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Commission des affaires économiques

Séance du 17 février 2010 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • l'urbanisme commercial
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La séance

Source

La commission a examiné le rapport sur l'application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (MM. Patrick Ollier et Jean Gaubert, rapporteurs).

PermalienPhoto de Serge Poignant

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la présente réunion est consacrée, en vertu de l'article 145 alinéa 7 du règlement de l'Assemblée nationale relatif au contrôle de l'application de la loi, à la présentation du rapport relatif à l'application de la LME (loi de modernisation de l'économie). Ce rapport a été préparé par deux co-rapporteurs, Jean-Paul Charié, qui nous a malheureusement quittés, et Jean Gaubert ; même si je laisserai Patrick Ollier, qui lui succède en qualité de co-rapporteur, dire quelques mots sur Jean-Paul, je pense pouvoir parler au nom de tous en disant que nous avons tous aujourd'hui une pensée pour lui.

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Mesdames et messieurs, chers collègues, nous ne pouvons commencer l'examen de ce rapport d'application de la LME sans en effet évoquer avec affection et tristesse le souvenir de Jean-Paul Charié qui a joué un rôle éminent pour la mise en oeuvre de la LME mais aussi au sein de la commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC), où Catherine Vautrin l'a aujourd'hui remplacé, ou dans d'autres domaines, notamment celui de l'urbanisme commercial. Il a été un rapporteur courageux et infatigable, un fervent défenseur des PME, de l'économie de proximité et de l'artisanat, tout en démontrant qu'il était également un fin connaisseur des relations existant entre les secteurs de l'industrie, du commerce et de la grande distribution. C'était un homme politique de conviction et de dialogue qui oeuvrait sans cesse à rapprocher les points de vue. Je le remplace aujourd'hui mais, comme vous tous, je ne l'oublie naturellement pas.

Dans le cadre de mes fonctions de président de la commission des affaires économiques, j'ai été le premier à lancer la procédure de contrôle de l'application des lois : nous l'avons ainsi fait pour la première fois en janvier 2008 sur la mise en application de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, Jean Gaubert ayant été à cette occasion co-rapporteur avec notre collègue Antoine Herth. Cette pratique, désormais inscrite dans le règlement de notre assemblée, vise à permettre aux parlementaires, après l'avoir votée, de vérifier que la loi a bien été appliquée tant dans son esprit que dans sa lettre. Un rapport d'exécution de la loi, ce n'est pas un rapport de plus mais un travail effectué en toute transparence et en toute indépendance par un député de la majorité et un député de l'opposition qui se traduit par de véritables investigations effectuées sur pièces et sur place. Je dois avouer que ce rapport a été fait sans concession.

Je laisserai dans un instant Jean Gaubert vous présenter en détail ce rapport mais je tiens à dire quelques mots sur trois sujets importants abordés dans ce document : les marges arrière, les délais de paiement et l'urbanisme commercial.

Sur les marges arrière, on a observé une réelle diminution qui s'échelonne entre 30 et 10 % : de ce point de vue, l'objectif de la loi a été atteint. Est-on pour autant allé jusqu'au bout ? Si on a mis un coup d'arrêt à une évolution qui était inacceptable, on peut néanmoins mieux faire. Sur les prix, les résultats sont très mitigés. Sur les pratiques commerciales, des abus persistent et doivent être dénoncés : on constate ainsi des pénalités abusives qui explosent, une renégociation des contrats à peine conclus… Un satisfecit doit néanmoins être adressé au Gouvernement : en effet, si neuf grandes enseignes ont été assignées devant les tribunaux à raison de leurs pratiques commerciales, c'est le résultat direct du vote de cette loi. Ces procédures montrent également qu'on est bien décidé à ne pas laisser les choses se faire et qu'on sera attentif à l'avenir.

Sur les délais de paiement, il existe là aussi incontestablement des progrès : on constate une baisse moyenne de onze jours des délais de paiement. Pour autant, il existe encore trop souvent des accords dérogatoires : je ne suis pas certain qu'il faille en accepter autant. On observe également un développement des pratiques abusives et de contournement de la loi (dépôt vente, pratique consistant à faire supporter le coût financier du stock au fournisseur…). Des constats ont été faits à ce sujet et on va réfléchir à la manière dont on peut les faire diminuer à l'avenir.

En revanche, sur l'urbanisme commercial, le bilan est beaucoup plus mitigé. Pendant la période transitoire, le bilan est incontestablement mauvais. Même si nous n'avons pas tous les éléments chiffrés et fiables sur les conséquences de la fameuse circulaire Martin que notre commission a fait rapporter dès qu'elle en a eu connaissance, le bilan n'est pas bon à l'évidence. Quant au nouveau régime, il est marqué par un certain empirisme et par des résultats incertains. C'est la raison pour laquelle notre commission a décidé d'avancer. En effet, le Gouvernement s'était engagé auprès de nous pour intégrer l'urbanisme commercial dans le code de l'urbanisme dans les six mois suivant le vote de la loi. Or, aujourd'hui, on n'a toujours pas de réponse de sa part alors même que le délai de six mois est largement dépassé. Notre commission a donc décidé de travailler sur ce sujet afin que l'urbanisme commercial soit un sujet traité et réglé avant l'été : nous allons mener une réflexion qui se traduira par une proposition de loi de la commission qui sera prochainement déposée.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

Mes chers collègues, je tiens également, comme l'ont fait avant moi les présidents Poignant et Ollier, à rendre hommage à Jean-Paul Charié. J'ai travaillé avec lui depuis quelques années car nous avions les mêmes thèmes de prédilection : c'est une personne que j'ai appris à connaître, très différente de l'image qu'elle pouvait donner au premier abord. Ainsi, s'il semblait dur a priori, ce n'était qu'une apparence. Humaniste, rigoureux, passionné, parfois angélique, je dois dire que j'ai commencé à travailler avec un collègue et que je crois avoir fini de travailler avec un ami.

Je tiens à dire, en préambule, que cette loi a été votée : même si je n'ai pas voté en sa faveur, c'est aujourd'hui une loi de la République et on doit tous faire en sorte qu'elle soit pleinement mise en oeuvre et appliquée. Il convient notamment de vérifier si les décrets annoncés ont été pris, si les griefs reprochés existent toujours, si des lacunes existent... C'est dans ce cadre que j'ai travaillé avec Jean-Paul Charié mais nous avons pu constater à cette occasion que l'imagination du législateur était fréquemment dépassée par l'imagination de ceux qui doivent en principe être les premiers à respecter les textes votés.

Dans notre mission de contrôle et d'évaluation de la loi, nous avons privilégié certains axes de réflexion : l'urbanisme commercial, la réforme des relations commerciales et les délais de paiement.

Mais avant d'en venir à ces thèmes, je souhaiterais vous livrer quelques éléments quantitatifs sur la mise en oeuvre des mesures d'application de cette loi.

Sur les 175 articles de la loi, 111 étaient d'application immédiate et 57 requéraient des mesures d'application, Mme Christine Lagarde s'étant engagée à ce que ces décrets interviennent dans les six mois suivant la publication de la LME.

Six mois après la publication de la loi, 26 articles avaient fait l'objet de toutes les mesures d'application prévues par le texte et 6 articles faisaient l'objet de mesures d'application partielle. Il faut toutefois tempérer ce bilan quantitatif décevant par le constat que les décrets d'application de certaines des mesures essentielles du texte ont été publiés par la suite, de sorte que l'engagement souscrit par Mme Lagarde a pu être respecté : je mentionnerai notamment la création d'un statut d'auto-entrepreneur, la réforme du régime des équipements commerciaux, l'équipement des immeubles pour le haut débit. En outre, de nombreux décrets concernant des dispositifs importants sont parus sept mois après la publication de la loi.

Le bilan est plus nuancé s'agissant notamment de l'application de la neutralisation de l'impact financier du franchissement des seuils sociaux prévue par l'article 48, de la délivrance de carte de résident pour contribution économique exceptionnelle introduite par l'article 124 ou bien encore du rescrit en matière de crédit d'impôt recherche. Les décrets ont été publiés respectivement en juillet, septembre et août 2009, ce qui constitue un retard d'autant plus difficile à justifier qu'il s'agissait de mesures prévues dès le projet de loi initial.

Enfin, certains « abcès de fixation » demeurent, alors qu'on se situe plus d'un an après la publication de la loi : fin octobre 2009, 4 articles dont 3 d'origine parlementaire n'avaient toujours pas reçu de mesure d'application ; 5 articles avaient reçu des mesures d'application incomplètes, notamment ceux relatifs à la généralisation du rescrit fiscal et au guichet unique pour l'exercice des activités de service, articles également d'initiative parlementaire. On peut comprendre que l'élaboration des textes d'application de mesures d'initiative parlementaire exige davantage de temps que celui nécessaire à l'élaboration des mesures d'origine Gouvernementale. Pour autant cela ne doit pas constituer un prétexte pour ne pas appliquer des dispositions qui, pour avoir été parfois adoptées contre l'avis du Gouvernement, n'en sont pas moins légitimes ! D'après les informations que nous a communiquées le Gouvernement, ces abcès sont en voie de résorption, même si certaines mesures sont renvoyées à 2012, comme celle permettant la mise en oeuvre de l'obligation pour l'État d'accepter des factures dématérialisées.

Plus inexplicable en revanche est le retard pris pour l'application de certaines mesures phares du texte, qui figuraient pourtant dans le projet de loi initial, comme celles relatives à la mise en oeuvre de la réforme de la distribution du livret A. Le problème du contrôle et de la lutte contre la multidétention, qui coûte très cher à l'État et aux finances sociales, n'est toujours pas réglé. Le Gouvernement y travaille, mettant en oeuvre un contrôle a posteriori de déclarations sur l'honneur, mais ce n'est pas satisfaisant et des discussions sont actuellement en cours dans le cadre d'un groupe de travail regroupant l'administration et les principales banques en vue de mettre en place un contrôle a priori. On peut se féliciter que le Gouvernement manifeste sa volonté de prendre le problème à bras le corps mais, dans le même temps, on peut regretter malgré tout qu'il faille attendre plus de deux ans, si le calendrier indiqué par le Gouvernement devait être respecté, pour qu'une disposition qu'il a lui-même proposée puisse enfin recevoir des mesures d'application.

Pour en venir au fonds du texte, j'aborderai dans un premier temps la question de l'urbanisme commercial, en distinguant le bilan de la période transitoire et celui du « régime de croisière ». La période transitoire a été chaotique. Nous nous souvenons tous de l'imbroglio causé par une circulaire de feu la DECASPL (direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales), dont nous avons pu obtenir le retrait rapide grâce à l'intervention du président Ollier. S'agissant de l'évaluation du nombre de m2 ouverts sans autorisation, nous disposons de quelques éléments. La préfecture du Finistère a indiqué avoir reçu 95 déclarations d'intention de création ou d'extension de surfaces commerciales, soit une surface globale de 57 000 m². La préfecture du Nord a reçu 80 dossiers, déclarations d'intention ou déclaration d'ouverture d'extension, soit 80 000 m², c'est-à-dire l'équivalent d'un an d'activité de la CDEC. Ces déclarations concernaient principalement les secteurs du bricolage, du jardinage et des centres automobiles. De plus, l'enseigne Leroy Merlin nous a indiqué avoir eu vent de la circulaire du 28 août 2008 et avoir demandé confirmation auprès du ministère de l'économie de l'interprétation donnée des règles applicables à la période transitoire. Une fois cette confirmation obtenue, la quasi-totalité des magasins de l'enseigne (70 ou 80 sur une centaine) ont réalisé des extensions de 999 m² et certains magasins en ont même réalisées plusieurs.

Des demandes de régularisation ont été déposées là où l'enseigne avait le sentiment que les responsables politiques contestaient cette démarche.

La plupart du temps, ces extensions étaient réalisées par l'ouverture de locaux jusque là utilisés comme réserve, afin de n'avoir pas à solliciter de permis de construire et donc ne pas être susceptibles de faire l'objet de la procédure dérogatoire prévue pour les communes de moins de 20 000 habitants.

Par ailleurs, dans un courrier adressé le 14 mai 2009 au Président Patrick Ollier, le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, M. Luc Chatel, indiquait fort justement que « la réalité de surfaces de vente nouvelles ouvertes en 2008, y compris celles qui l'ont été sur le fondement de la circulaire du 28 août, pourra être connue dans le détail lorsque les établissements auront déclaré les surfaces correspondantes à l'organisme gérant le régime social des indépendants (RSI) en vue du paiement de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) au titre de l'année 2008. Une demande destinée à collecter ces informations a d'ores et déjà été adressée à cet organisme. Je ne manquerai de vous tenir informé des résultat du dépouillement de ces données ».

Interrogé par vos rapporteurs, le Gouvernement explique désormais que « le transfert de la collecte de la TASCOM au profit des collectivités locales, du RSI vers la DGFIP (service fiscal aux entreprises), adopté en loi de finances 2010, sera effectif en 2011. De ce fait, l'exploitation de ces données risque de se heurter aux principes du secret fiscal et cette solution pourrait ne plus être possible, comme le recours au RSI le permettait. Néanmoins, des données devraient être prochainement disponibles dans les prochaines semaines, pour les surfaces de plus de 400 m². »

Aucun bilan chiffré des m² ouverts pendant cette période transitoire n'est donc disponible. Une évaluation empirique effectuée au regard des éléments transmis à vos rapporteurs et rappelés plus haut laisse toutefois supposer que ce bilan pourrait être très lourd.

Notons de surcroît que les opérateurs, qui ont abondamment profité de l'interprétation contestable faite par la DECASPL dans sa circulaire du 28 août, des règles fixées par le législateur pour la période transitoire, ont saisi la juridiction administrative pour contester la circulaire du 24 octobre, pourtant plus respectueuse de la volonté des élus. Aucune date d'audience n'a été fixée à ce jour par le Conseil d'État. Dernier élément, le dispositif concernant les extensions d'ensembles commerciaux était également mal ficelé, et il a fallu un amendement sénatorial pour y mettre bon ordre.

On ne peut qu'être critique à l'égard de ce bilan.

En ce qui concerne le « régime de croisière », le bilan n'est pas beaucoup plus satisfaisant : il a fallu attendre neuf mois les arrêtés d'application du décret du 29 novembre 2008 ; en d'autres termes, les CDAC ont commencé à fonctionner sans que l'arrêté fixant le contenu de la demande du pétitionnaire ait été pris ! A ce relatif empirisme dans le fonctionnement des commissions s'ajoutent des difficultés liées aux critères d'appréciation en fonction desquels les CDAC doivent statuer, qui sont jugés trop flous, à la contestation des règles de non cumul pour les élus représentés dans les CDAC, au raccourcissement des délais de traitement des demandes alors que le formalisme reste lourd… Tout ceci contribue sans doute à fragiliser juridiquement les décisions prises.

Quant au bilan en terme d'animation de la concurrence, qui était l'objectif affiché par le Gouvernement, celui-ci nous indique que le « hard discount » aurait doublé ses projets de surface et qu'un magasin serait venu animer la concurrence dans 40 % des villes les plus chères de France.

Nous n'avons pas eu ces études entre les mains, donc nous ne pouvons juger de la solidité des résultats qui sont présentés et, en tout état de cause, ils ne concernent que les surfaces de plus de 1000 m², les seules pour lesquelles on dispose des chiffres des CDAC. En deçà, il n'existe plus d'inventaire des surfaces commerciales. Le Gouvernement nous a indiqué travailler sur ce problème et rechercher des solutions permettant la mise en place d'un outil de mesure fiable et exhaustif.

Devant ce bilan fort peu probant, on ne peut que réaffirmer l'urgence de la réforme sur laquelle Jean Paul Charié avait tant travaillé, consistant à fusionner urbanisme commercial et urbanisme de droit commun.

S'agissant des délais de paiement, le Gouvernement fait état d'une réduction moyenne de 11 jours. C'est bien, en particulier dans le contexte de crise très difficile que nous avons connu et de tarissement des flux de financement bancaire.

Mais le tarissement des flux du crédit bancaire explique sans doute également le succès de la formule des accords dérogatoires : 39 ont été conclus avant l'échéance du 1er mars 2009 et soumis à l'Autorité de la concurrence ce qui a représenté environ 20 % de l'économie marchande d'après les chiffres du Gouvernement. Les secteurs bénéficiant de dérogations couvrent de larges pans de l'économie : bricolage, horlogerie, animaux de compagnie, agroéquipements, compléments alimentaires, pêche de loisir, outillage industriel, articles de sport, optique et lunetterie, pisciculture continentale et marine, activités manuelles et artistiques, pour ne citer que quelques exemples.

On peut regretter des exceptions aussi larges au principe de réduction que nous avions fixé ; rappelons toutefois que quoi qu'il arrive, ces accords organisent en douceur un basculement vers le droit commun au plus tard en 2012.

Mais la mise en oeuvre de cette réforme a donné lieu à plusieurs abus :

- des négociations commerciales avaient pu être conclues aux termes desquelles le distributeur obtenait de son fournisseur une contrepartie à la réduction du délai de paiement ; entre-temps un accord dérogatoire est venu relever ce plafond, sans que la contrepartie soit restituée ;

- les modes de computation des délais ont fait l'objet de deux interprétations par la DGCCRF et la CEPC : les deux méthodes conduisent à un même délai moyen de 60 jours, mais la méthode « DGCCRF » est plus favorable au fournisseur que la méthode « Sénat » pour les factures émises au cours des quinze premiers jours du mois ; à l'inverse, elle s'avère moins favorable pour les factures émises au cours des quinze derniers jours. Or il semblerait que certains clients choisissent l'un ou l'autre mode de calcul en fonction de la date d'émission de la facture afin d'obtenir le délai qui leur est le plus favorable…

- Enfin, la réduction des délais de paiement a conduit au développement de nouvelles méthodes de gestion des stocks, qui consistent en en faire assumer le risque financier au fournisseur.

On voit là encore que, dès qu'il s'agit de détourner la loi, l'imagination est sans limite.

Enfin, s'agissant de la réforme des relations commerciales, on constate la persistance des abus malgré une diminution sensible des marges arrière.

Les marges arrière ont baissé et témoignent du retour à des pratiques « normales » de négociation, c'est-à-dire « normales » par rapport aux contorsions qu'imposait l'interdiction de la discrimination tarifaire. Les témoignages des acteurs concordent sur ce point et corroborent les chiffres du Gouvernement faisant état d'une baisse de 30 à 10 % en moyenne des marges arrière. Cette normalisation des négociations se traduit également par une différenciation croissante des prix entre enseignes.

Mais les résultats sur les prix sont modestes : d'après l'INSEE, les prix de grande consommation auraient crû de 0,4 % entre septembre 2008 et septembre 2009, chiffre à mettre en parallèle avec les baisses de 2 ou 3 % avancées par les distributeurs lors des débats sur le texte, et à placer dans le contexte d'un dégonflement du prix des matières premières agricoles et de hausse importante des prix au cours des années 2007-2008 ; le rapport d'application de la LME publié par le Gouvernement fait état d'une baisse de 0,65 % depuis décembre 2008.

En tout état de cause, ce résultat doit être d'autant plus relativisé que dans le même temps, on assiste à un développement rapide des marques de distributeurs (MDD) : l'an passé, les ventes des produits à marque de distributeurs ont progressé de 3,2 %, soit deux fois plus vite que les années précédentes. Désormais, les MDD représentent près de 40 % des produits achetés dans les hyper et supermarchés et près de 30 % du chiffre d'affaires.

Or si les prix des MDD de produits de grande consommation dans la grande distribution alimentaire ont baissé de 0,2 % en octobre 2009 par rapport à octobre 2008 selon Nielsen, cette baisse modeste est la première depuis septembre 2006.

S'agissant de l'équilibre des relations entre fournisseur et distributeur, on constate que les conditions particulières de vente, dont l'opacité permet d'exercer une certaine pression sur les fournisseurs, se développent.

Le plan d'affaires que nous appelions de nos voeux n'est pas entré dans les moeurs. Les distributeurs répugnent toujours à s'engager dans un véritable « business plan » avec leurs fournisseurs. La plupart du temps, les contrats sont fournis par le distributeur, pré-rédigés et identiques pour chacun de ses fournisseurs : on comprend l'intérêt pratique d'une telle formule lorsqu'un distributeur travaille avec plusieurs centaines de fournisseurs pour des milliers de référence, mais le fournisseur devrait en théorie pouvoir conserver la faculté de faire modifier ce contrat, sans quoi celui-ci révèlerait alors un déséquilibre entre droits et obligations des parties, sanctionné par l'article L. 442-6 du code de commerce. Or, bien souvent, le fournisseur n'osera pas demander la modification d'une clause. Ces contrats vont parfois même jusqu'à préciser que les conditions d'achat du distributeur se substituent purement et simplement aux conditions générales de vente (CGV) du fournisseur alors même que l'article L. 441-6 disposent que ces CGV constituent le socle de la négociation commerciale !

Et ce n'est pas le seul abus : application unilatérale des tarifs de l'année précédente à l'année en cours, pénalités qui explosent (260 000 euros entre janvier et juin 2008 pour un grand groupe du secteur de l'ultra frais, 2,8 millions d'euros entre janvier et juin 2009), remise en cause immédiate des contrats qui viennent d'être signés, apparition de clauses de « garanties de marge »…

Nous avons durci les sanctions applicables, l'essentiel est maintenant de les appliquer.

C'est pourquoi les assignations de neuf grandes enseignes par le Gouvernement constituent un signal courageux et nécessaire. Une première décision a été rendue par le tribunal de commerce de Lille le 11 janvier dernier, qui a condamné l'enseigne Castorama au paiement d'une amende de 300 000 euros.

Cette tentative d'amélioration a donc produit un certain nombre de bons effets (délais de paiement dans un contexte pas facile). La meilleure nouvelle, c'est la saisine par le Gouvernement de tribunaux d'un certain nombre d'abus, ce qui devrait servir d'avertissement à beaucoup d'acteurs. Il y a encore beaucoup à faire néanmoins. Ainsi, pour l'urbanisme commercial : comment faire en sorte que les élus locaux reprennent la main ? Il convient de préciser davantage la loi car des dérives ont été constatées.

En conclusion, si l'on constate effectivement une tentative d'amélioration de l'existant ainsi qu'un certain nombre d'effets positifs, par exemple sur la réduction des délais de paiement (et ce en dépit de la crise), de nombreux abus, analysés en détail dans le rapport, sont encore à déplorer. La saisine des tribunaux par le Gouvernement et la réponse rapide de ceux-ci constituent donc à bien des égards la meilleure nouvelle qui nous soit parvenue récemment, notamment en ce qu'elle vient bousculer un milieu habitué à l'impunité. Mais beaucoup de choses restent à faire, en particulier en matière d'urbanisme commercial où il semble indispensable que les élus locaux reprennent la main. Enfin, il n'est pas exclu qu'un certain nombre de points soient de nouveau réexaminés dans le cadre d'un texte de loi afin d'être améliorés, points qui, pour la plupart, avaient d'ailleurs déjà été signalés par l'opposition lors de l'examen de la LME. Comme nous le disions à l'époque, s'il y a un domaine dans lequel il n'y a pas de place pour l'angélisme, c'est bien celui des relations commerciales.

PermalienPhoto de Serge Poignant

Je vous remercie messieurs les rapporteurs. Je donne maintenant la parole à Mme Catherine Vautrin, qui a remplacé notre collègue Jean-Paul Charié à la tête de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC).

PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Au nom du groupe UMP, je m'associe également à l'hommage rendu à Jean-Paul Charié. Je dois dire qu'il n'y a pas une réunion de la CEPC où le travail accompli par Jean-Paul Charié ne soit évoqué.

Sur le fond, je partage le constat dressé par les deux co-rapporteurs. Si, globalement, le Gouvernement a respecté ses engagements, il est vrai que le diable est dans les détails et qu'il est nécessaire de poursuivre les travaux engagés.

En matière d'urbanisme commercial, en-dehors de toute querelle de chiffres, on observe clairement sur le terrain une augmentation du nombre des surfaces commerciales, que ce soit dans les grandes villes ou dans les villes de taille moyenne. Or, comme le souligne l'association Procos (Fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé), s'agissant des centres commerciaux, les m² ouverts aujourd'hui risquent de constituer les friches commerciales de demain. Je partage également le constat qui a été dressé sur le « hard discount » et les nombreuses extensions de surfaces. Dans la mesure où nous siégeons dans une commission dotée d'un prisme agricole développé, nous devons également avoir à l'esprit que ces constructions se font au détriment des terres agricoles : 74 000 hectares de terres disparaissent ainsi tous les ans ! Il est donc grand temps, comme l'ont dit les rapporteurs, qu'une proposition de loi intervienne rapidement afin de faire en sorte que l'urbanisme commercial soit aligné sur l'urbanisme de droit commun permettant ainsi d'avoir enfin une vision claire sur ce sujet.

Comme cela a été souligné, un bilan positif peut être tiré de la réduction des délais de paiement en dépit des 39 dérogations qui ont été accordées mais dont on peut penser qu'elles étaient nécessaires dans le cadre d'une procédure « en sifflet » dont l'objectif reste de parvenir à 60 jours. Dans les négociations, ce sont en effet très souvent les fournisseurs qui subissent la pression et qui jouent malgré eux le rôle de banquiers alors même qu'ils éprouvent des difficultés très importantes. La négociabilité est aujourd'hui au milieu du gué : soit on échoue, soit on réussit. On sera d'ailleurs bientôt fixé car nous sommes actuellement à la période de l'année où se négocient les plans d'affaires, ceux-ci devant être signés en principe au 1er mars au plus tard. Or les professionnels soulignent que la situation est, cette année, particulièrement tendue et la pression palpable. Il sera donc crucial d'analyser les conditions de signature de ces plans d'affaires : je proposerai d'ailleurs à la CEPC de se pencher sur ce sujet avec la DGCCRF.

Plus généralement, je souhaite préciser que deux groupes de travail ont été constitués au sein de la CEPC, l'un sur les marques de distributeur (MDD), qui deviennent aujourd'hui un phénomène de grande ampleur, et l'autre précisément sur les plans d'affaires.

Le rôle de la CEPC est également de contribuer au déchiffrage de la loi : c'est le cas notamment pour la notion de « déséquilibre significatif », point clé de la loi dont la lisibilité n'est pas encore bien assurée même si l'arrêt Castorama apporte désormais des précisions à cet égard.

Enfin, si tous s'accordent à dire que les conditions générales de vente constituent le socle des relations commerciales, je note par ailleurs qu'un certain nombre d'acteurs souhaiteraient néanmoins que l'on s'intéresse également aux conditions générales d'achat (CGA). Nous gagnerions donc beaucoup à nous intéresser à cet élément.

En conclusion, je considère que la LME est un texte qui a clairement fait avancer les choses. Nous devons cependant être vigilants sur son application, afin que cette loi permette une vraie clarification des relations commerciales et une réelle prise en compte de l'urbanisme commercial dans notre pays.

PermalienPhoto de François Brottes

Je souhaiterais à mon tour rendre hommage à la mémoire de Jean-Paul Charié qui nous a si souvent aidés à décrypter des situations complexes. Comme l'a dit à l'instant Catherine Vautrin, la LME a failli à plus d'un égard : tout reste à faire et la situation est grave. Prenons l'exemple de la circulaire Martin : ce texte n'est rien d'autre qu'un « deal » entre les pouvoirs publics et la grande distribution ! Jean Gaubert, qui s'exprimait tout à l'heure en qualité de rapporteur, ne l'a pas assez dit mais il est clair, comme l'indique d'ailleurs le pré-rapport, que le bilan de l'application de la LME est désastreux. Ce n'était pas le texte qu'il fallait adopter avant la crise : ce n'était pas le moment de déréguler, de libéraliser les relations commerciales et de faire n'importe quoi en matière d'urbanisme commercial. Et tous les effets de la LME n'ont pas encore été mesurés : qu'en est-il par exemple du statut d'auto-entrepreneur ? du statut de La Poste ? de l'ouverture du livret A à la concurrence ? Il faudra bien un jour mesurer tous les effets collatéraux de cette loi. En ce qui concerne les fournisseurs, ceux qui, par exemple, fabriquaient des produits transformés à base de lait ont subi pleinement les effets de la LME qui a conduit à établir des conditions de vente et d'achat totalement dérégulées : les fournisseurs sont véritablement pris entre le marteau et l'enclume. Et cette situation, mes chers collègues, continuera tant qu'il n'y aura pas de vraie concurrence instaurée entre les centrales d'achat et pas de moralisation du droit à référencement. Jean Gaubert l'avait d'ailleurs souligné dès l'examen du projet de loi LME.

Encore une fois, le bilan de l'application de cette loi est dramatique, Catherine Vautrin l'a reconnu à demi-mots : le « diable est dans les détails », a-t-elle dit, mais ce texte est avant tout un enfer pour les élus, pour les fournisseurs et bien d'autres acteurs. On se félicite de l'assignation devant les tribunaux de plusieurs grandes enseignes mais c'est bien là le signe qu'il n'y a pas d'amélioration des comportements. Le consommateur n'a d'ailleurs pas vu les prix baisser cette année alors même que les tarifs payés aux fournisseurs ont, en revanche, clairement diminué. En outre, ces problèmes sont aujourd'hui d'autant plus importants que la crise les a considérablement amplifiés.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je tiens immédiatement à dire que les centristes ont une autre vision des choses : la concurrence est saine dès lors qu'il y a un régulateur fort.

Je voudrais aussi dire le bonheur que j'ai eu à partager une mission parlementaire sur l'urbanisme commercial avec Luc Chatel et Jean-Paul Charié, qui m'a permis de me forger une véritable conviction en la matière. La régulation qui existait auparavant dans ce secteur ne fonctionnait pas. Les CDEC étaient en effet, comme je l'ai dit par le passé, des « machines à dire oui tout le temps lentement » : en-dessous d'un certain seuil, tout était accepté, quel que soit le département.

La LME poursuivait deux objectifs importants : le démantèlement des marges arrière et leur basculement sur des marges avant, et le recentrage des négociations sur le prix des produits. Qu'est-ce que les rapporteurs peuvent nous dire sur ces deux points ? A-t-on fait preuve d'angélisme ? La négociation s'est-elle véritablement recentrée sur les prix ?

Je souligne avec satisfaction la diminution des délais de paiement de 11 jours et je ne condamne pas pour autant l'existence de dérogations qui ne font que tenir compte de la complexité de l'économie. Dans certains secteurs, comme celui du livre, le schéma économique habituel, où le distributeur a l'ascendant sur le fournisseur, comme dans l'agroalimentaire, est inversé. Il faut donc s'adapter.

Je rappellerai également que les centristes, lors des débats sur la LME, avaient fortement insisté sur la nécessité de lutter contre les abus de position dominante sur une zone de chalandise donnée, avec possibilité de saisir l'Autorité de la concurrence. Des amendements avaient été déposés en ce sens et, me semble t-il, avaient été acceptés : je voudrais donc savoir où en est ce dossier.

Enfin, on ne peut pas parler de la LME sans évoquer la LMA (loi de modernisation de l'agriculture). Que va-t-il advenir du « coefficient multiplicateur » : introduit par la loi sur le développement des territoires ruraux par un excellent amendement du Président Ollier, ce dispositif n'a jamais été appliqué par le Gouvernement, qui avance son euro-incompatibilté. Personnellement, cet argument me paraît douteux. Qu'en pensez-vous ?

PermalienPhoto de Patrick Ollier

je ne comprends pas la charge brutale de François Brottes. Croyez bien que je suis tout à fait sincère quand je vous fais part de mon intention de soutenir l'action du Gouvernement afin de mettre fin à un certain nombre de pratiques dans trois domaines distincts.

S'agissant du « coefficient multiplicateur » que je défends avec ardeur, des difficultés juridiques existent mais c'est une question qui doit être abordée dans le cadre de la future LMA. J'invite donc M. Dionis du Séjour à se rapprocher de M. Michel Raison, rapporteur de ce texte, pour travailler ensemble.

Le présent rapport a pour objet de vérifier l'application de la LME dans trois domaines différents. Si le bilan a pu être qualifié dans le document provisoire distribué de « désastreux » en matière d'urbanisme commercial, j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas là pour autant d'une appréciation globale sur l'application de l'ensemble du texte.

Qu'il s'agisse des pratiques commerciales, de délais des paiement ou de l'urbanisme commercial, il était nécessaire de trouver les bases d'une législation qui permette de mettre fin aux abus et les méthodes de contournement. Cette base juridique était nécessaire : elle a été établie par la LME et s'avère globalement efficace même si, chacun en convient, certains points méritent d'être améliorés : j'espère que ce rapport va y aider.

Les difficultés liées au prix du lait et, plus globalement, la crise du lait que nous avons vécue, n'ont aucune relation directe avec la LME. Les difficultés du secteur laitier existaient avant le vote de la loi et, malheureusement, risquent de perdurer encore quelque temps.

Vous estimez par ailleurs que cette loi n'aurait pas dû être adoptée avant la crise. C'est un argument politique qui est un peu facile : comment aurions-nous pu prévoir qu'il y allait avoir une crise économique ? Personne ne pouvait le penser un seul instant.

Le fait d'avoir réussi à faire diminuer les marges arrière de 30 % à 10 % est un vrai succès : Jean Gaubert en convient. Nous allons néanmoins poursuivre les efforts en ce sens car il reste du chemin à parcourir. Je rappelle qu'à l'époque de la discussion du texte, c'était un sujet réputé intouchable : pourtant, 18 mois après l'adoption de la loi, des résultats ont été obtenus et le bilan s'avère très positif.

En matière d'urbanisme commercial, et je demande que cela ressorte davantage dans le rapport, nous avons également de quoi nous féliciter. Lorsque la circulaire du 28 août est parue, la Commission des affaires économiques s'est rendu compte qu'elle remettait clairement en cause l'esprit et le texte de la loi. Qu'avons-nous fait ? Vous le savez, nous avons tout simplement provoqué un changement réglementaire. Ainsi, dès le 24 octobre, nous avons convoqué le ministre en charge du commerce, M. Chatel, pour une réunion de la commission à huis-clos : nous avons eu avec lui une explication très tendue et, le 28 octobre, une nouvelle circulaire paraissait, abrogeant la précédente que nous avions condamnée. C'est un résultat qui doit être souligné ! Nous considérons pour autant qu'il y encore un certain nombre de carences : à cet effet, la commission des affaires économiques s'engage à travailler avec le Gouvernement pour aboutir à la rédaction d'une proposition de loi qui permettra de tenir les engagements pris en la matière.

Sur les prix, on enregistre une baisse de 0,65 % depuis décembre 2008 : même si on peut souhaiter davantage, cela n'est déjà pas si mal, surtout si c'est grâce à la loi. L'assignation des enseignes commerciales devant les tribunaux, c'est également grâce à la loi. Il faut le rappeler avec force !

Je remercie M. Jean Dionis du Séjour d'avoir reconnu qu'il y avait des choses positives dans la LME. Le rapport les fait d'ailleurs ressortir, de même qu'il souligne les faiblesses sur lesquelles nous travaillons actuellement. J'ai évoqué la proposition de loi sur l'urbanisme commercial mais, en matière de relations commerciales, nous pouvons également poursuivre nos travaux. Un comité de suivi, conjoint avec la CEPC et le Gouvernement, pourrait être créé afin de tenir la Commission informée des évolutions en cours et lui permettre ainsi d'intervenir. Enfin, sur les délais de paiement, je ne doute pas que mon co-rapporteur aura des propositions à faire, propositions sur lesquelles nous pourrions également travailler. De manière générale, je souhaite que l'on puisse continuer à avancer et, au-delà des critiques plus ou moins légitimes, que l'on fasse de véritables propositions pour améliorer les choses.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur. La première question à se poser me semble-t-il, c'est de savoir si la loi a fait baisser les prix. Nous avons donné deux chiffres dans le rapport : les prix ont augmenté de 0,4 % pour l'INSEE ; ils ont baissé de 0,65 % pour le Gouvernement. Nous avons donné les deux chiffres, même si, à titre personnel, je croyais que l'INSEE était l'organisme certificateur. Il est de toute façon difficile de se prononcer sur les effets de la loi, car nous sommes entrés dans une période de crise économique, qui a eu pour effet d'entraîner une baisse généralisée des prix. C'est pourquoi il est difficile, même si l'on constate effectivement une baisse, de l'attribuer ou non à la loi.

Dans le même temps, on a connu une baisse des prix agricoles : nous avons d'ailleurs évoqué tout à l'heure la crise du lait. Dès lors, on aurait dû logiquement constater une baisse beaucoup plus forte des produits d'origine agricole dans la grande distribution. Ça n'a pas été le cas.

La deuxième question consiste à se demander si les marges arrière ont diminué. C'est le cas, incontestablement : en moyenne, on l'a dit, elles ont baissé de 30 % à 10 %. Cela a-t-il pour autant fondamentalement changé les choses ? En effet, la baisse des marges arrière était présentée comme un élément permettant de faire baisser les prix : or les prix n'ont pas baissé. Cela a certes assaini le système au niveau des marges arrière mais les distributeurs continuent de demander à leurs fournisseurs le versement de commissions dans des paradis fiscaux. Cela n'a pas changé, malheureusement, parce qu'on n'a pas voulu l'interdire alors que c'est tout de même une pratique assez grave.

Les méthodes ont-elles pour autant été modifiées ? Non, les marges arrière étant devenues interdites, elles ont mécaniquement diminué mais, comme vous le savez, l'imagination de certains est sans limite. À ce titre, vous n'avez pas été sans remarquer la prolifération, dans les grandes surfaces, de la formule « 3 pour 2 ». Or, qui paie le « 3 » pour vendre « 2 » ? Le fournisseur. C'est une autre façon de faire qui s'est désormais considérablement développée. Vous avez également eu connaissance de la « garantie de marge », qui a été condamnée et qui a donc été retirée. Néanmoins, cette pratique a été tentée.

On a également vu, dans le cadre de la libre négociabilité, des distributeurs qui ont accepté de ne faire aucune marge sur un produit donné. Or, si le distributeur voisin fait la même chose sur un autre produit, pour la seule raison que sa négociation a été différente, il va revenir vers le fournisseur en lui demandant pourquoi son concurrent fait « zéro marge » sur un produit : il exige donc également de pouvoir bénéficier de ce « zéro marge ». Il faudra revoir ce point.

En outre, et nous ne pouvons que le déplorer, il subsiste une réelle crainte de révéler les pratiques applicables. Dans certains départements, comme le Finistère notamment, nous avons dû rencontrer des gens à huis clos, en cachette, le soir. Ces personnes ont expressément demandé à ce que leurs noms ne figurent pas dans le rapport ! Or, contrairement à ce que l'on pourrait penser, il s'agit de chefs d'entreprises de PME de 50 à 200 salariés et non pas de PME de trois salariés ! Cela montre bien que l'atmosphère reste invivable et que des pressions demeurent. La CEPC aura donc un rôle à jouer mais, pour le moment, on ne peut pas dire que la partie soit gagnée.

Je l'avais dit au moment du débat sur le projet de loi : il y a des choses que la loi ne pourra jamais régler car les relations commerciales restent fortement marquées par le rapport du fort au faible. La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui, le Gouvernement peut saisir la justice dans un certain nombre de cas et faire condamner devant les tribunaux les excès constatés ; on peut espérer que cela aura un effet vertueux, mais pour le moment, on ne l'a pas encore observé.

En ce qui concerne les dérogations aux délais de paiement, comme je l'ai indiqué dans le rapport, il était normal qu'il en existe un certain nombre. La réforme a été mise en oeuvre dans une période où les banques resserraient leur offre de crédits, tant pour les distributeurs que pour les fournisseurs. Je pense qu'il y a quand même un certain nombre de dérogations qui ont été un peu trop généreusement accordées. Dans le secteur du bricolage, par exemple, la dérogation a été accordée relativement tard, bien après la négociation. Or, on n'a pas remis en cause cette négociation alors qu'elle avait pourtant tenu compte de la diminution des délais de paiement : les grandes surfaces du bricolage ont donc un double bénéfice. Ce sont celles qui ont le plus bénéficié de la circulaire du 28 août 2008 et qui, dans le même temps, font les plus grosses marges : dans ce secteur en effet, les marges nettes atteignent plus de 10 % alors qu'elles ne sont que de 2 à 3 % dans les autres secteurs. On s'est souvent focalisé sur les grandes surfaces de « multi-distribution » mais, à la réflexion, c'est peut-être dans le secteur du bricolage même si ce n'est pas le seul, que les abus sont les plus forts.

S'agissant de la saisine de l'Autorité de la concurrence, les élus ont effectivement cette faculté mais ne l'ont pas encore mise en application. Je rappelle que l'Autorité de la concurrence peut également s'auto-saisir : M. Bruno Lasserre, avant de devenir président de cette autorité, nous avait d'ailleurs annoncé qu'il avait l'intention de le faire. Je l'ai revu récemment : il m'a indiqué être très attentif à ces questions et qu'il étudiait actuellement plusieurs dossiers pour savoir si l'auto-saisine était possible ou non.

Sur le problème du « coefficient multiplicateur », l'UFC-Que Choisir s'est prononcée favorablement sur son application pour tous les produits frais d'origine agricole, ce qui n'était pas le cas jusque là. Le rapport Canivet a soulevé un problème d'incompatibilité éventuelle de ce système avec le droit communautaire mais je constate que, dans notre pays, lorsqu'on ne veut pas faire quelque chose, il est facile d'invoquer cet argument d'incompatibilité. Peut-être vaudrait-il mieux commencer par agir et vérifier ensuite si cela est conforme à ce droit. A force de dire qu'un dispositif n'est pas « euro-compatible », on ne fait plus rien : c'est dans la pratique un bon argument quand on veut rester immobile !

Enfin, pour répondre à une question de M. François Brottes, nous avons volontairement choisi de ne pas se pencher sur le statut de l'auto-entrepreneur : tout le monde aura compris qu'il aurait été difficile pour le co-rapporteur et moi-même d'avoir des avis convergents sur ce sujet alors que, s'agissant des relations commerciales, même si nous n'avions pas le même avis, il était plus aisé de formuler des observations communes.

PermalienPhoto de Alfred Trassy-Paillogues

Quand on reprend les têtes de chapitre ou les titres d'articles du rapport, on constate que sa rédaction est assez pessimiste : « les décrets en souffrance », « on ne peut que constater une méthode qui consiste à reporter certaines mesures », « une période transitoire chaotique », « une application empirique, des résultats peu probants », « des abus persistants »… M. le Président, vous avez tempéré cette rédaction négative en mettant en avant des aspects positifs de la LME, comme la baisse de onze jours pour les délais de paiement ou la réductions des marges arrière. Cela étant, face à un document aussi technique et aussi difficile à appréhender, pourrait-on bénéficier d'une fiche synthétique en sus du projet de rapport que vous avez accepté de nous distribuer ?

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Cette fiche synthétique sera la conclusion du rapport : il est prévu de la distribuer après la réunion de la Commission.

PermalienPhoto de Alfred Trassy-Paillogues

Ce rapport nous permettra dès lors d'esquisser des propositions très concrètes. Il en va en effet du niveau de vie de nos compatriotes, de l'acquisition par nos concitoyens de biens de première nécessité au juste prix et de la bonne rémunération des producteurs. A-t-on été plus loin en matière d'abus de position dominante pour les enseignes ou les centrales d'achat ? Qu'en est-il concernant l'évolution des prix dans les 40 % des villes les plus chères de France ? Qu'en est-il du « terrorisme commercial » des enseignes sur les producteurs eux-mêmes ?

PermalienPhoto de Frédérique Massat

Tout d'abord, sur le plan de la méthode, il est très difficile d'appréhender une loi de 175 articles même si nous avons été très attentifs aux propos des deux rapporteurs et qu'un document nous a été distribué. Il aurait été plus efficace de procéder en deux temps : nous présenter et nous distribuer le rapport d'application dans un premier temps, ce qui nous aurait permis de nous en imprégner, pour pouvoir poser nos questions dans un second temps. Le texte législatif en cause est d'une taille considérable et il y a de nombreux sujets qu'on aurait aimé voir abordés. Ainsi, j'ai bien compris les propos de M. Jean Gaubert sur l'absence de bilan de l'auto-entrepreneur : cependant, cette loi mettait en avant une nouveauté, voire une révolution, avec cette nouvelle structure. Sans forcément aboutir à une convergence de vues, un bilan en la matière aurait été bienvenu, le statut d'auto-entrepreneur suscitant de nombreuses interrogations. La commission aurait mérité d'être éclairée sur le sujet.

Concernant l'urbanisme commercial, plus de 4 millions de m² de surface commerciale auraient été construits en 2009 et plus de 7 millions sont programmés pour les cinq ans à venir. Cela pose des problèmes d'effets collatéraux sur le commerce de proximité, ainsi que l'a rappelé M. François Brottes. A-t-on les moyens d'approfondir cette appréciation des choses sur le terrain ?

Un autre sujet qui n'a pas été évoqué porte sur les effets de la nouvelle réglementation des soldes. Puisque l'on sort d'une période de soldes, avez-vous constaté des changements ? Cela a-t-il eu un impact sur la consommation et sur ceux qui ont proposé ces soldes ?

Qu'en est-il de l'action sur le terrain de l'Autorité de la concurrence nouvellement créée ? Quel bilan peut-on dresser quant au développement du haut débit et du très haut débit, chapitre important de la LME ?

PermalienPhoto de Michel Piron

À titre liminaire, permettez-moi de m'associer à l'hommage très justement rendu à notre collègue Jean-Paul Charié et de saluer la remarquable intervention de Mme Catherine Vautrin.

Si ma perplexité était déjà fort importante au moment des débats sur le projet de loi, elle est devenue profonde à l'issue de la lecture de ce rapport. Je souhaiterais faire deux observations préalables avant d'aborder la question de l'urbanisme. On a beaucoup parlé de concurrence. La question des abus de position dominante est une chose mais la concurrence entre les centrales d'achat en est une autre. J'ai cru comprendre que cette concurrence n'était pas non plus facile à observer puisque, dans le Finistère, la situation était, pour reprendre un célèbre poète, analogue à « une mer sans fond par une nuit sans lune ». Néanmoins, qu'en pensez-vous, maintenant que ce rapport est terminé ?

Ainsi que la presse l'a évoqué, j'ai noté pour ma part la très forte progression enregistrée par les marques des distributeurs. Derrière cette progression, et alors que l'on ne constate pas pour autant de baisse des prix, la question des marges reste entière. Les marges des distributeurs ont-elles suivi l'évolution des prix ou sont-elles inversement proportionnelles à la prise de part des marques distributeurs.

La question de l'urbanisme commercial a été parfaitement introduite par le Président Ollier mais on reste totalement dans le flou concernant les surfaces supplémentaires, notamment au cours de la période transitoire. Je songe notamment au relèvement, par la LME, du seuil de 300 à 1000 m² pour les implantations ne nécessitant plus d'autorisation. Vous nous indiquez que des études du Gouvernement sont en cours : pouvez-vous nous dire quel est le calendrier pour bénéficier de la restitution de ces études, au moins par sondages, s'agissant en particulier du suréquipement ? Le suréquipement commercial monumental pose la question de nos choix d'urbanisme.

Sur la philosophie générale du sujet, je pense qu'il ne suffira pas d'intégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général pour résoudre la question. Encore faudra-t-il que l'urbanisme commercial s'intègre dans un urbanisme général lui-même revisité et capable de maîtriser cette intégration. En d'autres termes, si la partie s'intègre dans un tout lui-même inconsistant, cela ne changera rien. Il nous revient de bien réfléchir, notamment dans le cadre du « Grenelle II », à la capacité de l'urbanisme général à absorber l'urbanisme commercial, ce que nous appelons de nos voeux et pratique qui existe dans les pays voisins. La loi ne suffira pas à édicter la vertu mais, au moins, peut-être permettra-t-elle la sanction du vice.

PermalienPhoto de Annick Le Loch

Je voudrais rappeler les objectifs assignés à la LME tels que Mme Christine Lagarde nous les avait énoncés ici même : créer des emplois et faire baisser les prix. Voilà quelle était la stratégie économique du Gouvernement. En ce qui concerne la baisse des prix, ces objectifs ne sont pas atteints : on le constate quotidiennement avec la crise des prix agricoles et des matières premières. D'ailleurs, au prix bas, je préfère personnellement parler du juste prix et de la juste rémunération.

Il a par ailleurs été fait état dans le pré-rapport d'un bilan désastreux sur deux points de la loi, dont l'urbanisme commercial. M. le Président et co-rapporteur Ollier, vous avez dit vous-même que le bilan était mauvais sur ce sujet particulier et que vous ne disposiez d'aucun chiffre probant. Tous les m² construits pendant les quelques semaines ayant précédé la publication de la nouvelle circulaire vont-ils être régularisés comme l'avait indiqué le ministre Chatel ?

Par ailleurs, je souhaiterais rappeler le contexte dans lequel nous avons voté cette loi, vers quatre heures et demie du matin. M. Ollier, vous nous aviez dit à ce moment là que nous voterions un texte sur l'urbanisme commercial dans les six mois et qu'il fallait donc voter en faveur du seuil des 1000 m² : malheureusement, on en voit aujourd'hui le résultat !

M. le secrétaire d'Etat, Hervé Novelli, nie l'explosion des grandes surfaces après l'adoption de la LME. Il l'a encore fait le 19 janvier dernier dans l'hémicycle tout en indiquant qu'il allait travailler avec M. Benoist Apparu sur ce sujet. Je considère que cela n'est pas du bon travail, et qu'il va falloir demander un inventaire complet de l'appareil commercial français avant toute nouvelle réforme de l'urbanisme commercial, ainsi qu'une étude d'impact concernant le nombre de mètres carrés construits depuis l'adoption de la loi. Je pense qu'on a les moyens de produire cette étude d'impact. Je dispose pour ma part d'éléments concernant le Finistère : 95 dossiers déposés, 57 000 m² construits mais rien depuis. Le relèvement des seuils a encouragé les comportements opportunistes de développement des enseignes mais n'a certainement pas favorisé la concurrence ni la diminution des prix. Cette pratique est totalement contraire à l'objectif de développement durable du territoire.

PermalienPhoto de Philippe Armand Martin

À la suite de l'adoption de la LME, une brigade de contrôle a été mise en place et l'on ne peut que se féliciter qu'elle ait pu dénoncer certaines pratiques suspectes. Il convient néanmoins d'aller encore plus loin et de permettre à tous les professionnels de dénoncer les pratiques déloyales dont ils sont victimes. Sur les délais de paiement, vous avez parlé, M. le Président, de dérogations. Certaines petites entreprises, notamment agricoles, ont l'habitude de pratiquer avec des grandes surfaces certains délais de paiement sur des achats alimentaires, notamment pour des travaux saisonniers. C'est important pour ces petites entreprises qui nourrissent nombre de saisonniers et cela, vous le savez, représente des sommes considérables. Des brigades de contrôle ont sévi dans ces entreprises, pour condamner ces pratiques, effectivement illégales désormais, puisqu'elles conduisaient à pratiquer des délais de paiement de 90 jours, en accord avec le vendeur et l'acheteur. Je croyais que le but était de protéger les petites entreprises et les consommateurs face aux grandes surfaces. Or, on aboutit à l'effet inverse ! Des délais dérogatoires sont possibles mais l'accord doit prévoir la réduction progressive de ces délais de paiement dérogatoires : cela mettra toujours en difficulté ces petites entreprises. Ne peut-on mettre en place un système dérogatoire qui puisse satisfaire leurs exigences ?

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Le contrôle de l'application de la loi est un exercice intéressant. Lorsque l'on reprend les titres du rapport comme cela a déjà été fait, on ne peut pas dire que la tonalité du bilan qui nous a été remis soit très positive.

Je regrette également que l'on ne dispose pas d'un bilan du régime de l'auto-entrepreneur. Les chambres de métier en ont fait : il serait bien que nous en fassions un également. Le Gouvernement se vante du nombre de créations d'entreprise en 2009 : je ne suis pas sûre pour autant que le chiffre d'affaires soit à la hauteur du nombre de créations d'auto-entrepreneurs.

En matière d'urbanisme commercial, il est vrai que l'on ne dispose d'aucun bilan mais on a tout de même des impressions. Je confirme que l'enseigne citée par Jean Gaubert a bien augmenté ses surfaces de stockage en surface commerciale. Dans les communautés d'agglomération qui s'étaient dotées de schémas commerciaux pour tenter de maîtriser leur urbanisme commercial, avec des zones renforcées, depuis qu'on a relevé de 300 à 1000 m², le seuil d'implantation sans autorisation d'équipements commerciaux, on assiste à une explosion du « hard discount », sans plan d'ensemble. Je constate aussi que les ventes d'alcool sont beaucoup plus faciles car dispersées dans un grand nombre de points de vente, ces « hard discount » étant disséminés un peu partout.

Quant à l'objectif de renforcement de la protection du consommateur, on ne peut pas dire que les prix aient baissé dans les grandes surfaces. La distorsion entre les producteurs et les grandes surfaces continue. L'UFC-Que choisir de mon département a réalisé une enquête très détaillée, montrant que les prix payés aux agriculteurs ont diminué alors que les prix payés par les consommateurs ont augmenté. Je tiens ces chiffres à votre disposition.

PermalienPhoto de Michel Raison

La question des marges arrière demeure posée : le problème réside notamment dans le fait que celles-ci sont fabriquées artificiellement. Après l'institution de la négociabilité, on est en droit de s'interroger sur l'effectivité du « - 30 % » ; en réalité, il semblerait que la situation soit encore pire pour les fournisseurs depuis que la LME a été votée. En ce qui concerne l'urbanisme commercial, les élus nationaux mais aussi locaux portent une responsabilité sur l'augmentation du nombre de m². Le ratio m² alimentaires habitant est loin d'être partout cohérent et la guerre que se livrent les distributeurs se fait, là aussi, au détriment des fournisseurs. Il y a eu un effet de coefficient multiplicateur des surfaces dans un contexte où, je le rappelle, la seule loi qui fait les prix est celle de l'offre et de la demande.

Il faudra voir si c'est efficace et comment organiser de manière rationnelle une filière de la production à la vente, notamment dans les secteurs des produits frais – fruits et légumes – afin de mieux adapter l'offre ?

PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Je souhaite revenir sur la question des relations entre fournisseurs et distributeurs, notamment dans le secteur agricole. Comment fonctionne, dans ce cadre, l'observatoire des prix et des marges ? Le Gouvernement a annoncé la création d'un groupe de travail sur ces questions, d'un interlocuteur départemental compétent, de brigades de contrôle… Qu'en est-il aujourd'hui et quelles sont les décisions que ce groupe serait susceptible de prendre ? Je rappelle que des engagements ont été pris auprès des agriculteurs qui n'ont toujours rien vu venir à ce jour.

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Le problème est posé par le Titre II du chapitre 4 de la loi qui conduit à un surdéveloppement commercial. La CDAC se voit, en quelque sorte, réduite à n'être qu'une « boîte à oui » encore plus que ne l'était la CDEC. Si la question est appréhendée par le code de l'urbanisme, on doit également l'approcher du point de vue économique : on constate toujours autant de communes de 20 000 habitants qui ont dû accepter 5 000 m2 de surface commerciale supplémentaire. Il devient impérieux de trouver un système de régulation et je m'interroge sur les leviers à mettre en oeuvre : zonage, seuil maximum d'équipement, selon quels critères ? En tout état de cause, il faut éviter que des zones surdotées puissent continuer de l'être au point de donner ensuite naissance à de véritables friches commerciales.

PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Je tiens moi aussi à saluer la mémoire de Jean-Paul Charié avec qui j'avais rédigé, il y a une dizaine d'années, un rapport intitulé De la coopération commerciale à la domination commerciale. Or, aujourd'hui, je constate que c'est toujours la domination qui prime : il existe des abus persistants. Outre le fait que je m'interroge par ailleurs sur la lenteur du rythme de publication des décrets d'application de la LME, je me demande si nous nous sommes toujours bien donnés les moyens de sanctionner efficacement les clauses abusives car leur détournement demeure ? Les marques de distributeurs, synonymes de dépendance, ont augmenté : les distributeurs ont-ils pour autant augmenté leurs marges ? Si tel est le cas, on a échoué. Dans le domaine du référencement, tout le pouvoir va aux distributeurs : que fait-on du référencement et des pénalités prévues à ce sujet ? Où en est-on par rapport aux clauses de marchés publics sur les PME innovantes car les États-Unis en ont fait un point important dans leur « small business act » ? Enfin, dans le domaine de l'urbanisme commercial et du suréquipement, je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Catherine Vautrin, mais c'est hélas la loi qui a permit son développement.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Il faut rappeler que le texte de la LME a vu le jour avant la crise actuelle et visait à abolir certains privilèges. Au demeurant, le législateur sera toujours en retard sur les pratiques commerciales. En ce qui concerne les marges arrière, je ne suis pas aussi optimiste que certains de mes amis parlementaires : le résultat n'est pas probant car les marges ont été plus transformées qu'elles n'ont véritablement baissé. Dans le domaine de l'urbanisme commercial, j'estime que trop de concurrence tue la concurrence : ce mouvement va créer des friches commerciales qui seront prises ensuite par de grandes enseignes pour y imposer leur loi. Je partage donc l'avis de M. Ollier qui propose la constitution d'un comité de suivi sur ce sujet.

PermalienPhoto de Jean-Paul Anciaux

Il est excessif de dire qu'aujourd'hui le bilan de la LME est désastreux : plutôt que de jeter l'anathème sur ce texte, mieux vaut essayer de faire de véritables propositions. Ainsi, la pratique des contrôles qu'elle a créés constitue une bonne innovation de la part du Parlement. La loi a apporté d'autres éléments positifs, le rapport le prouve. Il faut dégager des lignes de force permettant de progresser et dégager des priorités avec un calendrier à respecter. Dans le domaine des relations entre producteurs et distributeurs, je veux prendre l'exemple du secteur de la viande dont j'ai souvent rencontré les professionnels : la filière de production doit être organisée. Je suis preneur de toute suggestion à ce sujet. Il s'agit d'une filière dynamique sur laquelle nous n'avons pas de moyen d'action.

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Il est facile de solliciter certains titres de chapitre du rapport afin de prétendre que le bilan de l'application de la LME est désastreux. Ce qualificatif ne concerne que la période des deux mois pendant lesquels s'est appliquée la « circulaire Martin », que nous avons d'ailleurs fait disparaître en 48 heures. Le bilan global de la LME sur les trois thèmes que nous avons choisi d'étudier dans ce rapport (les marges arrières, les délais de paiement et l'urbanisme commercial) est plutôt positif même si des constats négatifs demeurent. Je rappelle par exemple que la LME a créé l'Autorité de la concurrence et les brigades de contrôle qui ont permis d'engager certaines actions en justice. Je propose des choses concrètes pour l'avenir :

- la création d'un comité de suivi au début du mois d'avril qu'on mettra en oeuvre avec l'opposition ;

- d'auditionner M. Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence d'ici le mois de juin ;

- de revenir sur un « code des bonnes pratiques », Jean-Paul Charié avait envisagé ce code au-delà de la loi qui aurait pu constituer une sorte de charte morale, un ensemble de règles de bonne conduite. N'en doutez pas : je continuerai ce travail. J'ai assisté avec lui à plusieurs réunions auxquelles ont participé des représentants du patronat et divers acteurs de l'économie : il faut parvenir à la signature d'une charte de bonne conduite qui, par la suite, permettra sûrement d'éviter le prononcé de sanctions.

La LME comportant 175 articles, nous avons choisi de faire porter notre premier contrôle sur trois points particuliers : s'il faut aller plus loin, nous le ferons. Un comité de suivi émanant de notre commission peut à cet effet entendre les ministres concernés : on peut, par exemple, envisager d'auditionner Mme Lagarde et M. Novelli pour évoquer les problèmes évoqués tout à l'heure par Mme Massat.

En ce qui concerne le statut d'auto-entrepreneur, je rappelle que notre assemblée va l'améliorer cet après-midi même avec la discussion du projet de loi relatif au patrimoine d'affectation.

En ce qui concerne les problèmes soulevés par M. Michel Raison, je pense qu'une audition du ministre de l'agriculture est souhaitable, la discussion de la LMA (loi de modernisation agricole) permettant d'échanger sur ce sujet. La commission pourra également entendre les ministres concernés par la suite au sujet de l'évolution de la LME dans le domaine des relations entre les agriculteurs et les distributeurs.

A M. Jean-Marie Binetruy, je suggère que nous travaillions avec le Gouvernement afin d'intégrer l'urbanisme commercial dans le code général de l'urbanisme. M. Michel Piron y travaille déjà avec quelques membres de la majorité. On travaillera ensuite avec l'opposition pour améliorer la base que nous sommes en train de construire.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

J'ai bien entendu l'ensemble de nos collègues qui se sont exprimés, je confirme que nous nous sommes tenus au périmètre du rapport.

À M. Philippe-Armand Martin, je rappellerai que les délais de paiement des produits agricoles sont déjà, en principe, de moins de trente jours ; la LME n'a pas modifié les délais de paiement des produits agricoles. Je concède à M. Michel Raison que les producteurs sont aujourd'hui plus malmenés que par le passé car la LME a été détournée par la grande distribution. En outre, le bilan que nous avons dressé montre que, dans le domaine de l'urbanisme commercial, la situation s'est aggravée au cours des deux mois qui ont suivi la promulgation de la loi.

En ce qui concerne le « small business act », 7 décrets ont été pris le 18 février 2009, 4 restent à venir. Aujourd'hui, l'observatoire des prix et des marges ne dispose pas de pouvoirs de sanction, nous allons réfléchir à la manière de combler cette lacune. Au sujet de la régulation des surfaces commerciales construites pendant la période intermédiaire, le décret prévoit une régularisation des surfaces ainsi construites ainsi qu'un arrêté spécifique : nous sommes toujours dans l'attente de sa publication.

En ce qui concerne les MDD, la question des marges est délicate et l'amortissement des chiffres permet de masquer les marges hautes. Il est très difficile de démêler certains écheveaux, ainsi, il peut arriver que les bâtiments commerciaux n'appartiennent pas à l'exploitant. Au demeurant, la pratique des MDD comporte le risque d'entraîner la disparition d'entreprises en tant que telles faute de marque à leur nom, ce qui les conduira à ne devenir que des sous-traitants. Certains distributeurs ont par ailleurs acheté des entreprises de production pour faire leur MDD ce qui a conduit certaines entreprises concurrentes à disparaître ; il est même arrivé qu'ils leur prennent leurs procédés de production même si on n'a pas de preuve à ce sujet. La difficulté pour un producteur est d'exister au-delà d'un seul client, faute de quoi, il risque de ne plus pouvoir négocier les conditions du marché. La LME n'a pas changé grand-chose à ce sujet. Quant à la question de la liberté du commerce, j'avoue ne pas avoir la réponse.

A l'issue de la discussion, la Commission autorise la publication du rapport complété par les conclusions des rapporteurs.