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Commission de la défense nationale et des forces armées

Séance du 7 octobre 2009 à 16h30

Résumé de la séance

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  • armée
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La séance

Source

Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2010

La séance est ouverte à seize heures quinze.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Nous recevons aujourd'hui, mesdames et messieurs les commissaires, les représentants des syndicats des personnels civils de la défense. Je salue donc, pour la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés, M. Gilles Goulm, secrétaire général, et M. Serge Guitard, secrétaire général adjoint ; pour l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), M. Jean-Yves Placenti, délégué régional, expert budget UNSA-défense, et M. Gilles Frostin, expert budget UNSA-défense ; pour la Fédération nationale des travailleurs de l'État CGT, M. Yannick Malenfant, secrétaire général, et M. Alain Le Cornec, membre du Bureau fédéral ; pour Défense CGC Fédération de l'encadrement civil de la défense (FECD), M. Edmond Scetbon, vice-président fédéral, et M. Roland Denis, secrétaire national filière administrative ; pour la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense, M. Patrick Douspis, président fédéral, et M. Yves Naudin, secrétaire général fédéral, et, enfin, pour la Fédération Établissements et arsenaux de l'État – CFDT, M. Luc Scappini, secrétaire général, et Mme Sophie Morin, secrétaire national. Cette audition était certes prévue la semaine dernière mais il m'a semblé préférable de la reporter afin que chacun d'entre vous ait pu prendre connaissance de l'intégralité du projet de budget pour 2010 présenté par le Gouvernement.

Précisément, ce PLF traduira les engagements de la loi de programmation militaire (LPM) que le Parlement a adoptée au mois de juillet dernier mais des incertitudes demeurant sur les recettes exceptionnelles prévues, nous nous devons tous d'être vigilants. Par ailleurs, vos témoignages quant à la réorganisation du ministère seront particulièrement précieux.

PermalienGilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et secteurs assimilés

Je tiens tout d'abord à souligner que M. le ministre de la défense ne nous ayant pas encore fait part de tous les éléments relatifs au PLF pour 2010, nous ne nous exprimons que sur les grandes orientations de ce dernier.

Contrairement aux propos de M. Morin, le ratio des suppressions d'effectifs entre personnels militaires et civils n'est pas de 75 % et 25 % mais de 70 % et 30 %. En outre, nous avons d'autant plus souvent exprimé notre souhait d'un rééquilibrage entre les deux effectifs en matière de soutien que, depuis douze ans, les personnels civils – premières victimes des restructurations – sont passés de 145 000 à 72 000. Ce n'est pas parce que nous sommes les seuls à affirmer notre attachement à cette complémentarité que nous accepterons d'être « roulés dans la farine » ! Si 2,5 % des effectifs militaires ont été supprimés, ce pourcentage s'élève à 4 % pour les personnels civils.

Il est par ailleurs facile de dire à l'opinion publique que les effectifs des personnels sous statut diminuent afin de réaliser des économies de masse salariale – à hauteur de 65 millions selon M. le ministre dans le PLF pour 2010 – sans pour autant annoncer leur coût : pas moins de 50 millions, en effet, seront absorbés par les mesures de restructuration. Le PLF pour 2009 prévoyait 35 millions afin de financer les indemnités de départs volontaires (IDV) ; or, seulement 500 personnes ont pu profiter de ce dispositif quand plus de 900 l'auraient voulu. Cette somme étant amputée de trois millions pour 2010, comment, dans ces conditions, procéder aux restructurations telles que le ministère lui-même les a définies ? Croyez-vous que nous n'aurons aucune demande d'IDV ? La vérité, c'est que le budget de 2010 a été « bouffé » dès 2009. Le plan d'accompagnement au titre des restructurations est quant à lui abondé de 40 millions supplémentaires ; or, sur cette somme, 10 millions seulement sont attribués aux personnels civils. Là encore, le manque de moyens est flagrant.

La moyenne des IDV s'élève à 76 000 euros par agent. Le Gouvernement a considéré que les demandes seraient aussi nombreuses pour les fonctionnaires que pour les ouvriers de l'État ; or, cette somme est nette d'impôt pour ces derniers seulement, quand les premiers n'ont pas droit aux indemnisations chômage et qu'ils ne peuvent faire leur demande que s'ils sont à cinq années au moins de la retraite. Personne ne le découvre, bien entendu, mais les requêtes ayant été beaucoup plus importantes en 2009 de la part des ouvriers, comment le PLF pour 2010 peut-il prévoir un peu plus de 5 millions seulement pour les indemnités chômage incluses dans les IDV quand il en faudrait 15 ou 20 ?

Par ailleurs, 15 millions environ seront consacrés à la revalorisation de la condition des personnels civils, somme qui n'a quasiment pas été réévaluée depuis 2006. Il ne s'agit certes pas de lorgner dans la gamelle des personnels militaires mais les chiffres sont là ! Le ratio par agent s'établit ainsi à 417 euros par personnel militaire contre 208 pour les personnels civils. Par rapport à 2009, le budget pour 2010 dédié à la revalorisation de la condition des personnels militaires et, en particulier, à celle de la grille indiciaire augmente quant à lui de 10 millions.

Enfin, la requalification de la filière administrative pour les personnels civils, notamment de la catégorie B vers la catégorie A, est très insuffisante.

PermalienLuc Scappini, secrétaire général de la Fédération établissements et arsenaux de l'état-CFDT

Nous tenons d'autant plus à lire notre déclaration liminaire que M. le ministre a fait savoir qu'il ne prisait guère cet exercice.

Les fédérations syndicales sont invitées à faire part de leurs remarques sur le PLF pour 2010 de la défense – qui, pour la première fois, n'a pas été présenté aux syndicats. Cela est d'autant plus gênant que M. Hortefeux, mieux disposé à l'endroit des partenaires sociaux, nous a invités avant-hier à la présentation du PLF pour 2010 du ministère de l'Intérieur...

Nous insistons d'autant plus sur la situation des salariés confrontés aux restructurations que ce projet est conforme aux conclusions du Livre blanc et à la démarche « RGPP » dont nous condamnons la logique. Pire ! Les 8 400 suppressions de postes prévues pour 2010 ne concerneront pas 25 % – comme annoncé dans le cadre de la LPM – mais 30 % des personnels civils ! Cette politique de déflation continue de toucher les agents de l'État non seulement en réduisant leur nombre mais également en favorisant la déréglementation voire l'abandon de statuts qui ont pourtant fait l'histoire du ministère de la défense comme en témoigne l'accélération du recrutement de personnels contractuels – autorisation a ainsi été donnée au SIAé de recruter 50 ouvriers contractuels en CDD pour la maintenance aéronautique.

La politique du ministère se traduit donc par une réduction des effectifs qu'accompagne inévitablement une augmentation de la précarité.

Non, les restructurations ne se déroulent pas bien et prétendre comme le ministre que 90 % des personnels sont reclassés relève du mensonge ! M. Morin ignore-il à ce point la réalité en dépit de ses déplacements ? Le dialogue social est aujourd'hui à la limite de la rupture. Après plus de vingt années de restructurations, la réforme en cours – avec sa logique comptable et son cortège de désorganisations provoquées par la mise en place chaotique des bases de défense et des centres ministériels de gestion – laissera l'outil de défense et sa communauté civile et militaire irrémédiablement déstabilisés. Nous n'en sommes qu'au début mais les signes de « risques psychosociaux » se font d'ores et déjà sentir. Qu'en sera-t-il en 2011, au paroxysme de cette réforme et des conséquences de la crise financière, si le ministère et l'administration centrale persistent dans leur action ?

La synthèse du retour d'expérience sur les bases de défense expérimentales du 6 juillet dernier signée par le général Bansart fait également état de l'augmentation des tensions sociales à la BdDE de Marseille et ne fait pas mystère que le pire est devant nous.

Le dernier épisode de dialogue social à la sauce Mindef a tourné à l'affront avec le projet d'externalisation des activités de soutien sur lequel une simple réunion d'information s'est tenue avant l'été. L'ensemble des organisations syndicales se sont d'ailleurs élevées contre cette démarche précipitée dont le seul objectif est de réduire encore et toujours la masse salariale.

De surcroît, nous ne disposons pas d'un bilan de la stratégie ministérielle de réforme lancée en 2003 visant à prouver l'efficacité, au moins sur le plan comptable, de l'abandon de nombre d'activités au secteur privé. Pourtant, le ministre veut continuer à tailler dans le vif ! Après une courte expérimentation dans le domaine « Restauration Habillement Loisirs » (RHL), ce dernier joue à l'apprenti sorcier en annonçant d'autres externalisations comme celle de la DIRISI. Comment peut-on en l'occurrence comparer les systèmes informatiques et de réseaux dévolus aux armées avec ceux des universités et de l'éducation nationale ? Là encore, les chiffres avancés en termes de coûts visent plus à convaincre une opinion publique d'ailleurs déjà acquise à la réduction des dépenses militaires. Qu'en sera-t-il, néanmoins, en termes de sécurité et de compétences ? Doit-on considérer la défense comme un secteur non stratégique en continuant à banaliser à ce point ses missions de soutien ?

La CFDT considère quant à elle que nous avons atteint les limites du principe de recentrage sur le « coeur de métier ». En ce sens, les députés de votre commission ont une responsabilité majeure puisqu'ils sont garants, devant les citoyens, des intérêts de la nation.

La Commission, précisément, n'est-elle pas elle-même mise à l'écart comme en témoigne le choix de la procédure d'urgence afin de faire passer un amendement à la loi « Mobilité et parcours professionnels dans la fonction publique » ? C'est-là un véritable déni de démocratie car cela concerne les externalisations, certes, mais également 16 000 emplois ainsi que la perte de compétences majeures qui oblitèreront l'avenir. Le texte pondu en catimini par les services du ministère et passé à l'Assemblée dans des conditions que nous dénonçons constitue un véritable chèque en blanc qui permettra à la fois d'externaliser des activités et de se débarrasser de personnels sous statut devenus indésirables.

La CFDT, avec les autres fédérations syndicales, a demandé au ministre de présider une table ronde sur l'ensemble de ces projets car il s'agit d'un sujet trop sensible pour le laisser à la seule gestion d'une administration centrale certes zélée mais dont les décisions et les responsabilités relèvent du domaine politique. C'est donc bien aux politiques que vous êtes de les assumer sans esquiver le débat qui s'impose !

J'ajoute, enfin, que la CFDT, avec la CGT, a appelé les personnels de la défense à se rassembler aujourd'hui dans le cadre de la journée mondiale de mobilisation pour le travail décent.

PermalienYannick Malenfant, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'état CGT

Nous dénonçons le climat malsain qui règne au sein du ministère de la défense ainsi que le mépris du ministre envers les organisations syndicales représentatives et, plus largement, les personnels civils. Voilà en effet un an que ce dernier n'a pas rassemblé les organisations syndicales en réunion plénière alors que la situation l'exige, ne serait-ce que pour faire le point sur les restructurations et réorganisations que les personnels subissent de plein fouet. Nos six organisations syndicales lui ont encore récemment écrit afin qu'il organise une table ronde sur les externalisations mais, là encore, c'est une fin de non-recevoir que l'on nous oppose !

La réorganisation du ministère ainsi que la nouvelle carte militaire présentée le 24 juillet 2008 avec son lot de suppressions d'établissements et d'effectifs mais également la mise en place des bases de défense s'appliquent progressivement dans les différents établissements. Ce faisant, elle engendre des drames humains et familiaux, comme ce fut par exemple le cas à Montpellier où un personnel civil s'est immolé dans l'enceinte de l'établissement où il travaillait.

Comme si cette réorganisation ne suffisait pas, le ministère en rajoute durant l'été en faisant inscrire l'article 43 dans la loi sur la mobilité et le parcours professionnel au sein de la fonction publique, article que vous connaissez bien puisqu'un certain nombre d'entre vous ont voté cette loi, permettant la mise à disposition de civils et militaires au sein d'entreprises prenant les marchés d'externalisation, ce qui ne manquera pas de pénaliser les missions de soutien : restauration, habillement, loisir, soutien informatique, infrastructure, entraînement, armement, maintien en condition opérationnelle terrestre et aéronautique, santé, formation, télécommunications et j'en passe ! Avec cet article, le ministère entend offrir aux entreprises privées ses missions et marchés avec, en guise de bonus, l'expérience et la qualification de ses personnels civils et militaires à prix réduit car c'est bien évidemment lui qui compensera les différences de salaires.

Nous n'acceptons pas cette politique de liquidation et de destruction de nos établissements et de nos missions régaliennes. Dernièrement, nous avons appris qu'un recrutement d'ouvriers contractuels avait été envisagé au SIAé : là encore, le dialogue social ne fonctionne pas. Une telle politique, hélas, ne vise qu'à accroître la précarité. Il ne s'agit pas d'une question de coût mais bel et bien d'une nouvelle étape dans la casse de l'emploi stable et statutaire ainsi que vers la privatisation. La CGT entend se battre pour que ces recrutements nécessaires au SIAé ou ailleurs soient effectués sur la base du statut existant des ouvriers d'État.

S'agissant, plus précisément, du PLF pour 2010, nous tenons à dénoncer la volonté délibérée du ministère de brouiller les chiffres, notamment en ce qui concerne les suppressions d'emplois où pas moins de quatre évaluations différentes apparaissent sur les divers documents qui nous ont été fournis. Selon les chiffres de la DRH-MD, ce ne sont pas moins de 8 893 suppressions d'emplois qui sont programmées pour 2010, nombre supérieur à ce que prévoit la LPM pourtant votée il y a à peine trois mois. Pour les deux premières années de la LPM, le ministère a perdu 15 731 emplois dont 4 623 personnels civils. A ce rythme, les effectifs réalisés pour 2010 seront en dessous des 70 000 personnels civils car même si la LOLF est passée par là, rien n'a changé dans les coutumes ministérielles consistant à ne pas respecter ce que les parlementaires ont voté – chaque année, environ 3 000 emplois civils ne sont pas réalisés par rapport au budget initial.

Le statut d'ouvrier d'État est quant à lui le plus touché et, à cette cadence, il ne restera que très peu d'ouvriers d'ici à une dizaine d'années si un véritable plan de recrutement pluriannuel n'est pas mis en oeuvre en levant l'interdiction d'embauche décrétée par M. Morin. Je note, de plus, que c'est ce statut qui a permis de doter le ministère de personnels d'exécution hautement compétents.

En ce qui concerne les mesures catégorielles, le ratio entre civils et militaires ne laisse pas de nous interpeller. En effet, leur niveau pour les civils est identique à celui de 2009 quand celui des militaires augmente de 25 % ! Si la CGT est tout à fait consciente de la nécessaire revalorisation de la condition des militaires, notamment de leur grille indiciaire, le même effort doit être consenti pour les personnels civils dont la situation nécessiterait souvent un véritable plan de requalification. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures !

Le montant des mesures d'accompagnement augmente quant à lui de 40 millions, ce qui est révélateur de la frénésie ministérielle visant à consacrer toujours plus d'argent à la destruction de l'emploi. En augmentant les crédits liés à la mobilité, les orientations du ministère sont patentes : favoriser, voire forcer les mobilités. Ses salariés, à l'instar de ceux de France Télécom, seront ainsi confrontés dans les mois qui viennent à des situations dramatiques. Nous dénonçons par ailleurs le manque d'ambition des propositions de recrutement : 1 100 seulement pour 2010. Nous sommes également inquiets pour ces sociétés nationales que sont NEXTER, DCNS et SNPE car aucune commande prévue dans le PLF ne permet de garantir leur avenir. Le fait d'avoir inscrit SNPE dans la liste des sociétés privatisables concourt également au bradage de cette entité nationale détenue encore à 100 % par l'État.

Par ailleurs, des discussions s'ouvriront dans les prochains mois sur le traité de non prolifération de l'arme nucléaire, le président de la première puissance mondiale ayant lancé lors du dernier sommet du G 20 un certain nombre de pistes en ce sens. La réponse de notre Président, quant à elle, n'a pas été de la même veine, bien au contraire, alors qu'une telle initiative aurait pu être l'occasion d'une véritable politique de suppression progressive de cet armement – ce qui permettrait d'ailleurs de réaffecter en partie des crédits qui représentent 21 % de l'équipement à la modernisation des armées. Enfin, si la réintégration de la France dans la structure de commandement intégré de l'OTAN aura un coût non négligeable, les organisations syndicales n'en n'ont pas été informées, contrairement aux années précédentes. Est-ce une volonté délibérée de cacher une dépense inévitablement en hausse ?

Avec 570 millions – soit, 60 millions de plus par rapport au budget initial de l'an dernier –, le budget des OPEX est élevé mais, comme d'habitude, sous-évalué, puisque les dépenses de 2009 devraient en fait s'élever à 873 millions. Compte tenu d'une telle progression et de notre engagement en Afghanistan, elles risquent même d'approcher le milliard. Il n'est pas douteux que ce surcoût sera encore financé sur les programmes d'équipement etou sur la masse salariale.

Ce projet de budget à la sauce Sarkozy-Morin est dévastateur pour l'ensemble du ministère. La CGT entend quant à elle poursuivre son action avec les personnels pour changer notre politique de défense comme l'ont montré ceux d'entre eux qui se sont mobilisés aujourd'hui dans le cadre de la journée internationale pour le travail décent. Il serait bel et bon de les entendre, les réponses à la crise que nous vivons ne pouvant se limiter aux seules aides aux entreprises.

PermalienGilles Frostin, expert budget UNSA-défense

Avant de vous livrer une première analyse du budget pour 2010 que, pour la première fois depuis des années, le ministère de la défense n'a pas jugé utile de nous présenter, l'UNSA-défense tient à exprimer l'inquiétude, la déception et la colère des personnels civils de ce ministère. On se moque des agents ! Lorsque le sommet de l'État crie haro sur les fonctionnaires et autres personnels prétendument budgétivores, improductifs et inutiles, on est certes en droit de s'attendre à peu de considération. Il est vrai aussi que dans le contexte de remise en cause du modèle social à la française, il n'est guère utile de proposer des axes de progrès et d'amélioration pour les personnels de quelque catégorie que ce soit. Au sein de nos services, il nous est ainsi demandé de cultiver une saine concurrence entre individus ; la sélection naturelle, chère à Darwin, doit pouvoir elle aussi s'exprimer au sein des armées et des organismes de la défense ! Tant pis si les organisations qui résistent le mieux aux aléas du marché sont essentiellement collectives, introduisons la modernité dans notre administration !

Nous savons que de nouvelles mesures d'externalisation se préparent et que d'autres « trains de RGPP » sont prêts à partir, d'ailleurs sans étude d'impact sérieuse ni le moindre bilan crédible des externalisations déjà réalisées. Nous aimerions bien disposer, précisément, d'un bilan étayé et impartial de l'externalisation de la gestion du parc automobile de la défense.

Après les structures, les métiers de soutien sont dans le collimateur gouvernemental : il y aurait trop de financiers, de juristes, de gestionnaires de personnels, d'acheteurs, de spécialistes de soutien ! Entre les effets escomptés des nouveaux outils en termes de productivité et les attendus de la vulgate anti-étatique, c'est à une disparition massive des emplois que s'attendent les personnels civils et militaires, et c'est bel et bien l'abandon des missions qu'ils ont accomplies au service du pays qui se profile ! Pour les uns, on fait espérer un hypothétique reclassement dans une fonction publique d'État en pleine déstructuration, et c'est vers la fonction publique territoriale que l'on renvoie les autres alors qu'elle-même, si l'on en croit le Président de la République, est d'ores et déjà pléthorique.

S'il est en effet question de mobilité interne entre les fonctions publiques, la réforme de l'administration territoriale de l'État, qui verra le jour en 2010 et dont l'organisation locale sera plus ramassée – constitution de deux ou trois directions départementales interministérielles –, rendra aléatoire la mobilité vers les services déconcentrés de l'État, lesquels auront du mal à recaser leurs propres personnels. Il en ira de même lorsque les collectivités territoriales seront amenées elles aussi à réduire le nombre de leurs fonctionnaires. Pour tous les autres, la perspective se résume à l'aliénation à des entreprises privées – d'ailleurs facilitée par la loi d'août dernier sur la mobilité des agents de l'État et l'amendement porté par le ministère de la défense. Au final, plus personne ne sera à l'abri d'un licenciement.

L'UNSA-défense doit-elle encore et toujours rappeler son analyse sur les effets positifs de la civilianisation en termes d'emplois pour les agents et d'économies pour l'employeur ? Le sort des personnels civils de la défense n'intéresse personne et surtout pas l'institution qui les emploie, la communication institutionnelle ayant persuadé les Français que la défense n'est assurée que par les militaires.

Je souligne, en outre, la contradiction entre les dispositions de la LPM précisant un certain nombre de principes quant à l'évolution des effectifs – concentration des militaires sur les missions opérationnelles tandis que les civils sont orientés vers les tâches de soutien – et la réalité des réorganisations mises en oeuvre par le ministère : les GSBDD, qui assurent un soutien essentiellement administratif des bases de défense, sont en effet commandés et encadrés par des militaires.

On ne peut que constater l'amertume des personnels civils poussés dehors pour faire de la place à leurs camarades militaires dégagés des cadres de l'armée mais réintégrés dans les cadres civils de la défense. L'UNSA-défense comprend très bien que le ministère ait des devoirs envers ses personnels militaires et elle serait très mal placée pour tenir un discours tendant à condamner la politique volontaire de reconversion, mais il n'est pas sain de développer un jeu de chaises musicales qui a pour effet de marginaliser encore plus cette minorité que constitue la composante civile de notre institution.

Dans ce contexte, le Gouvernement propose un projet de budget qui s'apparente à une opération de prestidigitation. Comme chaque contribuable, nous comprenons l'impératif de maîtrise de la dépense ; comme chaque citoyen, nous partageons le souci de la lutte contre les déficits, mais, pour la première fois depuis des années, nous sommes confrontés à un budget de la défense en baisse.

Certes, le ministère se décarcasse pour nous persuader qu'il est plus réaliste et plus honnête que les précédents, qu'il permettra de soutenir l'ensemble des objectifs assignés aux responsables de la mission de défense, que le rythme des commandes industrielles est assuré et que les équipements nouveaux prévus vont entrer en dotation. Que d'activité et d'emplois en perspective ! Il omet toutefois de nous dire quel crédit accorder aux ressources exceptionnelles sur lesquelles il compte en 2010 – comme il l'a fait en 2009, avec le succès que l'on sait. On comprend mal, dès lors, pourquoi l'emploi si sacré hors du ministère devient une charge en son sein.

L'UNSA-défense est persuadée qu'une autre politique, économe des deniers publics, est nécessaire et qu'elle passe par une augmentation des effectifs des personnels civils. Elle est persuadée que l'avenir de nos armées est lié à la dynamisation de leur composante civile et non à la vision passéiste et corporatiste qui seule a droit de cité dans les états-majors. Si, selon nous, l'emploi public ne saurait être l'ennemi des réformes, une inflexion des habitudes doit être néanmoins impulsée et elle ne pourra venir que du pouvoir politique.

PermalienEdmond Scetbon, vice-président fédéral de Défence-CGC Fédération de l'encadrement civil de la défense – FECD

Le 4 février dernier, Défense-CGC a dénoncé devant vous le détournement des orientations du Livre blanc quant au sort réservé au personnel civil de la défense. Aujourd'hui l'examen du PLF pour 2010 démontre le bien-fondé des craintes que nous avions formulées.

Je cite Le Livre blanc : « Les personnels militaires devront se concentrer sur les missions opérationnelles, les personnels civils sur les tâches administratives et de soutien ». Devant le tollé soulevé par la publication des plans d'effectifs des bases de défense, le secrétaire général pour l'administration (SGA) a affirmé que les déflations d'effectifs se feraient à concurrence d'un civil pour trois militaires. Le projet de budget prévoyant 2 800 civils et 6 000 militaires, le SGA aurait-il été abusé ? La RGPP, quant à elle, envisage une déflation de 54 000 postes d'ici à 2012 quand le SGA a présenté des mesures supplémentaires d'externalisation à hauteur de 46 000 agents.

C'est le personnel militaire qui plombe le budget des cercles et mess où il est employé en grand nombre ! Son coût salarial – rémunération et charges sociales (RCS) – est en effet exorbitant par rapport à celui d'un civil. Le SGA fait-il donc une bonne lecture de la logique de la RGPP ?

Les personnels civils de la défense, contraints à une mobilité forcée, développeront-ils le syndrome de France Télécom ? La représentation nationale est-elle bien consciente qu'elle porte désormais la responsabilité de ce qui arrivera ?

Défense-CGC dénonce par ailleurs l'hypocrisie cynique du ministère de la défense dans le traitement inéquitable des diverses populations à travers le dispositif « Plan d'accompagnement des restructuration » (PAR). Alors que le personnel militaire bénéficie de mesures très avantageuses, le personnel civil fonctionnaire et contractuel sera bien moins indemnisé. Cela, pourtant, ne semble pas suffire : qu'un agent demande à bénéficier de ce dispositif et une multitude d'obstacles se dressera pour en interdire, en réduire ou en limiter les effets – les retours d'expériences sont déjà édifiants. Le personnel ouvrier d'État, même s'il bénéficie de dispositions un peu plus favorables, est quant à lui soumis aux mêmes tracasseries : pour 2009, 500 droits sont ouverts alors que les demandes s'élèvent à 800. Si les conditions d'ouverture des droits ne sont plus réunies en 2010, soyez assurés d'un ressentiment exacerbé !

Le ministre a également annoncé des mesures de retour sur économies en faveur des personnels et claironne un budget de 120 millions pourtant jamais atteint. Or, le supplément de la part du gâteau ira uniquement au personnel militaire, dont la solde et le régime indemnitaire sont très substantiellement relevés. Le budget des pensions, en effet, explose, pour atteindre 7 milliards – ce qui représente une augmentation de 7 % en deux ans –, et dépassera bientôt celui des RCS qui s'élève lui à 10 milliards En ce qui concerne les civils, le budget sera en revanche identique à celui de 2009 – 15 milliards – et inférieur à celui de 2007 – 15,7 milliards.

Avec des taux d'avancement de grade parmi les plus bas de la fonction publique et un retard abyssal, les fonctionnaires de la défense souffrent d'une invraisemblable pagaille. À cela s'ajoute que le retard dans le traitement des dossiers de mobilité les excluent de l'avancement puisqu'ils sont supprimés de l'effectif de leur établissement de départ et ne figurent pas encore dans celui qui les accueille. Avec un « rattrapage » moins élevé que l'augmentation consacrée à la population de référence, les fonctionnaires techniques de niveau 1 font figure de parents pauvres. Enfin, le budget affecté aux personnels contractuels est revalorisé d'à peine 1,5 %, alors que le triple serait nécessaire pour maintenir le niveau d'évolution de la fonction publique.

Alors que la situation des personnels civils de la défense s'aggrave de jour en jour, le budget pour 2010 de la défense témoigne d'une désinvolture coupable à leur endroit. Si l'objectif poursuivi semble bien être la disparition de ces agents, cela devrait pouvoir se faire avec un peu plus de dignité, et la représentation nationale serait quant à elle bien inspirée d'intervenir pour faire cesser cette pratique déplorable consistant à « traire la vache la plus maigre du troupeau ».

PermalienYves Naudin, secrétaire général fédéral de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense

Nous vous remercions tout d'abord d'avoir bien voulu différer cette réunion en raison de l'adoption du PLF par le conseil des ministres le 30 septembre dernier.

Nos concitoyens peuvent enfin bénéficier d'une lecture logique de la stratégie de réforme de la majorité : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale – que nous ne voulons pas séparer du Livre blanc sur la fonction publique remis à MM. Woerth et Santini en avril 2008 ; mise en oeuvre de la RGPP – qui, aux dires de certains hauts fonctionnaires, « commence à mettre du bazar partout » ; LPM 2009-2014 votée bien après la loi de finances de 2009 ; enfin, projet de LFI 2010.

Quelques jours après la promulgation de la LPM, vous avez adopté la loi « Parcours et mobilité dans la fonction publique » avec un article 43 visant à mettre à disposition certains agents dans des sociétés reprenant de futures activités externalisées ainsi que celle relative à la gendarmerie, alors même que Mme Alliot-Marie et M. Morin avaient déjà anticipé ce texte en signant le 28 juillet 2008 une délégation de gestion cadre avec ses 35 annexes ! Il y a quelques jours, le ministre de la défense s'est quant à lui déclaré satisfait de l'avancée des réformes et des restructurations. Il en a été bien entendu de même de son DRH tandis que le SGA, M. Christian Piotre, a bien du mal a maintenir un dialogue social sérieux et de qualité puisque depuis le mois de décembre dernier trois CTPM ont été écourtés ou boycottés sans compter les réunions sur les externalisations ayant subi le même sort ! Pourtant, les titres de la presse spécialisée abondent sur le thème : « Restructurations, vers une catastrophe sanitaire ». La CFTC a donc toutes les raisons de se mobiliser aujourd'hui.

Et vous, mesdames, messieurs les députés, que dites-vous ? Que dit votre mission parlementaire Cornut-Gentille–Cazeneuve sur la modernisation de notre ministère, elle que l'on n'entend guère plus depuis son premier rapport d'étape d'avril dernier ? Que faites-vous en tant qu'élus locaux pour faciliter le reclassement des personnels de la défense ? Alors que l'établissement de ravitaillement sanitaire de Chartres figure, contre toute attente rationnelle et budgétaire – plus de 16 millions ont été investis depuis peu – sur la liste des établissements restructurés, le député-maire de cette ville s'est empressé dès l'été 2008 de rassurer par lettre chacun des 80 personnels civils concernés, leur promettant monts et merveilles dans le reclassement inter-fonction publiques. Au bout d'un an, que s'est-il passé ? Rien du côté territorial sinon des refus d'emplois communaux alors que des vacances de postes étaient avérées ; rien, non plus, dans l'hôpital et dans la communauté d'agglomération que le député-maire préside ! Regardez donc aussi autour de vous ce qui se passe, mesdames, messieurs les députés !

PermalienPhoto de Guy Teissier

C'est ce que nous faisons. Nous ne vous donnons pas de leçons, monsieur Naudin, et veillez à ce qu'il en soit également ainsi de votre côté. Nous savons fort bien, quant à nous, ce que nous avons à faire.

PermalienYves Naudin, secrétaire général fédéral de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense

Les personnels attendent que les promesses soient tenues.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Certains les tiennent, d'autres non, c'est vrai des élus locaux tout comme des syndicalistes.

PermalienYves Naudin, secrétaire général fédéral de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense

La manoeuvre RH, après son volet « Livre blanc », comporte un autre volet dévastateur : la fameuse « externalisation » préconisée avec insistance par les « audits RGPP » successifs pilotés directement par le chef des armées et son Premier ministre. Une déflation supplémentaire de 16 000 personnels est ainsi annoncée à échéance 2012, laquelle s'ajoute à la perte de 54 000 postes issue du premier volet. Attention à la boîte de Pandore ! D'autres services pourraient être bientôt concernés ! Les députés pourront-ils et voudront-ils gonfler le titre 3 afin de pouvoir payer les entreprises délégataires et la TVA afférente que jamais Bercy n'a voulu nous rembourser correctement ? Les moyens de fonctionnement de nos armées ne risquent-ils pas d'en pâtir ?

S'agissant de la nouvelle LPM 2009-2014, nous constatons que la dénonciation de l'injustice flagrante à travers l'amendement que nous vous avions remis il y a quelques mois n'a pas eu de suite : la non exonération fiscale des « pécules » ou IDV des agents fonctionnaires et contractuels de l' État demeure.

Nous réitérons notre déception, par ailleurs, quant au maintien de l'article concernant l'ouverture du capital de certaines entreprises comme DCNS.

En ce qui concerne le budget de la défense, je cite M. le ministre au chapitre Ier du PLF pour 2010 : « La réforme du ministère doit permettre de dégager des marges de manoeuvre budgétaires au profit de l'équipement des forces et de l'amélioration de la condition du personnel ». En raison de la crise financière et du déficit budgétaire abyssal qu'elle génère, ces marges de manoeuvre ne risquent-elles pas de fondre comme neige au soleil ?

Nous répétons une fois de plus que la mutualisation des fonctions de soutien telle que la conçoivent aujourd'hui nos chers états-majors et le chef d'état-major des armées (CEMA) – dont on vient encore de renforcer les pouvoirs par décret – fait encore la part belle aux personnels militaires. On annonce ainsi à terme un taux global de 60 % de personnels civils et de 40 % de personnels militaires quand nous demandons des plans annuels de mutation des personnels militaires permettant de constituer un ratio global de 75 % et 25 %.

Mesdames et messieurs les députés, vous qui voulez faire du chiffre à tous crins avec ces nombreuses réformes, faites faire une RGPP avec une manoeuvre RH à l'envers ! Par exemple, promenez vous dans une base aérienne. Est-il normal qu'une sergent-chef assure le secrétariat d'un commandant de base ? En quoi ce poste, comme d'autres, relève-t-il du soutien opérationnel, notion apparue juste après le Livre blanc et évoquée dans le rapport Cornut-Gentille – Cazeneuve ? Combien coûte un agent militaire au coût analytique complet – pension militaire comprise ? Combien est-il possible d'en rendre à leur véritable « coeur de métier » ? Quelle sera alors l'économie réalisée au profit des « petits » personnels civils – 73 000 –, « petits » car beaucoup moins bien rémunérés bien qu'ils soient le soutien et la mémoire de ce ministère ? Voilà les bonnes questions que vous devez vous poser avec vos collègues de la Commission des finances !

Par ailleurs, si nous constatons le maintien des ressources consacrées à l'amélioration du personnel civil à hauteur de 15 millions, l'essentiel de l'augmentation de la dotation est dévolue au personnel militaire puisqu'elle traduit en année pleine la revalorisation substantielle des grilles indiciaires de leurs statuts. On peut rêver encore à celle des fonctionnaires civils dont on ne lit pas bien encore l'effet retour du non remplacement d'un agent public sur deux.

Dans cette période difficile, les avancées statutaires au bénéfice des personnels adoptées par la fonction publique doivent être mises en oeuvre dans les meilleurs délais. Dans la filière paramédicale, les aides soignants et les agents hospitaliers qualifiés de la santé publique bénéficient déjà et à juste titre de la réforme depuis plus d'un an sans qu'il en soit de même pour ceux de la défense. Quant à la filière médico-sociale, une réforme s'impose au plus vite pour des métiers qui nécessitent un engagement constant – conseillers techniques de service social et assistants de service social –, qui plus est en période de fortes restructurations impliquant une surcharge de travail conséquente. Ainsi, pour la première fois à Marseille, 60 % des personnels sociaux de l'armée de terre ont-ils fait grève le jeudi 24 septembre 2009, les personnels du service social du ministère de la défense étant en effet les plus mal rémunérés de toutes les fonctions publiques.

PermalienPhoto de Philippe Vitel

Messieurs, je vous remercie.

En ce qui concerne l'externalisation, je me permets de vous renvoyer à l'audition d'hier de M. le ministre de la défense ainsi qu'à celle de M. le chef d'état-major des armées qui a eu lieu ce matin : elles vont en effet toutes les deux dans votre sens et sans doute tirerez-vous beaucoup de profit à lire leur compte rendu.

S'agissant du back et du front office ou de l'unique affectation des personnels civils au soutien, le chef d'état-major de l'armée de l'air s'est félicité ce matin de l'action de ces personnels au coeur des opérations de combat, notre armée bénéficiant ainsi d'un soutien dont les autres forces ne peuvent se flatter.

Par ailleurs, je précise que la France contribue au budget de l'OTAN à hauteur de 170 millions par an et que, d'après les estimations, ce montant s'élèvera à 250 millions à l'horizon de 2013-2014.

S'agissant, enfin, de la reconversion des personnels, des agences « Défense Mobilité » seront bientôt inaugurées et permettront de répondre à vos légitimes interrogations. Ce nouveau « guichet unique » sera en effet à la fois très lisible et très attractif pour des entreprises proposant des emplois à des personnels civils ou militaires quittant les structures de défense.

PermalienPhoto de Philippe Nauche

Quelles que soient les nuances entre les différentes interventions, le malaise est palpable face à ce qui relève de la déconstruction d'un système.

Par ailleurs, certains éléments de ce PLF peuvent susciter des interprétations diverses, d'où vos divergences avec M. le ministre.

Enfin, en tant que rapporteur du programme « Soutien et logistique interarmées », je m'interroge plus particulièrement sur l'ampleur du processus d'externalisation et sur ce qu'il implique en termes de suppressions d'emplois statutaires et de créations d'emplois contractuels.

PermalienGilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et secteurs assimilés

Ce processus ne vise, selon nous, qu'à réduire la masse salariale des personnels sous statut. Voilà des années que nous demandons un bilan de l'externalisation de la gestion des véhicules de la gamme commerciale sans obtenir satisfaction. J'aurais pu, en revanche, écrire moi-même le bilan des externalisations du ministère de la défense daté du 27 mars 2008 et signé par Christian Piotre tant il est farci de lieux communs : n'y figure aucune comparaison des coûts – sauf s'ils sont bien entendu incomparables –, ces derniers étant exclusivement imputés au personnel civil en matière de pensions ; de même, on y chercherait vainement des informations chiffrées sur 1 000 correspondants opérationnels locaux travaillant pour l'entreprise à laquelle a été confiée l'externalisation et dont il faut bien réparer les erreurs récurrentes.

Je m'étonne des propos de M. le président Vitel sur les auditions d'hier et de ce matin : en effet, un rapport de l'état-major atteste par exemple qu'une entreprise à laquelle un marché d'externalisation de la RHL serait confiée produirait des repas moins chers que ceux des cercles et des mess parce qu'elle a moins de personnels que le ministère de la défense et qu'ils sont moins payés ! J'engage donc votre commission à demander au ministère un bilan précis et honnête de ces externalisations.

Je rappelle, également, qu'il est question de créer une société SOFIRED à partir du rachat, par le ministère de la défense, de la SOFRED, filiale de NEXTER, que la coprésidence en a été confiée à l'ancien directeur de cabinet de M. le ministre et à l'ancien sous-chef à l'organisation de l'état-major et que cette dernière aura pour mission de mettre en place des sous-filiales auxquelles des marchés d'externalisation seraient confiés, des personnels civils et militaires étant mis à leur disposition.

Au cours de la même réunion, le SGA a par ailleurs explicitement affirmé que les personnels civils étaient un frein à l'externalisation et qu'afin de les protéger, il souhaitait pouvoir les mettre à disposition dans les entreprises auxquelles des marchés seront confiés. Nous n'envisageons pas un seul instant qu'un plan d'accompagnement soit mis en place dès lors que le ministre affirme être dépourvu de tout dogmatisme, qu'aucune décision n'est encore prise mais que les pertes d'emplois dans la RHL, elles, sont bien effectives puisqu'elles s'élèvent déjà à 12 000.

PermalienPhoto de Philippe Vitel

Je le répète : ce matin, le CEMA a précisé qu'il n'était pas absolument favorable à l'externalisation de la restauration.

PermalienGilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et secteurs assimilés

Ce n'est pas ce que l'état-major a écrit.

PermalienLuc Scappini, secrétaire général de la Fédération établissements et arsenaux de l'état-CFDT

Depuis plusieurs années, le ministère a tendance à s'inspirer des pratiques les plus dommageables du secteur privé. Dans le contexte que nous connaissons, nous avions demandé que les négociations relatives à l'accompagnement social soient fondées sur un accord de méthode. Cela n'ayant pas été possible, les syndicats sont cantonnés dans une fonction protestataire.

Nous sommes par ailleurs d'autant plus inquiets que nous nous rapprochons du paroxysme des restructurations et que les risques dits psychosociaux ne font que s'accroître.

La stratégie ministérielle de réforme (SMR) de 2003 lancée par Mme Alliot-Marie justifiait déjà les externalisations par un recentrage sur le fameux « coeur de métier ». Si elles doivent se poursuivre aujourd'hui, cela ne peut se faire sans qu'un bilan n'ait été réalisé par des experts indépendants. Les témoignages qui nous reviennent du terrain sont éloquents, des chefs de corps étant contraints de mettre fin à des contrats d'externalisation en raison de leur coût.

L'ensemble des syndicats ont demandé l'organisation d'une table ronde à ce sujet en présence de M. le ministre – que nous n'avons pas vu depuis des mois – mais ce dernier ne semble guère priser cet exercice comme j'ai eu l'occasion de le dire dans ma déclaration liminaire. Il faut pourtant qu'il assume les exigences du dialogue social !

Après la RHL, ce serait donc au tour de la DIRISI ? Il faut arrêter ! Les réseaux informatiques sont vitaux pour les armées ! Des efforts considérables ont d'ores et déjà été accomplis et ils peuvent être poursuivis ; discutons-en plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain !

PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Je confirme les dires du président Vitel s'agissant des propos tenus ce matin par le CEMA : les externalisations ne sont pas un dogme et doivent être examinées au cas par cas. J'engage chacun à faire preuve du même état d'esprit.

Outre que le différentiel entre les demandes de départs volontaires et leurs acceptations, s'agissant des personnels militaires, semble beaucoup plus élevé que pour les personnels civils, ces départs sont théoriquement acceptés en fonction des besoins de l'institution. Est-ce bien le cas pour les personnels civils ?

Enfin, qu'en est-il selon vous des reclassements des personnels civils, lesquels, selon le ministre, se passent dans d'assez bonnes conditions ?

PermalienGilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et secteurs assimilés

On ne peut comparer l'IDV refusée à un ouvrier d'État dont l'établissement va fermer au refus de versement d'un pécule de 150 000 euros à un lieutenant-colonel qui a vingt-cinq ans de carrière et quarante annuités de cotisations !

PermalienYannick Malenfant, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'état CGT

Je remercie le président Vitel pour sa réponse concernant le budget de l'OTAN mais je précise qu'en 2009 la contribution française devait s'élever à 115 millions.

Les externalisations ne peuvent se réduire à des considérations financières. Des chefs de corps sont parfois contraints de faire rouler les véhicules plus qu'il n'est nécessaire afin de ne pas voir leur stock diminuer et, d'autres, de stopper tout exercice dès lors que leur quota de kilomètres a été atteint. Au CTSN de Toulon, les lignes téléphoniques ont été bloquées pendant 15 jours faute d'entretien durant une passation de marché avec Neuf Télécom !

S'agissant de l'emploi, pourquoi embaucher des personnels contractuels alors qu'il faut des années pour acquérir un savoir-faire de très haute technicité dans un secteur tel que celui de l'aéronautique par exemple ?

Enfin, si j'entends bien les propos du CEMA, je n'en lis pas moins les textes qui sont publiés : si le ministre ne considère pas les externalisations comme un dogme, il en fait néanmoins le coeur de sa politique.

PermalienPhoto de Philippe Vitel

Comme l'a dit ce matin le CEMA : l'armée doit pouvoir continuer à assurer ses missions quand plus rien ne tient debout.

PermalienEdmond Scetbon, vice-président fédéral de Défence-CGC Fédération de l'encadrement civil de la défense – FECD

Si l'externalisation des véhicules concerne essentiellement des personnels civils, celle de la RHL est plus complexe puisque 50 % des personnels de ce secteur sont militaires : leur éventuel passage dans le secteur privé entraînant une diminution de leur salaire, l'armée devra débourser beaucoup d'argent – d'où les interrogations de l'état-major. A ce propos, est-il nécessaire que, sur notre territoire, la restauration soit assurée par des militaires, sachant que ces derniers ne travaillent qu'à 80 % de leur temps puisqu'ils doivent faire du sport une fois par semaine ? Sur une carrière de 25 ans, ce ne sont pas moins de cinq années, par ailleurs, qu'ils consacrent à la formation !

La DIRISI est quant à elle devenue un repère de militaires – les pauvres civils qui y travaillent s'arrachent parfois les cheveux – et son externalisation serait un non sens tant il faudrait les surpayer pour compenser leur mobilité. Le ministère de la défense lui-même est en train de se rendre compte qu'à la différence des nôtres, ses comptables ne sont pas toujours excellents.

Enfin, attribuer un pécule de 150 000 euros à un militaire qui peut fort bien retravailler dans le civil ou profiter d'une retraite très convenable soulève un certain nombre de questions dès lors qu'il constitue de fait une indemnité de départ à la retraite. Les IDV, quant à elles, n'ont pas été attribuées à tous ceux qui demandaient à en bénéficier non en raison de leur qualité mais pour des motifs strictement budgétaires.

PermalienPhoto de Michel Voisin

Rapporteur de la loi instituant les pécules, je rappelle qu'un militaire réintégré au sein du ministère de la défense avant un certain délai se doit de rembourser le pécule.

PermalienPhoto de Jean-Louis Bernard

Nous sommes évidemment tous très sensibles aux problèmes de la défense nationale et, en particulier, à ceux que rencontrent les personnels civils comme en témoigne notre assiduité. Néanmoins, la vigueur du ton employé me semble parfois injuste et la modération de certains propos nécessaire.

En outre, monsieur Malenfant, ce n'est pas ici que nous discuterons de notre politique de dissuasion militaire – laquelle connaît une certaine constance quelles que soient les majorités –, qu'il ne vous appartient d'ailleurs pas de remettre en cause.

Je ne verrais en outre aucun inconvénient à ce qu'un groupe de travail soit constitué au sein de notre commission afin de réaliser un bilan des externalisations. J'observe, à ce propos, que les pays qui ont été les plus hardis en la matière semblent revenir à des positions antérieures. Rapporteur du budget de l'armée de l'air puis de l'armée de terre, je sais que les chefs de corps ont des sentiments nuancés et que cette question mérite donc une discussion.

PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Le rapport que nous sommes en train de rédiger avec M. Cornut-Gentille et qui devrait paraître au premier trimestre de 2010 est précisément consacré aux externalisations, à l'immobilier d'entreprise, à la vente des fréquences, aux bases de défense ainsi qu'à la déflation des effectifs et aux pertes éventuelles de compétences. En outre, dans la perspective de l'examen du budget de la défense, nous ferons une communication le 13 octobre prochain. Vous le voyez, nous sommes loin de sommeiller !

PermalienPhoto de Philippe Folliot

Vous représentez, madame, messieurs, des personnels essentiels à notre défense. Certes, ni vous ni nous ne sommes dupes des règles du jeu qui président à ce type d'audition, même si je partage les remarques de certains de nos collègues concernant la vigueur de vos propos. Nous sommes tous très sensibles aux questions qui vous préoccupent et nous veillons à en être des relais efficaces auprès du pouvoir exécutif.

Auteur de l'amendement à la LPM visant à supprimer la systématicité des externalisations, notamment dans la RHL, je suis tout à fait convaincu de la nécessaire approche pragmatique de ce problème.

Par ailleurs, notre attention soutenue à l'endroit des expériences étrangères nous a permis de mettre en évidence ce que l'externalisation pouvait avoir de négatif, notamment à travers le contre-exemple des services de santé anglais.

Il me semble, également, que vos propos sont parfois en déphasage avec ceux du terrain, lesquels sont souvent beaucoup moins sombres.

Enfin, sachant que la comparaison avec les personnels militaires n'est pas probante, comment mieux évaluer vos propres spécificités par rapport à d'autres personnels civils d'autres ministères dont les fonctions sont équivalentes ?

PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Avez-vous discuté avec le ministère du format de DCNS à trois ans ou de sa stratégie de gestion des ressources humaines ? Quelles ont été vos relations avec son nouveau président et comment jugez-vous sa méthode ?

PermalienGilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et secteurs assimilés

Impossible d'en dire quoi que ce soit, le ministre se défaussant depuis un an comme il le fait dès qu'il est question de la gendarmerie par exemple.

PermalienLuc Scappini, secrétaire général de la Fédération établissements et arsenaux de l'état-CFDT

Il est vrai que nous n'avons guère l'occasion de discuter avec le ministre des sociétés nationales à capitaux d'État alors qu'il s'agit là d'une question importante dont nous sommes bien entendu saisis en tant que syndicats. Depuis l'arrivée du président Boissier, les salariés et les syndicats de DCNS attendent avec inquiétude le plan stratégique qui sera annoncé au mois de novembre. Ses prémices font d'ores et déjà état de la nécessité de nouer des alliances avec nos partenaires alors que la politique européenne de défense est un échec et que nous ne disposons d'aucun projet structurant. Il semblerait, par ailleurs, que la situation des personnels mis à disposition soit remise en cause ; la mise en place de l'équivalent d'une IDV serait également prévue de même qu'un texte sur la « grande mobilité ».

S'agissant des transferts de technologie, dont notre pays est le champion, nous jouons également aux apprentis sorciers.

Je rappelle, enfin, que nous ne sommes pas particulièrement demandeurs d'IDV et que leur nombre témoigne surtout de l'échec des reclassements, les personnels préférant « jeter l'éponge et se barrer » du ministère. Prenons garde aux risques psychosociaux !

PermalienYannick Malenfant, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'état CGT

Nous sommes en effet inquiets quant à la stratégie de DCNS : à Toulon, par exemple, l'entreprise ne sera plus chargée de la fabrication des bâtiments militaires mais elle sera responsable de l'entretien des bateaux de la SNCM !

Par ailleurs, une politique exclusivement centrée sur l'exportation et les transferts de technologie entraîne de facto une pénurie de personnels : à Lorient, ces derniers sont ainsi obligés de travailler en « deux huit » sur les FREMM sans compensation aucune.

En outre, après le VBCI, que fera NEXTER ?

Enfin, si nous avons été convoqués pour donner notre avis sur le budget de la défense, nous sommes libres de parler des programmes et des orientations du ministère, notamment s'agissant du nucléaire.

PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

À vous entendre, la composante civile du ministère est le parent pauvre de ce PLF alors que, depuis douze ans, ses effectifs ont considérablement diminué et que 15 000 à 20 000 suppressions d'emplois sont prévues pour la période 2009-2014. L'avenir est donc très sombre.

J'étais hier en accord avec M. le ministre sur un seul point – l'effort fourni pour soutenir les personnels sur un plan salarial avec une enveloppe de 114 millions en 2010 contre 89 millions l'an dernier – mais il semble que cela concerne essentiellement les militaires, ce qui est loin d'être normal. Lorsque la solde d'un capitaine augmentera de 358 euros, qu'en sera-t-il pour un soudeur ?

Lors de la discussion budgétaire, nous défendrons votre cause !

PermalienJean-Yves Placenti

Je vous invite à jeter un oeil sur le site interministériel des marchés publics où vous trouvez notamment l'appel d'offres lancé dans le cadre de l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) des externalisations à venir : si elles ne sont pas l'alpha et l'oméga, elles sont bien toujours d'actualité.

Nous travaillons par ailleurs dans un ministère de contractuels, comme en attestent les statuts militaires. Je comprends que certains souhaitent leur extension, les recrutements s'en trouvant ainsi facilités de même que les ruptures de contrat ou l'obéissance inconditionnelle des salariés ; la contractualisation est née de la LOLF, laquelle participe elle-même d'une dynamique visant à remettre en cause les emplois statutaires de la fonction publique.

PermalienEdmond Scetbon, vice-président fédéral de Défence-CGC Fédération de l'encadrement civil de la défense – FECD

M. Candelier a évoqué la somme de 358 euros : elle correspond à l'espérance d'évolution de carrière d'un adjoint administratif du ministère.

S'agissant de DCNS, nous craignons un reflux organisé des personnels civils, notamment des fonctionnaires, à l'instar de ce qui se passe à France Télécom.

J'ajoute qu'à la fin de ce mois, nous sommes convoqués à une nouvelle réunion sur le rôle et la place du personnel civil au ministère de la défense, preuve supplémentaire, s'il en était besoin, des problèmes qui se posent. En quoi, par exemple, le fait que les secrétaires du service de santé des armées aient un statut militaire importe-t-il vraiment – à moins de considérer qu'il est juste que leur coût salarial soit trois plus élevé que dans le civil ?

Puisqu'il a été question de la situation à l'étranger, je vous propose d'aller voir ce qui se passe en Allemagne : là-bas, les militaires sont affectés au domaine opérationnel et les civils au soutien ou à l'administration, ce qui correspond d'ailleurs parfaitement aux grandes orientations préconisées par le Livre blanc. Lorsqu'un militaire rejoint l'administration, il passe alors sous statut civil et la situation est inversée lorsqu'un civil accède au secteur opérationnel. En revanche, chez nous, au ministère, vous trouverez une myriade de jeunes filles aux uniformes rutilants qui ne vont jamais en opération et qui finiront géographiquement leur carrière où elles l'ont commencé. Pourtant, si l'on instituait une telle répartition, le ministère gagnerait de l'argent à effectifs constants. Hélas, le lobby militaire est si puissant que les syndicats ne peuvent lutter là-contre. Nous sommes même exclus des réunions lorsqu'on ne veut pas nous entendre !

Je précise également que la plupart des personnels civils membres du haut commandement sont tous d'anciens militaires et que non seulement les pauvres administrateurs civils issus de l'ENA souffrent mais qu'ils sont gentiment poussés dehors. C'est le personnel civil que l'on assassine !

Si, par ailleurs, 900 personnes demandent à bénéficier de l'IVD, c'est que leur poste doit être supprimé. Les chefs de corps essaient de minimiser les choses mais, au 1er janvier 2010, lorsque des personnels se retrouveront dehors, nous serons confrontés aux vrais problèmes et, alors, ce ne sera une sinécure ni pour les parlementaires, ni pour les syndicalistes, ni pour l'ensemble de la nation.

PermalienPhoto de Philippe Vitel

Je vous remercie pour ces échanges profitables. Soyez persuadés que notre porte restera ouverte pour vous recevoir et vous écouter.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.