît, ne doivent pas devenir de simples garderies sans aucun projet pédagogique ou social.

Les élus locaux sont par ailleurs très attachés aux structures collectives d'accueil quand les assistantes maternelles relèvent, elles, du secteur libéral, avec tout ce que cela implique comme inégalités potentielles.

Nous ne sommes pas en outre opposés à un certain assouplissement de la réglementation. Ainsi, les micro-crèches peuvent constituer parfois une solution intermédiaire, mais à la condition d'y maintenir un certain seuil de services, auquel nous tenons beaucoup.

Enfin, les avis sont partagés quant aux différents modes de gestion, certains élus souhaitant le maintien d'une gestion publique sans pour autant nier les avantages de la gestion associative ou d'une forme d'externalisation, qui, l'une et l'autre, introduisent une certaine souplesse dans la gestion, notamment en milieu rural.

PermalienYves Fournel, vice-président de la commission éducation de l'Association des maires des grandes villes de France, AMGVF, adjoint au maire de Lyon à l'éducation et à la petite enfance

Je suis largement d'accord avec ce qui vient d'être dit sur les jardins d'éveil. Plusieurs villes ont mené des expériences sur des « structures passerelles » mais, pour améliorer la progressivité de l'entrée en école maternelle en fonction de la maturité des enfants, encore faut-il qu'un accueil y soit maintenu ! Il faut donc continuer de réfléchir à différentes solutions, personne ne prétendant par ailleurs que tous les enfants âgés de deux à trois ans doivent aller à l'école maternelle. Il importe surtout que les parents aient le libre choix quant au mode d'accueil et aux modalités éducatives proposées. Nous sommes donc favorables à un travail dans le cadre de structures partenariales incluant l'Éducation nationale, mais également les CAF, afin que ce que j'ai vécu au conseil départemental de l'éducation nationale du Rhône, où l'inspecteur d'académie ignorait tout de la mise en place des modes de garde alternatifs annoncée par le Gouvernement à Vénissieux, ne se reproduise pas. Le directeur de l'action sociale de la CAF départementale à qui j'ai été renvoyé m'a assuré quant à lui qu'aucun texte, aucune norme ni aucun financement spécifique n'avaient été élaborés s'agissant des jardins d'éveil.

La diversification des modes de gestion est acquise dans la plupart des communes, mais l'expérience montre que les pouvoirs publics, dans les grandes villes en particulier, doivent conserver des prérogatives importantes ne serait-ce que pour organiser la mise en réseau des différents établissements. Avec 35 % de crèches relevant de la municipalité et 65 % des associations, la ville de Lyon me semble avoir réalisé un bon équilibre. J'ajoute que le public accueilli dans l'une et l'autre structure n'est pas tout à fait le même, les crèches associatives ayant tendance à privilégier des familles aux revenus plus élevés pour d'évidentes raisons budgétaires.

Par ailleurs, il n'est pas aisé d'accroître le nombre de crèches d'entreprises car la mise en place de regroupements se révèle le plus souvent nécessaire, ce qui implique beaucoup de travail : il a ainsi fallu trois années pour constituer celui de Gerland-Lyon avec l'aide de la CGPME.

Le développement des micro-crèches est quant à lui entravé par des obstacles fiscaux, puisque les assistantes maternelles qui y travaillent ont un statut de salarié et qu'elles perdent en conséquence un certain nombre d'avantages. On peut donc comprendre qu'elles ne s'y précipitent pas, le recrutement concernant pour l'essentiel des titulaires du CAP « Petite enfance ». En outre, la PAJE y étant massivement plus présente que la PSU, les inégalités d'accès y sont patentes.

PermalienLaurent Collet-Billon, vice-président de la communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon, COVATI, président de la commission enfance-jeunesse

À l'exception du RAM, où l'employé est salarié de la commune, nous avons quant à nous privilégié le mode de gestion associatif en raison des spécificités locales et d'une plus grande réactivité. J'ajoute que la question des aides aux grandes fédérations d'éducation populaire est essentielle, car c'est avec ces dernières que nous travaillons.

S'agissant des jardins d'enfants, je regrette que l'on ait parfois oublié les problèmes de fond – dont celui de la qualité du service rendu et du projet – au profit des seules considérations économiques.

Enfin, il est également regrettable que les assistantes maternelles bénéficient seulement d'une attestation de salaire et non d'une fiche de paie, ce qui complique considérablement leurs démarches auprès des bailleurs ou des établissements de crédit, par exemple.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Est-il selon vous nécessaire d'assouplir la réglementation en ce qui concerne la création des structures d'accueil ? De plus, comment améliorer la PAJE afin de favoriser un égal accès des familles aux services de la petite enfance ?

PermalienLaurent Collet-Billon, vice-président de la communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon, COVATI, président de la commission enfance-jeunesse

Nous nous sommes adaptés à la réglementation, mais nous avons dû en l'occurrence battre en retraite quand il s'est agi de construire un bâtiment à haute qualité environnementale, en raison de normes incompatibles avec le service de la petite enfance.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Mais qu'en est-il plus précisément des normes en matière d'accueil ?

PermalienLaurent Collet-Billon, vice-président de la communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon, COVATI, président de la commission enfance-jeunesse

Elles sont satisfaisantes s'agissant d'une structure multi-accueil d'une quarantaine de places, qui, en outre, garantit une plus grande souplesse. Au-delà de ce chiffre, les contraintes d'encadrement, en particulier, auraient été pour nous beaucoup plus importantes.

PermalienYves Fournel, vice-président de la commission éducation de l'Association des maires des grandes villes de France, AMGVF, adjoint au maire de Lyon à l'éducation et à la petite enfance

Des crèches parfaitement correctes s'ouvrent à Barcelone, qui n'auraient jamais eu d'agrément en France, les médecins de PMI disposant en effet d'une trop grande marge d'interprétation des textes en matière de locaux : certains imposent, par exemple, 12 mètres carrés par enfant alors que la moyenne européenne se situe entre 9 et 10 mètres carrés.

La qualification des personnels ne doit pas quant à elle être modifiée, alors même que des normes particulièrement contraignantes pourraient être révisées, notamment en ce qui concerne les directions. De la même manière, il conviendrait d'assouplir les passerelles entre assistantes maternelles et équipements collectifs, afin d'apporter une réponse plus satisfaisante à la question des horaires élargis ou du cumul de plusieurs modes de garde, par exemple.

Par ailleurs, une révision des quotas de formation dans les écoles serait sans doute opportune, dès lors que nous rencontrons des difficultés à trouver des personnels.

Je précise, enfin, que la difficulté à trouver des logements idoines en centre-ville constitue le principal obstacle auquel se heurtent les assistantes maternelles.

PermalienPatrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l'Association des maires de France, AMF, maire d'Arleux

Je suis d'accord avec M. Fournel, en particulier s'agissant des médecins de PMI qui, il faut bien le dire, « en rajoutent ».

Le binôme PAJE-PSU est, certes, positif, mais des difficultés de financement ne manquent hélas pas de se présenter pour des familles modestes lorsque l'établissement d'accueil relève de la première, laquelle devrait donc être augmentée.

Enfin, les crèches familiales constituent des solutions intéressantes car elles sont non seulement moins onéreuses pour les communes, mais elles permettent aussi aux assistantes maternelles de sortir de leur isolement.

La séance est levée à douze heures trente-cinq.