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Mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête xynthia

Séance du 27 avril 2010 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • alerte
  • bulletins
  • météo
  • phénomène
  • prévision
  • surcote

La séance

Source

Mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia

PermalienPhoto de Maxime Bono

Si vous en convenez, M. le Directeur, vous pourriez exposer brièvement le rôle et les missions d'observation, de prévision et d'avertissement de Météo France face à une tempête de l'importance de Xynthia. Puis nous rappeler la chronologie de vos interventions au moyen des différents bulletins que vous avez émis, à compter du 24 février.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Je rappellerai, en premier lieu, que Xynthia ne présente pas un caractère exceptionnel du point de vue météorologique : une telle manifestation se constate, en France, sur des périodes de cinq à dix ans. Les rafales de vent maximales étaient voisines de 160 kmh et l'impact du niveau de la mer se traduisait par des vagues de 6 à 7 mètres au large et une surcote de 1 mètre à 1,5 mètre sur le littoral.

C'est le « phasage » d'une marée d'un coefficient de 102 avec cette surcote qui a déterminé le phénomène particulier à Xynthia donc ses conséquences les plus lourdes. La hauteur d'eau relevée à La Pallice, par exemple, présentait bien un caractère centennal.

Dès nos premières prévisions, la surcote au large et l'état de la mer étaient soulignés. Ainsi le vendredi 26 avril à 14 heures 20, Météo France mentionnait ces points puis sa prévision s'est affirmée quant à l'impact sur quatre départements : la Vendée, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres et la Vienne, départements qui seront d'ailleurs placés au niveau de vigilance le plus élevé (« rouge ») le samedi 27 février à 16 heures.

D'ailleurs, au cours de cette même journée du 27 février, à partir de 8 ou 9 heures du matin, nous avions émis une série d'avis annonçant de très fortes vagues générant un risque du fait du phasage avec la marée. La nature du danger était donc bien identifiée mais nous n'étions pas alors en mesure de quantifier le niveau des risques de déferlement des vagues sur le littoral.

J'ajoute que les cartes météo qui représentent nos « produits phares » ont été constamment améliorées depuis 1999 mais elles n'intègrent pas le risque spécifique de submersion. Sur ce point, nous avons engagé des travaux depuis 2009 et nous estimons que nous serons prêts à la fin de l'année 2011. Il est clair que la leçon à tirer de cette tempête est de mieux déceler les zones de vulnérabilité, tel est d'ailleurs le but du travail que nous menons conjointement avec le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) qui observe et relève les surcotes et le niveau absolu des vagues.

PermalienPhoto de Maxime Bono

Il y a un intérêt à connaître la nature, le contenu et l'évolution des avis et bulletins météos émis au cours de cette période et je souhaiterai que ces documents soient transmis par Météo France au secrétariat de la mission. Plus généralement, il paraît essentiel de mieux connaître le fonctionnement de la chaîne de décisions à partir de l'émission des bulletins et notamment les transmissions auprès des préfectures, de même que sur la base de quel modèle scientifique sont établies les évaluations de risques.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

À ce niveau, nous sommes en phase d'avertissement, la phase d'alerte se situe en aval. Nos bulletins donnent des informations sur l'aléa et les conséquences susceptibles d'être attendues en termes d'impact sur le littoral. Ces documents sont destinés aux préfectures et aux différents services concernés mais pas aux communes dont l'implication est requise en phase d'alerte. Ces mêmes destinataires publics – hors communes – reçoivent nos bulletins de suivi qui font une description de l'événement de son début puis au cours de son évolution et aboutissent à de premiers conseils de comportement. Dans ces bulletins de suivi, l'élévation temporaire du niveau de la mer se trouvait clairement indiquée.

Au-delà, Météo France se met à la disposition des préfets en qualité de soutien aux cellules de crise dans le cadre des centres d'opération zonal (COZ) d'une zone de défense vers lequel convergent les informations en provenance des départements et qui en transmettent la synthèse au niveau national c'est-à-dire au Centre opérationnel de gestion interministérielle de crise (COGIC).

En d'autres termes, une fois la vigilance « rouge » déclenchée, Météo France reste bien évidemment responsable des avertissements produits par ses soins mais n'intervient auprès des autorités responsables qu'au titre d'une aide à la décision.

PermalienPhoto de Dominique Caillaud

Les seuls messages véritablement perçus par la population sont ceux des informations météorologiques de la télévision. Or, j'ai moi-même regardé la télévision ce jour-là et la seule alerte « rouge » ainsi transmise concernait uniquement le vent ! Je sais bien qu'il existe des transmissions spécifiques par SMS avec les élus mais les temps nécessaires à la mise en place des mesures de réaction sont nécessairement plus ou moins longs.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Vous touchez là un point qui doit être abordé par le projet de loi réformant la sécurité civile. Je ne veux pas jeter la pierre aux médias mais Météo France n'est pas maître de ce qu'ils vont retenir, même si en général – et nous avons de bonnes relations avec eux – ils se calent sur la vigilance.

PermalienPhoto de Jean-Louis Léonard

Il existe des bulletins de bonne qualité accessibles par simples appels téléphoniques qui donnent même des informations en cas de surcote.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Nos répondeurs sont dans le champ concurrentiel et j'ai constaté que parfois les préfets disaient d'appeler certains numéros spéciaux alors que nous délivrons des informations non payantes à l'exception du coût de communication sur d'autres numéros.

PermalienPhoto de Jean-Louis Léonard

Il existe d'ailleurs une météo « marine », une météo « paysanne » très utiles aux agriculteurs. Le vrai problème est celui d'améliorer encore le logiciel de prévision concernant les relations entre une dépression et d'éventuelles surcotes.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

La question de la qualité de la prévision à partir de la modélisation de l'atmosphère est une préoccupation permanente même si nous n'arriverons sans doute jamais à des résultats parfaits. Nous avons engagé un travail de reconstitution des situations de tempête pour disposer de meilleures données sur les surcotes en résultant. Il s'agit d'un « travail de fourmi » pour documenter les aléas de référence et leurs éventuels impacts sur les zones les plus vulnérables. Nous établissons des questionnaires en ce sens et nous discutons avec le SHOM sur ces sujets.

PermalienPhoto de Louis Guédon

Un historique des références de dates en regard desquelles des surcotes ont été constatées est pourtant disponible.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Nous ne disposons pas de données historiques très anciennes sur les marées, le plus vieux marégraphe est celui de Brest qui doit dater du début du XIXe siècle. C'est le SHOM qui a la responsabilité d'étudier le niveau des mers et les durées de retour des hauteurs absolues selon certains modèles. Mais, je conviens qu'il y a des reconstitutions à établir sur les chroniques de surcote.

PermalienPhoto de Philippe Boënnec

Quand on parle de prévision sur les surcotes, quelle est la corrélation entre les observations déjà faites et le pourcentage d'erreurs ?

PermalienPhoto de Jean-Louis Léonard

Que pensez-vous des affirmations selon lesquelles certaines situations ne se reproduiraient que tous les 10 000 ans ?

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Je préfère ne rien en penser. Il existe effectivement des récurrences plus que centennales. Mais parler de risques d'une fréquence décicamillénale n'est guère sérieux. Il n'existe que six à sept modèles globaux de prévision dans le monde. Mais chaque pays est égoïste et c'est le modèle le plus fin qui concerne son territoire. Aujourd'hui il n'existe pas de données en temps réel des marégraphes, le réseau RONIN du SHOM devrait évoluer en ce sens, ne serait-ce qu'en raison des efforts consentis sur l'alerte aux tsunamis.

PermalienPhoto de Marie-Line Reynaud

La tempête de 1999 avait créé une situation périlleuse pour la centrale nucléaire de Blaye, quelles leçons ont-elles été tirées de cet événement, et plus généralement, pour la connaissance des surcotes ? Dans les situations cycloniques fréquentes outre-mer, n'a-t-on pas progressé s'agissant des conseils aux populations en situation d'alerte ? Enfin, existe-t-il une coopération européenne en matière de relevés côtiers entre pays riverains de l'Atlantique et de la Méditerranée ?

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Je citerai la modélisation du mouvement des eaux dans l'estuaire de la Gironde récemment réalisée à partir d'un cofinancement entre l'État, les collectivités concernées et un apport d'EDF.

S'agissant de l'outre-mer, l'alerte résulte d'une chronologie plus visible car on suit généralement les phénomènes cycloniques sur des durées de 72 heures. Quant à la coopération européenne, son cadre d'exercice est celui d'organisations spécialisées intergouvernementales et d'un réseau regroupant 26 pays (EUMETNET). Il existe également un portail « Météo alarme » qui agrège les vigilances.

PermalienPhoto de François de Rugy

Je souhaite appeler plus particulièrement l'attention sur la conjonction des phénomènes de grande marée et de crue dans les estuaires petits ou grands et notamment celui de la Loire. Par ailleurs, constatez-vous un accroissement des phénomènes météorologiques exceptionnels depuis quelques années ?

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Les estuaires connaissent des situations très complexes de mouvements des eaux. Le SHOM est compétent pour déterminer les effets de la houle et les déviations des eaux sur ces zones. Pour autant, convient-il de modéliser chaque estuaire, je ne le pense pas. Cela a du sens pour celui de la Gironde du fait de sa dynamique particulière. S'agissant du changement climatique, il est impossible d'affirmer quoi que ce soit à partir d'un seul événement. Certains affirmaient que le rail des dépressions allait se déplacer vers le nord, ce qui a été contredit pas la tempête Klaus. En fait, sur la zone atlantique, on ne constate aucun signal significatif d'un point de vue statistique et il n'y a pas de conclusions à tirer à partir de Xynthia.

PermalienPhoto de Maxime Bono

Pour rebondir sur la question précédente, avez-vous des connaissances de modélisations de submersion et Météo France joue-t-il un rôle pour l'élaboration des plans de prévention du risque inondation (PPRI) ?

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Nous ne sommes que très rarement impliqués, du moins directement, dans ce processus dont l'un des enjeux est la reconstitution des niveaux de référence dans les zones côtières.

PermalienPhoto de Jean-Louis Léonard

Un coefficient de marée de 90 semble constituer la référence généralement prise en compte.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Concernant les PPRI, le problème est que des événements paroxystiques peuvent toujours survenir. Si l'on retient des données extrêmes, l'appréciation sur leur durée de retour est fragile. Selon moi, les éléments de référence retenus dans les PPRI sont plutôt sous-estimés mais toute la question est celle du risque acceptable qui ne recouvre pas exactement la moyenne statistique des risques.

PermalienPhoto de Dominique Souchet

Vous nous avez parlé d'un horizon fin 2011 pour l'établissement de cartes prenant en compte la submersion, ce calendrier est-il tenable ?

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Ce travail est développé avec le SHOM plus particulièrement sur les impacts des vagues et leurs éventuels phénomènes d'entassement dont on étudie les durées de retour à partir des statistiques résultant des marégraphes.

PermalienPhoto de Maxime Bono

Le rapport public de la Cour des comptes de 2009 fait notamment état d'une amélioration de votre taux de non-détection des risques d'inondation et de fausses alarmes à l'échelle nationale mais non au niveau départemental. Qu'en est-il exactement ?

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Nous avons amélioré nos résultats de vigilance. Au niveau national, le taux de fausse alerte est de 4 %. Il s'établit à 18 % au niveau départemental qui constitue d'ailleurs la base de référence de nos indicateurs de performance au sens de la Lolf. L'enjeu est de réduire le taux des fausses alertes sans aggraver le taux de non-détection.

PermalienPhoto de Jean-Louis Léonard

Pour la prévision des crues et des submersions avec qui travaillez-vous ? Il y a le SHOM mais aussi l'IFREMER. Quelles coopérations sont engagées au sein de la sphère publique, sans oublier d'ailleurs le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI) qui dépend du ministère de l'Écologie ?

PermalienPhoto de Maxime Bono

Depuis 2008, le Directeur général de la prévention des risques du ministère de l'Écologie est d'ailleurs chargé de la fonction de Délégué aux risques majeurs ayant à assurer une coordination des politiques de prévention entre les différents ministères.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Nous sommes engagés sur de nombreuses coopérations. Nous avons conclu une convention-cadre avec la Direction générale de la prévention des risques (DGPR). Nous sommes les seuls à faire des études de retour d'expérience aussi poussées et systématiques en Europe et, bien sûr, notre relation est très forte avec la Sécurité civile. Le SCHAPI est aussi à Toulouse et nous étudions la possibilité de mettre son personnel dans un même lieu avec nous.

PermalienPhoto de Marie-Line Reynaud

La réduction en cours des implantations territoriales de Météo France n'affecte-t-elle pas vos capacités de prévision et vos missions de service public ?

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

D'abord, il n'y a pas eu de fermetures de centres à ce jour. Les premières interviendront à compter de 2012 et à terme, en 2017, notre réseau territorial demeurera le plus dense d'Europe. En tout état de cause, la prévision des surcotes sans intervention humaine ne s'effectue pas à ces niveaux ; avec les moyens dont nous disposons aujourd'hui, la qualité d'une prévision ne dépend plus du lieu où on la fait. Mais, il nous revient néanmoins de nous réapproprier une connaissance territoriale.

PermalienPhoto de Dominique Souchet

À l'Aiguillon comme à la Faute-sur-mer, nous pouvons avoir un phénomène de cumul entre une submersion majeure et la crue du Lay.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Le Lay n'est pas un cours d'eau classé au sens réglementaire par l'État avec toutes les incidences de cette absence de qualification quant à l'absence de surveillance des niveaux d'eau. Il y a trois critères pour classer une rivière et, de plus, cela doit être faisable techniquement et les enjeux doivent aussi le justifier.

PermalienPhoto de Louis Guédon

J'ai vécu dans ma ville l'expérience de la conjugaison d'un fort coefficient de marée, des vents de mer puissants et d'une pluviométrie élevée pour aboutir à des dégâts très importants sans être inondé pour autant.

PermalienPhoto de François de Rugy

J'aimerai savoir si les 12 heures entre l'annonce et la survenance du phénomène constitue un délai fréquent, moyen, ou encore régulièrement constaté ? Peut-on parler d'une règle des 12 heures ?

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Les 12 heures ne constituent pas une règle. C'était d'ailleurs 14 heures dans le cas de la tempête Klaus, mais en général, on contacte les préfectures bien avant par des pré-alertes. On ne passe en « rouge » que lorsque nous avons la certitude qu'il ne peut s'agir d'une fausse alerte. Selon les départements et les phénomènes orageux, il est possible de faire mieux mais parfois moins bien. Notre but est de progresser mais cela n'est pas sans difficulté.

PermalienPhoto de Jean-Louis Léonard

Dans ma commune nous suivons depuis 1999 la surcote. Dès la journée de jeudi nous pensions que la situation allait évoluer à partir de 40 cm pour atteindre un niveau constaté d'un mètre. S'agissant d'un paramètre de 12 heures, ce point est important car il s'agit de l'intégrer aux plans de sauvegarde pour les communes qui en sont dotées. Enfin, M. le Directeur, je vous demanderai très ouvertement si vous estimez que Météo France a été au mieux de ses performances pour la situation qui nous préoccupe et en considérant tous les paramètres à retenir.

PermalienAlain Ratier, directeur général adjoint de Météo France

Dans l'état actuel de l'art, je dirai que nous n'étions pas mal. Je ne vois pas comment nous aurions pu être plus performants sur cette zone atlantique. En revanche, je crois que nous pouvons progresser sur la question des déferlements du vent comme nous l'avons constaté dans les Pyrénées, très touchées par ce phénomène au moment de Xynthia.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia

Réunion du mardi 27 avril 2010 à 17 h 30

Présents. - Mme Véronique Besse, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Dominique Caillaud, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Louis Guédon, M. Christian Kert, M. Jean-Louis Léonard, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean Proriol, Mme Catherine Quéré, M. Jacques Remiller, Mme Marie-Line Reynaud, M. François de Rugy, M. Dominique Souchet

Excusés. - M. Jean-Michel Clément, Mme Marguerite Lamour, M. Jean-Paul Lecoq