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Séance en hémicycle du 18 février 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • clause
  • législation
  • violence

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à promouvoir l'harmonisation des législations européennes applicables aux droits des femmes suivant le principe de la « clause de l'Européenne la plus favorisée » (nos 2261 rectifié, 2303, 2279).

La parole est à Mme Pascale Crozon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, mes chers collègues, avocate inlassable de la cause des femmes et militante de la construction européenne, Gisèle Halimi se saisit en 1979 de la première élection du Parlement européen au suffrage universel pour marier ses deux combats et présenter l'objectif d'une Europe où toutes les citoyennes disposeraient des mêmes droits. Le principe en est à la fois simple et ambitieux : il s'agit d'identifier parmi les dispositions législatives des États membres celles qui sont les plus protectrices pour les femmes, et de proposer que celles-ci s'étendent à l'ensemble des Européennes. C'est ce qu'elle nomme la « clause de l'Européenne la plus favorisée ».

La proposition de résolution déposée par le groupe socialiste, radical et citoyens et que j'ai l'honneur de rapporter est directement inspirée de ces travaux, aujourd'hui portés par l'association « Choisir la cause des femmes » que Gisèle Halimi a fondée avec Simone de Beauvoir en 1971.

La persistance des inégalités entre les femmes et les hommes en matière de situation économique et sociale, d'exposition aux violences, de participation à la vie publique, de liberté de choix dans leurs vie sexuelle et familiale est un constat qui s'impose à tous. Trente ans après, la nécessité de bâtir une Europe plus protectrice pour les femmes reste donc malheureusement d'actualité.

Mais nous avons également la conviction de vivre un moment où l'évolution institutionnelle et politique de l'Europe, et l'évolution des mentalités créent aujourd'hui – enfin ! – les conditions pour que cet objectif devienne réalité.

Il faut le rappeler, c'est à partir d'une simple disposition du traité de Rome sur les rémunérations que l'égalité entre les hommes et les femmes s'est peu à peu imposée comme un principe fondateur de l'Europe, réaffirmé dans les traités, dans quatorze directives et dans la jurisprudence de la Cour de justice. Sans entrer dans les détails techniques, le traité de Lisbonne permet – pour peu que l'on s'en serve – de poursuivre l'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes dans l'ensemble des politiques de l'Union, impulsant une nouvelle dynamique qui dépasse le champ traditionnel de l'emploi où l'Europe à beaucoup oeuvré pour l'égalité, mais qu'elle a rarement dépassé.

C'est forts de cette évolution que le Royaume d'Espagne et le gouvernement de José Luis Zapatero ont souhaité inscrire l'égalité entre les femmes et les hommes parmi les priorités de la présidence espagnole de l'Union européenne. Cela se matérialisera notamment par la tenue d'un conseil des ministres dédié à cette priorité, les 25 et 26 mars prochains à Valence.

Cette proposition de résolution invite la France à se saisir de cette opportunité qui nous est offerte de faire progresser la cause des femmes. Sur le fond, les conditions semblent donc réunies pour que notre assemblée puisse la voter. C'est pourquoi je veux expliquer ici une nouvelle fois ce qu'elle implique concrètement afin de lever les dernières objections quant à sa forme, dont certaines me semblent relever de peurs injustifiées, pour ne pas dire irrationnelles.

Outre le soutien affiché à l'initiative du Royaume d'Espagne, nous invitons – c'est vrai – le gouvernement français à agir, une invitation qui ne saurait en aucun cas « lier les mains » de l'exécutif. Ce serait juridiquement contraire à l'article 34-1 de la Constitution si tel était le cas. Nous nous situons pleinement dans l'esprit du droit de résolution que la réforme constitutionnelle de 2008 a accordé au Parlement, et qui consiste précisément à exprimer des souhaits et à soutenir des orientations.

La constitution d'un « bouquet législatif » restera donc bien un choix politique non seulement au niveau européen, mais aussi au niveau Français. Le parlement français ne saurait en effet se considérer comme une simple chambre d'enregistrement et de transcription des directives européennes. Les droits des femmes dépassent de loin les seules compétences de l'Union, et les politiques nationales doivent poursuivre le même objectif d'égalité.

Des réserves de calendrier ont été émises, au motif notamment qu'une initiative intergouvernementale entre quatre pays serait en cours de négociation. Sur ce point, j'avoue avoir du mal à comprendre la préférence de notre assemblée pour une démarche qui parviendrait aux mêmes résultats que celle que nous proposons, mais sans associer la représentation nationale aux discussions.

La proposition de loi de M. Copé et de Mme Zimmermann sur les conseils d'administration comme la proposition de loi de Mme Bousquet et de M. Geoffroy sur les violences de genre sont autant d'illustrations de la légitimité de notre assemblée à intervenir sur les droits des femmes. Ces deux cas illustrent par ailleurs la pertinence de la démarche proposée par cette résolution, puisque Mme Zimmermann revendique le fait de s'inspirer de législations européennes plus avancées que les nôtres et que la commission spéciale sur les violences faites aux femmes anticipe aujourd'hui les directives qui seront proposées par l'Espagne sur la base de sa propre législation.

Nous devons donc être très attentifs à cette résolution. Servons-nous en au niveau européen où nous souhaitons que la France défende le principe d'une harmonisation sur les bases de l'égalité la plus élevée et des mesures existantes les plus protectrices, c'est-à-dire sur les principes de « la clause de l'Européenne la plus favorisée ». Une adhésion aux principes ne vaut pas une adhésion mécanique à l'ensemble des mesures soutenues par l'association Choisir comme, par exemple, l'extension à dix-huit semaines du délai légal pour recourir à une IVG, exemple qui a été donné en commission des affaires européennes. Nous estimons au contraire qu'il revient au politique, et singulièrement au Parlement européen et aux parlements nationaux dont le rôle est extrêmement important, de se saisir des mesures existant en Europe, de débattre de leurs avantages et défauts comparés, et d'assumer un choix dicté par ce qu'il considère être l'intérêt des femmes.

Alors que d'autres ont mis en avant le peu d'enthousiasme supposé de nos partenaires, je veux conclure en rappelant l'important vote auquel a procédé, il y a quelques jours, le Parlement européen sur le rapport de notre collègue belge Marc Tarabella relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est un vote inattendu et qui va bien au-delà des espérances puisque ce rapport reconnaît, pour la première fois en vingt-huit ans, le droit des Européennes à avorter. C'est donc une grande victoire qui a été remportée au niveau européen.

Oui, mes chers collègues, les mentalités changent et il nous apparaît extrêmement opportun de nous saisir de cette période favorable pour défendre nos valeurs, pour continuer notre combat pour l'égalité des droits des hommes et des femmes. Je vous invite à réfléchir à la dégradation de notre image auprès de nos partenaires, et singulièrement à la dégradation de la crédibilité de la France au cours de la présidence espagnole – je rappelle qu'un conseil des ministres doit se tenir fin mars à Valence – si nous remettions en cause l'adoption de cette proposition de résolution par la commission des lois. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter également cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Anne Grommerch, rapporteure de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de résolution donne lieu à une situation assez inédite : la commission des affaires européennes l'a rejetée, non pour des motifs de fond ou d'intention, mais essentiellement pour une raison de calendrier et de refus d'une automaticité mécanique ; la commission des lois l'a au contraire adoptée, mais uniquement dans la perspective qu'elle puisse être amendée afin de ne plus soulever aucune difficulté et de pouvoir faire l'objet ici, en séance publique et dès aujourd'hui, d'une adoption la plus large possible.

Cette situation apparemment peu compréhensible s'explique. Disposer de délais plus longs aurait certainement permis d'établir plus en amont un projet consensuel. Le temps de la réflexion est toujours approprié. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

Sur le fond, je rappellerai que l'objectif d'amélioration des droits et de la situation des femmes est totalement partagé et que le besoin de mesures spécifiques, protectrices et renforcées en faveur des femmes ne fait l'objet d'aucun doute.

Au niveau européen, sur lequel j'insisterai plus particulièrement, l'égalité entre les femmes et les hommes est une valeur ainsi qu'un droit fondamental de l'Union européenne.

Après le traité de Rome, une première extension a été réalisée par le protocole sur l'Europe sociale, annexé au traité de Maastricht. Puis, la compétence communautaire a été élargie, de nouveau sous l'influence de la France, entre autres, par le traité d'Amsterdam de 1997 à la lutte contre l'ensemble des discriminations, à savoir celles reposant sur le sexe, la race ou ce que certains prétendent telle, l'origine ethnique, la religion, les convictions, le handicap, l'âge, l'orientation sexuelle, ainsi qu'à l'ensemble des situations de discriminations, celles à caractère professionnel comme celles qui ne sont pas liées à l'emploi.

Le traité de Lisbonne a repris cet acquis et l'a enrichi. L'article 10 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne contient une clause dite « transversale » qui impose de prendre en compte la lutte contre les discriminations dans toutes les politiques et actions de l'Union, dans leur définition comme dans leur mise en oeuvre. C'est la mise en oeuvre du mécanisme dit de mainstreaming.

En outre, l'Union européenne dispose dorénavant d'une agence spécialisée, l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, à Vilnius, qui a été inauguré le 16 décembre dernier.

Enfin, l'actuelle présidence espagnole a inscrit la lutte contre les discriminations en raison du sexe dans les priorités de son programme, notamment la lutte contre les violences faites aux femmes.

Rappelons également l'action complémentaire du Conseil de l'Europe, très importante en la matière. Depuis 1975, plusieurs directives sont ainsi intervenues pour lutter contre les discriminations faites aux femmes. Toutefois, en dépit de ces efforts communautaires et des textes nationaux, les femmes sont encore victimes de disparités et de comportements discriminatoires.

En matière d'emploi tout d'abord : comme le rappelle le rapport de la Commission européenne du 18 décembre dernier « L'égalité entre les femmes et les hommes – 2010 », les femmes restent défavorisées par rapport aux hommes en Europe en termes de taux d'emploi, c'est-à-dire d'accès à l'emploi, de rémunérations, d'heures de travail, de postes à responsabilité, de partage des responsabilités familiales et de pauvreté.

De plus, les femmes sont encore victimes de ce qu'il y a de plus brutal, de plus odieux et de plus primitif dans la discrimination : la violence physique, notamment la violence sexuelle. Elles sont également victimes de l'essentiel des comportements de harcèlement. En outre, les femmes ont moins accès que les hommes à l'exercice des mandats et des responsabilités publics.

Lorsque la commission des affaires européennes a examiné la proposition de résolution européenne présentée par le groupe socialiste, nous avions bien ces éléments à l'esprit. Nous avons donc partagé l'objectif comme l'intention de ses auteurs : faire ce qu'il y a de mieux pour les femmes en se référant à ce que font nos partenaires européens.

Néanmoins, nous nous sommes résolus à ne pas adopter cette proposition de résolution…

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

…pour des raisons de calendrier.

Nous avons souhaité éviter toute prise de position prématurée au regard du calendrier européen. Comme nous l'a indiqué le Gouvernement, un groupe de travail interministériel a été constitué. Il s'agit d'attendre les résultats de cette expertise diplomatique et de fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est le Gouvernement qui dépend du Parlement, et non l'inverse !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

De plus, tout mécanisme automatique sur des sujets aussi sensibles que le délai légal de l'interruption volontaire de grossesse ne peut intervenir sans un débat de fond. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Sur ce sujet, il y a d'ailleurs une difficulté majeure. Le délai le plus favorable, lorsque la décision appartient à la femme, est celui de la Suède, à savoir dix-huit semaines, contre douze semaines actuellement en France. Passer à dix-huit semaines nécessiterait un débat spécifique et approfondi. On ne peut en adopter ainsi le principe par le simple fait d'une clause générale.

Par ailleurs, si un délai long ne pose pas de difficulté dans un pays où la parité est ancrée dans les mentalités, tel n'est pas le cas dans l'hypothèse inverse dans la mesure où l'on peut, déjà à ce moment-là connaître le sexe de l'enfant. Il convient d'éviter tout risque de sélection des embryons. La situation de l'Inde, qu'évoquait le magazine Le Point dans son numéro de la semaine dernière, comme d'ailleurs celle de la Chine, est à éviter. À terme, c'est préoccupant car lorsque les femmes sont minoritaires, les velléités de contrôle et de mise sous tutelle sont accrues.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Quel argument ! Nous ne sommes pas en Chine, nous sommes en Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

Les amendements présentés par Mme Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et plusieurs de nos collègues, vont dans le sens des préoccupations de la commission des affaires européennes, évoquées lors de notre débat.

Je me prononcerai à titre personnel, mais sans craindre de trahir l'esprit de nos travaux. Il est cohérent d'adopter ces amendements dans la mesure où ils reprennent bien les trois éléments d'intention sur lesquels nous sommes tous d'accord : une étude comparative sur les droits des femmes en Europe, réalisée par l'institut de Vilnius ; des mesures d'harmonisation européennes ; un rapport gouvernemental pour la mise en oeuvre d'avancées au niveau national, en coordination avec le niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

de la commission des affaires européennes. Deuxième rapporteur de notre commission, je voudrais remercier le président Lequiller de permettre à l'opposition d'être représentée dans ce débat.

La commission des affaires européennes a repoussé cette proposition de résolution en se fondant sur deux arguments que je souhaite discuter.

Le premier argument est la crainte que la « clause de l'Européenne la plus favorisée » amène la France à accepter certaines dispositions par un mécanisme de cliquet. Nous avons entendue à l'instant madame Grommerch évoquer l'interruption volontaire de grossesse en Suède. C'est bien l'originalité de ce mécanisme, et c'est bien dans cet esprit que madame Halimi l'a proposé : faire en sorte que dans toutes les législations qui existent en Europe, on puisse sélectionner la plus favorable aux femmes.

L'Europe a fait beaucoup sur ce sujet, et il ne s'agit pas de critiquer ou mettre en cause le travail considérable qui a été fait par les institutions européennes, notamment en matière de discrimination. Mais ce mécanisme ajoute quelque chose, il permet de faire en sorte qu'un certain nombre de dispositions plus favorables à l'égalité entre hommes et femmes soient adoptées, y compris dans notre pays.

Il existe un certain nombre de débats de fond sur lesquels nous ne sommes manifestement pas d'accord. Mais dans notre esprit, il n'est pas question d'appliquer mécaniquement cette clause. La France gardera toute sa souveraineté pour accepter ou refuser certaines dispositions.

Le second argument est classique dans les relations du Parlement avec le Gouvernement et l'exécutif. On nous explique que des discussions très importantes existent au niveau européen sur ces questions – nous n'en doutons pas – et ce projet de résolution risquerait de les perturber. Mais dans d'autres pays, par exemple l'Allemagne, vraie démocratie parlementaire,

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

…le processus est inverse et c'est le Gouvernement qui est mandaté par le Parlement. En France, on a le sentiment que le Gouvernement mandate le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Voilà ! Il ne faudrait pas que l'Assemblée agisse comme un électron libre !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Le fait que le Parlement adopte ce type de résolution ne peut que conforter le Gouvernement dans les discussions qu'il a avec nos partenaires européens. Cela correspond d'ailleurs au rôle que doit avoir un Parlement. Cet argument n'est donc pas recevable. Si l'on allait jusqu'au bout de sa logique, on en viendrait à condamner par avance tout projet de résolution, car le Gouvernement mène un travail sur tous les sujets examinés ici.

Je regrette donc que la commission des affaires européennes n'ait pas adopté ce projet. La commission des lois l'a adopté, nous verrons donc à l'issue de ce débat quelle sera la position de notre Assemblée. En tous les cas, ce serait un signal très fort que l'Assemblée se rassemble au-delà de ses divergences sur une résolution de ce type. A l'heure où la présidence espagnole veut mener un certain nombre de chantiers dans ce domaine, ce serait tout à l'honneur de la France que nous adoptions ce projet de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Permettez-moi tout d'abord d'évoquer monsieur Robert Pandraud, dont je viens d'apprendre la disparition. Pour son action politique, ce qu'il a apporté à l'Assemblée nationale, pour ce qu'il a apporté en tant que membre du Gouvernement et à notre famille politique, je souhaitais lui rendre un hommage appuyé.

La proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui vise à promouvoir l'harmonisation des législations européennes applicables aux droits des femmes.

C'est un objectif que le Gouvernement met en oeuvre, avec ambition et détermination, en liaison en particulier avec la présidence espagnole de l'Union européenne, la Commission européenne et le Parlement européen.

J'apprécie cette occasion d'échanger avec vous sur ces sujets qui sont une priorité pour notre société et une question de justice sociale, tant au niveau national qu'européen. Je tiens, d'ailleurs, à ce titre à remercier tout particulièrement madame Crozon, madame Grommerch, monsieur Caresche et madame Zimmermann pour leur travail et leur implication sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Le meilleur moyen de les remercier serait d'appeler à voter en faveur de cette résolution.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Harmoniser par le haut et unifier la situation des droits des femmes en Europe est un objectif constant de notre politique. La France soutient toutes les initiatives visant à faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes et les droits des femmes dans les États membres et l'a d'ailleurs montré dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.

Deux axes majeurs structurent la politique de l'égalité et des droits des femmes et les réformes que nous avons engagées en France.

Le premier vise l'égalité professionnelle, afin d'éliminer les stéréotypes, les écarts de salaire, la précarité des femmes, d'encourager pour tous la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale et de promouvoir la mobilité professionnelle. Nous nous attachons à cet égard à mobiliser les partenaires sociaux. En outre, une proposition de loi que votre Assemblée a adoptée tend à instaurer des quotas de femmes – 40 % – dans les conseils d'administration et de surveillance des entreprises.

Le deuxième axe vise la dignité des femmes et l'accès aux droits. Le Gouvernement a décidé d'ériger la lutte contre les violences faites aux femmes en grande cause nationale pour 2010 ; et vous allez examiner dès la semaine prochaine une proposition de loi sur ce sujet.

L'égalité et les droits des femmes constituent une priorité de la présidence espagnole de l'Union européenne, en particulier la lutte contre les violences faites aux femmes. La présidence espagnole souhaite également harmoniser les politiques en la matière entre les 27 pays de l'Union, notamment par la création d'un observatoire européen, l'établissement d'un ordre de protection juridique commun pour les victimes, et la mise en service d'un numéro européen d'assistance aux victimes de violences.

Nous soutenons pleinement ces efforts. Je devrais me rendre à l'invitation de la ministre espagnole à la conférence sur l'égalité des femmes de Valence les 25 et 27 mars 2010. En liaison avec les commissaires Viviane Reding et Laszlo Andor, nous y préparerons les éléments qui figureront parmi les priorités de la nouvelle stratégie de l'Union européenne pour 2020, en particulier ceux qui concernent l'égalité des droits et l'égalité professionnelle.

Le Gouvernement partage et soutient l'idée du projet de résolution européenne qui est proposé, c'est-à-dire de promouvoir une harmonisation par le haut des droits des femmes en Europe. Et pour ce faire, nous sommes convaincus de la nécessité de bien coordonner notre action avec la dynamique européenne lancée par la Présidence espagnole.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Mme Gisèle Halimi, dont nous connaissons l'engagement constant en faveur des droits des femmes depuis des années, a proposé d'harmoniser les droits des femmes suivant le principe de la « clause de l'Européenne la plus favorisée ». C'est une idée séduisante en ce qu'elle vise dans son principe à identifier la clause la plus favorable aux femmes par domaine, en comparant la législation de plusieurs pays, pour la promouvoir au niveau européen. D'ailleurs, à l'instigation du ministère des affaires étrangères et européennes, le Gouvernement examine actuellement la compatibilité juridique de cette démarche avec les traités en vigueur. Les conclusions de cette étude devront être présentées dans quelques semaines ; elles vous seront ensuite communiquées.

Toutefois, la démarche induite par la clause proposée soulève quelques questions, et elle ne peut être recevable en l'état.

En dépit de notre appartenance commune à l'Union européenne et des règles et valeurs que nous partageons, nous sommes en effet des sociétés distinctes, avec leurs différences, avec des cultures et des histoires économiques, politiques et sociales propres.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Si le principe d'égalité entre les femmes et les hommes est indiscutable, l'appréciation de ce qui constitue ou non un progrès en matière de droits des femmes est susceptible de différer d'un pays à l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Jamais vous ne diriez cela des droits de l'homme !

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Prenons l'exemple très concret de l'interruption volontaire de grossesse. En Europe, les législations en la matière varient considérablement. Par exemple, certains pays, comme Malte, l'Irlande et la Pologne, restreignent l'IVG à certaines situations tandis que les autres ont essentiellement légiféré sur les délais. C'est le cas de la France où l'IVG est possible dans les douze premières semaines de grossesse alors qu'en Suède il est autorisé pendant les dix-huit premières semaines. Peut-on imaginer un alignement automatique sur ce dernier délai sans débat approfondi ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Le débat est d'autant plus nécessaire que ce délai pourrait permettre de sélectionner le sexe de l'enfant. On voit aisément les questions éthiques que de tels enjeux ne manqueraient pas de soulever dans notre société. Cette clause ne doit donc pas conduire à s'aligner sans débat national sur les politiques les plus souples. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Il paraît donc difficile de définir a priori ce qu'est la clause la plus favorable concernant des questions de société qui relèvent d'un champ bien plus large que celui du droit pur et simple. C'est d'ailleurs en partie parce que nous ne disposons pas de grille d'analyse unique en ces domaines que nombre de ces droits demeurent encore de la compétence des États.

Sans doute est-il préférable, par conséquent, de travailler d'abord à faire converger nos analyses avant d'harmoniser nos droits, et de ne pas aligner nos lois de façon systématique.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Nous pensons qu'il est nécessaire dans un premier temps, de bien comprendre le contexte de chaque pays au regard de sa législation et, dans un second temps, d'évaluer les conséquences à moyen et long terme pour la France d'une reprise éventuelle de ces dispositions dans sa propre législation.

Plutôt qu'une obligation de résultat, nous souhaitons que cette convergence, au lieu d'être automatique, soit une obligation de moyen, et qu'elle s'intègre dans un vrai processus collectif. Il nous semble plus profitable en effet d'échanger sur les expériences des uns et des autres à vingt-sept, afin qu'une dynamique européenne s'enclenche de façon globale. Nous disposons déjà de tous les éléments pour le faire.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

L'égalité entre les hommes et les femmes fait partie des traités et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

L'Union européenne a joué et continue de jouer un rôle moteur grâce aux nombreuses directives qu'elle a prises sur le sujet, et grâce à ses différents plans d'actions et aux lignes directrices que les États membres déclinent dans leur droit national. La France, à cet égard, a un rôle moteur et constructif dans les négociations à Bruxelles.

Cette politique volontariste a d'ores et déjà permis de réels progrès : l'accès des femmes à l'emploi n'a cessé de progresser et leur niveau d'éducation est aujourd'hui supérieur à celui des hommes. Des efforts restent évidemment encore à fournir pour parvenir à favoriser la promotion des femmes aux postes de responsabilité, et pour renforcer l'accès à la formation professionnelle tout en améliorant les possibilités de concilier vie professionnelle et la vie personnelle.

Par ailleurs, si nécessaire, des dispositifs permettent d'avancer de concert sur des positions de fond sans instaurer de relations conflictuelles avec d'autres États membres. Je pense, par exemple, à la possibilité pour certains États membres de faire jouer une clause d'opting out…

M. Marcel Rogemont, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

…permettant l'exemption d'application d'une législation européenne.

M. Marcel Rogemont, (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Veuillez laisser Mme la secrétaire d'État s'exprimer !

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Enfin, l'Union européenne dispose dorénavant d'une agence dédiée, l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, qui a été inaugurée à Vilnius le 16 décembre dernier.

Nous sommes conscients que des efforts sont encore nécessaires dans de nombreux domaines, notamment pour lutter contre les violences faites aux femmes, pour améliorer la qualité de l'emploi des femmes, pour renforcer l'égalité professionnelle, et pour combler les écarts persistants de rémunérations entre les femmes et les hommes.

Ces sujets font partie de la nouvelle stratégie de l'Union européenne pour 2020 qui, après celle de Lisbonne, permettra de redéfinir des indicateurs communs et de fixer des objectifs révisés. C'est donc dans ce processus européen relancé que nous pourrons intégrer une stratégie d'échanges mutuels et d'harmonisation vers le haut.

J'ai entendu les arguments échangés. Le débat et l'adoption d'amendements devraient permettre d'adapter cette proposition de résolution qui permettra à la France de s'inscrire en véritable moteur d'une dynamique en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Au lendemain de ce vote, je veillerai à ce que l'examen comparatif des différentes législations nationales soit engagé afin de donner la possibilité aux parlements des États membres de décider en pleine connaissance de cause.

En cette année où la lutte contre les violences faites aux femmes est érigée au rang de grande cause nationale ; en cette année où l'ensemble des forces politiques se mobilise au-delà des clivages partisans, je me félicite que votre assemblée porte la voix de la France auprès des instances européennes pour un combat universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Après l'intervention de Mme la secrétaire d'État, je veux dissiper un malentendu.

Certains des propos de Mme Morano sont cohérents avec les objectifs de la proposition de résolution exposés par Mme Crozon. Cependant, il me semble que son discours qui contient des éléments positifs, comme celui de Mme Grommerch, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires européennes, peut aussi être la source de grandes confusions.

Que demandons-nous dans notre proposition de résolution ? Nous voulons que le Gouvernement présente un rapport de droit comparé faisant un état des lieux des dispositions les plus favorables aux femmes en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Sur la base de ce rapport, le Gouvernement pourra présenter un projet de loi dans lequel il choisira de mettre en oeuvre, ou pas, les mesures en question. Rien ne sera imposé à la majorité et le Parlement se prononcera selon le contenu de ce texte sur lequel l'opposition sera peut-être amenée à proposer des amendements.

Mme la secrétaire d'État et Mme la rapporteure pour avis ont cité l'exemple de la législation suédoise concernant l'IVG. D'une part, je précise que notre démarche ne vise pas à l'application automatique en France de mesures en vigueur dans tel autre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

D'autre part, je rappelle que cette question ne relève pas de la compétence de l'Union européenne mais de celle des États. Alors, où est donc le risque ? Où est le danger ?

Pour que nous puissions voter une résolution qui ne soit pas vidée de son contenu, il faut lever le malentendu. Nous devons adopter un texte positif et constructif alors que les 25 et 26 mars prochains, un Conseil européen se réunira sous présidence espagnole sur la question du droit des femmes, et alors que le Parlement européen vient d'adopter une recommandation dont l'esprit est proche du texte que nous défendons ce matin.

Pour une fois que nous pouvons faire avancer une cause ensemble, ne manquons pas cette occasion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Ayrault, vous conviendrez que votre intervention n'avait rien à voir avec un rappel au règlement. (Sourires)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Danielle Bousquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la question qui se pose à nous aujourd'hui est celle d'une ambition : l'ambition de redonner, grâce à l'Union européenne, un véritable élan global à la longue et difficile conquête des droits des femmes et de l'égalité entre les hommes et les femmes. Par là même, il s'agit de l'ambition de nous réconcilier avec une Europe qui, dans ce domaine, aurait enfin définitivement le visage du progrès alors qu'elle nous habitue tristement, sur tant d'autres questions, à endosser les habits de la régression sociale.

Ce choix de l'ambition nous est offert par le formidable travail réalisé minutieusement par l'association Choisir la cause des femmes présidée par Mme Gisèle Halimi.

Notre proposition de résolution est l'occasion pour nous de rappeler que les progrès des droits des femmes sont toujours passés par l'Europe, et aussi de rappeler pourquoi la solution à une persistance coriace des inégalités entre les femmes et les hommes doit encore davantage passer par elle.

Ce texte est aussi une chance d'affirmer que la France, et notre Parlement en particulier, a un rôle d'éclaireur à jouer dans la recherche d'une ambition européenne réaffirmée et renforcée en matière de droits des femmes.

Depuis les années 1970, l'Europe a fait considérablement avancer les droits des femmes puisque pas moins de quatorze directives ont été adoptées en ce domaine, ce qui a permis de nombreuses avancées concrètes, notamment en France. Ces progrès en appellent de nouveaux, comme, par exemple, en matière de modernisation du congé maternité et d'encouragement des hommes à l'exercice de la parentalité. Des mesures en ce sens vous seront proposées dans la proposition de loi que nous discuterons le 25 mars prochain.

Ces avancées découlent directement de la proposition de directive de la Commission européenne, reprise par le rapport Tarabella adopté par une majorité confortable des députés européens le 10 février dernier.

L'Union Européenne en favorisant la comparaison entre les nations qui la compose permet une évolution des mentalités car elle ouvre le champ des possibles.

Toutefois, le paradoxe est grand de voir ceux qui manient avec beaucoup de dextérité les exemples étrangers pour faire avaler aux Français des régressions en tout genre affirmer, dès lors que ces exemples sont favorables au progrès social en France, que « ce qui est possible ailleurs ne le serait pas ici ».

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Pourquoi l'exemple suédois serait-il valable lorsqu'il s'agit d'allonger l'âge légal de départ à la retraite, et ne le serait-il plus lorsqu'il s'agit d'allonger la durée légale du droit à l'IVG ?

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

L'harmonisation par le haut doit notamment être l'occasion de faire avancer la question des droits sexuels et reproductifs, c'est-à-dire la maîtrise par les femmes de leur vie.

Il s'agit de droits essentiels ; ce sont les premiers droits. Sans la liberté fondamentale de choisir de donner la vie, les femmes ne peuvent vivre à égalité avec les hommes, notamment au moment de s'inscrire dans la vie professionnelle. Je pense aux dispositions qui garantissent l'accès à l'éducation sexuelle, aux moyens contraceptifs et à l'avortement. Et je ne parle pas seulement de droits formels, mais de l'accès réel à ces droits.

Les conditions de nombreuses femmes européennes en matière de droit à l'avortement et de libre accès à la contraception restent aujourd'hui préoccupantes et révèlent de profondes disparités. L'avortement est en effet toujours interdit dans plusieurs États membres de l'Union européenne, comme en Irlande du Nord, en Pologne, à Malte et à Chypre. Dans le même temps, certaines femmes ont été, encore très récemment, victimes de stérilisations forcées, comme ce fut le cas pour les Roms en Slovaquie. Autant d'exemples qui montrent combien l'Europe est loin du compte.

Pourtant l'Europe peut aussi être vecteur de progrès considérables si nous savons donner l'impulsion nécessaire : c'est le sens de cette proposition de résolution.

On nous a opposé que la présentation de ce texte serait inopportune. Comment le calendrier dans lequel s'inscrit cette proposition de résolution pourrait-il constituer autre chose qu'une formidable opportunité ? En effet, les 25 et 26 mars, à Valence, la présidence espagnole a décidé de consacrer le Conseil des ministres de l'Union à l'égalité entre les femmes et les hommes. Dans cette perspective, un groupe interministériel travaille actuellement sur un traité entre la Belgique, l'Espagne, la Suède et la France concernant le principe de la « clause de l'Européenne la plus favorisée ». Le Parlement français est donc aujourd'hui totalement dans son rôle : en votant ce texte, il enverra un signal positif de soutien et d'accompagnement à notre gouvernement et à la présidence espagnole.

Nos démarches sont complémentaires et cette émulation est au service des droits des femmes. Dans le cas contraire, nous nous priverions d'une occasion d'être associés à cette initiative et nous ne serions pas compris.

N'ayez pas peur, mes chers collègues : le meilleur est devant nous. Je suis convaincue que nous serons nombreux à faire le choix de l'espoir, de l'avenir et du progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Pour une fois que les socialistes encouragent le Gouvernement, vous allez refuser !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, au cours du xxe siècle, de nombreux progrès ont été accomplis en faveur des droits des femmes, notamment en Europe et en France. Les femmes ont ainsi obtenu des droits individuels qui leur étaient jusqu'alors refusés, notamment le droit de vote, le droit d'exercer une activité professionnelle sans demander l'autorisation du mari, le droit d'exercer l'autorité parentale à égalité avec le père ou le droit d'accès aux études.

Toutefois, dans les États membres, l'égalité entre les femmes et les hommes est loin d'être atteinte. Dans le domaine du travail, les femmes subissent encore de nombreuses discriminations, tant dans l'accès à l'emploi qu'au plan des rémunérations, des parcours professionnels ou de l'accès aux responsabilités. Pour la plupart des 250 millions d'Européennes, maintenir un équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle est encore un combat permanent.

Ainsi, selon l'Eurobaromètre de mars 2006, 56,3 % des femmes d'Europe ont une activité professionnelle et, parmi elles, 32,6 % travaillent à temps partiel, alors que c'est le cas pour seulement 7,3 % des hommes qui travaillent. En outre, en raison du fameux plafond de verre, seul un tiers des cadres sont des femmes. De manière générale, la pauvreté, la précarité et le chômage touchent davantage les femmes que les hommes.

Les orientations actuellement privilégiées au sein de l'Union européenne en matière de développement économique se caractérisent par une libéralisation toujours plus grande des services publics, une flexibilité et une mobilité croissantes dans l'organisation du travail, qui fragilisent l'ensemble de la société et plus gravement encore les femmes.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice européenne, l'égalité entre femmes et hommes est considérée comme un principe fondamental du droit communautaire, un droit fondamental de la personne humaine, une mission et un objectif de la communauté européenne. Quant à la France, elle défend, depuis la révolution de 1789, l'universalité des droits de l'homme. Je suis donc étonnée par vos propos, madame la secrétaire d'État, car il me semblait que l'égalité des droits entre hommes et femmes était également universelle et que l'application de ce principe ne saurait varier en fonction des sociétés où il s'applique.

De nombreuses directives européennes ont vu le jour, qui concernent l'égalité de traitement dans l'accès à l'emploi, la formation, la promotion professionnelle et les conditions de travail. Cependant, cette action positive de l'Union européenne pour les femmes a connu des limites importantes. En effet, la politique européenne en faveur des femmes relève essentiellement d'une soft law, c'est-à-dire de recommandations, résolutions, programmes d'action, feuilles de route, dont la mise en oeuvre est facultative.

Or, dans certains pays de l'Union européenne, les femmes ont encore de nombreux droits qui ne leur sont pas reconnus. Ainsi, l'IVG reste illégal en Irlande, à Malte en Pologne et à Chypre et se limite aux cas de danger de mort pour la femme au Portugal ; le divorce demeure interdit à Malte. Il est profondément regrettable que les traités européens restent silencieux sur ces questions, qui sont autant de droits fondamentaux pour les femmes.

Par ailleurs, c'est au nom, ou au prétexte, des traités que le travail de nuit a été généralisé pour les femmes, que la majoration pour enfants dans le calcul des retraites a été remise en question. En revanche, l'égalité salariale entre hommes et femmes reste à la traîne, alors que ce principe est inscrit dans la loi depuis plusieurs décennies. En France, selon les derniers chiffres publiés par l'INSEE ces jours-ci, l'écart des salaires entre hommes et femmes est supérieur à 27 % ; dans l'Union, selon les données d'Eurostat, la différence de rémunération entre les hommes et les femmes varie de 15 à 25 %. La France se situe donc au-dessus de la moyenne européenne.

De nombreuses femmes n'ont pas accès, ou difficilement, accès à l'emploi. Ainsi, en Italie, moins d'une femme sur deux travaille. Plus généralement, le travail précaire ou à temps partiel imposé touche en premier les femmes. En 2008, 31,1 % des femmes travaillaient à temps partiel, contre 7,9 % pour les hommes. Cette différence parle d'elle-même.

Cette proposition de résolution vise donc à donner aux institutions européennes les moyens de remédier à ces disparités grâce à l'adoption d'un instrument juridique. Celui-ci permettrait non seulement de faire respecter les droits fondamentaux des femmes, tels que la liberté de disposer de leur corps, mais également de définir des normes effectives de façon à atteindre les objectifs fixés en matière d'égalité professionnelle et politique entre les hommes et les femmes. Actuellement, certains dispositifs économiques élaborés à l'échelon européen sont appliqués dans tous les États membres, auxquels ils imposent des objectifs qui ne sont pas toujours acceptés par les peuples, comme l'augmentation du nombre d'années de travail ou le report de l'âge de départ à la retraite. Il est donc surprenant qu'il ne soit pas possible de fixer des objectifs européens dès lors qu'il s'agit de faire progresser les droits des femmes.

Si les luttes des femmes depuis le début des années 1970 ont permis des avancées, des régressions restent toujours possibles ; nous l'avons vu avec le retour de l'interdiction de l'IVG en Pologne. Il est regrettable que les textes européens n'aient pas garanti le droit au divorce et à l'IVG pour toutes les femmes d'Europe. Mais, en écoutant Mme la rapporteure et Mme la secrétaire d'État, j'ai bien compris que l'IVG posait problème à une partie de l'UMP. Je dois avouer que je ne croyais pas que l'on utiliserait, à la tribune de l'Assemblée, en 2010, l'argument de l'eugénisme et l'exemple de la Chine pour expliquer qu'il est difficile de reconnaître l'IVG comme un objectif d'égalité dans tous les pays d'Europe. Je croyais que nous avions davantage avancé sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Non, cet argument a été avancé par Mme la secrétaire d'État et Mme la rapporteure et il figure dans le rapport de la commission des affaires européennes. L'exemple chinois a bien été évoqué pour expliquer qu'en permettant aux femmes européennes d'avoir accès à l'IVG dans des délais plus longs, on risquait de favoriser l'eugénisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Or, ce qui se passe en Chine, où est appliquée la politique de l'enfant unique, n'a rien à voir avec l'Europe. Pour éviter des régressions, il est important de se doter d'outils ; cette proposition de résolution peut en être un.

Par ailleurs, je salue la proposition de la présidence espagnole d'élaborer un nouveau plan pour la période 2011-2015. L'accent porté sur la question de la violence contre les femmes ne peut que recueillir notre soutien, au moment où notre assemblée se dispose à voter, à l'unanimité, la proposition de loi contre les violences faites aux femmes issue de la mission d'information mise en place à la suite de la pétition en faveur d'une loi-cadre, lancée par le collectif national des droits des femmes.

En conclusion, même si les députés communistes et du parti de gauche n'ont pas la même vision dithyrambique des traités européens que leurs camarades socialistes (Sourires sur les bancs du groupe SRC), le groupe GDR avait déposé, en décembre 2009, une proposition de résolution qui avait le même objectif. Nous voterons donc la proposition de résolution relative à la « clause de l'Européenne la plus favorisée », qui a été défendue par Gisèle Halimi, que je salue pour son combat permanent en faveur des droits des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons une proposition de résolution qui vise à harmoniser les législations européennes en matière de droits des femmes. Aussi permettez-moi de rappeler, dans un premier temps, quelques-unes des avancées qui ont eu lieu au niveau communautaire en matière d'égalité des hommes et des femmes.

Le traité de Rome consacrait déjà, en 1957, l'égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un même travail. Plus récemment, la politique de l'Union Européenne s'est attachée à couvrir d'autres formes de discrimination faisant obstacle à l'égalité des chances, notamment les violences contre les femmes et la participation aux processus de décision.

Le principe d'égalité entre les hommes et les femmes en tant que nouvelle valeur commune à l'ensemble des États membres de l'Union a été introduit par l'article 2 du traité d'Amsterdam, en 1997. Ce principe a conféré une dimension transversale à la promotion de l'égalité entre hommes et femmes, intégrée à toutes les politiques communautaires.

La stratégie communautaire actuelle est fondée à la fois sur l'intégration de la dimension de l'égalité dans toutes les politiques et actions communautaires et sur la définition d'actions spécifiques en faveur des femmes en vue d'éliminer les inégalités persistantes.

La « clause de l'Européenne la plus favorisée », promue dès 1979 par Gisèle Halimi, est une proposition politique destinée à « faire choix dans chaque État membre, du droit des femmes au niveau le plus élevé et à en doter l'Européenne, en un statut unique ». Il s'agit notamment de réaliser des études comparatives et d'en déduire des propositions visant à unifier le statut juridique des femmes européennes, de diffuser les études et les propositions à l'ensemble des pays membres et d'engager des négociations – ce qui demande du temps.

En effet, les auteurs de la présente proposition de résolution nous rappellent qu'en dépit des avancées significatives au plan législatif et sociétal, de nombreuses inégalités persistent. Le Nouveau Centre partage ce constat et souhaite insister sur certains aspects de ces inégalités, auxquels de nombreuses femmes européennes sont confrontées.

Se battre pour l'égalité des hommes et des femmes, c'est tout d'abord, je le rappelle, accepter la différence de la femme…

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

… et, pour cela, obtenir des droits supplémentaires et spécifiques.

Nous devons accentuer nos efforts en ce qui concerne l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle. En effet, il n'est pas acceptable que, pour une majorité de femmes, la grossesse soit pénalisante pour le déroulement de leur carrière. Nous devons donc nous donner les moyens de mieux adapter la période de grossesse au parcours professionnel des femmes. L'Union européenne est confrontée au déclin démographique et au vieillissement de sa population, qui ont des effets négatifs sur le marché de l'emploi. C'est pourquoi il est essentiel de faciliter l'accès aux structures de garde d'enfants, ainsi que l'équilibre entre travail et vie privée. Les mesures incitant les hommes à prendre un congé parental ou un congé partagé doivent également être encouragées.

Par ailleurs, dans le cadre d'une harmonisation des droits des femmes au niveau européen, nous estimons qu'une attention toute particulière et même prioritaire devrait être accordée à la lutte contre les violences faites aux femmes. Ces violences constituent en effet un obstacle majeur à l'égalité entre les femmes et les hommes. Environ 20 à 25 % des femmes de l'Union européenne souffrent de violences physiques et psychiques durant leur vie adulte et elles sont plus de 10 % à être victimes de violences sexuelles. Du reste, une proposition de loi renforçant la protection des victimes ainsi que la prévention et la répression des violences faites aux femmes sera examinée par cette assemblée le 25 février. Sur ce sujet prioritaire, la législation française pourrait faire évoluer la législation européenne, comme elle a pu le faire dans le cadre de la définition pénale du viol.

J'ajoute que les associations nous font part des difficultés particulières que rencontrent les femmes immigrées en situation irrégulière. Leur statut dépend en effet souvent de leur conjoint et le fait de quitter un conjoint violent équivaut, pour elles, à la perte d'un titre de séjour, d'un logement ou de la garde des enfants. Une femme en situation irrégulière qui porte plainte au commissariat contre son conjoint violent est traitée avant tout comme une femme en situation irrégulière et non comme la victime d'un acte violent.

Consacrons-nous pleinement à cet aspect des inégalités afin de rendre effective et efficace cette grande cause nationale 2010 de la lutte contre les violences faites aux femmes.

À cet égard, nous soutenons la proposition de la présidence espagnole de créer un observatoire européen de la violence entre les sexes. Nous soutenons également les conclusions du rapport du Parlement européen, voté le 10 février 2010, sur l'égalité entre les femmes et les hommes au sein de l'Union, qui plaide en faveur de la création d'une base juridique commune afin de lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes, en particulier la traite des femmes.

De plus, les femmes et les hommes sont exposés différemment aux risques pour la santé. La recherche médicale, les statistiques et indicateurs de sécurité et de santé étudient de façon marginale la santé des femmes. Il importe donc de s'intéresser davantage à la santé de la population féminine en prenant également en compte la santé sexuelle et reproductive des femmes – une condition importante pour la maîtrise de leurs corps et, par conséquent, une condition essentielle de l'égalité entre hommes et femmes.

Enfin, le risque de précarité est plus élevé pour les femmes que pour les hommes, car elles risquent d'avoir des carrières interrompues ou de travailler à temps partiel, donc d'accumuler moins de droits individuels à la pension. Les systèmes de protection sociale devraient leur offrir des prestations plus appropriées.

Pour le Nouveau Centre, il est fortement souhaitable de s'inscrire pleinement dans une démarche de convergence des législations européennes. Dans la mesure où cette proposition de résolution va dans le sens d'une harmonisation législative et d'un renforcement des droits des femmes, nous la soutenons. Nous considérons qu'il est opportun de lancer un tel travail d'harmonisation législative dans le cadre de l'année européenne de lutte contre la pauvreté et de l'année de la grande cause nationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette proposition de résolution constitue une bonne opportunité d'améliorer la législation en matière de droit des femmes. Notre débat doit aller dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

La Commission européenne, dans sa pratique de la méthode ouverte de coordination, qui tente de faire converger les politiques nationales pour réaliser certains objectifs communs comme les retraites et la santé, devrait intégrer davantage l'aspect de l'égalité des sexes.

Il est de notre devoir de moderniser et de renforcer la législation nationale en nous inspirant mutuellement au niveau européen, afin de faire avancer nos sociétés vers davantage d'égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de saluer la présence parmi nous de Nicole Ameline, qui a porté durant plusieurs années, avec une grande énergie, la politique du Gouvernement en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, et qui porte aujourd'hui ce même message, extrêmement important, au sein des Nations unies. Sa présence, ainsi que celle de Mme la secrétaire d'État – une battante, elle aussi, comme le prouve son parcours politique – nous aideront à travailler sur cette proposition de résolution.

Comme vous le savez, les inégalités persistent entre les femmes et les hommes, dans notre pays comme chez nos voisins européens – ce constat n'est pas une nouveauté. Ces inégalités persistent surtout sur le marché du travail, où les femmes occupent plus souvent des emplois précaires, sont moins valorisées à des postes de responsabilité que leurs collègues masculins, et sont moins bien rémunérées à qualifications équivalentes. À tous les niveaux de l'entreprise, des emplois non qualifiés aux fonctions d'administrateur, une partie d'entre elles se heurtent à des blocages qui peuvent s'appeler « temps partiel subi » pour les plus précaires, ou « plafond de verre » pour les plus diplômées.

Ces inégalités sont intolérables et donnent une vraie responsabilité au législateur. En effet, pour faire progresser le droit des femmes, il ne suffit pas de légiférer ; si c'était le cas, les six lois sur l'égalité professionnelle votées par le Parlement depuis 1972 seraient effectives et nous ne serions pas là aujourd'hui pour défendre, une fois encore, les droits des femmes ! Il faut élaborer des lois capables de faire évoluer notre schéma culturel, nos cultures d'entreprise, notre perception des femmes.

Dans cette perspective, la présente proposition de résolution, qui rappelle au Gouvernement le chemin qu'il reste à parcourir en matière de droits des femmes, est une bonne initiative : elle invite le gouvernement français, la Commission européenne ainsi que la présidence espagnole à poursuivre leurs efforts en faveur de l'égalité. Comme vous le savez, la présidence espagnole a fait de cette question une priorité en son début de mandat. Lutter contre les discriminations, faire de l'égalité entre les femmes et les hommes une réalité effective, travailler à une meilleure intelligence entre vie familiale et vie professionnelle, valoriser les talents, aider les plus précaires à évoluer, évacuer les violences sexistes, telle est l'ambition que nous devons avoir aujourd'hui. La liste est longue, mais nous sommes tous d'accord pour dire qu'une nation moderne se reconnaît à la place qu'elle donne aux femmes. Je me félicite donc que la présidence espagnole se propose de faire de l'Europe une Union résolument moderne.

Cette proposition de résolution est une bonne initiative pour une autre raison : parce qu'elle accompagne une véritable actualité dans notre pays. À l'initiative de Jean-François Copé,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

… nous avons voté en première lecture une proposition de loi agissant pour une gouvernance mixte, en demandant aux entreprises cotées privées et publiques d'intégrer 40 % de femmes au sein de leurs conseils d'administration d'ici 2016. De plus, nous examinerons la semaine prochaine la proposition de loi sur la prévention et la répression des violences faites aux femmes portée par Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, auxquels je tiens à rendre un hommage très appuyé pour le travail qu'ils ont accompli, pour l'intérêt des débats ayant accompagné l'élaboration de cette proposition, et surtout pour la richesse des propositions et des amendements adoptés. Le travail de nos deux collègues montre la volonté du Parlement et de Gouvernement de travailler sur la problématique des femmes, en particulier les violences faites aux femmes.

L'Europe, dans son processus de construction, n'a jamais oublié les femmes. Le traité de Rome prévoyait déjà une disposition luttant contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. L'actuel article 2 du traité de l'Union européenne rappelle les valeurs de l'Union, à savoir « le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes ». Le traité de Lisbonne renforce la capacité du Conseil à prendre les mesures nécessaires pour combattre toute discrimination fondée sur « le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ». La création, en 2006, de l'Institut européen pour l'égalité entre les femmes et les hommes, témoigne également de l'importance que revêt la lutte contre les discriminations liées au sexe à l'échelle communautaire. Cette proposition de résolution vient encourager les grands chantiers qui s'ouvrent en faveur des droits des femmes.

Si je suis tout à fait favorable à l'esprit de ce texte, j'émettrai quelques réserves sur la méthode. La « clause de l'Européenne la plus favorisée » est une démarche initiée dans les années 1970 par Gisèle Halimi, par le biais de l'association Choisir la cause des femmes. Je connais bien Gisèle Halimi, je respecte et j'admire son engagement en faveur des femmes. Toutefois, je demeure prudente à l'égard d'une formulation qui consisterait à aligner forcément la législation de chaque État membre…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

…à aligner forcément, disais-je, la législation de chaque État membre sur les dispositions les plus avancées qui existent au sein de l'Union, tant en matière de droit du travail que de choix du mode de vie.

Nous devons être conscients du fait que cette clause peut, à un moment donné, finir par constituer un obstacle à l'évolution des législations nationales. Aujourd'hui, le Parlement et le Gouvernement doivent s'emparer de ces législations et faire en sorte que tout ce qui est bon pour l'Europe puisse l'être également pour la législation française.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

C'est le principe de la transposition et de la subsidiarité !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

L'application de la clause risquerait de nous plonger dans une équation à plusieurs inconnues. Son caractère systématique risque d'obliger les États membres à enclencher un processus législatif impactant potentiellement toutes les politiques publiques, parfois au détriment de leur situation particulière. Nous devons être extrêmement prudents sur ce point. On se souvient que le vote de la proposition de loi visant à imposer 40 % de femmes dans les conseils d'administration a été rendu possible par la révision constitutionnelle de juillet 2008 et l'inscription du principe suivant dans l'article 1er : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ».

De plus, la clause risquerait de court-circuiter le fonctionnement des institutions européennes, auxquelles il faut, me semble-t-il, faire confiance. Quand il s'agit de compétences qui relèvent de l'Europe, agir par voie de directives me semble plus approprié : les amendements que j'ai déposés avec Charles de la Verpillière, Guy Geoffroy et Guénhaël Huet vont dans ce sens. Le renforcement du droit des femmes est une question qui doit faire l'objet d'un débat et d'une négociation au niveau communautaire : les arbitrages qui en résulteront pourront donner lieu à de nouvelles directives qui permettront ensuite d'harmoniser les législations parmi les États membres. La présidence espagnole s'est déjà engagée à modifier plusieurs directives existantes dans un sens plus protecteur, ce qui me semble constituer le début d'une démarche très pertinente. Ces amendements visent à encourager un processus d'amélioration et d'harmonisation des législations européennes en faveur de la protection des droits des femmes. Il faut permettre un vrai débat au niveau communautaire pour transposer les mesures les plus favorables aux femmes dans le respect du cadre législatif de chaque État. Le fait qu'une réforme constitutionnelle ait été nécessaire pour le vote de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle montre bien qu'il y a, en la matière, un verrou auquel nous allons devoir nous attaquer.

Il ne faut pas non plus sous-estimer les différentes approches d'un même problème selon les pays : tous les pays d'Europe n'ont pas la même constitution ni le même droit social. C'est pourquoi je souhaite que notre assemblée travaille sur cette proposition de résolution : le Parlement doit s'emparer de cette question.

Je le répète : cette proposition de résolution est une bonne initiative. Nous apportons notre soutien à la présidence espagnole ; nous rappelons à notre Gouvernement combien il est important d'en finir avec les inégalités entre les femmes et les hommes ; nous envoyons un signal à la Commission européenne. Ce signal sera d'autant plus fort que nous trouverons un consensus sur ce texte et que nous le voterons au-delà de toute querelle partisane.

Vivre au sein d'une Union juste, cela vaut bien l'unanimité et je vous remercie tout particulièrement, madame la secrétaire d'État, de porter cette résolution lors de votre rencontre avec vos homologues, les 25 et 26 mars prochains. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Luc Pérat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mesdames les rapporteures, donner le meilleur de l'Europe pour les femmes, c'est un enjeu fort, un enjeu capital, un enjeu d'avenir que nous souhaitons promouvoir et faire avancer aujourd'hui.

L'année 2010 donne comme priorité de la politique nationale de notre pays en matière sociale la lutte contre les violences faites aux femmes. À l'heure où la présidence espagnole de l'Union européenne met la question de l'égalité hommes-femmes au centre de ses priorités, il serait souhaitable que la France profite de cette occasion pour faire un nouveau pas dans le sens de cette égalité.

C'est pourquoi le groupe socialiste, radical et citoyen vous soumet une proposition de résolution visant à promouvoir l'harmonisation des législations européennes applicables en matière de droits des femmes suivant le principe de la « clause de l'Européenne la plus favorisée ». L'adoption de cette clause permettrait notamment à la France de se doter de nouveaux outils juridiques dans la prévention et la lutte contre les violences dont sont encore victimes les femmes dans notre pays.

Violences physiques, psychologiques – privations et contraintes –, agressions sexuelles – viols, mutilations – ou mariages forcés : voilà la réalité ; voilà ce que subissent nombre de femmes victimes de violences conjugales, en France et en Europe. Ces violences touchent tous les milieux sociaux et toutes les tranches d'âge de notre société.

Les chiffres sont terribles et font froid dans le dos. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Ces violences, malheureusement, touchent également les jeunes filles. Dans notre pays, 65 000 filles et fillettes sont menacées de mutilations sexuelles – ou en ont subi –, comme l'excision, pratique pourtant interdite en France par l'article 14 de la loi du 4 avril 2006, même si, par rapport à la « coutume », la législation n'est pas prioritaire pour les auteurs de ces agissements. Voilà l'exemple concret d'un problème qui pourrait être résolu grâce à la clause qui garantirait une meilleure protection des jeunes filles.

L'autre menace qui pèse sur les adolescentes est celle du mariage forcé. D'après le GAMS – groupe femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles et autres pratiques affectant la santé des femmes et des enfants –, près de 70 000 adolescentes seraient menacées de mariage forcé. Cette pratique entraîne des violences psychologiques, physiques et sexuelles à l'encontre de ces femmes qui se retrouvent en grande souffrance et, le plus souvent, isolées. Là aussi, des améliorations peuvent être apportées et les différentes législations européennes pourraient nous y aider.

Un autre phénomène a connu une progression importante : la violence au travail. Aujourd'hui, les femmes subissent de plus en plus d'actes violents sur leur lieu de travail : 17 % se plaignent de pressions psychologiques au travail, 8,5 % d'agressions verbales et 2 % dénoncent des agressions et des harcèlements d'ordre sexuel. Nous avons là un grand chantier à mener s'agissant de la meilleure législation européenne.

La France a conduit de nombreuses actions qui ont permis d'augmenter le nombre de déclarations de femmes victimes de violences conjugales et le nombre de sanctions prononcées à l'égard des agresseurs. Cependant, des sentiments de honte – celle de dire la réalité de leur vie personnelle – et de peur – notamment des représailles – persistent chez une majorité de femmes victimes de violences. Les violences à l'égard des femmes sont encore bel et bien une réalité et un terrible fléau dans notre pays, mais aussi dans l'ensemble des pays européens.

De nouvelles avancées sont possibles en matière de protection des femmes et chaque engagement pour la condition de la femme fera avancer la société tout entière. La proposition de loi sur les violences faites aux femmes, qui sera abordée ici même dans exactement une semaine, sera un signe fort, un signe majeur pour renforcer la protection des victimes, la prévention et la répression. De plus, c'est un message qui traduit une vraie valeur européenne.

Ainsi, par le biais de cette proposition de résolution, la France est invitée à prendre les mesures nécessaires pour permettre l'adoption du principe de la « clause de l'Européenne la plus favorisée », qui est porteuse d'espoir pour toutes les femmes européennes. En effet, même si la loi française peut servir de référence en ce qui concerne la définition pénale du viol, ou encore la possibilité offerte aux associations de se constituer partie civile au côté des victimes, nous pouvons nous inspirer d'autres dispositifs présents en Europe et qui sont plus protecteurs pour les femmes.

Il y a par exemple la législation espagnole contre les violences conjugales. Elle met en avant la prévention, qui commence dès le plus jeune âge, à l'école. Les agents publics sont formés afin de reconnaître les femmes victimes de violence et de les aider au mieux ; elles sont protégées et prises en charge très rapidement par les services de l'État. Il y a encore la législation suédoise, qui définit la prostitution comme une atteinte aux droits de la femme ; les prostituées ont le statut de victimes et sont aidées dans leur réinsertion professionnelle.

Nous invitons donc le Gouvernement à présenter au Parlement un rapport regroupant les dispositions législatives et réglementaires des États membres les plus progressistes à l'égard des femmes. Un projet de loi visant à aligner la législation française sur les dispositions les plus positives, ou à l'en rapprocher, sera incontestablement un acte fort de ce XXIe siècle. La présidence espagnole présente par ailleurs toutes les garanties : elle oeuvrera pour une harmonisation vers le haut, afin de donner aux femmes le meilleur de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, en un peu plus d'un demi-siècle, le statut de la femme dans notre société aura connu des avancées spectaculaires : le droit de vote, la liberté de procréer – avec la contraception et l'interruption volontaire de grossesse –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

…l'autorité parentale partagée, l'accès à l'emploi et surtout à l'éducation. Nous voyons ainsi les filles égaler, et le plus souvent surpasser les garçons à l'université et dans les grandes écoles.

Pourtant, il reste beaucoup à faire dans des domaines tels que l'égalité salariale, l'accès aux responsabilités professionnelles et électives, et plus encore la lutte contre les violences faites aux femmes : viols, abus sexuels, mutilations, harcèlement, violences domestiques sont présents dans notre société.

Si nous sommes unanimes dans cette assemblée à penser, comme Louis Aragon et Jean Ferrat, que « la femme est l'avenir de l'homme » (Sourires.)…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

…et que le combat pour l'égalité doit se poursuivre, notamment au niveau européen, nous divergeons cependant sur les méthodes.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Schématiquement, il y en a trois.

Il y a d'abord l'approche maximaliste. C'est celle qui inspire la « clause de l'Européenne la plus favorisée », consistant à étendre systématiquement à l'Union européenne toute avancée en matière de droits des femmes réalisée dans un État membre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Dès qu'il s'agit des femmes, c'est toujours trop ! On a toujours peur !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Cette idée généreuse se heurte cependant à des difficultés, notamment de définition.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Surtout, elle peut entraîner des blocages, comme on l'a vu lorsque l'on a tenté d'inscrire la « clause de l'Européenne la plus favorisée » à l'agenda européen, lors de la présidence française de l'Union.

Il y a ensuite l'approche partisane et démagogique. C'est bien sûr celle du parti socialiste, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) qui fait en sorte que sa proposition de résolution vienne à l'ordre du jour de notre assemblée un mois avant les élections régionales, avec le secret espoir, mal dissimulé, que les groupes de la majorité présidentielle voteront contre,… (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Venant de vous, de tels procédés ne sont pas étonnants !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Vous n'êtes pas partisan, vous ? Vous faites de la provocation !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

…ce qui ne sera pas le cas !

Notre méthode, ni maximaliste ni partisane, est en effet pragmatique et efficace. Mais je vois que ce que j'ai dit vous gêne ! Vos réactions le montrent et, figurez-vous, me font plaisir ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Mes chers collègues, je vous rappelle que seul M. Charles de La Verpillière a la parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Nous pensons quant à nous que la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre les violences faites aux femmes méritent mieux qu'un feu de paille électoraliste.

C'est une oeuvre de longue haleine, progressive, demandant de l'opiniâtreté,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

C'est toujours de longue haleine avec vous ! Vous trouvez toujours des prétextes pour repousser les mesures d'égalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

…avec des avancées successives, parfois modestes, parfois décisives.

C'est dans cet esprit que, sur l'initiative de Jean-François Copé, nous avons adopté récemment la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous en avons entendu de bonnes à cette occasion, comme en ce moment !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Et l'égalité salariale, c'est pour quand ? Que comptez-vous faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

C'est dans le même esprit que nous voterons pour la proposition de résolution qui nous est soumise, après l'avoir amendée dans le sens qui vous a été indiqué par Mme Marie-Jo Zimmermann.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous avez fait le sale boulot, monsieur de La Verpillière !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Monsieur de La Verpillière, peut-être n'étiez-vous pas présent dans cet hémicycle hier soir. C'est pourtant à ce moment-là que nous avons eu droit à un texte électoraliste, avec le projet de loi sur l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ! Ça, c'était vraiment une loi pour les régionales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Léonard

C'est un engagement du Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Je peux l'attester car j'étais présente avec certains de mes collègues.

En ce qui concerne cette proposition de résolution, le rapprochement avec les élections ne nous est même pas venu à l'esprit car le calendrier est dû au conseil de Valence.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Promouvoir les droits des femmes, c'est faire avancer la société et c'est faire avancer l'Europe.

Telle est notre ambition : donner à l'Europe une image positive. L'Espagne, qui préside l'Union européenne au cours de ce premier semestre, a pour principal objectif de remettre le citoyen au premier plan, particulièrement par la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Aussi a-t-elle convié tous les ministres chargés de l'égalité à un conseil qui se tiendra à Valence les 25 et 26 mars. La tenue de ce conseil est l'unique raison du calendrier retenu ! L'Espagne veut travailler sur une de ses priorités : la consolidation de la politique sociale, en mettant l'accent sur l'égalité des sexes et la lutte contre les violences domestiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Cette initiative, venant de l'Espagne, n'est pas une surprise, puisque M. Zapatero, dès son arrivée au gouvernement, avait pris en faveur des femmes des lois très importantes.

Dans ce domaine, c'est l'Europe, mes chers collègues, qui a souvent donné l'impulsion pour que les États développent l'égalité. Il s'agit vraiment d'un domaine dans lequel l'Europe est très positive. On l'a déjà dit : dès le traité de Rome, en 1957, l'article 119 disposait : « Chaque État membre assure […] l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins ».

Cette égalité a ensuite été sans cesse réaffirmée avec le « protocole social » annexé au traité de Maastricht et le traité d'Amsterdam, mais aussi la Charte sociale européenne et la Charte européenne des droits fondamentaux, le tout complété par quatorze directives. Dans les semaines à venir, l'Union devrait arrêter un nouveau plan quinquennal 2011-2015 sur l'égalité des chances, avec pour objectif d'éliminer toutes les formes de discrimination.

Le conseil européen de novembre 2009 s'est réuni avec pour sujet les politiques sociales et les politiques de l'emploi ; il a souligné dans ses conclusions que l'égalité des sexes va dans le sens du renforcement de la croissance et de l'emploi, et qu'il ne faudrait pas prendre prétexte de la crise pour restreindre les prestations sociales et services sociaux qui sont indispensables à la réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Un rapport voté le 10 février à Strasbourg regrette pour sa part que les projets de relance des différents pays portent principalement sur des emplois où les hommes sont majoritaires.

Nul ne peut contester que cette marche vers l'égalité, en Europe mais aussi en France, demeure un processus encore inachevé et que de profondes inégalités persistent. Les femmes sont parmi les principales victimes des inégalités que la crise a accentuées : inégalités professionnelles, avec les risques de chômage ; inégalités dans les postes de responsabilité, comme on l'avait dit au sujet de la proposition de loi sur les conseils d'administration ; inégalités dans la vie publique, et, sur ce point, la réforme territoriale en cours va assassiner la parité ; inégalités face aux violences, et, à cet égard, une proposition de loi sera discutée dans cette assemblée la semaine prochaine ; inégalités enfin dans la sphère privée, puisque les femmes assument encore 80 % des tâches parentales.

Sur ce sujet, le déséquilibre évolue peu. Cette absence d'égalité dans les couples conduit, pour les femmes, à des ruptures de carrière qui pèsent sur leur salaire et leur retraite. Il y a eu des études et il existe des observatoires. Pourtant, un grand quotidien du soir s'interrogeait hier en ces termes : « L'émancipation des femmes est-elle en train de régresser ? » C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé cette proposition de résolution qui a pour objet de promouvoir l'harmonisation des législations européennes applicables en matière de droits des femmes et de faire progresser la cause des femmes en prenant le meilleur de l'Union.

La Suède, meilleure élève, a notamment pris des mesures très intéressantes en matière de congés parentaux, qui doivent obligatoirement être en partie pris par les pères, et en matière d'exercice de la parentalité. L'articulation entre vie professionnelle et vie familiale s'en trouve améliorée.

Aux Pays-Bas, l'accès à la contraception est gratuit et facilité. L'éducation sexuelle commence tôt, et on peut y voir une corrélation positive avec le taux de grossesses adolescentes, qui est le plus faible d'Europe.

L'Espagne a voté une loi-cadre importante contre les violences faites aux femmes.

C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé cette résolution, et l'a déposée maintenant : ce n'est pas du tout, je le répète, pour des raisons électoralistes…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

…mais parce que le débat au Parlement doit nous permettre d'apprendre quelle est la position du Gouvernement sur ces questions.

Que dira le Gouvernement français à Valence ? Et d'abord, qui portera cette parole : la ministre de la justice, pour parler des violences ? le ministre du travail, pour parler de l'égalité des salaires ? la ministre de la santé, pour parler du droit à disposer de son corps ? le ministre des collectivités, pour parler de la parité ?

En fait, nous ressentons à nouveau le manque cruel, au sein de ce Gouvernement, d'un ministère aux droits des femmes, dont le rôle serait de porter cette préoccupation dans toutes les politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Sans cette volonté constante, sans cette pression continuelle, les femmes sont les oubliées de nombreuses politiques, et les premières touchées par certains textes – je pense à la loi sur le travail du dimanche, dont nous avons débattu sans étude d'impact, alors que nous savions que le travail du dimanche touchait particulièrement les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Depuis 2007, les avancées sur ce sujet n'ont été dues dans cet hémicycle qu'à la Délégation aux droits des femmes ou aux propositions de loi déposées par la gauche. C'est pourquoi nous avons pris cette initiative : doter l'Européenne du statut le plus élevé possible, concilier le respect des différences et affirmer les mêmes droits fondamentaux.

Je citerai à nouveau Victor Hugo : « une moitié de l'espèce humaine est hors de l'égalité, il faut l'y faire entrer, et donner pour contrepoids au droit de l'homme le droit de la femme. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Les inégalités entre les femmes et les hommes sont particulièrement criantes dans la vie professionnelle : ce sera le thème de mon intervention.

Selon l'eurobaromètre du mois de mars 2006, 56 % des 250 millions de femmes européennes exercent une activité professionnelle. Parmi elles, 32,6 % travaillent à temps partiel pour seulement 7,3 % des hommes. Selon Eurostat la différence de rémunération entre les hommes et les femmes varie de 15 % à 25 % – Martine Billard nous rappelait qu'en France, c'est 27 %, ce qui montre la marche à franchir.

Et c'est sans parler de la sous-représentation des femmes dans la vie publique, qui est patente. À ce sujet, les socialistes ont oeuvré pour résorber cette inégalité : aux dernières élections législatives, 49 % des candidats socialistes nouvellement élus étaient des femmes.

Plus généralement, pour remédier à ces inégalités entre les femmes et les hommes, les États membres de l'Union européenne et toutes les institutions européennes se mobilisent en faisant de l'égalité entre les femmes et les hommes l'une de leurs priorités.

Pour s'en convaincre il suffit de se reporter aux différents traités constitutifs de l'Union européenne. Ainsi, à l'article 2 du traité d'Amsterdam de 1997 on peut lire que la Communauté a notamment pour mission de « promouvoir l'égalité des hommes et des femmes » ; l'article 141 du traité sur l'Union européenne vise cet objectif en obligeant les États membres à « l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. »

De manière plus générale, et non pas seulement en ce qui concerne le travail, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, solennellement proclamée à Nice le 7 décembre 2000, traite de la dimension de l'égalité des sexes dans ses articles 21, 23 et 33. Plus précisément, la Charte précise que « l'égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d'emploi, de travail et de rémunération. »

L'ambition des États membres est bien d'assurer concrètement la marche vers une pleine égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle.

La jurisprudence européenne est également attentive à cette question. Il n'est ainsi que de lire l'arrêt rendu le 13 novembre 2008 par la Cour de Justice des communautés européennes, qui a sanctionné l'Italie pour un manquement à ses obligations.

De son côté, la Commission n'hésite plus à lancer des procédures en manquement quant à la transposition des directives sur l'égalité de traitement entre femmes et hommes en matière d'emploi et de travail.

Quant au Parlement européen, il encourage les États membres à promouvoir l'entreprenariat féminin ; il demande également aux États membres et aux partenaires sociaux de favoriser une présence plus équilibrée des femmes et des hommes aux postes à responsabilité des entreprises, de l'administration et des organes politiques et demande par conséquent que des objectifs contraignants soient fixés pour veiller à la représentation égale des femmes et des hommes.

Bref, à Bruxelles, la question de l'égalité des femmes et des hommes mobilise toutes les institutions.

À l'heure où l'Union européenne a manifestement fait de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle l'un de ses chevaux de bataille, il n'est pas pensable que la France n'aille pas dans ce sens et ne participe pas à ce mouvement.

Aussi, refuser de voter notre résolution sur la « clause de l'Européenne la plus favorisée » – visant uniquement, je le répète, à présenter un rapport sur les dispositions les plus progressistes en Europe – apparaîtrait comme un retour en arrière au regard des avancées des autres États membres. Je pense par exemple à la Norvège, qui nous montre le chemin à suivre. Ce faisant, vous allez à rencontre des préconisations du Parlement européen qui invite instamment les États membres à suivre la direction de l'État membre qui oeuvre le mieux pour assurer la pleine effectivité de l'égalité entre hommes et femmes, notamment dans la vie professionnelle.

Refuser de voter cette résolution irait aussi à rebours de l'Espagne qui préside en ce moment l'Union européenne.

Je vous appelle donc à voter cette résolution. Elle n'empêcherait d'ailleurs nullement le Gouvernement de prendre des initiatives – bien au contraire : rappelons-le, le Gouvernement dépend du Parlement et non le contraire.

M. Marcel Rogemont, (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Ce n'est vraiment pas de bon goût !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Mais si, je le dis clairement : c'est bien de cela qu'il s'agit.

Je vous appelle donc, les unes et les autres, à voter selon votre conscience car c'est en votant selon votre conscience que vous remplirez votre rôle de député ! Sinon, vous piétinerez la cause que vous prétendez défendre, vous piétinerez le Parlement, et vous piétinerez même une certaine idée de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Partout dans le monde, aujourd'hui, les femmes sont les premières victimes des violences, des conflits, des souffrances ; et partout dans le monde elles sont aussi les premières forces de progrès et de transformation des sociétés.

Ce constat universel nous oblige, vous l'avez dit, madame la ministre, à agir – à agir à tous les niveaux. Cette résolution politique est une heureuse initiative, à laquelle je suis personnellement favorable car je considère que l'égalité n'est une réalité ni en France, ni en Europe, ni dans le monde – en tout cas pas suffisamment pour que nous en soyons de près ou de loin satisfaits.

Nous devons agir selon trois principes. Le premier, c'est la responsabilité. Nous avons nos principes républicains, mais nous avons aussi souscrit à des obligations internationales. Les pays européens sont aujourd'hui signataires de grands traités internationaux. Je ne citerai qu'une convention internationale : la Convention sur 1'élimination de toutes les formes de discrimination à 1'égard des femmes, qui a fêté ses trente ans l'année dernière. Nous sommes aussi à la veille du quinzième anniversaire de la plate-forme d'action de Pékin, et nous devons réaffirmer à cette occasion la portée que nous donnons au principe de l'égalité, tant en France que dans le monde.

Ce principe de responsabilité est essentiel pour notre Parlement, et c'est bien dans cet esprit que doit s'engager l'harmonisation législative que vous appelez de vos voeux. La responsabilité des parlements est essentielle, car la loi est le premier vecteur de l'égalité et la première traduction de nos obligations nationales et internationales.

La question se pose aussi de l'application de la loi. Et je me permets de dire qu'ici, nous avons la chance de disposer d'une Délégation aux droits des femmes excellemment conduite par Mme Marie-Jo Zimmermann.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Nous devons renforcer l'évaluation des politiques publiques et l'application réelle des lois. Car entre la loi et la réalité, il y a parfois un abîme.

Le second principe d'action, c'est la solidarité européenne. Nous devons créer des synergies nouvelles, aider les nouveaux membres et les candidats à l'adhésion à respecter les obligations européennes. Pour cela, nous devons nous appuyer sur des coopérations renforcées entre les parlements nationaux, et mieux coordonner nos efforts.

Le troisième principe, c'est l'exemplarité. Nous avons dans le monde un devoir d'exemplarité : pour beaucoup de femmes, de Bamako à Buenos Aires, de Kaboul à Sanaa, l'Europe est une référence, et je devrais même dire une espérance. Nous n'avons pas le droit, aujourd'hui, de nous replier sur des égoïsmes nationaux ou sur des subtilités juridiques ou politiques. Nous devons agir pour le reste du monde, et tout faire pour influencer et pour inspirer les sociétés contemporaines.

Il est donc opportun de faire référence à cette idée intelligente de Gisèle Halimi, dont je salue ici l'action et l'engagement, et avec elle toutes les associations et les élus qui ont porté ce projet. La France s'est engagée pendant sa présidence européenne à défendre cette idée : j'y ai été extrêmement sensible. Il est vrai qu'il faut veiller à sa traduction juridique, à éviter tout systématisme, tout alignement mécanique qui n'aurait aucun sens. Il est vrai qu'il faut respecter les États, respecter leurs différences, car c'est aussi cela qui constitue la richesse de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Nous devons donc être très attentifs à ce que chacun apporte sa contribution, mais je souhaite personnellement que nous conservions cet objectif comme une ligne d'horizon, comme une référence pour l'action, et que nous puissions retenir dans cette résolution, quelle qu'en soit la forme, l'idée de « clause de l'Européenne la plus favorisée ».

Je voudrais enfin dire que notre parlement national s'honore par les différentes initiatives prises récemment, qu'il s'agisse de la mission sur le port du voile intégral, de la mission sur les violences familiales, ou encore de la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration, portée par le groupe UMP.

Mais le chemin est encore long et l'urgence est là. Il nous faut être déterminés, engagés : cette résolution est une heureuse initiative, et je souhaite que la discussion qui s'ouvre nous permette d'être unanimes. Ce serait un signal essentiel pour l'Europe et pour le monde, sur un sujet qui doit plus que jamais nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Le projet de « clause de l'Européenne la plus favorisée » est un projet global qui vise à instaurer une égalité réelle entre toutes les citoyennes européennes en prenant le meilleur de chaque législation nationale. Cette ambition rejoint celle des pères de la construction européenne, qui refusaient de réduire l'Europe à un vaste espace économique de libre circulation des marchandises et des capitaux. l'Europe sociale et citoyenne que nous appelons de nos voeux doit permettre à toutes les femmes d'acquérir l'indépendance économique qui garantira leur émancipation et leur liberté ; sa réalisation passe par l'élaboration d'un droit social communautaire harmonisé par le haut afin de réduire les inégalités vécues par les citoyennes de l'Europe.

Les femmes ne bénéficient pas encore de l'égalité réelle des droits, malgré les objectifs de Lisbonne, notamment dans le domaine du travail et de la retraite : l'écart des rémunérations dans l'Union européenne reste, en moyenne, de 15 % entre les hommes et les femmes à travail égal ; le temps partiel est majoritairement féminin et le plus souvent subi ; les femmes sont surreprésentées dans les chiffres du chômage alors que leur taux d'emploi est inférieur celui des hommes ; leurs carrières sont interrompues par les grossesses ou par l'éducation de leurs enfants si bien qu'en France, les femmes cotisent, en moyenne, 11,5 années de moins que les hommes.

Les conséquences de cette situation sont connues : les retraites des femmes dans l'Union européenne sont systématiquement plus faibles que celles des hommes. L'exemple est criant en France : la pension totale des femmes est de 42 % inférieure à celle des hommes, soit un écart de 600 euros par mois.

L'association Choisir la cause des femmes a dressé un panorama des législations concernant le droit du travail et les retraites dans l'Union européenne. Elle a établi que le droit français restait, malgré tout, le modèle européen le plus favorable aux femmes. C'était sans doute vrai jusqu'au 1er mai 2008, c'est-à-dire avant le détricotage des droits sociaux orchestré par le Gouvernement, à l'exemple de la radiation des chômeurs de longue durée dont les femmes seront les premières victimes. Voilà qui ne manque pas de sel à l'heure où le Président de la République a décidé d'ouvrir le chantier de la réforme des retraites. Certaines mesures envisagées portent atteinte d'abord aux pensions des femmes : le recul de l'âge légal du départ à la retraite, l'augmentation du montant et de la durée des cotisations, le développement de la capitalisation, la réduction du montant des pensions, l'alignement sur le système le plus défavorable entre le secteur public et le secteur privé.

Ce projet de résolution de porter dans le débat européen « la clause de l'Européenne la plus favorisée » propose une démarche qui intègre réellement les femmes au marché de l'emploi en s'appuyant sur une égalité réelle entre les hommes et les femmes. Cela nécessite de tout mettre en oeuvre pour développer la formation, l'entrée dans le marché du travail, et pour garantir une prise en charge de la garde des enfants, qui ne devrait plus relever des seules mères, la défense effective de l'égalité salariale, la lutte contre le chômage des femmes, la solidarité dans le régime des retraites par répartition.

Défendre la vision sociale qui était celle des pères fondateurs de l'Europe, c'est le projet de la « clause de l'Européenne la plus favorisée » à travers la défense des droits des femmes. Cette clause garantit aux citoyennes européennes la réalisation complète de leurs droits fondamentaux, en s'appliquant à défendre leurs droits sociaux au plus haut niveau.

Si la France veut montrer son attachement à cette vision humaniste et progressiste pour l'Europe des femmes, le Gouvernement doit saisir ce texte pour l'installer dans le débat européen. La France a les moyens de prendre la main sur cette question. Elle doit profiter du travail qui réunit actuellement le Parlement français et le Bundestag en vue du soixantième anniversaire du traité de l'Élysée et demander que soit inscrit un projet de loi commun aux deux pays. En s'appuyant sur le couple franco-allemand, moteur historique de la construction européenne, la France donnerait l'exemple en rendant applicable dans ces deux pays le meilleur de l'Europe pour les femmes. Plus de 250 millions de femmes comptent sur nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Madame la secrétaire d'État, mesdames les rapporteures, il m'apparaît utile de faire, tout d'abord, quelques rappels élémentaires sur la forme si l'on souhaite que notre assemblée puisse véritablement, d'une part, se prévaloir des nouvelles possibilités que lui donne le Traité de Lisbonne, d'autre part, utiliser, en matière européenne, les instruments introduits par la réforme constitutionnelle.

Si cette proposition de résolution n'a aucune valeur juridique contraignante, elle doit constituer en revanche un appui politique indispensable, y compris au Gouvernement, à tous ceux – Parlement européen, Parlements nationaux et États membres – qui souhaitent faire progresser la cause des femmes. Je n'en doute pas, nous serons nombreux ce matin à montrer notre volonté de progrès et de justice car c'est ainsi que nous démontrerons à nos compatriotes et aux Européens que notre système politique leur garantit un avenir meilleur – ce dont, malheureusement, ils doutent parfois. Aujourd'hui, nous avons une occasion de démontrer que notre action correspond à leur volonté.

L'Europe du Traité de Lisbonne, et celle que nous voulons, est aussi celle qui fait entendre la voix des parlements nationaux, c'est-à-dire la voix des Français et des Françaises. Comment notre assemblée pourrait-elle refuser d'être la première à se saisir de ce principe promouvant les droits les plus favorables aux femmes et de le porter haut sur la scène européenne ? En tant que membre de la commission des affaires européennes, j'ai la ferme volonté, avec tous mes collègues, que notre assemblée prenne toute sa place dans le débat européen, pas simplement en faisant valoir, le cas échéant, nos oppositions, mais également et surtout, chaque fois que possible, en proposant, en impulsant et en nourrissant la dynamique européenne.

Nous avons une chance qu'il faut absolument saisir de faire avancer la cause des femmes avec la présidence espagnole de l'Union qui a mis au rang de ses priorités l'égalité femmes-hommes, en organisant notamment un conseil européen exceptionnel consacré à ce sujet les 25 et 26 mars prochain. Notre assemblée ne doit pas laisser passer cette occasion d'envoyer un signal fort de notre engagement en faveur de l'amélioration de la condition et du droit des femmes.

S'il paraît évident que notre assemblée doit agir sans tarder, il semble qu'il y ait encore, sur le fond, certaines craintes sur la nature et les implications juridiques de ce principe de la « clause de l'Européenne la plus favorisée ». Permettez-moi, chers collègues, de lever ces craintes ou tout du moins d'éclaircir les ambiguïtés qui ont pu apparaître ça et là dans le discours de certains d'entre nous.

Ce que la résolution préconise, c'est la mise en oeuvre du principe de la « clause de l'Européenne la plus favorisée ».

D'abord, cette clause n'est qu'un principe qui n'a, en tant que tel, aucune valeur juridique contraignante. La proposition de résolution ne fait que demander, ni plus ni moins, de promouvoir la création de standards les plus élevés possibles de protection du droit des femmes.

Ensuite, pourquoi doit-elle être européenne ? En matière de lutte contre les discriminations et notamment d'amélioration des droits des femmes, l'impulsion européenne a toujours été déterminante. On sait l'effet d'entraînement que peut avoir l'adoption de standards communs au niveau européen.

Enfin, il faut expliciter les modalités relatives au choix du niveau de protection que sous-tend l'expression « la plus favorisée ». Il faut lever l'ambiguïté et les doutes sur la mise en oeuvre effective et le caractère opérationnel de la clause.

Premièrement, les directives européennes, par définition, lient les États membres « quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». On n'est pas obligé, comme l'avait sous-entendu M. Copé, d'arrêter le délai autorisé pour l'IVG à un nombre de jours égal dans tous les pays de l'Union. Ne créons pas de problème là où il n'y en a pas. Mettons-nous en marche, c'est la bonne méthode pour franchir les obstacles politiques. D'ailleurs, sur ce sujet sensible de l'IVG, le Parlement européen ne vient-il pas d'adopter une recommandation tout à fait novatrice ? Les députés UMP, au Parlement européen, ne l'ont-ils pas votée ? Le rapporteur n'était-il pas pourtant socialiste ?

Deuxièmement, il est important de le souligner, l'Union européenne ne va pas légiférer sur tout. En matière de droit des femmes, c'est aux institutions européennes et nationales, dans le strict respect de la répartition des compétences qui leur sont dévolues, qu'incombe la tâche de mettre en oeuvre ces standards élevés de protection du droit des femmes.

Aujourd'hui, par ce débat et surtout sa conclusion, si elle est positive, la France va prendre toute sa place, une place digne de son histoire en faveur du droit de l'homme. Avec cette défense aujourd'hui du droit des femmes, c'est la France que nous aimons qui s'exprime, celle qui nous rend fiers d'être Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais, à mon tour, exprimer une pensée pour M. Pandraud qui vient de nous quitter, notamment parce qu'il a joué un très grand rôle à la tête de la délégation pour l'Union européenne, à laquelle il a donné un essor très important, et parce que, sur un plan plus personnel, j'avais beaucoup d'amitié pour lui.

L'égalité entre les femmes et les hommes est un sujet européen, comme l'ont souligné les deux rapporteurs de la commission des affaires européennes, Anne Grommerch et Christophe Caresche. Il l'est depuis 1957 avec l'insertion d'une disposition sur l'égalité salariale dans le Traité de Rome. C'était, à l'époque, une évolution majeure. Les apports du Traité d'Amsterdam et du Traité de Lisbonne ont renforcé ce rôle de l'Europe dans la lutte contre toutes les discriminations, notamment celles selon le sexe.

La présidence espagnole, vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, a d'ailleurs fait figurer l'égalité entre les femmes et les hommes parmi les quatre grandes priorités de son programme. Elle a notamment prévu, en mars prochain, une réunion informelle des ministres chargés de l'égalité, ainsi qu'une action spécifique pour la lutte contre la violence à caractère sexiste, avec une stratégie commune qui serait formalisée dans les conclusions communes adoptées par le Conseil Emploi, politique sociale, santé et consommateurs, le 8 mars prochain.

Cette proposition de résolution présente un intérêt essentiel : elle demande de faire mieux pour les femmes sur le plan législatif. C'est un objectif partagé.

Lors du débat en commission des affaires européennes, l'accord a été unanime pour accroître le niveau des droits accordés aux femmes dans les pays de l'Union, en s'inspirant, pour chaque sujet, des droits les plus favorables.

S'il y a communauté d'intentions, la commission des affaires européennes avait émis des réserves sur les modalités et le calendrier pour y parvenir, ce qui l'avait amené à sa position. Ces réserves ont d'ailleurs été quelque peu, me semble-t-il, celles de la commission des lois, même si celle-ci a pris une option différente. Elle a adopté la proposition de résolution, considérant, à juste titre, qu'elle constitue un progrès important. Cela lui a permis de l'amender. Je soutiendrai bien évidemment le texte modifié par les amendements qui ont été proposés par Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes, et quelques-uns de nos collègues.

Ces amendements répondent clairement aux problèmes de rédaction que nous avions relevés lors de nos débats en commission des affaires européennes. Il nous était en effet apparu qu'il fallait être précis sur la portée du texte, pour supprimer les différences d'interprétation qui auraient pu exister sur l'automaticité qui, tout le monde l'a dit ici, n'ont pas lieu d'être. Nous avions également relevé qu'une réflexion, avec l'hypothèse d'une négociation, était déjà engagée.

Ces amendements prévoient une articulation satisfaisante entre le niveau national et le niveau européen, avec notamment la demande d'une étude comparative à l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes qui vient d'être inauguré à Vilnius.

Je voudrais à ce propos vous remercier, madame la secrétaire d'État, de vous être vous-même rendue en Espagne pour soutenir la demande espagnole de faire de l'égalité homme-femme une priorité mais aussi pour observer sur place la politique pratiquée contre les violences faites aux femmes dans le but de vous en inspirer.

Il me semble, au terme des débats, tant dans les commissions qu'ici, que nous sommes d'accord pour aller ensemble vers une harmonisation nécessaire ainsi que pour se donner les moyens d'apprécier les avancées dans les différents pays pour que le Parlement puisse décider en toute souveraineté des propositions à adopter en France car, évidemment, il faut être extrêmement précis sur l'automaticité qui n'a évidemment pas lieu d'être. Je voterai donc, comme j'espère tout le monde ici, cette proposition de résolution amendée, précisée, qui constitue, je le répète, un progrès incontestable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le président, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance de quelques minutes.

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne voudrais pas allonger inutilement nos débats, qui ont pourtant un réel intérêt.

Je souhaite cependant, au nom de la commission des lois, qui a eu à examiner ce texte au fond – elle a encore tenu ce matin une réunion en application de l'article 88 du règlement – rappeler brièvement les étapes de la procédure qui ont pu laisser croire qu'il existait de profondes divergences pouvant entraîner un refus de voter cette proposition de résolution, alors que nous aspirons tous à son adoption. Les votes qui interviendront dans quelques minutes le prouveront d'ailleurs.

La commission des affaires européennes – son président Pierre Lequiller l'a excellemment rappelé – a pris une décision liée davantage à la forme qu'au fond. La commission des lois s'est saisie de ce texte sur la base du rejet de la proposition de résolution par la commission des affaires européennes.

Qu'avons-nous fait en commission des lois ? Nous sommes partis – je ne crois pas être contredit – de l'idée qu'il y avait un réel intérêt à ce que la représentation nationale se saisisse, de la manière la plus consensuelle possible, de ce texte et le conduise, de la même manière, à un niveau acceptable par le haut par l'ensemble de nos collègues.

C'est la raison pour laquelle, alors que la commission des lois aurait pu rejeter le texte à l'instar de ce qui s'est passé en commission des affaires européennes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

…nous avons fait en sorte – et je remercie l'ensemble de nos collègues, sur tous les bancs – qu'il soit adopté en première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a pu ainsi être saisie, au titre de l'article 88 du règlement, d'un certain nombre d'amendements et elle a été en mesure de répondre au souci légitime exprimé par certains collègues. Le texte a donc été adopté, mais après avoir été amendé.

Si la commission des lois avait rejeté ce texte, il serait venu en discussion en séance publique avec un avis négatif et sans amendements. Nous aurions donc dû revenir en séance sur l'avis de la commission des lois avant de le réexaminer en vue de l'adoption d'une version amendée. La méthode que nous avons retenue la semaine dernière en commission des lois était excellente et, au nom de la commission, je souhaite remercier l'ensemble de nos collègues.

Après nous être réunis ce matin, nous avons poursuivi dans l'hémicycle le travail engagé en l'enrichissant de nos échanges. Il me semble – Mme la secrétaire d'État et Mme la rapporteure ne me contrediront pas – que nous allons vers un texte consensuel qui constituera une sorte de feuille de route proposée par l'Assemblée nationale au Gouvernement dans l'optique des importants rendez-vous du mois de mars prochain.

Un certain nombre de points a posé problème, comme l'automaticité. Le texte prévoyait « l'alignement » de notre droit national. Tout le monde a considéré que ce terme était inapproprié.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Oui, vous avez raison, car ce n'est pas possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Grâce aux amendements qui vont être proposés, la notion d'alignement disparaîtra au profit de « l'harmonisation » qui figure du reste dans le titre de la proposition de résolution.

S'agissant de la « clause de l'Européenne la plus favorisée », n'ayons pas peur d'affirmer les choses telles qu'elles sont. Lorsque la France a présidé l'Union européenne, notre pays a mis ce sujet sur la table de la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La France a présenté cette clause comme faisant partie de son histoire collective, de l'histoire du militantisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Le mouvement a été engagé par notre pays et cette clause ne doit pas effrayer. C'est la raison pour laquelle la commission a proposé un amendement qui inclut la référence à cette clause dans la logique et la continuité d'une cause que la France a portée et qu'elle continuera à porter. Nous serons par conséquent amenés à alléger le titre de la proposition de résolution, étant entendu que la référence à la clause de l'Européenne la plus favorisée figurera dans un des considérants.

Quant aux autres amendements, ils avaient toute leur légitimité et nos collègues du groupe SRC ne l'ont pas nié ; nous émettrons un avis favorable. Les sous-amendements nos 5 et 6 à l'amendement de Mme Zimmermann sont le reflet de la volonté générale et donneront toute sa dimension au texte.

Nous avons donc toutes les raisons d'adopter les amendements qui ont été déposés et de voter la proposition de résolution dans des conditions claires et transparentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Nous étions au demeurant peu nombreux à ne pas vouloir l'adopter. Et comme toujours, lorsqu'il s'agit de causes importantes, l'Assemblée nationale sait se montrer unie, et je sais qu'elle le sera à nouveau la semaine prochaine lors de l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre les violences faites aux femmes. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Monique Boulestin, premier orateur inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Boulestin

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « Un jour viendra où () vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne ». Ainsi s'exprimait Victor Hugo lors de son discours sur la paix, le 21 août 1849.

Plus tard, dans un esprit de progrès, s'imposa peu à peu l'idée de la « clause de l'Européenne la plus favorisée » qui nous réunit aujourd'hui.

Cependant, seule une volonté politique peut faire de ce rêve une réalité. Ces préoccupations sont d'ailleurs partagées par le Parlement européen qui vient d'adopter un rapport en ce sens. C'est ainsi que, parmi les pistes retenues pour illustrer cette marche vers l'égalité, figure le partage des responsabilités et du pouvoir de décision.

En effet, malgré les réformes successives et d'évidents progrès, les femmes restent encore minoritaires parmi les élus. Ainsi, pour le Parlement européen, la proportion des femmes est certes passée à 35 % lors des dernières élections européennes, mais nous sommes encore loin de la parité, pour des situations très diverses parmi les États membres.

La représentation nationale, en France, n'accueille que 18,54 % de femmes pour une moyenne européenne de 23,94 %, les parlements du nord de l'Europe avoisinant les 50 %. Par ailleurs, si la loi sur la parité a permis de faire élire près de 48 % de femmes dans les conseils municipaux et régionaux, dans les conseils généraux, les résultats sont encore décevants.

À l'heure des réformes territoriales en cours ou à venir, nous devons donc nous interroger sur le bien-fondé des nouveaux modes de scrutins ou de formation des listes électorales envisagées afin que l'appropriation, par les peuples, de leurs destins collectifs passe par une meilleure représentativité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

La présente proposition de résolution me paraît de nature à apporter un triple bénéfice à notre législation.

Le premier est que le mouvement en faveur de l'égalité réelle des sexes est un mouvement historique qu'il faut accompagner par la loi. Le doyen Carbonnier, un des grands juristes de la Ve République, estimait que le mouvement engagé lors de la Révolution française concernant l'évolution du droit de la famille et la place des femmes avait dans notre pays condamné le statu quo.

Aujourd'hui, c'est encore par la loi que nous souhaitons que s'accomplisse un progrès multiforme, couvrant à la fois les droits personnels et des droits sociaux, réel au sens où il dépasse la seule égalité des chances, et sélectif au sens où la loi correspond à ce qu'il y a de « meilleur ».

Deuxième avantage : choisir ce qu'il y a de meilleur pour les droits des femmes, c'est agir au profit de tous ceux qui sont victimes de discriminations. De plus, en le faisant par le droit, nous réhabilitons notre fonction de législateur.

Enfin, le troisième avantage est que nous appelons l'attention de tous les gouvernements européens sur la nécessité de porter une attention particulière aux droits des femmes dans le domaine de la santé et de la sexualité. Pourquoi insister sur ce point ? Le droit à la contraception est fondamental. Il permet aux femmes d'accéder à l'égalité concrète, en leur offrant la possibilité de s'affranchir de la domination qu'elles subissaient.

Avec le mécanisme de la « clause de l'Européenne la plus favorisée », l'harmonisation des droits dans ce domaine se fera par le haut. C'est dans ce mouvement que les citoyennes et les citoyens peuvent faire l'expérience d'une société meilleure. L'adoption de cette résolution constituera une première étape, en apportant plus de justice et plus de droits aux femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Cette proposition résulte d'un travail collectif et je tiens particulièrement à saluer la contribution de la délégation aux droits des femmes présidée par Mme Marie-Jo Zimmermann. Je me réjouis que nous puissions examiner nos amendements, et que M. Geoffroy ait souhaité leur adoption. Cela effacera les frustrations que nous aurions pu ressentir.

L'amendement n° 7 rappelle que la proposition de résolution s'appuie sur un mouvement de réflexion émanant notamment du mouvement associatif luttant pour le droit des femmes en Europe. Il me semblait important de leur rendre hommage.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

À mon tour, je tiens à saluer le travail accompli par la délégation aux droits des femmes ainsi que sa présidente, Marie-Jo Zimmermann, Nicole Ameline, Yvette Roudy et l'ensemble de la représentation nationale. Nous avons travaillé ensemble au service des femmes de France, et plus largement des femmes de l'Union européenne. Il s'agit d'un message important pour l'ensemble du monde.

De manière plus générale, je voudrais dire mon attachement au travail du Parlement et au respect que nous lui devons. Vous avez été nombreux à vous exprimer sur les violences faites aux femmes. Sachez que j'ai plaidé en faveur d'une proposition de loi et non d'un projet de loi par respect pour le travail parlementaire qui a été accompli, au-delà des clivages politiques traditionnels, ce qui est à l'honneur de la représentation nationale et de l'action publique en général. Je me réjouis donc que le texte consacré aux violences faites aux femmes, qui sera examiné la semaine prochaine, fasse également l'objet d'une proposition de loi, certes amendée par le Gouvernement.

(L'amendement n° 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Après l'alinéa 17, nous proposons d'insérer l'alinéa suivant : « Considérant, compte tenu des traités en vigueur, qu'il appartient également aux États membres de prendre l'initiative d'agir dans les domaines relevant de leur compétence propre en matière d'égalité femmes-hommes ; ».

Il convient de rappeler que les États membres gardent toute l'initiative concernant les domaines pour lesquels ils restent seuls compétents en matière d'égalité femmes-hommes.

La commission a adopté cet amendement.

(L'amendement n° 4 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour soutenir l'amendement n° 2 , qui fait l'objet de deux sous-amendements nos 5 et 6 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

La proposition de résolution est fondée sur l'article 88-4 de la Constitution, et a pour objectif de relancer la politique européenne d'amélioration et d'harmonisation en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.

L'amendement propose d'oeuvrer en ce sens au niveau européen, puis au niveau national.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter les sous-amendements n°s 5 et 6 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 2 .

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

La commission a repoussé nos sous-amendements. Toutefois, par souci de cohérence, M. Geoffroy vient d'inviter notre assemblée à les voter, et je fais de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il s'agit d'un événement historique. Je vous rends hommage, madame Morano : jamais, dans cette législature, le Gouvernement n'avait autant respecté le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il est exceptionnel que le Gouvernement ne demande la réserve d'aucun vote lorsque l'ordre du jour est proposé par le groupe SRC. Il est également historique que des propositions émanant de notre groupe fassent l'unanimité.

Je rends également hommage à M. de La Verpillière, cosignataire de l'amendement n° 2 et dont la position a considérablement évolué entre la discussion générale et l'examen des amendements au point de juger utile le dépôt d'un amendement, lui qui croyait notre proposition de résolution dictée par l'opportunisme à l'approche de l'échéance électorale.

Je fonde désormais tous mes espoirs sur la présentation au Parlement, avant le 31 décembre 2010, du rapport sur l'état du droit français demandé pars l'amendement. Il est rare que le Gouvernement respecte ses engagements lorsque les parlementaires lui demandent un rapport. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Mais j'imagine qu'il le fera cette fois, puisqu'il a témoigné ce matin un immense respect au Parlement par la voix de Mme Morano.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Bravo à tous !

(Les sous-amendements nos 5 et 6 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L'amendement n° 2 , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

À l'unanimité !

En conséquence, l'amendement n° 3 tombe.

(L'article unique, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour soutenir l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Il s'agit d'un amendement de coordination visant à harmoniser le titre de la proposition de résolution et son objet, tel qu'il résulte de l'amendement que nous venons de voter.

(L'amendement n° 1 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

À l'unanimité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Bravo !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de résolution, auront lieu le mardi 23 février, après les questions au Gouvernement.

Titre

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle le débat sur les collectivités territoriales.

L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la parole est à la première oratrice de ce groupe, Mme Marylise Lebranchu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, nous avons souhaité ce débat, espérant que la sérénité qui règne habituellement sur nos discussions le jeudi favorise des échanges plus vrais que ceux qui ont caractérisé ces derniers mois.

En effet, nous avons d'abord assisté à un déferlement d'annonces souvent contradictoires et qui foulaient aux pieds nombre d'intentions et de conclusions exposées dans le rapport Balladur. Puis nous avons eu droit à des innovations fiscales pour le moins improvisées, nous a-t-il semblé, dans le cadre du projet de loi de finances. Enfin, lorsqu'il s'est agi de répondre à la question qui me paraissait primordiale en matière de décentralisation, celle de savoir qui fait quoi dans notre République décentralisée, la majorité présidentielle a prudemment procédé à des reports.

Pourtant, comment se prononcer de manière constructive sur la fiscalité locale quand on ne peut encore débattre des compétences des collectivités ? Comment discuter des calendriers sans connaître les modes de scrutin ? Et comment aborder les modes de scrutin sans connaître les responsabilités que les élus exerceront ? Ces questions sont graves : elles ne concernent pas les collectivités territoriales en marge de la République, mais bien l'organisation territoriale de la République elle-même, du président jusqu'au maire.

Souvenez-vous, monsieur le secrétaire d'État, des chiffres fournis par votre collègue, M. Devedjian : il nous le répétait lui-même il y a peu, les trois quarts de l'investissement public civil sont réalisés par les collectivités territoriales.

Quelle aubaine, au moment de la crise, de pouvoir couvrir le territoire national de panneaux publicitaires ornés d'un nouveau logo qui vante l'action du Gouvernement contre la crise, menée grâce à l'argent des collectivités territoriales ! Quelle aubaine de pouvoir compter sur le stabilisateur macroéconomique que constitue l'investissement public, lorsque l'investissement privé se dérobe !

Nous savons tous ici, comme au ministère des finances, que les résultats de la France, moins mauvais que ceux d'autres pays, sont liés à l'investissement public et au modèle social qui soutient la consommation – même s'il le fait trop faiblement à nos yeux.

Était-ce trop beau de maintenir un peu d'activité, au plus fort de la crise, dans les territoires ? Était-ce trop keynésien pour votre gouvernement et votre majorité, qui, en dépit de leurs discours, restent profondément néo-libéraux ? Vous sous-estimez, à l'évidence, les répercussions macroéconomiques d'une telle fragilisation sur notre pays. Mais vous devrez en répondre.

Grâce à la décentralisation, l'État aura réussi à améliorer considérablement les services publics, pour un coût politique nul. La déconcentration du prélèvement public national aura permis de répartir la responsabilité de la pression fiscale entre plusieurs milliers d'autorités locales, afin d'éviter que le mécontentement ne se concentre au niveau national. « Bien joué ! », dirais-je si la situation n'était pas trop grave pour qu'on en sourie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Le Président de la République affirmait dans son discours de Saint-Dizier que les collectivités ne se délocalisent pas. C'est vrai. Mais les chantiers de tramways, d'aménagements de voirie ou de lignes de TER non plus – sans parler des lignes à grande vitesse ou des universités, puisque votre gouvernement ne parvient pas à les financer seul.

Sans les collectivités territoriales, quel pourrait être aujourd'hui le bilan collectif ? L'État est incapable de poursuivre ces grands chantiers sans les régions, les départements et les agglomérations. La majorité et la ministre concernée parlent presque tous les jours, surtout en période électorale, de la réussite des campus universitaires d'excellence, oubliant que pas un seul chantier n'aurait peut-être été lancé sans l'engagement financier des régions, des agglomérations et de quelques départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Selon le rapport de la Cour des comptes sur la décentralisation, les dépenses des collectivités ont augmenté de 3 % hors transferts.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

En Bretagne, la fiscalité a augmenté de 2,76 euros par foyer fiscal et par an, désendettement et financement de la LGV compris.

Il est donc pour le moins surprenant, voire terrifiant, d'entendre que, dans ce pays si bien administré, que le Gouvernement serait si bien parvenu à remettre à flot grâce à une gestion parfaite de la crise, seule une entité aurait failli : les collectivités territoriales, et en particulier les régions.

Les chiffres démontrent le contraire, et nous remercions la Cour des comptes d'avoir publié cet excellent rapport. Car il est temps, dans cette enceinte, de parler vrai, de parler de la réalité. Qui se plaindrait lorsqu'une région finance la formation professionnelle de personnes qui viennent d'être licenciées et sont prisonnières d'une économie de transition ? Qui se plaindrait de voir les régions, excédant leurs compétences, leur offrir la sécurisation des parcours professionnels ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Qui se plaindra, dans l'ère du post-Copenhague, de voir certaines régions passer alliance avec des départements et des agglomérations pour aller beaucoup plus vite sur les lignes de chemin de fer utilisées pour les trajets domicile-travail et s'engager à faire payer seulement un euro par déplacement ? Il est grand temps, en effet, de se soucier de l'aménagement du territoire des deuxième et troisième couronnes urbaines qui font l'objet de tant de grands discours sur les bancs du Gouvernement et sur les bancs de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Il est temps d'être très clair et très précis : si les collectivités territoriales n'ont plus de ressources, quelles dépenses proposez-vous de diminuer, puisque nous entendons ici ou là que les élus locaux dépenseraient trop ?

Devra-t-il s'agir des dépenses consacrées à la petite enfance ? J'entends pourtant tous les jours la secrétaire d'État chargée de la famille évoquer les progrès à accomplir en matière d'accueil des jeunes enfants pour permettre aux femmes de travailler dans de bonnes conditions. Du reste, qui règle les problèmes de fonctionnement des crèches aujourd'hui ? Pas un seul centime ne provient de l'État…

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

…alors que des aides très importantes sont fournies par les conseils généraux et les communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Vous oubliez la contribution de la CNAF : ce sont des crédits d'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Ce n'est cependant pas un budget de l'État, je vous le rappelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Dans ma région, quand la caisse d'allocations familiales a réduit de 13 % par place de crèche le montant de ses aides, ce sont les collectivités territoriales qui ont dû prendre en charge la différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Et qui finance la nouvelle convention collective ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Vous ne pouvez pas exiger des collectivités territoriales d'être présentes dans tous les services sans leur donner les moyens financiers nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Voilà autant de questions auxquelles il faudra répondre !

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Le budget que l'État consacre aux collectivités est de 97 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Vous nous expliquerez peut-être comment vous avez fait exploser les dépenses de la petite enfance sur tous les territoires. Nous serions ravis d'entendre votre argumentation.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

J'évoquais un chiffre global !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Si vous estimez que les collectivités territoriales dépensent trop, dans quel but, comme le soulignait Henri Emmanuelli, avoir proposé d'avancer d'un an la compensation au titre de la TVA ? On ne peut pas leur reprocher le lundi la gabegie et le mardi leur avancer des fonds pour qu'elles dépensent plus, en l'occurrence pour qu'elles s'engagent dans des dépenses d'investissement public plus rapides.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Ça n'a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

S'agissant du fonctionnement, je souhaite savoir combien de postes ont été nécessaires aux régions et aux départements pour prendre en charge les personnels non enseignants de l'éducation.

Lorsqu'une collectivité passe de 750 à 1 750 salariés en une année, croyez-vous que la gestion des personnels et des carrières se nourrit de l'air du temps ? L'État n'a pas permis que soient transférés aux collectivités les financements nécessaires à la gestion de l'ensemble de ces personnels. Et quand ces personnels réclament d'être un peu mieux payés, d'avoir moins de trajet à faire entre deux établissements scolaires, de bénéficier des mêmes indemnités que leurs collègues, pensez-vous qu'il faille leur opposer un refus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Je voudrais que l'on m'explique pourquoi on demande aux collectivités un accroissement de leurs dépenses pour financer les lignes à grande vitesse, les transports, la petite enfance, la prise en charge des personnes âgées – n'oublions pas à quel point le financement de l'APA a changé depuis sa création –…

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Du temps de M. Jospin !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

…alors qu'elles ne disposent pas des moyens pour y faire face.

Pour conclure, je suis convaincue que le Gouvernement est libéral. Son souhait profond est qu'avec le tarissement de leur financement, les services publics laissent place à des prises en charge par des services privés. Les niches fiscales destinées à encourager les gardes d'enfants le montrent bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Hier soir, une niche fiscale a encore été créée !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Et qui pâtira de ce retrait des services publics ? Ceux-là mêmes qui n'ont aucun intérêt à la multiplication des niches fiscales destinées à soutenir l'emploi à domicile, favoriser l'accès à la culture ou encourager la garde d'enfants car ils n'ont tout simplement pas de revenus suffisants pour payer des impôts.

Il existe aujourd'hui un profond clivage idéologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Nous voulons autre chose, c'est pourquoi nous défendons un modèle social qui a fait ses preuves, fondé sur les services publics, patrimoine de ceux qui ont peu. C'est cela qui fait la force de la France, en particulier en période de crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

M. le secrétaire d'État prendra la parole pour répondre aux orateurs à la fin du débat.

La parole est à M. Marc Dolez.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur les collectivités territoriales n'est pas simplement un débat technique qui n'intéresserait ou ne concernerait que les élus, comme on essaie trop souvent de nous le faire croire. Dans la perspective de la réforme territoriale du Gouvernement, nous pensons au contraire qu'il s'agit d'un débat éminemment politique – probablement l'un des plus importants de la législature – dont les enjeux sont d'une exceptionnelle gravité.

Sous couvert de procéder à des allégements, à des clarifications, à des simplifications, votre réforme des collectivités territoriales, monsieur le secrétaire d'État, s'attaque aux fondements mêmes de l'organisation républicaine de notre pays, une organisation héritée de la Révolution française et de notre histoire démocratique. Il s'agit en fait d'une offensive sans précédent contre le système français de protection collective et de solidarité républicaine.

Le Gouvernement invoque régulièrement le millefeuille administratif, présentation inexacte et trompeuse. Dans notre organisation territoriale, qui comporte essentiellement six niveaux – communes, regroupements de communes, départements, régions, nation, Europe – le triptyque communes-départements-État est historique, comme l'a brillamment démontré Anicet Le Pors dans un article paru au mois de décembre dernier : il structure politiquement le pays tandis que le triptyque regroupements de communes-régions-Europe est à dominante économique.

Le politique devrait prévaloir sur l'économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Mais c'est le choix inverse qu'ont fait le Président de la République et le Gouvernement. Régions et intercommunalités deviennent, avec votre projet, les échelons privilégiés car ils correspondent le mieux à la vision économique libérale, à une mise en concurrence conforme aux dogmes qui guident l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

L'objectif réel de la réforme, comme l'avoue sans détour Nicolas Sarkozy, est « d'adapter notre territoire aux réalités de la mondialisation et de l'économie contemporaine ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Pour notre part, nous défendons l'axe communes-départements-État parce qu'il privilégie le rapport de proximité avec les citoyens et la mise en oeuvre d'un système de solidarité républicaine et collective au plus près des habitants. Il nous semble toujours le plus adapté aux besoins actuels.

Nous nous opposons totalement à l'objectif de réduire le nombre de communes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Ça tombe bien car rien ne change en la matière !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

…lesquelles doivent rester l'échelon de base de l'action publique. Jaurès, qui était aussi un exceptionnel historien de la Révolution française, disait que le principal apport de la Révolution était probablement l'instauration des 44 000 communes démocratiques – il en reste aujourd'hui 36 000 –, instauration qui a « mis en mouvement, en vibration, toutes les cellules, toutes les fibres de l'organisme social ».

Nous sommes pour notre part fermement attachés aux principes constitutionnels de libre administration des communes et de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, desquels découle la notion intangible d'intercommunalité de projet. La loi du 12 juillet 1999 l'avait d'ailleurs clairement affirmé : aux termes de l'article L. 5210-1 du code général des collectivités territoriales, les groupements de communes se fondent sur la « libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ».

Ces principes s'opposent à l'intercommunalité forcée que, quoi qu'il en dise, le Gouvernement veut instituer, conformément aux recommandations du rapport Balladur et aux déclarations mêmes du Président de la République, qui, le 20 octobre 2009, affirmait : « Il y a trop de structures communales, il faut supprimer les syndicats inutiles, réduire le nombre de structures ». Si l'objectif est parfaitement clair, la méthode, elle, est plus insidieuse car nos collectivités territoriales ne peuvent être explicitement supprimées d'un trait de plume.

Sous couvert de renforcement et de généralisation des différentes formes d'intercommunalité et d'interterritorialité, c'est en réalité une nouvelle architecture qui se profile. Vont en effet se côtoyer nos collectivités actuelles, appelées à terme à disparaître puisqu'elles seront transformées en coquille vide et seront asphyxiées financièrement, et de nouvelles institutions, plus intégrées, qui seront les futures collectivités. Comment lire autrement la proposition de créer des communes nouvelles, ne regroupant pas moins de 5 000 habitants, ou de créer des métropoles d'au moins 450 000 habitants, qui entraîneront rapidement et immanquablement une profonde déstabilisation des départements ?

Quatre principes au moins nous semblent caractériser cette machine infernale qu'engendreront les différents textes concourant à la réforme territoriale que vous vous apprêtez à déposer :

D'abord, une régression démocratique avec l'affaiblissement de la démocratie locale et l'éloignement des centres de décision ;

Ensuite, une centralisation que je qualifierai volontiers de féodale, symbolisée par les pouvoirs coercitifs donnés aux préfets en matière d'intercommunalité ;

Par ailleurs, la limitation de l'intervention publique sous l'effet conjoint de la suppression de la clause générale de compétence et de l'assèchement des ressources financières des collectivités territoriales, déjà bien entamé avec la suppression de la taxe professionnelle ;

Enfin, une mise en concurrence exacerbée des territoires qui creusera encore un peu plus les inégalités entre eux.

Cet affaiblissement des compétences et de la démocratie locale ne profite pas pour autant aux administrations déconcentrées de l'État, affaiblies elles aussi par la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui entraîne une réduction des effectifs et des moyens. On ne peut pas analyser votre projet de réforme territoriale sans mettre en parallèle la réforme de l'État déjà engagée avec cette RGPP.

Ce double affaiblissement aura notamment pour conséquence de réduire les services publics relevant soit des collectivités territoriales, soit de l'État. Dans le même temps, il ouvre largement le champ au secteur privé pour occuper les espaces abandonnés par la responsabilité publique.

Toutes ces conséquences dessinent ainsi, non une réforme qui servirait l'intérêt général, mais bien ce que d'aucuns appellent, à juste titre, une contre-révolution au service des grandes puissances économiques. Cette réforme, combinée avec la RGPP, porte en germe la remise en cause du principe fondamental d'égalité républicaine : la destruction de l'égalité des citoyens devant l'impôt et les services publics.

Avant de conclure, et après avoir dénoncé ce que je crois être la philosophie de cette réforme territoriale, j'évoquerai plus particulièrement le mode de scrutin que vous avez retenu pour le moment, pour la désignation des conseillers territoriaux.

Il y aurait, à l'évidence, beaucoup de choses à dire sur l'instauration de ces conseillers territoriaux, sur le mode de scrutin utilisé, qui va combiner un scrutin uninominal majoritaire à un tour avec une pincée de proportionnelle, et sur sa constitutionnalité. Je veux mettre en garde le Gouvernement contre cette idée un peu folle qui consiste à introduire dans notre République le mode de scrutin à un tour qui existe par exemple en Grande-Bretagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Ce mode de scrutin, totalement inédit et étranger à notre tradition républicaine, risque de menacer sérieusement notre pluralisme politique, le multipartisme qui structure la vie politique française depuis près de deux siècles.

Évidemment, ce mode de scrutin n'est pas dénué d'arrière-pensées électorales à court ou moyen terme pour ceux qui le promeuvent. Au-delà, il tend à imposer dans ce pays qui n'en veut pas le bipartisme et à rayer les petits partis politiques de la carte. Notre démocratie ne peut en sortir qu'en lambeaux. Aussi, je demande au Gouvernement de bien réfléchir avant de persister dans cette voie mortifère pour la démocratie et la République.

Monsieur le secrétaire d'État, vous le savez, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont résolument opposés à ce projet de réforme territoriale qui touche aux fondements même de nos institutions, de notre démocratie et de la République. Compte tenu de la gravité de ces attaques, de leurs conséquences pour la République et l'ensemble de nos concitoyens, le mieux serait de retirer le projet. Mais comme je n'ai pas le sentiment que ce soit dans vos intentions, je suggère au Gouvernement de réfléchir au fait qu'il n'y a guère que le peuple qui pourrait décider de ces nouvelles orientations.

Monsieur le secrétaire d'État, organisez un référendum sur cette question et donnez la parole au peuple ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Dolez, chiche ! Mais le résultat de ce référendum populaire, s'il était organisé,...

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Le référendum aura lieu le 21 mars prochain !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le secrétaire d'État, l'Assemblée demande donc un référendum ! On a bien avancé ce matin !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

..pourrait vous surprendre. En effet, toutes les enquêtes d'opinion montrent que les Français souhaitent, à 82 ou 83 %, que l'on remette de l'ordre dans notre lasagne territoriale.

Voilà près d'un an, le comité Balladur pour la réforme des collectivités territoriales, dans lequel siégeait notamment Dominique Perben, remettait au Président de la République des recommandations précises, à la fois audacieuses et réalistes.

Audacieuses elles l'étaient, si l'on en juge par la levée de boucliers que les propositions du comité ont suscitée – j'en veux pour preuve certains propos que nous avons entendus ce matin –, révélatrice des conservatismes de tous bords qui paralysent nombre de nos collectivités territoriales.

Réalistes, ces propositions l'étaient aussi parce qu'elles se tournaient vers une traduction directe en actes et non vers l'enrichissement de la collection de multiples et brillants rapports que ce sujet avait pu inspirer auparavant – des rapports Pisani à Mauroy. Je rappelle à nos collègues de gauche que l'on pourrait tapisser nos bureaux de toutes les solutions apportées depuis des années visant à réformer l'organisation territoriale de notre pays.

Comme l'écrivait excellemment Édouard Balladur en exergue de son rapport : « Il est temps de décider ».

Nous sommes tous d'accord sur le constat : notre organisation territoriale est un imbroglio institutionnel aux logiques obscures qui engendre des coûts inutiles, des lenteurs administratives et au final une inefficacité permanente. Nous aurons beau revoir toutes les politiques publiques, si les structures administratives ne sont pas dans le même temps réformées, l'effort sera vain.

Monsieur Dolez, réjouissons-nous que l'État se réforme enfin parce que ce qui a malheureusement péché dans les actes I et II de la décentralisation, c'est que souvent les collectivités territoriales s'étaient réformées mais pas l'État. Par exemple, le transfert des personnels de l'équipement s'est parfaitement bien déroulé partout en France. Mais, dans le même temps, les services de l'équipement continuaient d'exister, ce qui est aberrant. Disons-le clairement : vive la RGPP.

Franchement, cela n'a rien à voir avec le dogme libéral. Ce matin, on a eu de la chance : personne n'a employé le terme « ultralibéral ». Vous avez faibli dans votre discours, mesdames, messieurs de l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

D'habitude on y a droit, surtout en période de campagne électorale.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'impératif de la réforme tient à la nécessité d'en finir avec la superposition des structures, l'enchevêtrement des compétences et des financements croisés, en clarifiant la gouvernance, les attributions et le financement des collectivités territoriales. On ne peut en effet supporter plus longtemps un système où, par exemple, les intercommunalités et les conseils généraux empiètent constamment sur des domaines qui relèvent des régions comme l'aménagement du territoire, le développement économique, l'action culturelle ou le tourisme. Dois-je rappeler, mes chers collègues, que la compétence économique par exemple est une obligation légale des régions et des intercommunalités, que les conseils généraux sont autorisés à s'en occuper, de même que les chambres consulaires et les guichets des agglomérations ? Or, dans la période de crise que nous traversons, l'intervention publique doit être efficace.

La réforme des collectivités territoriales est un chantier complexe. Du reste, s'il était simple, cela se saurait. Et vous n'auriez pas à le défendre, monsieur le secrétaire d'État. C'est bien parce que le chantier est difficile qu'il n'a pas été entrepris jusqu'à présent. Sans doute aurait-on pu imaginer d'en traiter simultanément tous les aspects.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Juanico, vous aurez la parole tout à l'heure !

Les rois du conservatisme disent d'ailleurs que si cette réforme comporte des aspects positifs, il faudrait la traiter dans son ensemble. Mais, à force de vouloir faire une réforme globale, on ne fait jamais rien. Voilà la réalité !

En tout état de cause, là n'est pas l'essentiel et chacun d'entre nous est en mesure, à travers la méthode de travail proposée par le Gouvernement, d'appréhender désormais la réforme dans toute son ampleur.

J'aborderai les trois aspects de la réforme territoriale qui me paraissent les plus importants : la représentation territoriale, les ressources des collectivités et la répartition des compétences. À travers ces trois aspects, je soulignerai les principes qui nous paraissent, à nous élus du Nouveau Centre, devoir guider la réforme et en garantir le succès.

Premier aspect, qui constitue une innovation majeure : la création des conseillers territoriaux. Un seul vote, le même jour, permettra d'élire des élus d'un type nouveau qui siégeront à la fois au niveau départemental et régional.

Les conséquences de cette réforme se mesureront en termes de légitimité politique, de cohésion et de lisibilité de l'action publique et d'efficacité des politiques territoriales.

En premier lieu, l'institution du conseiller territorial garantit et renforce un principe vital pour la démocratie : le lien entre l'élu et le territoire. Ce lien existe actuellement avec les conseillers généraux – citer Jaurès nous a rajeunis – même si le canton a perdu de sa pertinence et si les citoyens ne cernent pas toujours le rôle de ces élus, du fait notamment de l'enchevêtrement des compétences entre région et département. En revanche, un problème demeure, jusqu'à présent indépassable : qui connaît « ses » élus au conseil régional ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Du reste, je remercie le groupe socialiste d'avoir pris l'initiative d'organiser une enquête d'opinion sur ce point. Le seul que l'on connaisse, grâce à vous, c'est M. Frêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Madame Lebranchu, j'essaie de me mettre au niveau de votre intervention de tout à l'heure !

Ne faut-il pas voir dans ce défaut de proximité une cause du désintérêt des Français pour l'institution régionale, et de leur absentéisme récurrent lors des élections ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Rendez-vous est pris, madame Mazetier ! Nous verrons quel sera le taux de participation.

Les conseillers territoriaux seront davantage connus, donc plus reconnus et plus légitimes.

Un autre apport de la réforme consistera à créer une forme inédite de continuité territoriale et de cohésion des politiques conduites : le conseiller territorial, élu d'une circonscription électorale sur la base des cantons actuels élargis, sera acteur des politiques publiques au plan départemental et régional. Cette nouvelle responsabilité apportera de fait un gage de cohésion de l'action publique puisqu'elle sera conduite par les mêmes élus.

Cette plus grande unité de pilotage entre les échelons départemental et régional conduira tout naturellement à renforcer l'efficacité d'une action aujourd'hui compliquée par les négociations qu'impliquent les financements croisés et l'intervention d'élus différents et de services techniques souvent en concurrence ou en désaccord.

Un mot sur le mode de scrutin. Un système inédit serait mis en place. J'ai pris note de l'évolution gouvernementale sur le sujet par la voix du Premier ministre François Fillon mais aussi du Président de la République qui se sont dit ouverts à la discussion sur ce mode de scrutin, ce dont le groupe du Nouveau Centre se réjouit.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Pour les mêmes raisons que celles exprimées par M. Dolez. Je sais que le parti socialiste est aussi un parti hégémonique…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Demandez aux communistes et aux Verts, ils vous expliqueront très bien cette tendance que l'on retrouve parfois jusqu'au sein de vos propres courants.

Deuxième aspect fondamental de la réforme : les ressources. La suppression de la taxe professionnelle que chacun s'attachait à considérer depuis des années comme un véritable fardeau pour l'investissement constituait une urgence absolue. François Mitterrand ne taxait-il pas avec raison cet impôt d' « imbécile » ? Voici donc une bonne nouvelle mais qui ne prendra tout son sens qu'à condition de respecter deux corollaires, à commencer par la compensation du manque à gagner pour les collectivités…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

…et la répartition du produit de l'impôt sur la valeur ajoutée entre toutes les collectivités et non pas seulement entre les départements et les régions. Devant les légitimes inquiétudes des élus, le Parlement a en effet infléchi le texte du Gouvernement lors de la discussion budgétaire. Nous devrions tous nous réjouir de l'excellent travail du président socialiste de la commission des finances Didier Migaud, de son collègue Jean-Pierre Balligand, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Demandez donc au président Laffineur ce qu'il en pense !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

…de notre rapporteur général du budget Gilles Carrez et de l'ensemble des parlementaires. Nous pouvons être fiers, en particulier dans la majorité, de ce que la copie finale n'a plus rien à voir avec le texte initial. Je salue à cet égard le remarquable travail de M. Marc Laffineur.

L'autre corollaire de la réforme tient à l'affirmation et au respect du principe d'autonomie fiscale des collectivités territoriales. L'autonomie fiscale permet également une véritable responsabilité de la dépense locale sous le contrôle démocratique des citoyens. Rappelons que la responsabilisation des élus locaux, et par là même la mise en oeuvre véritable de la décentralisation, ne peut en aucun cas faire l'économie du principe d'autonomie fiscale.

À ce titre, monsieur le secrétaire d'État, les députés du Nouveau Centre ont une proposition à vous faire. S'il est bien de critiquer, il est encore mieux de proposer : tel est en tout cas notre rôle de parlementaire.

Les députés du Nouveau Centre proposent donc…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

…d'affecter aux départements et aux régions une part de CSG, seul impôt véritablement moderne et juste. Celui-là, vous ne pouvez pas le contester puisque c'est Michel Rocard qui l'a mis en oeuvre.

M. Maurice Leroy, (Mouvements sur les bancs du groupe SRC)

Chers collègues, vous voulez m'interpeller pour me faire part de vos propositions, c'est cela ? Il est vrai que nous n'en avons pas beaucoup entendu jusqu'à présent…

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

C'est que vous n'avez pas lu le document, je peux vous l'offrir si vous le souhaitez.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Avec grand plaisir.

Je disais donc que cette proposition est la seule à même de redonner à ces deux échelons de collectivités l'autonomie fiscale dont les prive la réforme de la taxe professionnelle. Si l'on veut en effet être juste et honnête…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Pas forcément…

Si l'on veut être juste et honnête, reconnaissons qu'après la réforme de la taxe professionnelle, le bloc intercommunalitéscommunes s'en sort objectivement bien. La situation sera en revanche plus difficile pour les départements et les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Voilà pourquoi le Nouveau Centre avance cette proposition sur la CSG.

Dernier point : redéfinir les domaines d'intervention des collectivités pour les rendre plus efficaces. Aujourd'hui, dans de nombreux domaines, les différents niveaux de collectivités interviennent le plus souvent chacun de leur côté sans se concerter. Votre réforme, monsieur le secrétaire d'État, conduira à rationaliser les structures autour de deux blocs : départementsrégions et communesintercommunalités.

Ainsi seront clarifiées les compétences entre les régions et les départements sur le principe de la complémentarité, et la clause de compétence générale laissée aux communes et communautés de communes. Je rappelle à M. Dolez que les communes ne sont pas touchées.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Pour conclure, grâce à cette clarification des compétences, l'esprit de décision prévaudra sur la culture de la négociation et de la concurrence qui domine aujourd'hui et compromet l'efficacité des politiques territoriales. La réforme permettra la complémentarité des missions qui seront confiées aux mêmes femmes et hommes décidant tantôt dans le cadre régional tantôt au niveau départemental.

Annoncer la « cantonalisation » de la région ou l'inverse n'a pas grand sens. C'est d'ailleurs contradictoire puisque ce sont les mêmes qui les dirigent. Sur la base de ces compétences redéfinies, les mêmes élus traiteront de questions différentes et la cohérence d'ensemble des politiques territoriales y gagnera beaucoup.

Mes chers collègues, ne gâchons pas la chance historique qui nous est donnée de moderniser nos institutions : intercommunalités, départements, régions, fiscalité locale. Ne transformons pas ces chantiers essentiels pour la France en entreprise de défense de ce qu'il faut bien appeler des intérêts catégoriels. Nos collectivités ne sont pas des gâteaux qu'il s'agirait de partager entre le maximum de convives tout en préservant sa part. C'est ce genre d'attitude qui entraîne parfois nos concitoyens à désespérer de leurs élus. Soyons à la hauteur des enjeux, sur la base du consensus le plus large. Nos concitoyens attendent cette réforme. C'est notre responsabilité d'élus nationaux et d'élus locaux de la promouvoir et d'oeuvrer à son succès.

M. Maurice Leroy, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Permettez-moi tout d'abord de revenir sur les motivations de cette réforme.

(M. Maurice Leroy remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

En écoutant Mme Lebranchu, je me posais une question : pourquoi tant de personnalités de gauche comme de droite ont-elles appelé à la réforme des collectivités locales, depuis au moins une dizaine d'années, si ce n'est plus ? Je peux vous citer des rapports : le rapport Mauroy, le rapport Warsmann, qui a été approuvé à l'unanimité à la commission des lois de l'Assemblée, le rapport Richard et beaucoup d'autres avant, bien sûr, les travaux de la commission Balladur. On dit qu'il faut simplifier les structures, rationaliser notre organisation territoriale, améliorer son fonctionnement démocratique et réduire les coûts de fonctionnement de notre fonction publique territoriale. Nous le savons, nous devrons consentir des efforts financiers sur les dix prochaines années, au niveau de l'État, des collectivités locales et de notre système social, tout en maintenant une efficacité maximale.

L'on ne peut aujourd'hui, sur cette question, – nous y reviendrons sans doute en mai à propos du texte approuvé au Sénat – faire comme s'il n'était pas nécessaire de réformer. Nous pouvons bien sûr débattre de la nature de cette réforme mais mettons-nous au moins tous d'accord sur le fait qu'il faut bouger, qu'il faut faire quelque chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Essayons ensuite de le faire le mieux possible.

Par ailleurs, la décentralisation, en particulier la grande loi de 1981 et celles qui ont suivi, ont transféré les compétences de l'État vers les collectivités territoriales. Il est clair – et je ne fais le procès de personne – que, depuis ce moment, nous n'avons pas adapté les structures à ces nouvelles compétences. Des pouvoirs nouveaux ont été massivement donnés aux régions, aux départements et aux communes – surtout aux deux premières collectivités d'ailleurs – sans pour autant modifier les structures sauf au niveau de l'intercommunalité grâce aux lois Joxe et Chevènement ainsi qu'aux améliorations que les uns et les autres ont pu apporter.

Il est naturel que, plus de vingt ou trente ans après, nous agissions pour que ces nouvelles compétences transférées puissent être exercées dans les meilleures conditions.

Nous voyons bien à présent – nous ne pouvions pas le deviner au départ –…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

…que, sur le terrain, des concurrences, des compétences s'enchevêtrent. Chacun le sait et toutes les études d'opinion, aussi bien en direction des élus locaux que de l'opinion publique, le confirment.

De quoi traite la réforme en question ? Tout d'abord de l'intercommunalité dans ses différentes dimensions. Sur ce point, nous devrions nous mettre d'accord sur l'ensemble de ces bancs car, je me permets de le rappeler, il s'agit là de prolonger l'action de Pierre Joxe et Jean-Pierre Chevènement. J'ai envie de dire aux députés de gauche : soyez cohérents avec votre passé ! Aidez-nous à renforcer les réformes engagées par vos propres majorités ! Lorsque nous proposons par exemple de donner aux électeurs la possibilité de désigner directement les conseillers communautaires aussi bien dans les communautés de communes que dans les communautés d'agglomérations, les communautés urbaines et j'espère dans les futures métropoles, dites que c'est bien, que c'est un progrès de la démocratie et arrêtez de parler de recentralisation ! C'est une étape très importante que nous devrons réussir même si, bien sûr, nous devrons discuter des conditions dans lesquelles les communes doivent être représentées.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Un débat a déjà eu lieu au Sénat. Je suis pour ma part très ouvert sur ces sujets et je pense qu'à la commission des lois, dans un premier temps, nous pourrons en parler d'une manière constructive.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Autre point sur l'intercommunalité : nous devons faire des schémas. Un véritable risque existe, en termes de mise en oeuvre de la réforme, monsieur le secrétaire d'État. L'on prévoit d'achever l'intercommunalité, il ne faudrait pas que l'on se contente d'apporter des corrections à la marge. Nous devons véritablement entamer un travail de fond et les élus et le préfets doivent, dans les départements, d'une manière très concertée, instaurer une nouvelle carte qui soit valable pour les trente prochaine années. Ce travail ne pourra aboutir sans une confiance réciproque entre les élus et le préfet. De l'ambition de la nouvelle carte dépendra, à mon avis, la réussite ou non de la réforme que vous portez.

S'agissant de l'intercommunalité, réussissons les métropoles ! Je le dis tout net : le texte qui nous arrive du Sénat ne me paraît pas correspondre tout à fait à l'ambition que certains, dont je suis, avaient pour les métropoles. Nous devons proposer un nouveau statut pour les grandes villes de France afin de leur permettre d'assumer leur rôle dans la concurrence internationale, d'attirer les emplois de demain mais aussi pour leur donner les moyens de gérer efficacement les problèmes si difficiles auxquelles elles sont confrontées, en particulier les problèmes sociaux. Nous aurons à retravailler sur ce sujet et j'espère que nous pourrons aboutir à un consensus entre la droite et la gauche pour proposer un statut ambitieux et efficace.

Le deuxième grand sujet est celui du conseiller territorial, du département et de la région. Pour avoir quelque expérience d'élu local, je puis vous dire que nous devons réussir à mettre fin à la concurrence entre les régions et les départements. Il reste beaucoup à faire dans nos territoires, de responsabilités à assumer – raison de plus pour éviter les entrecroisements.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

La région a des tâches stratégiques très importantes à assumer – qu'elle les assume donc, mais elle seule. Le département doit pour sa part assumer des politiques sociales d'accompagnement de nos populations et des politiques de proximité dans le cadre d'un dialogue riche avec les communes et les intercommunalités. Que cessent donc, j'insiste, les entrecroisements de compétences – nous connaissons tous la réalité dans nos circonscriptions.

Nous pourrons ainsi réaliser des économies sur les dépenses globales, clarifier les responsabilités des uns et des autres, simplifier le travail des élus, des services et des partenaires de ces collectivités, cela, au bénéfice de chacun.

Je n'ai pas l'intention d'anticiper la discussion sur la question du mode de scrutin du conseiller territorial ; reste que j'ai particulièrement apprécié que le Gouvernement et le Président de la République ne considèrent pas comme intangible la proposition du secrétaire d'État aux collectivités territoriales. Les différentes forces politiques devront réfléchir à cette question délicate : le mode de scrutin déterminant souvent les conditions de fonctionnement des institutions, nous devons nous montrer prudents.

Il paraît important, pour conclure, de répondre – notre collègue Leroy l'a dit – à l'attente de nos concitoyens qui ont bien compris que les vingt prochaines années seraient bien différentes des vingt écoulées en matière de disponibilité financière pour l'ensemble des collectivités publiques. Sortons de l'éternel débat – au fond sans guère d'intérêt – sur le fait de savoir si l'État a fait son travail et les collectivités locales le leur…

Il est certain que la recette publique, d'une manière générale, et celle des régimes sociaux en particulier, sera encadrée par un système très contraint dans les vingt prochaines années. Comme l'État a heureusement commencé à le faire, cette ressource rare doit être utilisée de la meilleure façon et tous les efforts d'organisation et de meilleure productivité doivent être réalisés. C'est aussi le sens de cette réforme et c'est aussi sur ce point que nos concitoyens nous attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Monsieur le secrétaire d'État, ce débat m'amène à évoquer les finances départementales.

Dans son rapport sur les finances des collectivités territoriales de juillet 2009 l'Observatoire des finances locales titrait : « Des départements très exposés. » Je me contenterai de ne vous citer que la synthèse du rapport :

« La crise économique a des répercussions particulièrement importantes sur les finances des départements. En effet, la récession peut entraîner une hausse des dépenses sociales, qui représentent la moitié des dépenses des départements. En outre, ceux-ci disposent de recettes vulnérables notamment en ce qui concerne les droits de mutation qui se sont effondrés. En compensation des charges transférées, les départements perçoivent des recettes de fiscalité indirecte. La taxe intérieure sur les produits pétroliers qui, sensible aux volumes de produits consommés et à l'évolution des modes de consommation, bénéficie d'un très faible dynamisme.

« Les dépenses de ces mêmes départements sont croissantes et constituent des charges durables : l'APA, la PCH dont la montée en charge du dispositif est encore en cours. Enfin, la hausse du chômage fait craindre une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA socle.

« En quelques années, sous l'effet croisé de la hausse des charges de fonctionnement et du faible dynamisme des recettes, la capacité d'autofinancement dégagée par les départements est en forte baisse. Les hausses d'impôts ont seulement atténué cette diminution de l'excédent de fonctionnement. »

Monsieur le secrétaire d'État, tous ces éléments étant en votre possession depuis de nombreux mois, quelle est la réponse du Gouvernement à cette situation qui aura des conséquences inévitables sur les habitants et sur les investissements dans nos territoires ?

Aucune réponse tangible pour l'instant, si ce n'est depuis des mois la stigmatisation des dépenses des collectivités territoriales. Par ailleurs, après avoir demandé de dépenser moins vous invitez les collectivités locales à participer plus aux dépenses de l'État – contrats de projets État-régions sur les universités, plans de développement et de modernisation des infrastructures sur les routes nationales, liaisons à grande vitesse, Marylise Lebranchu les a évoquées.

J'aborderai trois sujets : les transferts de charges, la péréquation et la réforme fiscale.

En ce qui concerne les transferts de charges, ce sujet pollue les relations entre l'État et les collectivités locales. En effet, les élus locaux reprochent à l'État de ne cesser de leur transférer de nouvelles charges tandis que le Gouvernement rétorque qu'il y a eu une juste compensation des charges transférées.

Il faudra bien sortir de cette vaine polémique comme le Premier ministre l'a lui-même affirmé dans un entretien accordé au Figaro le 31 janvier dernier : « J'ai été élu local, j'ai moi-même dit que c'était la faute de l'État. Alors aujourd'hui, on ne me la fait pas ! »

Président de la commission consultative de l'évaluation des charges, j'ai pu constater qu'en application de l'article 72-2 de la Constitution, « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Il n'en reste pas moins vrai que les dépenses obligatoires constituent une réalité ! Et qu'en matière de prestations sociales, les recettes transférées ne permettent plus la couverture des dépenses obligatoires.

En ce qui concerne l'APA, le taux de couverture par la commission nationale de solidarité à l'autonomie, est de 28 % alors qu'il devait être de 50 % comme annoncé au moment de la mise en oeuvre de la prestation. Pour le département du Tarn, que je connais bien, le différentiel était de l'ordre de 7 millions d'euros pour 2009. Qu'en est-il du cinquième risque devant permettre le financement de la dépendance, maintes fois annoncé par le Président de la République et à nouveau différé ?

Pour ce qui est des autres transferts, le différentiel entre les recettes et les dépenses s'établit pour ce même département à 9 millions d'euros pour 2009. Je précise que ces montants ont été arrêtés par une commission pluraliste du conseil général.

Le dernier exemple concerne le transfert de l'allocation pour les personnes isolées. Pour la moitié de l'année 2009, la somme notifiée par l'État pour le Tarn était de 1,6 million d'euros alors que la dépense s'établit à 3,1 millions d'euros – il manque donc, là encore, 1,5 million d'euros. Il s'agit bien sûr d'une avance puisqu'il y aura compensation ultérieure… Mais le montant atteindra en 2010 le double de celui de 2009 – il convient de présenter des budgets équilibrés.

Je n'évoque pas la mise en oeuvre des lois de 2007 relatives à la protection des majeurs et de l'enfance qui viennent de défrayer la chronique par manque de financement alors que la loi prévoyait 30 millions d'euros à répartir entre les départements.

Les magistrats de la Cour des comptes ont fait le même constat dans leur rapport rendu public le 29 octobre 2009 : « Les modes de compensation par l'État des transferts de compétences ont été très fluctuants (...). Les collectivités territoriales ont eu le sentiment de perdre la maîtrise de leur équilibre financier, confrontées qu'elles étaient au transfert de charges particulièrement dynamiques et à la part croissante dans leurs ressources des dotations de l'État sur lesquelles elles n'avaient aucune maîtrise. »

Ainsi, le différentiel pour les trois prestations sociales que sont l'APA, la PCH, le RMI au titre de 2008 s'élève à près de 3,8 milliards d'euros selon les éléments que nous avons comptabilisés au sein de l'Association des départements de France.

Pour le Tarn, en 2009, il a fallu dégager près de 17,8 millions d'euros. Je précise que le point de pression fiscale s'élève à 1,3 million d'euros. En dépit de l'augmentation de 6,3 % des impôts locaux – quand la moyenne nationale d'augmentation de la pression fiscale des départements a été de 6,1 % –, il a bien fallu réaliser des économies pour exécuter le budget.

Il conviendrait donc que l'on ait un vrai débat sur ce sujet avec le Gouvernement, la conférence des exécutifs n'ayant en rien amélioré le dialogue, et ce n'est pas en demandant aux collectivités locales de contribuer à la diminution des déficits que l'on améliorera les relations alors que celles-ci sont dans l'obligation de voter des budgets équilibrés.

Pour ce qui concerne la péréquation, l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution précise que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les territoires ». Cette disposition a été ajoutée après l'acte II de la décentralisation. Déjà, MM. François-Poncet et Bellot au Sénat, dans un rapport, en octobre 2003, intitulé : La péréquation interdépartementale : vers une nouvelle égalité territoriale, écrivaient : « Les collectivités sont loin de disposer de moyens équivalents pour mettre en oeuvre les compétences que l'État leur transfère dans le cadre de la décentralisation, d'où le risque que celle-ci accroisse les inégalités de développement entre collectivités, l'argent des unes leur permettant de faire pleinement usage de leurs nouvelles compétences pendant que les autres peinent à les utiliser, impliquant une inégalité entre les territoires. »

La réforme de la DGF en 2005 pour les départements a créé deux dotations de péréquation : la dotation de péréquation urbaine – 560 millions d'euros en 2010 – et la dotation de fonctionnement minimale – 794,3 millions d'euros en 2010 sur 12 milliards d'euros de DGF mis en répartition en 2010. Ces dotations réparties à enveloppe fermée ne règlent aucune disparité puisque les sommes non affectées en dotations de base vont à la péréquation et provoquent des baisses de dotation globale contraires au principe même de péréquation souhaité.

La dotation de base étant la même par habitant, que l'on vive dans les Hauts-de-Seine ou en Lozère – 70 euros par habitant en 2005 pour 74,02 euros en 2010, soit, en cinq ans, une augmentation de 5,7 %. Quand allez-vous appliquer une vraie péréquation ? Je rappelle que jusqu'en 2008 tous les départements bénéficiaient de la péréquation, qu'il s'agisse de la dotation de péréquation urbaine ou de la dotation de fonctionnement minimale. Il a fallu attendre cette date pour sortir du dispositif les départements des Hauts-de-Seine et de Paris, encore ce processus n'est-il pas encore achevé.

Une mission de diagnostic et de proposition sur les finances des départements vient d'être confiée à Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône. J'observe toutefois que de nombreux rapports existent, qu'un mémorandum a été remis par l'Association des départements de France au Premier ministre sur la situation des départements. Il y a urgence à agir, faute de quoi de nombreux budgets des départements vont être soumis à la tutelle des chambres régionales des comptes, étant donné l'incapacité où se trouvent des départements d'assumer les politiques de solidarité votées par le Parlement.

J'en viens, enfin, à la réforme de la fiscalité locale. Laissez-moi dire un mot seulement sur la réforme de la taxe professionnelle. Les simulations disponibles sur le site du ministère des comptes publics le 1er janvier 2010 et l'examen des valeurs locatives 2008 m'ont permis de constater que, sur les huit départements de la région Midi-Pyrénées, tous vont bénéficier, après réforme, du fonds national de garantie individuelle des ressources – y compris la Haute-Garonne, département le plus industrialisé.

Le département des Hauts-de-Seine, quant à lui, serait contributeur à hauteur de près de 200 millions d'euros. La réforme portant les ressources de ce département de 606 millions d'euros à 800 millions d'euros. Vous conviendrez de ce que les clauses de revoyure sont indispensables, sans quoi les inégalités vont aller en s'accroissant, alors que le Sénat vient de rappeler que « le département doit continuer à être identifié comme le lieu des politiques publiques de proximité et être confirmé comme le garant des solidarités sociales et territoriales. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du débat sur les collectivités territoriales ;

Débat sur l'application du droit au logement opposable.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma