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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 17 novembre 2009 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • TVA
  • ajoutée
  • communautaire
  • immobilière
  • simplification

La séance

Source

La commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire examine pour avis, sur le rapport de M. Olivier Carré, les articles 55, 56 et 57 de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (n° 1890).

PermalienPhoto de Didier Migaud

M. Jean-Luc Warsmann a déposé une nouvelle proposition de loi de simplification du droit – la troisième de cette législature –, dont les 150 articles traitent de sujets des plus variés. La Commission des lois en est, de façon tout à fait légitime, saisie au fond. Pour sa part, la Commission des finances a jugé indispensable de se saisir pour avis des articles fiscaux, au nombre de trois – les articles 55 à 57 –, d'autant qu'une simplification peut parfois recouvrir une modification du droit. Mais notre rapporteur pour avis va nous éclairer à cet égard.

PermalienPhoto de Olivier Carré

La simplification est en effet un exercice délicat, et d'autres articles de cette proposition auraient peut-être mérité notre attention, mais je m'en suis bien évidemment tenu au cadre de notre saisine.

Le premier des trois articles que nous avons à examiner, l'article 55, réclame d'autant plus notre vigilance que c'est de surcroît un article complexe – il ne compte pas moins de 137 alinéas – qui touche à un sujet important pour notre économie : la TVA immobilière.

Les deux autres articles sont réellement des articles de simplification. L'article 56 vise à assouplir, en faveur des entreprises d'investissement, les modalités de l'option pour la taxation sur la valeur ajoutée et, surtout, de la dénonciation de cette option. Quant à l'article 57, il réduit de trois à une le nombre des procédures applicables aux entreprises ayant des activités de stockage ou de transformation en vue de l'exportation ou de l'importation. Cette simplification du régime dit des « entrepôts fiscaux » – une particularité au sein du droit communautaire – sera neutre du point de vue fiscal, mais sans aucun doute économiquement bénéfique.

J'insisterai donc sur l'article 55, le plus « consistant », tout en déplorant que nous ayons disposé de peu de temps pour l'examiner – au surplus, je viens d'être informé qu'il sera modifié par un amendement visant à prendre en compte les remarques du Conseil d'État, dont je n'ai pu prendre connaissance. La Commission des lois n'examinera cet amendement que demain et nous aurons donc à nous prononcer sur le texte en l'état, mais l'économie de celui-ci ne devrait pas être substantiellement modifiée.

En quoi consiste la simplification en l'espèce ? Dans le régime traditionnel de TVA, c'est le producteur de la valeur ajoutée finale qui reverse la TVA lorsqu'il vend son bien, à charge pour lui de déduire éventuellement la part afférente aux différentes prestations et fournitures auxquelles il a recouru. Dans le régime de la TVA immobilière, pour des raisons historiques, c'est dans un certain nombre de cas l'acquéreur du bien qui procède à ce reversement. Cette particularité est à peu près neutre du point de vue économique : que ce soit l'acheteur qui acquitte la TVA après avoir acheté à 100, ou qu'il achète à 119,6 et que ce soit le vendeur qui reverse 19,6, la différence n'est pas grande en termes de flux. Il n'en va pas de même si l'on considère la chaîne de la production de valeur ajoutée et de la récupération de TVA : l'État peut être exposé à devoir rembourser la TVA au producteur d'un bien immobilier sans être assuré que l'acquéreur de ce bien a acquitté cette TVA. C'est d'ailleurs afin d'éviter de telles entorses au principe même de la TVA que la directive est intervenue pour réglementer l'ensemble du processus au niveau communautaire ; il est apparu que la France ne s'écartait de ces règles que sur ce seul point, comme me l'a confirmé la Direction de la législation fiscale, mais cette anomalie, signalée par la Communauté, a entraîné l'ouverture d'un contentieux et il était donc urgent de nous mettre en conformité avec cette directive.

Cependant, cette mise en conformité n'est pas, en l'occurrence, le seul élément qui doive retenir notre attention. Ce qu'il faut aussi considérer, ce sont les « biais » dont souffre notre législation fiscale en raison de la sédimentation des dispositions au fil du temps. L'articulation entre TVA et droits de mutation ou entre immobilier et foncier pose ainsi des problèmes complexes. Si l'on construit sur un champ de betteraves, il y a sans aucun doute création de valeur, mais y a-t-il valeur ajoutée au sens économique, et si oui, faut-il la fiscaliser sachant qu'une plus-value l'est déjà ? Il s'agit là de questions classiques en matière de fiscalité immobilière, mais l'introduction de la TVA nous oblige à mettre de l'ordre dans ce domaine, et à simplifier. La production immobilière est une production de biens comme une autre, dans un champ marchand soumis à fiscalisation, avec une chaîne de production de la valeur ajoutée qui va du terrain à construire – l'une des novations du texte réside d'ailleurs dans la définition du terrain à bâtir – à l'acquisition du bien. C'est tout au long de cette chaîne que sont opérées des simplifications. Actuellement, il existe trois régimes distincts, applicables respectivement aux promoteurs, aux marchands de biens et aux acquéreurs, particuliers ou mutuelles qui font construire – ou qui construisent eux-mêmes : c'est le cas par exemple de tout le secteur social, dont un « coeur d'activité » consiste précisément à produire pour lui-même. Désormais, il n'existera plus que deux régimes, selon qu'on est ou non assujetti à la TVA, ce qui aura pour effet de supprimer l'anomalie que je mentionnais à l'instant.

L'histoire complexe de la fiscalité immobilière a souvent conduit à des confusions, en raison notamment d'une double taxation, la TVA s'étant à un moment substituée en partie aux droits de mutation lorsque ceux-ci ont été abaissés. C'est toute cette histoire qui est balayée et cette législation nettoyée : d'après le tableau comparatif que nous avons établi, nous passerions d'une trentaine de cas de figure à seulement six ou sept. Non seulement nous ferons ainsi l'économie de contentieux communautaires, mais nous éviterons l'évasion fiscale due à la séparation étanche entre producteur et acquéreur, chacun pouvant se prévaloir d'une législation, dans un cas pour exercer un droit à déduction d'une taxe qu'il n'a pas collectée, dans l'autre pour ne pas l'acquitter.

Nous nous sommes assurés auprès de Bercy que toutes les professions concernées avaient été consultées, ce que je n'ai pu faire moi-même, faute de disposer du temps nécessaire pour organiser des auditions. Nous avons également vérifié qu'il n'y avait pas de biais, s'agissant de la récupération de TVA, par rapport à la législation actuelle : ce point est particulièrement important pour les organismes HLM qui sont assujettis à la fois à la taxe sur les salaires et, pour la partie « livraison à soi-même », à la TVA, ainsi que pour les opérations d'aménagement dans la mesure où, le terrain à bâtir étant désormais défini – de façon à mon avis pertinente – comme terrain pour lequel des droits à construire sont ouverts dans un plan d'occupation des sols, se posait la question de savoir où faire commencer la chaîne de la valeur ajoutée – ce sera à la viabilisation : auparavant, il y a une plus-value, mais non une valeur ajoutée.

L'article 56 est plus simple : les entreprises d'investissement peuvent opter entre la taxe sur les salaires et la TVA pour un certain nombre de leurs activités, et renoncer à la TVA si elles le jugent plus avantageux. Mais cette renonciation les obligeait à un véritable parcours du combattant, et c'est à quoi remédie cet article, sans aucune incidence sur les comptes de l'État.

L'article 57 traite des entrepôts fiscaux, c'est-à-dire des entrepôts qui relèvent de la Direction générale des douanes et droits indirects, où se déroulent des opérations économiques d'importation, d'exportation ou de transformation, qui appelaient toute une série de déclarations dès qu'on passait d'un lieu à un autre. Désormais, plusieurs lieux pourront être considérés comme un entrepôt unique dès lors qu'ils figurent sur une même déclaration d'un acteur économique et que l'administration fiscale a tous les moyens de procéder à des contrôles.

Il faut aujourd'hui remplir une déclaration dès qu'un bien transite d'un endroit à un autre. On perd donc un temps considérable en paperasserie. Pour y remédier, cette proposition de loi tend à placer dans une même enveloppe fiscale les différentes opérations réalisées pourvu qu'elles soient bien localisées et bien identifiées. L'administration fiscale et l'administration des douanes disposeront ainsi d'éléments tangibles pour effectuer des contrôles sur les opérations de transit et de transformation à l'intérieur des nouveaux « abris » fiscaux.

Il s'agit donc bien d'une mesure de simplification : dans le cadre du nouveau « régime national fiscal suspensif », il n'existera plus qu'un seul type d'entrepôt fiscal, lequel remplacera les actuels entrepôts d'exportation, d'importation et de transformation dans une parfaite neutralité fiscale en matière de TVA intracommunautaire.

PermalienPhoto de Charles de Courson

S'agissant de l'article 55, le rapporteur s'est-il interrogé sur l'application de ces dispositions aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ? Beaucoup de communes réalisent des opérations immobilières, notamment des lotissements. Dans le système actuel, elles peuvent opter pour la TVA ou bien en rester au régime des droits de mutation à titre onéreux. Vont-elles conserver un droit d'option ou bien seront-elles automatiquement assujetties à la TVA ?

PermalienPhoto de Olivier Carré

J'avoue que je n'ai pas étudié cette question, car j'ai surtout considéré ce dispositif du point de vue des transactions.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je tiens à saluer le travail du rapporteur, qui a dû examiner ces articles dans des conditions de délai très contraintes.

J'ajoute qu'il nous serait très utile d'obtenir du président de la Commission des lois communication de l'avis rendu par le Conseil d'État sur les articles dont nous nous sommes saisis pour avis. Il faut veiller à partager l'information.

La Commission procède alors à l'examen des articles de la proposition de loi dont elle est saisie pour avis.

Article 55 : Dispositions de simplification en matière fiscale

La Commission examine l'amendement CF 1 de M. Jérôme Cahuzac.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cet amendement tend à supprimer l'article 55. Comme vient de l'indiquer le président de la Commission, notre rapporteur a réalisé un travail remarquable. Toutefois, il n'est pas raisonnable de nous demander de nous prononcer dans de telles conditions : l'exposé des motifs se limite à quatre lignes alors que l'article 55 est long de treize pages !

PermalienPhoto de Michel Bouvard

La proportion était identique pour l'article 2 du projet de loi de finances.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

On voit qu'il vous a marqué !

Il faut que le pouvoir exécutif cesse de traiter ainsi le Parlement.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je vous rappelle, cher collègue, qu'il s'agit d'une proposition de loi.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Certes, mais nul n'ignore d'où ces propositions viennent en réalité.

Puisque le Président Migaud a évoqué nos rapports avec la Commission des lois, je relève que ce n'est pas la première fois que le Président Warsmann dépose des propositions de loi dont des dispositions relèvent d'autres commissions, notamment de celles des finances et des affaires sociales, mais j'ignorais encore que ses compétences juridiques – incontestées – devaient l'amener à proposer de modifier des dispositifs tels que la CRDS et le bouclier fiscal. Comme l'a démontré la récente affaire de la scientologie, nous risquons d'adopter des dispositions sans mesurer pleinement leurs effets, quel que soit le travail réalisé par les rapporteurs.

Il faut revenir à un travail sérieux, comme c'était la tradition dans cette maison. Si nous vous proposons de supprimer l'article 55, c'est pour en finir avec ces façons de procéder qui ne nous paraissent pas dignes de notre Parlement.

PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Notre collègue n'a pas tort. On peut légitimement s'interroger sur les conséquences qu'emporteront ces dispositions. Il est question de simplification, mais encore faudrait-il savoir pour qui, pour quoi et à quel coût.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Avis défavorable. Il ne s'agit pas seulement de simplifier les dispositions en vigueur, mais aussi d'éliminer le biais qui résulte actuellement de leur application.

Je rappelle, tout d'abord, que la chaîne de remboursement a été considérablement simplifiée dans l'intérêt des acteurs économiques : les contrôles que j'ai pu connaître en tant que chef d'entreprise n'existent plus. Les irrégularités sont donc impossibles à détecter sauf remboursements manifestement trop importants – et ce sont des dizaines de milliers d'euros qui sont en jeu. La jurisprudence interdisant de contester le choix des acquéreurs, qui peuvent opter pour le paiement de la TVA ou pour celui de droits de mutation, il est difficile de remonter au producteur en cas d'anomalie.

Cet article sert plusieurs buts : Jérôme Cahuzac a rappelé, dans son exposé des motifs, qu'il tendait à mettre les dispositions en vigueur en conformité avec le droit communautaire, mais il a aussi pour objet de réduire leur complexité, source d'un certain nombre de comportements anormaux qu'il ne faut pas laisser perdurer. Il me paraît en outre plus simple que le producteur de la valeur ajoutée paie la TVA due après déduction des montants déjà acquittés pour les fournitures. C'est l'esprit même de cet impôt, qui a fait école dans le monde et qui a été repris au niveau communautaire – à telle enseigne que ce n'est plus notre droit qui s'applique dans ce domaine, mais les directives européennes qui se sont succédé depuis plusieurs années.

Je ne reviens pas sur les ventes à soi-même en matière de construction HLM ni sur les opérations d'aménagement, questions qui n'ont pas de secret pour notre collègue Jean-Louis Dumont. Chacun sait qu'il existe un certain nombre de biais dans ces différents domaines.

Je me suis efforcé d'évaluer les conséquences de cet article en examinant quelles dispositions il vient modifier, mais je n'avais pas décelé son éventuel impact sur les collectivités territoriales. Je vais examiner cette question de plus près afin d'apporter une réponse à notre collègue de Courson et, si besoin est, je proposerai de préciser le texte.

Pour ma part, je défendrai un amendement CF 3 tendant à modifier le titre de la section 6 : son objet n'est pas uniquement de simplifier le droit en vigueur, comme l'indique son titre actuel, mais aussi de le mettre en conformité avec les dispositions communautaires. C'est là le coeur du dispositif qui nous est proposé, bien qu'il emporte également diverses conséquences qui nous semblent aller dans le bon sens. J'observe en particulier que cet article n'alourdira pas la charge des contribuables, même s'il n'est pas très aisé d'y voir clair, comme d'autres que moi ont déjà eu l'occasion de le relever.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je précise que nous examinerons votre amendement CF 3 après les amendements de suppression des articles. Si ces amendements étaient adoptés, il serait en effet sans objet.

Nous devrons réfléchir à la qualité du travail législatif que nous réalisons. La Commission des lois travaille en effet de façon quelque peu solitaire, alors que d'autres commissions sont concernées par les modifications qu'elle propose. Nous nous sommes saisis pour avis de trois articles de nature fiscale, mais la Commission des affaires économiques et celle des affaires sociales, elles aussi concernées par ce texte, n'ont pas eu le temps d'être consultées.

Cela me semble d'autant plus regrettable que ce texte n'a pas pour seul objet de simplifier le droit en vigueur : comme l'a rappelé le rapporteur, il tend également à transposer une directive européenne qui modifie notre dispositif de TVA immobilière, ce qu'il aurait été plus logique de faire en loi de finances. Il faut donc avouer que ce texte comporte quelques bizarreries.

La Commission rejette l'amendement CF 1.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 55 sans modification.

Article 56 : Option pour la taxation à la TVA des entreprises qui réalisent des opérations financières ou bancaires

La Commission examine l'amendement CF 2 de M. Jérôme Cahuzac.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Nous proposons de supprimer cet article pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure à propos de l'article 55.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Avis défavorable. Je répète qu'il s'agit, cette fois, d'un simple article de simplification.

La Commission rejette cet amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 56 sans modification.

Article 57 : Simplification du régime des entrepôts fiscaux

La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 57 sans modification.

Avant l'article 55

La Commission est saisie de l'amendement CF 3 du rapporteur.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Je ne reviens pas sur cet amendement que j'ai déjà eu l'occasion de présenter.

PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Une telle modification de titre nous a rarement paru aussi justifiée.

PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Je n'ai pas d'objection contre l'adoption de cet amendement, mais ne faudrait-il pas également modifier le titre du chapitre Ier ?

PermalienPhoto de Didier Migaud

Le rapporteur pourra se faire l'écho de cette suggestion auprès de la Commission des lois. Cela étant, on peut considérer que « la qualité des normes » visée par le titre du chapitre Ier comprend la mise en conformité de notre droit avec les directives communautaires.

La Commission adopte l'amendement CF 3.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (1)

N° CF 1

AMENDEMENT

présenté par M. Jérôme Cahuzac et les membres du groupe SRC

ARTICLE 55

Supprimer cet article.

N° CF 2

AMENDEMENT

présenté par M. Jérôme Cahuzac et les membres du groupe SRC

ARTICLE 56

Supprimer cet article.

N° CF 3

AMENDEMENT

présenté par M. Olivier Carré, Rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 55

Rédiger ainsi l'intitulé de la section 6 : « Dispositions de mise en conformité du droit français avec le droit européen et de simplification en matière fiscale ».

Informations relatives à la Commission