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Commission des affaires sociales

Séance du 7 avril 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CFDT
  • carrière
  • pension
  • pénibilité
  • âge

La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 7 avril 2010

La séance est ouverte à 9 heures 30.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales entend M. Jean-Louis Malys, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), sur la réforme des retraites.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Nous poursuivons notre cycle d'auditions sur la réforme des retraites en recevant M. Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT en charge du dossier des retraites, accompagné de M. Philippe Fontaine.

J'ai souhaité que la CFDT soit le premier des partenaires sociaux que nous entendions, eu égard au rôle responsable qu'elle a joué dans la réforme de 2003.

Cette audition intervient avant la réunion organisée par M. Éric Woerth lundi prochain et avant la publication du rapport très attendu du Conseil d'orientation des retraites, dont vous êtes membre, monsieur Malys.

Vous avez indiqué à plusieurs reprises que la CFDT veut « une réforme ambitieuse et non un énième bricolage du système actuel ». Vous nous direz donc comment votre organisation aborde la négociation qui va s'ouvrir et quels sont les points qui vous semblent les plus importants.

PermalienJean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT

Je suis très honoré d'être le premier représentant d'une organisation syndicale à être auditionné dans cette enceinte.

Je vais brièvement rappeler les angles d'attaque de la CFDT sur le dossier compliqué des retraites, que nous devons traiter dans un contexte social, économique et politique complexe.

Notre souci principal, qui a guidé notre choix de 2003 et qui me semble être largement partagé, est de maintenir et de consolider le système par répartition. Nous considérons, en effet, que la répartition est la meilleure garantie contre les instabilités économiques et les systèmes ultra-individualisés.

Deuxièmement principe : nous pensons qu'il faut avoir une double approche du dossier des retraites.

La première est celle des salariés qui approchent de la date de liquidation de leur retraite, c'est-à-dire ceux de mon âge – 55 ou 56 ans –, et qui sont sans doute aujourd'hui les plus préoccupés par l'avenir de leur système de retraite. Alors qu'ils ont peut-être un peu moins d'inquiétude à avoir que les générations qui suivent. Cependant, leurs craintes à l'égard des réformes successives précipitent, paradoxalement, leur souhait de partir.

La seconde approche à avoir est celle des jeunes générations qui sont excessivement inquiètes ; ils paient beaucoup aujourd'hui pour la retraite de leurs parents et grands-parents et n'ont, dans le système actuel, aucune certitude sur ce qu'ils retireront des efforts qu'ils consentent. S'il y a une réforme des retraites, il est claire que les premiers sollicités seront nos enfants qui arrivent sur le marché du travail ou y sont depuis dix ou quinze ans.

Troisième point : il faut bien distinguer les trois origines du déficit, afin d'imaginer des solutions de financement adaptées à chacune de celles-ci.

La première origine du déficit est liée à la situation économique : taux d'emploi, crise, conditions de travail...Le prochain rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) précisera pour quelle part elle intervient dans le déficit.

À ceux qui font valoir que 10 % des retraites ne sont pas financées, je rappelle que 10 % des salariés ne sont pas au travail. Cela ne réglerait pas tout, mais cela aiderait sans doute à trouver la solution. Par ailleurs, on ne trouvera pas de solution durable aux déficits, si on n'obtient pas un taux d'emploi plus élevé à la fois des seniors et des jeunes.

Personne ne peut, non plus, imaginer que la crise va se refermer comme une parenthèse. Elle aura des effets durables, dont nous aurons une évaluation dans le prochain rapport du COR.

La question du travail est également à prendre en compte : elle est sérieuse. Des salariés se sentent de plus en plus mal à l'aise dans l'entreprise, si bien qu'on observe une sorte d'intérêt conjoint entre ceux qui veulent fuir le travail, parce qu'ils estiment qu'il devient insupportable du fait de son intensification, et les entreprises qui veulent alléger leurs charges en commençant par se séparer de leurs salariés les plus âgés.

Ce premier volet du déficit nécessitera une réponse collective. Les financements immédiats ou à moyen terme, qui se révéleront nécessaires, ne devront pas être uniquement payés par les bénéficiaires des systèmes de retraite.

La deuxième origine du déficit est le papy boom. C'est un phénomène à la fois conjoncturel et durable, que l'on sait repérer dans le temps. À cet égard, le Fonds de réserve pour les retraites nous paraît toujours une excellente idée et nous pensons qu'il faudra accroître son financement.

La troisième origine du déficit est, même si c'est celle qui a le plus de conséquences financières, la meilleure nouvelle qui soit, à savoir l'allongement de l'espérance de vie. C'est à la fois une question qui concerne les générations qui en bénéficient et qui en bénéficieront et une question collective : ce sont ces générations qui devront déterminer l'équilibre entre le temps qu'elles souhaiteront passer au travail et celui qu'elles souhaiteront passer à la retraite. La logique de 2003 – deux tiersun tiers – nous paraît cohérente, mais il faudra laisser des espaces de choix, compte tenu des carrières très différentes existant dans le monde du travail aujourd'hui.

Quatrième point : je vais énumérer les quatre mauvaises solutions que nous rejetons a priori.

Premièrement, si le recul de l'âge légal de départ à la retraite peut permettre de faire des économies à court et moyen terme, il pénaliserait ceux qui ont commencé à travailler tôt, c'est-à-dire ceux qui ont souvent les carrières les plus modestes, font les travaux les plus pénibles et ont les pensions les plus faibles et les temps de retraite les plus courts. Agir sur ce levier indépendamment de son efficacité risque donc d'être injuste. Or, pour nous, toute réforme doit comporter des éléments de justice sociale.

Deuxièmement, même si nous sommes conscients de la nécessité de prendre des mesures paramétriques, nous pensons que ces dernières ne peuvent pas, à elles seules, résoudre tous les problèmes. Il faut prendre en compte les inégalités qui sont en train de se développer dans le monde du travail. Tout durcissement des conditions d'accès à la retraite risquerait d'élargir encore le fossé entre les salariés.

Troisièmement, même s'il existe des formes d'épargne collectives et sécurisées, nous considérons que la capitalisation ne peut, en aucune manière, être une solution alternative à notre système. Elle ne répond pas aux enjeux que j'ai énumérés précédemment.

Quatrièmement, même si, à terme, l'idée d'une unification des régimes de retraites ne nous choque pas – conformément, d'ailleurs, à l'esprit des préconisations de Pierre Laroque en 1945 –, une mesure exclusivement comptable d'alignement nous paraîtrait aujourd'hui injuste et aboutirait à opposer les salariés les uns aux autres. Il ne faudrait pas présenter l'alignement du calcul des retraites des fonctionnaires sur la prise en compte des 25 meilleures années comme étant la solution, car elle aboutirait à baisser le niveau des retraites, ce que le Président de la République a demandé d'éviter.

Selon nous, toute réforme des retraites doit être examinée à l'aune des carrières des salariés. Notre système de retraite a été construit en 1945 sur une sociologie, une typologie du monde du travail qui existe de moins en moins. Nous devons prendre en compte les inégalités actuelles de notre système de retraite. Nous en avons relevé au moins cinq.

Le premier type d'inégalité est lié aux parcours professionnels fragmentés et aux changements de régime de retraite – cela concerne les polypensionnés. Une personne qui a travaillé moins de quinze ans dans la fonction publique ne peut prétendre obtenir une retraite dans le régime correspondant. Elle est rebasculée sur le régime général. Elle a l'IRCANTEC comme complémentaire mais elle doit, d'une certaine manière, financer sa retraite. Si, de plus, il lui est appliqué la règle des 25 années – si elle a travaillé, par exemple, 26 années dans le régime général –, elle se verra pénaliser deux fois. En résumé, une personne ayant eu une carrière pleine, dynamique et mobile recevra une pension moindre qu'un salarié, du privé ou du public, ayant eu une carrière linéaire.

PermalienJean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT

Au contraire. On estime actuellement à 38 % le nombre de polypensionnés parmi les personnes qui liquident leur retraite. Et ce chiffre va encore augmenter.

Dans les régimes spéciaux et même dans ceux de la fonction publique territoriale et hospitalière, il y a énormément de personnes qui ont fait des bouts de carrière ailleurs.

PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Quand une personne quitte la fonction publique au bout de quatorze ans pour aller dans le secteur privé, c'est, en général, pour un meilleur salaire !

PermalienJean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT

La complexité du système ne lui permet pas d'évaluer les conséquences sur sa retraite d'un départ de la fonction publique avant quinze années de service. Au bout de douze ou treize ans, elle se sent fonctionnaire puisqu'elle a été titularisée, mais c'est ce qu'on appelle un titulaire sans droits. Elle ne découvrira les impacts négatifs de son départ qu'au moment de la retraite Le système est illisible aujourd'hui. C'est un des aspects que nous comptons souligner.

Le deuxième type d'inégalité concerne les carrières à bas salaires et les carrières plates. Un salarié qui est toute sa vie au SMIC cotise « plein pot ». Celui qui démarre au SMIC et a une carrière dynamique cotise en fin de carrière sur une partie de ce dont il va bénéficier comme retraite. Les calculs que nous avons pu faire montrent que la prise en compte des 25 meilleures années favorise plutôt les carrières standards, a un effet très négatif sur les trois déciles inférieurs et un effet légèrement négatif sur les déciles supérieurs. Cela signifie que, dans le système des 25 meilleures années, les personnes qui sont aujourd'hui les plus contributives au système sont celles qui ont les carrières les plus modestes. En caricaturant à peine, on peut dire que, d'une certaine manière, les carrières plates subventionnent les carrières dynamiques.

Le troisième type d'inégalité porte sur les carrières longues. Malgré le dispositif que nous avons obtenu en 2003 et dont nous sommes très fiers, il y a encore aujourd'hui des salariés qui commencent à travailler jeunes et qui cotisent pendant des années sans que celles-ci ne génèrent aucun droit. D'une certaine manière, ces salariés subventionnent les autres.

Le quatrième type d'inégalité a trait aux carrières féminines, qui cumulent presque tous les impacts négatifs que je viens d'évoquer. La massification de l'emploi féminin s'est accompagnée de sa précarisation, si bien qu'on peut presque parler de solde nul sur les trente dernières années.

Le cinquième type d'inégalité est lié à l'espérance de vie et aux conditions de travail. Pour nous, aucune mesure ne sera équitable, si elle n'intègre pas la question de la pénibilité. Le sujet est, certes, compliqué mais il n'est pas insoluble. Le rapport Struillou, remis au Conseil d'orientation des retraites en 2003, a ciblé trois types de pénibilité et, malgré l'échec de la négociation que nous avons eue avec le MEDEF, nous avons pas mal avancé sur cette question. Les deux pierres d'achoppement avec le MEDEF et les organisations patronales sont la question du financement et la préoccupation – légitime – d'éviter que tous les salariés ne s'engouffrent dans la brèche. J'ai pour habitude de dire que tout le monde a un travail pénible sauf moi. Au-delà de la boutade, tout le monde peut faire valoir la pénibilité de son travail. C'est pourquoi, il est nécessaire de fixer des critères et de bien cibler les salariés y répondant.

Je terminerai en citant les six points sur lesquels nous comptons débattre dans le cadre de la réforme des retraites. Le congrès de la CFDT ayant lieu du 7 au 11 juin, nous pourrons, selon notre souhait, associer nos militants et nos équipes à ce débat.

Premier point : la maîtrise par les salariés de leur parcours professionnel et de leur retraite. Aujourd'hui, les salariés ne découvrent le montant de leur pension qu'en fin de carrière. Jusqu'à présent, ils avaient plutôt de divines surprises, mais plus ça va et plus ils ont le sentiment de n'avoir pas pu agir au moment où cela aurait été nécessaire pour avoir une meilleure retraite.

Deuxième point : l'équité entre les salariés. Aucune réforme ne sera juste, si elle ne répond pas à un souci d'équité.

Troisième point : l'esprit de justice sociale du système global.

Quatrième point : la lisibilité et la transparence du système.

Cinquième point : la confiance de toutes les générations.

Sixième point : les sources de financement.

Nous pensons qu'une augmentation de cotisation est inévitable. Elle était d'ailleurs prévue en 2009 par la loi de 2003. On ne peut pas faire subir les effets de la crise qu'aux salariés concernés. Un effort collectif est nécessaire.

Par ailleurs, nous estimons indispensable d'élargir le financement. Mais cet élargissement doit être affecté aux aspect non contributifs du système, car, pour nous, le coeur de celui-ci doit rester assis sur les salaires, qui sont les éléments les plus stables, même en période de crise. Si le système de retraite avait été aligné sur la CSG, par exemple, il y aurait eu l'an dernier un différentiel de 20 %. Les résultats des entreprises étant très instables, on ne peut pas non plus asseoir les retraites uniquement sur ces derniers.

PermalienPhoto de Denis Jacquat

Je vous remercie, monsieur Malys, pour cet explosé clair et synthétique.

Vous avez longtemps préconisé un changement systémique de notre système de retraite. Quelle lecture faites-vous du rapport du COR de février dernier ?

Vous avez dénoncé les inégalités qui entachent notre système. Quels dispositifs préconisez-vous pour les résorber ?

Si l'on considère toutes les sources de financement, à quelle hauteur estimez-vous possible de résoudre les difficultés du financement du système ?

Quel rôle doit jouer, selon vous, le Fonds de réserve pour les retraites à court et moyen terme ?

Vous avez classé le recul de l'âge légal de départ à la retraite parmi les mauvaises solutions, tout en lui reconnaissant comme avantage de permettre d'avoir, à court terme, des recettes financières importantes. Que penserait votre syndicat du recul de cette limite, si l'on gardait parallèlement le système des carrières longues ?

PermalienPhoto de Michel Issindou

Vous avez évoqué, monsieur Malys, la difficulté de trouver un accord sur la pénibilité. Le droit à la retraite à 60 ans n'est-il pas une manière d'assurer à tous ceux qui ont eu des carrières longues et pénibles de pouvoir s'arrêter de travailler à cet âge ?

Vous avez eu le courage de parler de la nécessité d'un effort collectif. Les salariés, je crois, y sont prêts. Il n'y a pas de meilleur système d'épargne que de cotiser un peu plus pour sa retraite. Cela vaut toutes les assurances vie et toutes les assurances volontaires. Un effort ne doit-il pas être également demandé aux entreprises ? Sur les 30 milliards d'allégement de charges, ne peut-on récupérer – en douceur – quelques milliards d'euros pour financer le système de retraite ? Vous avez parlé d'équité et de justice sociale. Il me semble que ces notions imposent un effort partagé entre salariés et entreprises.

La CFDT est-elle favorable à une réforme paramétrique ou à une réforme systémique ? Quelle est sa position sur le régime en comptes notionnels, qui établit un vrai rapport entre cotisation et pension de retraite ?

PermalienPhoto de Martine Billard

J'avais cru comprendre que la CFDT était favorable à une réforme globale du système de retraite et au passage à un régime en comptes notionnels ou à un régime par points. A-t-elle conservé cet objectif ou est-il abandonné pour l'instant ?

Pour tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie, la CFDT est-elle favorable à un allongement de la durée de cotisation ?

Pouvez-vous préciser la position de la CFDT sur l'élargissement des financements ? Est-elle favorable à la prise en compte des trimestres validés et non cotisés ?

Il faut pouvoir justifier de 800 heures de travail au SMIC par an pour valider quatre trimestres. Or, un nombre croissant de femmes n'arrive pas à ces 800 heures par an. J'ai calculé que, sur une carrière de quarante ans, cela faisait à peu près dix ans de cotisation de perdus pour une femme ayant travaillé toute sa vie quinze heures par semaine. La CFDT a-t-elle des propositions spécifiques pour remédier à cette situation ?

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La CFDT est-elle favorable à un régime unique des retraites ? Si oui, est-elle favorable, d'une part, à une gestion de ce régime unique par les partenaires sociaux et, d'autre part, à une fusion entre la retraite de base et la retraite complémentaire ?

Un régime par points ou en comptes notionnels sera long à mettre en place et nécessitera que soient prises des mesures transitoires. Pouvez-vous préciser quelles sont les mesures paramétriques qui pourraient être prises aujourd'hui pour équilibrer le système ?

Pensez-vous que la pénibilité doive être prise en compte au moment de la retraite ou au moment de l'activité ? Le directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse était plutôt favorable à ce qu'elle le soit pendant l'activité.

Le taux d'emploi des seniors entre 55 et 60 ans en France se situe dans la moyenne européenne. Comment faire pour l'améliorer encore ?

Quelles sont les propositions de la CFDT pour abonder le Fonds de réserve pour les retraites ?

Quand on parle de l'âge de départ à la retraite, il faut aussi prendre en compte l'âge d'entrée dans le monde du travail. Les étudiants comment à travailler aujourd'hui à 24 ou 25 ans. Si on ajoute 41 ou 42 ans, on est bien au-delà de 60 ans !

Est-il logique de maintenir les pensions de réversion, alors que les femmes acquièrent de plus en plus des droits propres ? Sont-elles un droit acquis par les cotisations du conjoint ? Que pensez-vous de leur taux et de leur plafond ?

PermalienJean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT

La CFDT ne vient pas avec un système bouclé. Elle ne prétend pas avoir toutes les solutions. Le secrétaire général de la confédération avait plaidé pour l'organisation d'un grand débat national, sous la forme d'un Grenelle des retraites. C'est dire les limites de l'exercice qui va nous être imposé : nous allons devoir travailler dans un temps extrêmement réduit, ce qui ne permettra pas d'aborder toutes les questions sérieusement.

Contrairement à la plupart de nos collègues des autres organisations syndicales, qui rejettent a priori tout autre système, nous avons jugé utile d'étudier l'éventualité d'une réforme systémique. Il nous paraît, en effet, nécessaire de nous départir de la vision propre aux institutions et aux structures et d'examiner réellement ce que le système actuel des retraites produit et de le comparer aux systèmes étrangers afin, d'en apprécier les atouts et les inconvénients.

J'avoue, honnêtement, que nous sommes séduits par les autres systèmes.

Le régime par points et le régime en comptes notionnels procèdent de la même logique. Le premier permet une sorte de gestion a posteriori qui établit un lien entre la cotisation et la retraite ; toutefois, ce lien peut bouger selon certains paramètres de gestion qui peuvent être perçus comme des manipulations. Dans le système actuel, alors qu'il a été demandé des efforts aux salariés, il est très compliqué de leur expliquer pourquoi la retraite complémentaire a été un peu « décrochée ».

Le régime en comptes notionnels a comme vertu de faire un lien direct entre la contributivité et la retraite dont les salariés vont bénéficier. Dans le système actuel, il n'y a aucun lien entre la cotisation versée par le salarié et la retraite dont il bénéficiera. C'est le principal défaut pour les jeunes générations.

Les régimes par points et en comptes notionnels ont un aspect séduisant : face à la capitalisation, ils prouvent qu'il peut exister un système par répartition, offrant une efficacité et une lisibilité immédiate.

Cela étant, la CFDT ne préconise pas aujourd'hui un régime en comptes notionnels comme solution, car on sait qu'il ne réglerait pas les problèmes financiers. Elle invite, en revanche, à étudier ce régime et à en apprécier les avantages. Elle considère même qu'un système hybride serait envisageable.

En Allemagne, où est appliqué un régime par points et où l'âge de départ à la retraite a été reculé à 67 ans, un salarié qui justifie de 35 années de cotisation peut partir à 63 ans.

PermalienJean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT

Si, avec sa retraite normale !

Je ne défends pas le système allemand, mais je veux montrer que la notion d'annuités peut subsister dans un régime par points. C'est le cas également dans le système italien, qui est passé en comptes notionnels.

Si nous n'examinons le système des retraites que de notre point de vue de quinquagénaires nous en aurons une vision décalée. Nous devons demander aux jeunes générations comment elles le voient. Nos incantations pour les convaincre que la répartition est mieux que la capitalisation resteront vaines si nous ne le leur démontrons pas, preuves à l'appui. Ils se détourneront de la première pour la aller vers la capitalisation.

Il ressort d'un sondage réalisé pour L'Humanité en début d'année que la génération qui a aujourd'hui le moins confiance dans le système par répartition et le plus confiance dans celui par capitalisation est celle des moins de 30 ans à 53 %.

PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Ce n'est pas vrai. Vous interprétez la question qui était posée dans le sondage. Que les jeunes soient inquiets pour l'avenir des retraites, c'est évident. Mais ils ne se sont pas prononcés pour un système par rapport à l'autre.

PermalienJean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT

Je ne cherche pas la polémique, monsieur Gremetz. Je dis simplement que nos enfants ont des doutes sur le système par répartition et qu'il faut les rassurer à ce sujet.

Nous essayons de prendre en compte ce que disent les gens, en étant le plus objectifs possibles. Un de nos défauts, à nous tous ici, est de connaître les structures et les mécanismes. Il nous faut regarder le système à la manière d'un salarié lambda. Sans ce petit décalage, nous tiendrons des discours techniques ou idéologiques, qui ne répondront pas forcément aux attentes de la population.

Ce que nous avons trouvé très intéressant dans le rapport du COR de février, c'est qu'il a été procédé, dans l'hypothèse d'un changement de régime, à une étude précise du fonctionnement de notre système actuel pour voir comment le décliner en régime en comptes notionnels. Tous les membres du conseil lui reconnaissent énormément de vertus à notre système, mais il est apparu qu'un certain nombre de mécanismes, qui fonctionnaient jusque-là, fonctionnent de moins en moins du fait des nouvelles carrières des salariés. Ce regard critique sur notre système est très intéressant pour nous, non pour le rejeter, mais pour le corriger et l'améliorer.

En 2008, nous avions préconisé, pour abonder le Fonds de réserve pour les retraites, un doublement de la taxe. Cela ne résolvait pas tout, mais cela était destiné à renforcer le fonds.

Commencer à puiser dans ce fonds aujourd'hui serait un très mauvais signe en direction des nouvelles générations. On pourrait éventuellement y toucher si on mettait en place, parallèlement, un dispositif répondant au problème du papy boom. Mais, ce n'est pas ce qui se dessine.

Nous sommes en train de travailler sur la question des financements. Les revenus d'activité représentent 800 milliards d'euros et les revenus du capital, 150 milliards, ce qui montre que la masse sur laquelle il faudra principalement agir est celle des salaires. L'effort sur les cotisations devra être conjoint aux salariés et aux entreprises. Il ne devra pas être supporté que par les salariés.

Le financement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), par exemple, est actuellement assuré par une partie de la CSG. On peut imaginer d'augmenter la CSG pour alimenter ce fonds, actuellement en déficit.

Je ne peux en dire plus aujourd'hui, puisque nous travaillons en ce moment sur cette question. Nous présenterons des propositions plus précises lors des rendez-vous avec le Gouvernement. Nous sommes à l'écoute de tous ceux qui travaillent sur le sujet, car nous ne prétendons pas avoir une solution miracle.

Nous évitons d'étudier l'hypothèse d'une unification des systèmes de retraite, voire du régime général et des complémentaires, sous l'angle des institutions. Nos collègues qui gèrent l'ARRCO et l'AGIRC – et qui les gèrent plutôt bien – nous demandent ce que deviendraient leurs institutions dans un régime unique. Nous leur répondons qu'une réforme systémique prendrait du temps et qu'il y aurait donc une période de transition assez longue. Nous leur faisons ensuite valoir que l'architecture d'un système est toujours définie après le système lui-même. La mise en place des réceptacles et des tuyaux vient toujours après l'élaboration du système lui-même.

De même que les régimes d'assurance maladie et de chômage ont été créés à l'origine pour certaines catégories, puis se sont diffusés à toute la société, de même l'unification des régimes de retraite nous semblerait une mesure de justice. Nous estimons, en tout cas, que c'est un objectif à atteindre politiquement. Cela nécessitera peut-être de passer par une réforme systémique, hypothèse qui doit être examinée et en aucun cas rejetée.

S'agissant de la pénibilité, la dernière réunion des partenaires sociaux, le 16 juillet 2008, s'est achevée sur un constat de désaccord portant sur le bilan lui-même. Nous souhaitions, en effet, que l'on ne se limite pas à acter l'échec patent de la négociation mais qu'un document de synthèse récapitule ce à quoi nous étions parvenus, et sur la définition des critères de pénibilité et sur la prévention. Les organisations patronales s'y étant refusé, trois organisations syndicales – la CFDT, la CFE-CGC et la CGT – l'ont fait. Le Gouvernement peut légitiment s'appuyer sur ce document, qui permet de mesurer le chemin parcouru.

Pour autant, que l'on ne nous renvoie pas à une nouvelle négociation paritaire : elle se traduirait par un nouvel échec. Les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités. M. Xavier Bertrand a voulu, à juste titre, précipiter la fin de la négociation. Constatant l'échec, il s'était engagé à prendre la main en octobre 2008, mais il a été appelé à d'autres fonctions en janvier 2009 sans l'avoir fait, et le dossier a été oublié. Par la suite, M. Hortefeux puis M. Darcos l'ont évoqué, sans le prendre en charge. Nous espérons qu'il en ira autrement avec M. Woerth.

Que le Président de la République veuille débattre du mécanisme de retraite et en parallèle de la pénibilité au travail ne nous choque pas, car les deux sont évidemment liés. Un dispositif spécifique doit être mis au point pour les salariés qui, ayant subi des carrières difficiles, ne peuvent plus travailler sans pour autant être en invalidité. On ne peut se satisfaire des mesures diverses actuelles, telles les dispenses de recherche d'emploi, etc. Outre qu'elles tiennent du bricolage, certains en bénéficient mais d'autres n'en bénéficient pas. Chacun doit admettre que de nombreux salariés sont dans ce cas. Envisager de durcir les conditions d'accès à la retraite en en faisant abstraction, c'est s'exposer à des conséquences en trompe-l'oeil.

Une réforme paramétrique donnera peut-être des effets apparents immédiats, mais elle aura des effets induits terribles sur le financement de l'indemnisation du chômage et sur l'assurance maladie-invalidité – sans parler du niveau de vie de ces futurs retraités. Gardons à l'esprit la manière dont se répartissent ceux qui liquident leurs droits à la retraite à 61 ans : 40 % environ travaillent, 30 % sont au chômage, 20 % ne travaillent plus – ce sont souvent des femmes qui ont renoncé à chercher du travail, ou des gens en grande précarité – et 10% sont en invalidité ou malades. Si, en réformant le système des retraites, on ne prend pas en compte ceux qui, en raison de la pénibilité subie au travail, ne peuvent plus travailler, on créera un système inégalitaire et l'on transférera une partie de la charge des retraites aux autres caisses ; puis, dans quelques années, un bel article dans Les Échos ou La Tribune nous fera découvrir ces effets pervers. Nous préférons que la pénibilité soit prise en compte dès à présent.

S'agissant des carrières, nous considérons que le critère juste est celui de la durée de cotisation. À cet égard, le schéma prévu par la loi de 2003 – 41,5 ans de cotisation en 2020 et 43 ans en 2050 – n'est pas mauvais, mais il est difficile à appliquer en raison du faible taux d'emploi des seniors. L'allongement de la durée des cotisations nous semble permettre le partage le plus équitable entre ceux qui bénéficient du système et ceux qui le financent ; mais, je le répète, il reste à régler la question de l'emploi des seniors.

En France, l'âge moyen d'accès à l'emploi s'établit à 21 ans et non à 24 ans. Cela signifie que de nombreux jeunes gens commencent à travailler à 18-19 ans, alternant stages, emplois et périodes de précarité. La plupart des 600 000 jeunes qui sortent des établissements d'enseignement sans formation initiale satisfaisante galèrent, mais ils travaillent. Les carrières longues continueront d'exister, mais une étude de la DREES indique que la durée d'assurance vieillesse validée à 30 ans est de sept trimestres inférieure à ce qu'elle était il y a quinze ans. Cette donnée nous ramène au point évoqué par Mme Billard, car la dégradation constatée résulte de ce qu'il faut justifier de 200 heures payées au SMIC pour valider un trimestre. Cette disposition profite peut-être à des gens qui n'en ont pas besoin : en effet, elle rend la validation très difficile à atteindre pour certains, mais ceux qui ont un bon salaire peuvent valider deux trimestres en un mois, et ceux-là auront peut-être aussi une belle carrière. Aussi, s'il ne faut pas remettre ce mode de calcul en cause brutalement, il convient d'analyser qui en bénéficie et qui y perd. Les personnes qui travaillent à temps partiel et les jeunes font vraisemblablement partie des perdants

PermalienPhoto de Patrick Roy

J'ai apprécié votre intervention et, comme la CFDT, je condamne une réforme des retraites qui serait uniquement comptable. Mais un second préalable à toute réforme s'impose : il faut revoir le niveau indécent des petites retraites. Il y a urgence. Dans ma circonscription, beaucoup de retraités vivent dans des conditions qui rappellent les romans de Zola, ne disposent que de quelques euros par jour pour se nourrir et ont faim. Vous pouvez rire, collègues de l'UMP, c'est pourtant ainsi que les choses se passent.

PermalienPhoto de Dominique Dord

Des points d'accord me semblent possibles entre la CFDT, dont le discours est très responsable, et nous, qui avons la volonté de sauvegarder les retraites. Vous trouvez des avantages à une réforme systémique, mais vous n'en faites pas un préalable. Je pense, comme vous, que nos compatriotes ne sont effectivement pas prêts à une réforme de ce type. Je considère également que le paramètre juste est celui de la durée de cotisation et qu'une marge de liberté doit permettre à chacun de choisir le moment de sa retraite. Mais, il faut tenir compte de la pénibilité au travail. Pour cela, étant donné la difficulté de l'exercice, il faut s'en tenir au plus petit commun dénominateur et considérer que plus on a commencé tôt à travailler, plus grande est la probabilité que l'on ait eu un métier pénible. C'est la manière objective de régler cette question.

Reste le problème difficile de l'âge de départ à la retraite. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que le report de l'âge de la liquidation des droits est le seul moyen d'action financier efficace à court terme. Dans ces conditions, seriez-vous favorable à ce que, par souci d'efficacité, on associe momentanément report de l'âge de départ à la retraite et allongement de la durée de cotisation ? Reviendriez-vous sur votre refus de changement de l'âge de départ à la retraite s'il s'agissait d'une mesure temporaire ?

PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Chacun connaît les positions de la CFDT, alliée de la majorité depuis 2003 pour ce qui concerne les retraites, et je constate que la commission a choisi d'entendre d'abord l'organisation syndicale la plus proche du pouvoir.

J'entends dire que le système par points est un système par répartition. Je ne partage aucunement cet avis car ce mécanisme fait l'impasse sur un point essentiel : la solidarité entre les générations, le choix qu'avait fait le Conseil national de la résistance.

S'agissant du financement, différentes solutions sont possibles. Par exemple, on ne peut envisager seulement l'augmentation des cotisations, et ne pas analyser les conséquences des exonérations de cotisations patronales, dont bénéficient dans les mêmes proportions petites et moyennes entreprises et multinationales.

Allusion a aussi été faite au rapport que remettra le Conseil d'orientation des retraites. Ce rapport sera approuvé par certains de ses membres et refusé par d'autres, car il faut préciser ce qui doit l'être : le conseil n'est pas homogène. On ne peut donc considérer qu'il soumettra un document reflétant un consensus qui n'existe pas en son sein.

PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Je partage l'opinion de M. Malys sur l'inquiétude des jeunes générations et sur leur manque de certitude quant aux pensions de retraite dont ils pourront bénéficier. Un sérieux effort pédagogique devra donc accompagner la réforme pour les réconcilier avec le système par répartition, dont ils doutent.

Au nombre des hypothèses émises figure la convergence des modes de calcul des pensions dans le secteur public et dans le secteur privé – les six derniers mois d'activité dans le premier cas, les vingt-cinq meilleures années de la carrière dans le second ; qu'en pensez-vous ?

Par ailleurs, il avait initialement été prévu que le Fonds de réserve des retraites serait doté de 150 milliards en 2020. Or, le président de son conseil de surveillance, que nous avons entendu hier, a estimé à 83 milliards d'euros l'abondement réel du fonds à cette date. Comment alimenter le Fonds de manière pérenne ? Comment combler cette différence ?

PermalienPhoto de Régis Juanico

Je partage l'analyse de M. Malys sur la pénibilité au travail et sur la méthode à suivre. Il ne saurait, en effet, être question de réenclencher une négociation paritaire à ce sujet. Après l'échec de juillet 2008, le Gouvernement aurait pu légiférer s'il l'avait voulu, mais il a préféré gagner du temps, car lier pénibilité au travail et réforme des retraites l'arrange. Je fais donc confiance aux partenaires sociaux pour qu'ils mènent les deux négociations en parallèle, sans que l'on mélange tout. Il y a eu beaucoup d'acquis au cours de la négociation qui a finalement achoppé ; ils doivent trouver une traduction dans la loi.

Mais, au-delà des déclarations, il y a les actes ; or deux décisions ont été prises qui nous font redouter la réforme annoncée. D'une part, le décret du 31 décembre 2009 a remis en cause le principe de la gratuité des soins pour les ressortissants du régime minier, gratuité acquise au titre de la pénibilité au travail. D'autre part, nous sommes appelés à examiner ce soir même un certain article 30 du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, introduit par lettre rectificative du Gouvernement, et qui impose le recul de l'âge actuel – fixé en tenant compte de la pénibilité de leur travail – du départ à la retraite des infirmières en contrepartie de leur accès à la catégorie A. Ces deux décisions contredisent le discours du Président de la République selon lequel le chantier des retraites devait être négocié en un bloc, pour l'ensemble des salariés.

PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

La pénibilité au travail est un sujet complexe, qui demande de la pédagogie ; il convient en effet de toujours distinguer invalidité, troubles musculo-squelettiques, accidents du travail et maladies professionnelles. Beaucoup de points d'accord ont été trouvés à l'issue des trois années de négociations paritaires sur la définition des critères de la pénibilité et aussi sur les mécanismes de prévention, mais ces convergences n'ont pas été actées. Comment traduire dans les textes le volet « prévention » ?

S'agissant de la pénibilité, le point d'achoppement principal, nous avez-vous dit, a été celui du financement. Mais, vous avez aussi souligné la difficulté de définir les ayants droit. Vous avez vous-même pointé le risque de voir se multiplier les bénéficiaires d'un tel système. Suffit-il d'associer critères de définition de la pénibilité et durée d'exposition ? Où en est votre réflexion sur ce point ? Envisagez-vous un système collectif ou un mécanisme plus individualisé ?

Enfin, s'il est rigoureusement inutile de solliciter à nouveau les partenaires sociaux interprofessionnels à ce sujet, il ne me paraîtrait pas illégitime de solliciter certaines branches – la métallurgie, la chimie, les transports, l'agroalimentaire, le bâtiment, certains services… – où l'on sait que les conditions de travail sont pénibles. La négociation tournée vers certaines branches spécifiques vous paraît-elle possible ? Si oui, à quelles conditions ? Avez-vous réfléchi à un système sollicitant particulièrement les branches dans lesquelles les salariés travaillent dans des conditions plus pénibles qu'ailleurs ? Je n'ignore pas que le problème est encore compliqué par le fait que, souvent, ces branches sont aussi celles où les marges bénéficiaires sont les plus réduites.

PermalienPhoto de Michel Liebgott

La lisibilité du système de retraite pose un réel problème. Nous-mêmes avons dû demander à la Caisse nationale d'assurance vieillesse le montant moyen de la retraite de base, et nombre d'entre nous, interrogés sur ce point, auraient vraisemblablement donné un montant supérieur à celui qui nous a été indiqué, soit 980 euros. Les gens ne savent pas quelle sera leur pension de retraite. Comment renforcer une visibilité qui fait manifestement défaut et ainsi améliorer la connaissance de leurs droits par les futurs retraités ?

Il faut en effet réunir un « Grenelle des retraites », autrement dit lancer un grand débat national. Pour l'instant, on est parti dans un débat essentiellement comptable, à la pire des périodes : le taux très élevé du chômage provoque un déséquilibre des comptes publics et, dans le même temps, les plus jeunes ne sont pas mobilisés en faveur de la retraite par répartition et imaginent d'autres systèmes de financement.

PermalienPhoto de Michel Heinrich

Vous considérez que le critère le plus juste est la durée de cotisations et vous vous n'êtes pas hostiles à l'augmentation des cotisations. Concernant précisément les cotisations, ne faut-il pas aussi harmoniser les cotisations salariales du secteur public et du secteur privé ?

PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Comment peut-on à la fois favoriser l'emploi des seniors et maintenir inchangé l'âge légal de départ à la retraite ?

PermalienPhoto de Jacques Domergue

Vous considérez qu'il faut conserver le schéma en vigueur, jouer sur les différents paramètres – durée de travail, montant des cotisations …– et pondérer l'ensemble en tenant compte de la pénibilité au travail. Ce qui paraît communément admis, et qui a d'ailleurs conduit à l'allongement de la durée du travail en Europe, c'est que l'on s'oriente vers l'allongement de la durée de cotisation. On va donc travailler plus longtemps. Mais comment concilier cette orientation avec le fait que le taux d'emploi des seniors est de 38 % en France, la proportion la plus basse d'Europe ? Cela obère la crédibilité du message.

PermalienPhoto de Edwige Antier

Bien peu a été dit de la très grave paupérisation des femmes qui prennent leur retraite.

PermalienJean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT

S'agissant des petites retraites, le minimum vieillesse, équivalent à l'ancien RMI, permet à ses allocataires de survivre – car c'est bien de cela qu'il s'agit s'ils n'ont pas de patrimoine par ailleurs.

À propos des minima de retraite, la loi de 2003 prévoyait l'augmentation du minimum contributif, passé de 75 % à 85 %. Notre objectif était que chaque salarié ayant fait toute sa carrière au SMIC ait au moins une pension de retraite à ce niveau. Nous souhaitons que l'effort ainsi engagé soit poursuivi, et nous l'avons dit en 2008 à M. Xavier Bertrand. Seulement, les retraites reflètent les carrières ; il faut donc non seulement corriger les inégalités comme nous avons commencé de le faire par ce biais, mais encore s'attaquer au problème en amont. Je rappelle aussi que nous nous sommes battus pour que la majoration de durée d'assurance soit maintenue pour la quasi-totalité des femmes.

Par ailleurs, certains avantages familiaux sont inéquitables. Ainsi, le régime général et celui de la fonction publique prévoient une majoration de 10 % du montant des retraites pour les parents de trois enfants ; l'ARRCO et l'AGIRC prévoient 5 %. Ce système est profondément injuste, car il a pour conséquence que 10 % de la retraite est versé principalement aux hommes et aux familles aisées. Alors que le mécanisme est censé corriger l'impact de l'arrivée des enfants sur le déroulement des carrières, et alors que cet impact est le plus fort pour les femmes, principalement pour les femmes élevant seules leurs enfants, elles bénéficient royalement de 10 % de presque rien, pendant que le cadre dynamique dont la carrière n'aura en rien été troublée par le fait d'avoir eu trois enfants voit sa pension de retraite augmentée de 10 % de 3 000 ou de 3 500 euros – et les régimes de retraite complémentaire aggravent encore cet écart. Il faut avoir le courage de dire que ce mécanisme est injuste – mais un fort lobbying empêche que l'on en tire les conséquences.

Il faut avoir la lucidité de reconnaître que certains dispositifs, censés réduire les inégalités, ont pour effet de les augmenter. Un enfant d'ouvrier ne « vaut » pas moins qu'un enfant de cadre ! Il y a là des marges d'économie. Il faudrait imaginer une forme de forfaitisation, en vertu de laquelle le fait d'avoir un enfant entraînerait une majoration de plus de 10 % des pensions pour les familles modestes et qui impliquerait un petit effort de la part des familles les plus aisées.

S'agissant du niveau des retraites, le COR indique qu'une pension complète à taux plein, régime général et régime complémentaire confondus, est en moyenne de 1 600 euros pour un homme et de 1 000 euros pour une femme. Mais, la pension des femmes est directement liée au nombre des enfants : pour celles qui n'ont pas eu d'enfants, le décrochage au moment de la retraite existe certes, mais il reste modeste. En revanche, la pension des femmes baisse en moyenne de 200 euros si elles ont eu un enfant, de 400 euros si elles en ont eu deux et de 600 euros si elles en ont eu trois. Des mesures correctrices sont indispensables à ce sujet.

L'éventualité d'une réforme systémique n'est pas à repousser mais elle doit être examinée dès aujourd'hui, dans le cadre d'un grand débat national. Certes, son application sera longue. Si l'on n'anticipe pas dès maintenant ce qui adviendra dans quinze ans, on perd du temps ; surtout, on ne donne pas aux jeunes générations le signal nécessaire, celui qui les réconciliera avec la retraite par répartition.

Nous tenons au maintien de l'âge légal de la retraite à 60 ans parce que le troc proposé – faire passer l'âge de départ à la retraite à 62 ans mais maintenir les dispositions qui valent pour les carrières longues – nous laisse sceptiques, et aussi parce que figer la liquidation légale des droits à retraite à 61 ans serait, à nouveau, tout faire tourner autour de la question de l'âge. Or cette approche est dépassée tant les carrières sont différentes. Nous sommes très fiers d'avoir fait sauter en 2003 la référence aux 60 ans, et permis ainsi à plus de 600 000 personnes, qui avaient commencé à travailler très jeunes, de prendre une retraite à taux plein avant d'avoir atteint cet âge. D'un autre côté, à ce jour, la barrière des 60 ans n'a plus grande signification pour tous ceux qui font de longues études. Aussi, faut-il maintenir cet âge légal, tout en ayant la lucidité de reconnaître que ce ne sera, de plus en plus, qu'un repère. Figer à nouveau les choses, mais à 61 ans, ce serait manquer de pédagogie et cela constituerait une erreur.

S'agissant de l'emploi des seniors, le mécanisme des bonusmalus nous laisse également très sceptiques. Nous considérons que les choses ne sont pas envisagées suffisamment en amont. Sait-on que les entreprises commencent à freiner la formation quand le salarié a 43 ans ? De plus, le taux d'emploi commence à décrocher dès que l'on a 47 ans. Il faut tenir compte de ces facteurs. La structure du travail en France, extraordinairement segmentée, explique l'exclusion des plus de 50 ans du marché du travail. Les études, les stages, les emplois précaires finissent par conduire à un emploi relativement stable vers 30 ans, puis les salariés sont plus ou moins invités à prendre la porte des entreprises à partir de 47 ans ! On leur demande donc de structurer leur carrière – et leur vie – en 17 ans, cette période de très dure concentration de la période de travail se produisant au moment même où ils structurent leur vie familiale, puisque l'âge moyen de venue du premier enfant est de 29 ans. Il faut réfléchir à la validité d'un marché du travail ainsi organisé – précarisation, surintensification, exclusion – et redonner goût au travail. Une organisation syndicale ne considère pas le travail comme un adversaire, mais encore faut-il en améliorer les conditions. Or, la structuration actuelle du travail dans notre pays a des effets désastreux sur la santé mentale des salariés, mais aussi sur l'emploi.

À M. Poisson, je dirai que la seule pénibilité qui doit être prise en compte pour réduire la durée de la carrière d'un salarié est celle qui a un impact direct sur l'espérance de vie. Les autres formes d'usure ne doivent pas avoir d'impact sur les systèmes de retraite : quand un salarié âgé de 43 ans est épuisée par son travail, la solution n'est pas la retraite mais la désintensification du travail ou la mobilité professionnelle. On le sait, l'espérance de vie moyenne d'un salarié non cadre est inférieure de sept ans à celle d'un cadre, ce qui signifie que la retraite du premier sera inférieure d'un tiers à celle du second. Mais, entre un ouvrier et un salarié moyen non ouvrier, la différence d'espérance de vie est de trois ans : celle-là au moins devrait être prise en compte.

Vous m'avez interrogé sur l'éventualité d'une convergence privépublic en matière de calcul des pensions de retraite. Que l'on s'engage dans l'une ou dans l'autre des deux méthodes dont j'ai entendu parler – allongement progressif à 25 ans de la période servant d'assiette au calcul de la pension pour les salariés du secteur public, ou calcul de leur pension fondé pour partie sur les six derniers mois et pour partie sur les 25 meilleures années –, on aboutira mécaniquement à la diminution nette d'une pension, qui est, en moyenne, de 1 200 euros pour les agents des collectivités territoriales. Ce n'est vraiment pas le moment. Aller en ce sens suppose de revoir les carrières des fonctionnaires et d'intégrer les primes dans le calcul des pensions de la fonction publique ; mais alors, les maires et les présidents des conseils d'administration des hôpitaux qui siègent parmi vous auront matière à s'inquiéter pour leurs finances…

Cela étant, c'est une bonne chose que la durée de cotisations soit la même dans le secteur privé et dans la fonction publique – en 2003, nous avons eu le courage de dire qu'il est normal que tout le monde cotise pendant 40 ans.

Le rapprochement des niveaux de cotisation est tout aussi compliqué. Il aurait de lourdes conséquences pour les salariés, mais aussi pour les employeurs. Et si l'on se contente d'augmenter les cotisations des fonctionnaires, le niveau de leurs revenus baissera de manière inacceptable.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Vous considérez donc que chercher un rapprochement mène à une impasse, quels que soient les paramètres utilisés ?

PermalienJean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT

A court terme, nous considérons cette solution comme une fausse solution, quels que soient les paramètres. Il y a déjà eu resserrement des paramètres appliqués aux fonctionnaires et aux salariés du secteur privé. Cela doit continuer. On ne peut imaginer une seconde qu'une réforme ne touche qu'une partie des salariés, mais ce n'est pas le moment de créer de nouveaux écarts ou de stigmatiser une partie de la population.

Enfin, les conditions d'octroi de la pension de réversion ont déjà été durcies. Considérant ce que sont les carrières des femmes, supprimer le dispositif lui-même serait une aberration. On peut, peut-être, débattre de la définition des revenus pris en compte, mais le principe ne saurait être remis en cause, non plus que le niveau de la réversion.

(La séance est levée à 11 heures 10.)