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Séance en hémicycle du 1er avril 2008 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés (nos 719, 746).

Cet après-midi, l'Assemblée a rejeté l'exception d'irrecevabilité présentée par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. Philippe Martin, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

J'aurais préféré, pour ce rappel au règlement fondé sur l'article 58, alinéa 1, que le président Ollier soit présent dans notre hémicycle.

Quoi qu'il en soit, des déclarations graves ont été faites aujourd'hui par des parlementaires français – un sénateur à la presse ce soir, et notre collègue Bernard Debré à cette tribune tout à l'heure –, déclarations qui laissent à penser que nos débats seraient sous influence.

Le sénateur UMP Jean-François Le Grand, qui a présidé la Haute autorité provisoire sur les OGM avec équilibre et discernement – je puis en témoigner car j'en étais membre –, a déclaré ce soir au journal Le Monde que certains avaient « fait main basse sur l'UMP afin de défendre des intérêts mercantiles », que « la force de frappe de Monsanto et des autres semenciers [était] phénoménale », et qu'« il [suffisait] de comparer les argumentaires des uns et des autres […] pour comprendre » qu'« ils » – les parlementaires de son groupe – « [avaient] été actionnés ».

Tout à l'heure, du haut de cette tribune, Bernard Debré a également évoqué des « mesures d'intimidation ».

Ces propos sont suffisamment graves, madame la présidente, pour que l'on nous donne des éclaircissements. Je souhaiterais donc que le président Ollier, dès qu'il nous rejoindra, soit sensibilisé à la question. S'agissant d'un texte aussi important, le Parlement doit être indépendant de toute pression. Or, notamment après les déclarations du sénateur Le Grand, nous avons l'impression, je le répète, que certains de nos collègues pourraient fonder leur raisonnement non pas sur leur analyse personnelle mais sur les argumentaires développés par une multinationale semencière.

Il nous paraît donc nécessaire, pour la sérénité de nos débats, que le président de la commission des affaires économiques, si ce n'est le ministre, nous rassure sur ce point. Ne donnons pas l'impression que le Parlement agit sous pression.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je prends acte de votre demande, mon cher collègue, et la transmettrai au président Ollier.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Yves Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre d'un texte qui pourrait profondément bouleverser l'agriculture française et, au-delà, notre rapport à l'alimentation et à la nature. En effet, les enjeux induits par les OGM ne sont pas simplement politiques ou économiques, ils touchent à l'éthique, voire à la civilisation. Les questions qui se posent à nous portent sur un avenir qui sera irréversiblement bouleversé, donc sur le sens de ce que nous appelons, parfois un peu rapidement, la modernité ou le progrès. Je ne veux pas basculer dans la grandiloquence, mais le texte dont nous allons débattre pendant trois jours a des conséquences vertigineuses.

La question est en effet d'autant plus sensible qu'elle met en cause des fondamentaux de la vie par le franchissement de la barrière des espèces, la manipulation et le brevetage du vivant, l'irréversibilité de la dissémination et le devenir incontrôlable des OGM. Les industriels des biotechnologies entendent se poser comme les nouveaux démiurges : ils veulent recréer la nature pour la rendre apparemment plus rationnelle et plus propre ; mieux – ou pire –, ils veulent que cette nature vivante manipulée échappe même à ses créateurs – car on dissémine du vivant –, de sorte que son évolution sera incontrôlable, indéterminée et incertaine, tel le monstre créé par le professeur Frankenstein.

J'aimerais évoquer quelques contrevérités véhiculées par la propagande des lobbies semenciers, qui n'ont évidemment pas manqué, au cours de ces dernières semaines, de nous envoyer leurs brochures argumentatives afin de nous convaincre de la nécessité absolue de leurs produits.

Je m'efforcerai donc de démontrer que ce projet de loi est un mauvais projet, qu'il est trompeur et dangereux. Il est en outre inabouti car il tronque des questions essentielles et détourne, par exemple, le problème des distances et des seuils de la responsabilité au profit des industries semencières. La raison centrale de cette question préalable est la suivante : y a-t-il lieu de nous prononcer sur un texte visant à légaliser une technique encore mal maîtrisée, aux conséquences incertaines et totalement inconnues ? Je vous invite à vous demander quelle est l'urgence sociale et agricole qui nous presse à valider ce texte.

Je tiens d'abord à préciser que nous, les Verts, ne sommes pas du tout opposés à la recherche sur les OGM, notamment à des fins thérapeutiques. Nous sommes conscients que désormais, 15 à 20 % des médicaments sont issus des biotechnologies. Il n'est pas question de le contester. Le génie génétique est utilisé en laboratoire de manière routinière depuis trente ans : il est donc un outil au service du chercheur, mais dans un milieu confiné où la contamination est contrôlée. C'est lorsqu'ils sortent de ce cadre confiné que les OGM peuvent légitimement inspirer plus d'inquiétudes. Un champ n'est pas la simple extension d'un laboratoire. Faire entrer les OGM en plein champ revient à permettre le dépassement de la frontière entre l'espace clos du laboratoire et l'espace social et écologique du champ.

Bref, selon nous, la limite des OGM est le confinement. Il nous semble scientifiquement dangereux de disséminer dans la nature des OGM qui pourront atteindre par contamination des millions d'autres plantes de façon irréversible. En outre, nous n'avons à l'heure actuelle pas d'estimation précise et fiable des effets en chaîne, différés ou à long terme, sur les écosystèmes et sur la santé humaine. Les industries semencières jouent aux apprentis sorciers. Autoriser la diffusion des OGM en plein champ, c'est mettre en balance d'un côté l'environnement et la santé publique, et de l'autre un prétendu secret industriel. Quelle est l'utilité sociale de privilégier l'urgence des brevets par rapport au temps d'évaluation ?

Je citerai les propos tenus par les deux membres du Gouvernement présents ce soir sur nos bancs. Mme Kosciusko-Morizet partage apparemment nos doutes. J'ai en effet sous les yeux un communiqué de presse rapportant un extrait significatif de ses déclarations sur RMC le 3 juillet 2007 : « La secrétaire d'État à l'écologie s'est dite “à titre personnel assez réticente sur les OGM. On n'a pas posé la question du sens des OGM qu'on mettait en culture : la question se pose différemment selon qu'il a un intérêt pour la société ou si c'est exclusivement commercial”, a-t-elle expliqué. “Je crois qu'il y a un risque environnemental avec les OGM et ce n'est pas la peine de prendre de risques”, a-t-elle déclaré. »

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Deuxième point : le projet de loi planifie la coexistence des cultures OGM et non OGM. À notre avis c'est un non-sens. Le 20 septembre 2007, M. Borloo déclarait d'ailleurs au journal Le Monde : « Sur les OGM tout le monde est d'accord : on ne peut pas contrôler la dissémination. » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Au regard de ces deux citations de membres éminents du Gouvernement, la question des distances, abordée dans l'article 3 du projet de loi, devient absurde. II n'y a pas, aux dires des ministres eux-mêmes, de distance garantissant une étanchéité totale des cultures tout simplement parce que, chacun en conviendra, on ne peut pas encadrer le vent, ni maîtriser la trajectoire des abeilles ou le vol des oiseaux.

Ce problème nous montre bien les complications que posent les OGM, non seulement aux agriculteurs mais aussi aux apiculteurs et à toute notre société. La majorité des espèces cultivées en France dépendent partiellement ou totalement de l'abeille pour leur pollinisation, et donc pour leur production : tournesol, colza, plantes potagères ou fruits dépendent des abeilles, même si aujourd'hui se pose le problème, encore inexpliqué scientifiquement, de leur mortalité. En cas de cultures OGM, les producteurs sans OGM ont tendance à refuser de laisser les apiculteurs installer des ruches sur leurs terrains, de peur de favoriser la contamination de leurs récoltes, ce qui remet en cause la pérennité des productions dépendant de la pollinisation des abeilles.

La directive européenne 200118, qu'une partie de la loi est censée transposer en droit interne, dispose d'ailleurs dans son considérant 4 : « Les organismes vivants disséminés dans l'environnement, en grande ou en petite quantité, à des fins expérimentales ou en tant que produits commerciaux, peuvent se reproduire dans l'environnement et franchir les frontières nationales, affectant ainsi d'autres États membres. Une telle dissémination peut produire des effets irréversibles sur l'environnement. »

Le comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM, dont a très bien parlé Philippe Martin, a indiqué dans son rapport de janvier 2008 que les « faits et [les] questions » dont il a été saisi par le Gouvernement « représentent des interrogations quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques possibles de la culture et de la commercialisation du MON 810. »

Je reprendrai aussi, après M. Martin, une partie des déclarations du sénateur UMP M. Le Grand qui, en tant que président de la Haute autorité provisoire, a émis des doutes sérieux sur le MON 810, variété de maïs transgénique de Monsanto.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

On se pose des questions sur la pertinence des propos, graves, qu'il a tenus, et la possibilité de les démontrer : « Certains ont fait main basse sur l'UMP afin de défendre des intérêts mercantiles. »

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

J'aimerais avoir des explications sur cette déclaration : peut-être le président Ollier, de retour parmi nous, pourra-t-il nous les donner.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

L'aspect définitif d'un tel choix agricole est très inquiétant, car il induit à moyen et à long terme la disparition progressive des semences « naturelles » et condamne l'agriculture biologique : on ne pourra plus, dans notre pays, garantir l'absence d'OGM dans les productions.

Je vais vous raconter la mésaventure récente vécue par deux agriculteurs des Deux-Sèvres, circonscription de notre collègue Geneviève Gaillard. En dépit de la procédure contraignante et transparente de traçabilité, ils ont vu leurs exploitations de produits biologiques contaminées par des OGM. Ils sont dans l'incertitude totale quant à l'origine de cette contamination car il est extrêmement difficile, voire impossible, d'identifier le moment et la cause de la contamination. C'est pourquoi nous vous proposerons, dans un amendement à l'article 5, d'inverser la charge de la preuve : il incomberait ainsi au responsable présumé de prouver qu'il ne l'est pas, ce qui permettrait de préserver les droits de la victime et de rendre applicable le principe de responsabilité, qui est, si j'ai bien compris, l'une des pierres angulaires du projet de loi.

Ces agriculteurs dont les cultures ont été contaminées ont perdu leur label « bio » et ont subi un préjudice financier et moral important. Certes, un système de dédommagement est mis en place, mais pourront-ils à nouveau cultiver de façon biologique, et selon les méthodes de travail auxquelles ils étaient attachés et qui respectent leur cahier des charges ? Ce sont des questions qu'il convient d'affronter quand on parle d'OGM. J'ai cité ces deux cas, mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres : tous les élus de circonscriptions rurales – je pense par exemple à M. Dionis du Séjour – savent combien nos produits de qualité, nos labels et nos AOC sont appréciés. Les éleveurs de poulets de Loué, par exemple, s'ils mettent en avant le fait que leurs poulets sont élevés en plein air, s'engagent également à leur donner une nourriture qui ne soit pas transgénique – contrairement aux vaches bretonnes qui consomment du soja transgénique. Que deviendra le poulet de Loué ? Ce problème concerne bien tout le monde !

Ce que l'on appelle l'avantage comparatif de l'agriculture française ne vise pas à concurrencer l'immensité sans diversité du Middle West américain, mais à mettre en valeur la qualité, les produits du terroir, les appellations contrôlées, les labels. Le Président de la République a même envisagé de demander l'inscription de la gastronomie française au patrimoine mondial de l'UNESCO !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Peut-être, mais il faut alors en exclure les OGM ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

La troisième inquiétude, que nous partageons tous, c'est que les seuils sont eux aussi source de confusion. Ils trahissent le Grenelle de l'environnement, dont vous êtes les acteurs principaux, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre. Le projet de loi, dès son article 1er, article inaugural de la loi, évoque la liberté de produire et de consommer « avec ou sans OGM ». Or le relevé de conclusions de la troisième partie de la table ronde du Grenelle de l'environnement consacrée aux OGM prévoit, à la page 19, l'adoption d'une loi sur les biotechnologies et les OGM avant la fin du printemps 2008 – nous y sommes – et, à l'alinéa 4, le libre choix de produire et de consommer « sans OGM » : c'est la règle de coexistence. Le Grenelle de l'environnement était pourtant parvenu sur ce point à un consensus, comme l'a rappelé un article paru la semaine dernière dans le journal Le Monde.

La contamination par les OGM, et donc l'existence d'un dommage potentiel, devrait être reconnue dès que du matériel génétiquement modifié est identifié au seuil de détection scientifique dans une culture ou un milieu naturel qui ne devrait pas en contenir. Soyons clairs : un produit « sans OGM » est un produit qui contient 0 % d'OGM. En l'état actuel de la science, on peut dire si un produit contient moins de 0,1 % d'OGM. Or, au cours d'une discussion très intéressante, le rapporteur, le président et quelques collègues de la majorité nous ont rappelé l'existence du seuil européen de 0,9 % : un produit sans OGM serait un produit contenant moins de 0,9 % d'OGM, mais au-delà de ce seuil, il contiendrait des OGM ? Non ! Pour moi, un produit sans OGM en est totalement dépourvu, au sens de la détection scientifique. Il ne s'agit que d'un seuil d'étiquetage destiné aux consommateurs. Cet amalgame entre les deux seuils, source de confusion, est malhonnête !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Il faudrait entendre par « sans OGM » la définition donnée par la DGCCRF dans une note d'information parue en 2004, à savoir une présence d'OGM inférieure au seuil de détection. Cette définition nous a paru tellement intéressante que nous l'avons reprise dans un amendement, dont nous débattrons dans les jours qui viennent – car ce n'est pas à l'administration de faire la loi, mais à l'Assemblée nationale et au Sénat.

J'en viens à la quatrième contrevérité. Je l'ai entendu cet après-midi encore sur les bancs de cette assemblée : les cultures OGM permettraient de nourrir le tiers-monde. Les OGM seraient donc une réponse à la faim dans le monde ? J'en doute ! Nous avons tous lu le livre et vu le film de Mme Robin,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

…qui montre très bien comment le système de brevetage des semences maintient les paysans dans une situation de dépendance économique en les obligeant à racheter chaque année les semences. En bref, les OGM impliquent les brevets, qui impliquent le monopole, qui implique la dépendance des agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. — Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

C'est parfaitement exact ! Les OGM étant tous brevetés, cette dépendance est donc inéluctable, dans notre pays comme en Inde, au Mexique et partout dans le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Au contraire : ils augmentent leur productivité de 40 % grâce aux OGM !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Debré !

Peut-être avez-vous vu le documentaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Vous voulez encore appauvrir le tiers-monde ? Vous êtes un assassin !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je cite des personnes très qualifiées et des documentaires qui font partie du débat démocratique, mon cher collègue ! Je vous invite à regarder un autre documentaire, très instructif. « We feed the world – Le marché de la faim » nous apprend que la production agricole mondiale permet actuellement de nourrir onze milliards d'êtres humains. Vous l'avez dit, mon cher collègue Debré, il y a actuellement, dans le monde, des gens qui meurent de faim. Mais ce n'est pas la productivité des agricultures vivrières des pays du sud qui en est la cause, mais bien le système productiviste de l'OMC et la mauvaise répartition des richesses et des ressources.

Comment expliquer que des pays d'Afrique connaissent de graves famines alors qu'ils d'exportent par ailleurs leur production agricole vers les pays industrialisés ? Dans le même temps, l'Europe et les États-Unis sont en situation de surproduction au point que chaque année, une partie de la production doit être brûlée et un tiers de la production de céréales donné aux animaux pour que le marché, basé sur l'offre et la demande, et les prix ne s'effondrent pas. La famine est due à une perversion du marché alimentaire mondial, et non à l'absence d'OGM dans nos cultures.

Autre argument fallacieux, que j'ai souvent entendu : les OGM permettraient de diminuer l'utilisation des pesticides. Pas du tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les OGM ne garantissent pas une meilleure protection de l'environnement. Souvenez-vous du Roundup Ready ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Un peu de sérieux ! Comment voulez-vous que l'on vous croie !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je vais vous l'expliquer si vous ne le savez pas : du point de vue environnemental, les OGM participent à l'appauvrissement… (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Madame la présidente, je suis interrompu par certains de mes collègues…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Poursuivez, monsieur Cochet ! Laissez l'orateur s'exprimer, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Vous aurez l'occasion de vous exprimer, monsieur Jacob ! On sait désormais que certaines plantes, que l'on appelle les mauvaises herbes, deviennent résistantes aux herbicides censés les éliminer. La nature évolue !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

On peut mentionner l'adaptation des prédateurs aux toxines transgéniques, qui deviendront de ce fait inefficaces, et la destruction d'insectes auxiliaires utiles, ou encore la modification possible de micro-organismes du sol. Pour nous, ces risques sont trop sérieux pour qu'on laisse les industries semencières s'approprier les milieux naturels et les ravager sans ménagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

D'autres risques sanitaires encore mal évalués existent, qui justifieraient l'application du principe de précaution. Ainsi, l'ingestion de pesticides ou d'insecticides dits protéiques par le consommateur, notamment d'insecticides fabriqués par certaines plantes OGM, pourrait entraîner des intoxications, des modifications microbiologiques aggravant par exemple la résistance aux antibiotiques, l'apparition possible de nouveaux virus pathogènes par recombinaisons virales, ou encore des effets allergisants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Vous aurez l'occasion de prendre la parole au cours du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur Debré, le groupe Monsanto lui-même a financé des études, dont les résultats n'ont été rendus publics qu'après saisine des tribunaux. Ces études, réalisées sur des rats, ont montré des différences significatives entre les individus selon qu'ils avaient été exposés ou non aux OGM.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Au contraire : ces différences ne sont pas significatives !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Vous répondrez lorsque ce sera votre tour, monsieur Debré !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

En effet, vous répondrez à M. Cochet lorsqu'il aura terminé son intervention !

Poursuivez, monsieur Cochet !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je veux bien poursuivre, mais dans la tranquillité.

Il est surprenant que ce projet de loi ne nomme pas une seule fois les OGM par leur vrai nom : des plantes à pesticides. C'est d'autant plus surprenant que le Président de la République lui-même, lors du Grenelle de l'environnement, le 25 octobre 2007, déclarait que les organismes génétiquement modifiés possèdent bel et bien des caractéristiques de toxicité semblables à celles des pesticides. Savez-vous que 71 % des OGM sont des plantes prévues pour supporter des traitements herbicides – le fameux Roundup Ready – et 28 % des plantes prévues pour sécréter leur propre insecticide ? 99 % des OGM sont donc des plantes à pesticides. Naturellement, elles ne réduisent en rien l'emploi de ceux-ci en agriculture.

Je vais vous lire un court passage de la déclaration qu'a faite le Président Sarkozy le 25 octobre 2007 : « Je veux revenir sur le dossier des OGM. La vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides. La vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM. La vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM. Je ne veux pas me mettre en contradiction avec l'Union européenne mais, dans le respect du principe de précaution, je souhaite que la culture commerciale des OGM pesticides soit suspendue en attendant les conclusions d'une expertise à conduire par une nouvelle instance créée avant la fin de l'année. C'est le comité de préfiguration qui doit rendre ses conclusions. » Voilà ce que déclarait le Président Sarkozy ! (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Peut-être avez-vous moins de doutes que lui ? Ce n'est pas notre cas.

C'est encore plus surprenant lorsqu'on sait que c'est le groupe Monsanto qui a produit les PCB, polluants organiques plus connus en France sous le nom de pyralène, qui sont la cause d'une importante pollution dans la vallée du Rhône.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Pas seulement dans la vallée du Rhône !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Il est possible en effet que d'autres grandes rivières françaises soient polluées par le pyralène de Monsanto. La pêche y est interdite, bien entendu, et il sera difficile de draguer le Rhône ! Monsanto a également produit le terrible agent orange – je n'évoquerai pas le souvenir de ce qui s'est passé il y a une trentaine d'années – ainsi que les dioxines et le Round-up. Et aujourd'hui, elle produit à la fois des OGM et les produits nécessaires à leur emploi.

En effet, cette entreprise a vu comment l'exploitation agricole d'OGM lui permettait d'augmenter la vente de certains pesticides par la commercialisation de plantes OGM résistantes à ces herbicides particuliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Vous êtes le meilleur soutien de Monsanto ! Quels sont vos liens véritables avec cette entreprise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La meilleure façon de se défendre, monsieur Jacob, c'est d'attaquer !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Un peu de retenue, je vous prie !

Veuillez poursuivre, monsieur Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

La vérité, c'est que le chiffre d'affaires de Monsanto, qui produit 90 % des OGM dans le monde, était de 8 milliards de dollars en 2007, dont 1 milliard de bénéfices. En dix-huit mois, le cours de l'action du semencier américain a triplé. Selon ses propres prévisions, Monsanto pourrait doubler ses bénéfices à l'horizon 2012 grâce à son soja et à son maïs résistants aux herbicides et aux pesticides.

Ces enjeux financiers considérables nous ont conduits à proposer un amendement sur l'indépendance totale – à laquelle nous devrons veiller – des membres du Haut conseil des biotechnologies vis-à-vis des grandes firmes semencières. Ce mélange entre les enjeux publics de la politique agricole et les enjeux privés des profits d'une firme est dangereux. Privatiser la nature et généraliser le brevetage du vivant revient à permettre le monopole de l'alimentation au profit des entreprises transnationales des biotechnologies. Le politique n'aurait alors plus aucun recours pour contrer la progression de la contamination – qui est irréversible.

Ce projet de loi va engager la politique agricole et environnementale de la France pour une durée indéterminée, du fait de l'irréversibilité de la dissémination. C'est un poids que nous allons imposer aux générations futures. Il va, au fur et à mesure de la dissémination et de la contamination, priver nos concitoyens de la liberté de consommer et de produire sans OGM ; ils n'auront même plus les moyens de s'en protéger. Ce texte laisse aux mains des industries semencières une arme suprême : l'arme alimentaire. Le Haut conseil n'aura malheureusement pas un pouvoir suffisant pour prévenir les abus et les dérives. L'être humain pourra continuer à disséminer dans l'environnement ces chimères biologiques à risque, ce qui revient à renier le Grenelle de l'environnement. Quant aux autres points du Grenelle, vous semblez avoir honte de montrer votre avant-projet de loi-cadre, dont M. Ollier aurait une copie. Mettez-le en débat : nous l'examinerons avec le plus grand intérêt et nous ferons sans doute des propositions constructives avant qu'il ne soit examiné en Conseil des ministres et en Conseil d'État. Nous ne souhaitons que l'améliorer, en allant dans le sens de l'écologie.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Avec la généralisation des OGM, la nature sera irrémédiablement bouleversée. En voulant soumettre le vivant à ses volontés, l'être humain en réduit les richesses et se prive de la variété de ses ressources. La nature sera standardisée, telle une marchandise manufacturée. La tomate parfaite peut être multipliée à l'infini, comme une boîte de conserve. Elle ne sera plus un bien commun, mais une licence légale. En manipulant ainsi la nature, l'être humain fait de lui-même son propre terrain d'expérimentation. Aveugles aux risques sous-jacents, les promoteurs des OGM semblent oublier que même les compagnies d'assurance – que je vais rencontrer demain midi –, qui ne sont pourtant pas des écologistes patentés, mais des comptables pour lesquels un sou est un sou, refusent d'assurer les cultures OGM. Les risques sont en effet indescriptibles, sans échelle, et donc non évaluables. C'est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Anciaux

À une autre époque, avec les mêmes arguments, il n'y aurait jamais eu d'avions ! (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Permettez-moi, monsieur Cochet, de faire appel à votre intelligence et à votre bon sens.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Je vous le dis avec beaucoup de gentillesse et de respect,…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

…vous essayez de faire croire que nous débattons de l'exploitation en France du Monsanto 810. Or la France est l'un des rares pays d'Europe qui, devant l'incertitude sur la dissémination, a fait jouer la clause de sauvegarde et interdit sur son sol la culture et la commercialisation du Monsanto 810. Cette décision n'est pas anodine, elle a même été contestée par certains. Elle a été prise en vertu du principe de précaution. La France est l'une des plus grandes puissances agricoles et vous savez mieux que quiconque, monsieur Cochet, le poids d'une telle décision. Vous m'aviez interpellé à l'Assemblée, me demandant pourquoi nous n'agissions pas de la même façon qu'en Allemagne. Trois mois après avoir fait jouer la clause de sauvegarde, l'Allemagne était contrainte d'y renoncer parce que son argumentation juridique était insuffisante. Malgré la menace, par un grand pays, d'un contentieux devant l'OMC, la France a pris cette décision difficile, compliquée…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

…oui, politiquement compliquée, sur laquelle chacun peut avoir son opinion.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Vous auriez mieux fait d'engager, lorsque vous étiez aux affaires, un contentieux contre Monsanto pour les PCB de l'époque que de venir maintenant nous donner des leçons, alors que nous, nous avons fait interdire le Monsanto 810 en faisant jouer la clause de sauvegarde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Revenons au débat de fond. Cette décision d'une grande puissance agricole était très importante. Vous savez, monsieur Cochet, parce que vous suivez de près cette affaire, que nous avons entraîné la Roumanie sur cette voie. Et, lorsque la France a demandé une remise à niveau de l'expertise européenne, quatorze pays européens ont suivi. Car il va bien falloir une position européenne commune sur ces sujets. Il ne peut pas y avoir une position en deçà des Pyrénées et une autre au-delà !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Le problème est planétaire. Il est donc normal que tous les pays européens essaient de trouver les moyens d'améliorer leur expertise.

Quand j'entends dire que ce débat serait une façon de soutenir Monsanto, alors que nous venons d'interdire le 810 sur le territoire national, sincèrement, monsieur Cochet, j'estime que cet amalgame n'est pas correct, au sens étymologique du terme.

Pour ce qui est du texte, quel en est le sujet ? L'Europe veut modifier ses capacités d'expertise. Je sais que le Grenelle de l'environnement vous pose problème : vous vous sentez obligés de démontrer en permanence que cet énorme mouvement technique, populaire et démocratique est un échec puisque ce n'est pas vous qui l'avez initié.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Je vous en donne acte.

Le problème est le suivant : nous savons tous qu'il faut, sur ces sujets, avoir le regard d'un certain nombre de scientifiques relevant de disciplines différentes, et pas seulement de ceux qui ont l'habitude de faire des recherches en la matière. Le Grenelle a donc demandé à l'unanimité la création d'un Haut comité, non pas pour se substituer à la décision des politiques, mais, par le jeu de l'information, des expériences, des regards sur les choix de société, éclairés par les sciences,…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

…pour leur donner des avis. Car sur un sujet aussi complexe, la politique doit éviter l'arrogance, l'amalgame, le prêt-à-penser, la diatribe.

Souhaité à l'unanimité des collèges, des entreprises, des agriculteurs, des ONG, des représentants du Parlement, des villes, des régions et du Gouvernement, ce texte vise à mettre en place une procédure digne de ce nom, à faire le mélange des savoirs, des sciences et des regards. De nombreux problèmes vont se poser dans le domaine des biotechnologies. Et, monsieur Cochet, le Parlement français ne légifère pas pour ou contre Monsanto, mais sur toutes les formes de biotechnologies qui vont apparaître dans les décennies à venir. De quoi parle ce projet de loi ? De la Haute autorité, des procédures, de la responsabilité des politiques, de la transparence, de l'information, des voies de recours, des dommages collatéraux. Que voulez-vous ? Qu'il n'y ait pas de loi, pas de transparence, pas de responsabilité, pas de Haute autorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Il est possible de discuter à la marge. Mais je vous le dis avec gentillesse, monsieur Cochet, vous ne rendez pas service à la cause que vous défendez lorsque vous faites croire que ce texte est pro-OGM. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Réalisez-vous que nous devons faire bouger la Commission européenne ? Pour ce faire, il faut que nous-mêmes soyons en règle et que ce texte soit conforme. Nous devons montrer la voie des nouvelles expertises, que nous appelons tous de nos voeux, et de la pluridisciplinarité. Car le mode d'expertise européen a plus de dix ans et, aujourd'hui, il n'est plus adapté à la question des OGM.

La loi doit protéger les faibles et permettre à ceux qui veulent produire autrement de le faire. Elle doit protéger les AOC et l'agriculture biologique. Personne sur ces bancs n'ignore les investissements que l'agriculture de proximité est obligée de faire. Mais il faut mettre en place un cadre clair pour l'ensemble des sujets des biotechnologies. Ce n'est pas une loi pour untel ou pour un autre. Quand j'ai entendu dire tout à l'heure, probablement dans l'emballement, que nous défendions une loi pour l'argent,…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

…alors que nous sommes un des seuls pays – et le plus grand pays agricole au monde – à avoir interdit sur son territoire le Monsanto 810, je dis que cet argument n'est pas à la hauteur de notre débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Gaillard

Mes chers collègues, « ce n'est pas le doute qui rend fou, c'est la certitude », a dit un grand philosophe. J'imagine que vous ne savez pas de qui il s'agit. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je veux parler de Nietzsche.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Gaillard

Je vous invite, vous qui avez de telles certitudes, à réfléchir sur cette phrase. Car on peut se demander si vos certitudes ne vont pas, à un moment donné, vous rendre fous !

La question préalable, défendue par M. Yves Cochet, a bien exposé tous les problèmes inhérents aux organismes génétiquement modifiés : aucune réversibilité possible, manipulation de la nature, légalisation d'une coexistence dont la majorité de nos concitoyens ne veut pas, principe de précaution bafoué en dépit de son inscription dans la Constitution, enfin principe de responsabilité d'ordre uniquement économique, alors que nous savons fort bien qu'en matière de santé publique et de protection de l'environnement nous n'avons, là encore, que des doutes. Vous nous demandez si, oui ou non, nous voulons des OGM : moi, je vous répondrai que nous ne voulons pas de plantes génétiquement modifiées cultivées à des fins uniquement mercantiles sans qu'il ait été auparavant procédé à une expertise des risques digne de ce nom.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Gaillard

Ce texte ne le permet pas !

Nous ne voulons pas non plus qu'on puisse fabriquer d'animaux génétiquement modifiés : or le texte n'évoque pas ce sujet qui posera pourtant dans l'avenir un vrai problème de santé publique et de santé animale. Ce dont nous ne voulons pas, de fait, c'est qu'on rende possible la culture de plantes ou la fabrication d'animaux génétiquement modifiés avant que la responsabilité au regard de ces deux points ait été clairement définie.

Oui, nous avons un doute ! Je suis même plutôt satisfaite que la gauche de l'hémicycle ait un doute car cela la conduit à chercher à tout le moins à amender le texte, un texte que, malheureusement le Sénat a corrigé d'une manière pour le moins étonnante. Or la plupart de nos amendements ont été refusés durant les débats en commission et nous savons très bien qu'ils ne seront pas davantage retenus lors de leur examen dans l'hémicycle, compte tenu de la composition de celui-ci, alors qu'ils sont de nature à faire évoluer le projet de loi. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera la question préalable défendue par M. Yves Cochet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission, qui a étudié près de 400 amendements et accepté un grand nombre d'amendements du rapporteur, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), s'est entendue majoritairement pour reconnaître que le texte du Sénat constitue une bonne base mais qu'il mérite quelques améliorations. Le travail de la commission, notamment de son rapporteur, M. Antoine Herth, et de son président, M. Patrick Ollier, y a contribué.

Trois points particuliers ont fait l'objet d'un examen particulièrement attentif : la coexistence, qui a toujours été pratiquée dans le monde agricole ; la responsabilité – c'est l'agriculteur qui est responsable de plein droit mais les compagnies d'assurance attendent l'adoption d'un texte de loi avant de faire des propositions ; la transparence, enfin, qui est prévue et confirmée dans le texte : elle est totale. Elle peut du reste représenter un danger pour la sécurité des agriculteurs d'OGM, qui sont susceptibles d'être désignés à l'attention des groupes anti-OGM et soumis de ce fait à une pression sociale. J'ajouterai que l'Auvergne, à cet égard, n'a pas été épargnée, d'autant qu'elle possède, avec Limagrain, un groupe coopératif qui est en pointe dans les recherches sur les biotechnologies. Or ce groupe a beaucoup souffert, sans doute plus que d'autres, des délits de fauchage, si bien qu'on ignore actuellement s'il restera en Auvergne, voire en France, si un texte n'est pas adopté qui l'autorise explicitement à faire des essais.

Un point semble faire l'unanimité sur tous les bancs : c'est le développement de la recherche scientifique, qu'il s'agisse de la recherche publique, plutôt en berne pour le moment dans ce domaine et qu'il convient donc de soutenir, ou de la recherche privée. Nos chercheurs, qu'ils appartiennent à l'un ou l'autre de ces secteurs, sont dans une phase de découragement. Certains, écoeurés, sont même partis. Il est urgent de les rassurer parce que la recherche sur les OGM est une nécessité pour la France. Son organisation devra du reste permettre de traiter au cas par cas chaque type d'OGM en fonction de ses potentialités.

Je dois ajouter en direction de nos collègues socialistes que je suis surpris de leur opposition. En effet, une délégation importante du groupe socialiste a participé à la mission parlementaire d'information sur les OGM en 2004 et au début de 2005 et nous avons des textes très précis de spécialistes de ce groupe sur le sujet. Vous me permettrez de vous lire une citation particulièrement intéressante, qui se trouve page 227 du tome I du rapport de la mission : « Les problèmes posés par les détracteurs des OGM sont insolubles rationnellement, car la science moderne est fondée sur l'incertitude et, au bout du compte, le scientifique est toujours confronté à un problème de probabilités. […] Jamais dans l'histoire de l'alimentation aucun ingrédient n'a été autant étudié, observé, passé à la loupe. » C'est une des raisons pour lesquelles nous refuserons évidemment la question préalable.

J'invite d'ailleurs M. Cochet à lire les soixante propositions retenues dans ce rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Cela contribuera peut-être à le rassurer.

Puis-je également rappeler à nos collègues socialistes qu'un rapport de quatre sages avait été commandé par le gouvernement de Lionel Jospin et rendu public le 7 mars 2002 ? Il concluait à la nécessité de mener des recherches, y compris en plein champ, à condition qu'elles soient faites dans la plus grande transparence et qu'elles ne soient entreprises qu'après une évaluation détaillée des risques. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est le problème, justement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Or c'est ce que le texte vise à inscrire dans la loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

J'aurais pu citer d'autres députés socialistes, mais il s'agit de faire court !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous voulons des noms !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Je reconnais que les connaissances scientifiques en matière de biotechnologies ne suffisent pas : il faut une science pluridisciplinaire ainsi qu'une réflexion d'ordre éthique, M. Cochet l'a justement rappelé. Mais tel est précisément l'objet de l'article 2 du projet de loi prévoyant la création du Haut conseil des biotechnologies qui sera composé d'un comité scientifique et d'un comité de la société civile.

M. Cochet a finalement rendu un hommage au Président de la République en rappelant que celui-ci avait déclaré que si un doute subsistait, des dispositions seraient prises : il y a eu doute et c'est la raison pour laquelle, comme M. Borloo l'a rappelé à son tour, le Gouvernement a pris la décision d'un moratoire en faisant jouer la clause de sauvegarde. Merci, monsieur Cochet, de rendre à M. Sarkozy ce qui lui appartient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Je terminerai…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

…en me demandant si notre connaissance du réel se limite au savoir scientifique – c'était là un sujet de philosophie au baccalauréat de la section S en 2001. Évidemment non, parce que la vérité n'est pas que d'ordre scientifique…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

…et qu'il convient d'appréhender le domaine des OGM sous d'autres angles. Les OGM ne sont pas bien reçus dans l'opinion publique : nous le savons. Puisse ce débat au sein de notre assemblée, après celui du Sénat, établir avec l'opinion une communication, que je souhaite plurielle, comme elle l'est ce soir, sur un sujet controversé. Nous avons à sortir du face-à-face qui oppose les sciences de la vie à la société. Il est temps de l'éclairer en écartant la question préalable et en passant immédiatement à l'examen des articles. Nous avons déjà suffisamment pris de retard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Le temps de la réflexion et des rapports est clos : le temps de la décision est venu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Madame la présidente, je voudrais dire à M. le ministre d'État - que j'ai écouté avec beaucoup d'attention lorsqu'il a répondu à Yves Cochet - qu'en ce moment même j'éprouve pour lui et pour Mme la secrétaire d'État une certaine compassion (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), du fait qu'il s'est livré, il y a quelques instants à peine, lui, un ancien avocat, à une défense et illustration de la loi qu'il aurait voulu faire adopter et qui a été complètement laminée par le Sénat,…

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous voulez nous faire pleurer et vous allez nous faire rire !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et le sera par sa propre majorité à l'Assemblée. Mme la secrétaire d'État et vous-même êtes en effet les otages d'une majorité dont l'attitude idéologique est caricaturale. Il faut le dire et le répéter. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous nous avez rappelé les bienfaits du Grenelle de l'environnement, auxquels nous croyons tous sincèrement. Mais vous paraissez oublier que, depuis, un grand nombre des préconisations ou des engagements de ce Grenelle ont été perdus en route ! Je pense notamment à une de ses plus importantes prescriptions qu'a rappelée Yves Cochet : le fait d'avoir le droit de produire et de consommer sans OGM ! Par un escamotage de vocabulaire qui est devenu une équivoque, voire un travestissement politique, aujourd'hui, on veut nous imposer les OGM puisque le projet de loi prévoit la culture avec ou sans OGM. Monsieur le ministre d'État, vous êtes suffisamment renseigné sur ce qui se passe dans le monde et en Europe pour savoir qu'il n'y a pas de coexistence possible entre des cultures OGM et des cultures conventionnelles ou biologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je pourrais vous en apporter des preuves d'outre-atlantique : au Canada, où des sociétés – Monsanto mais pas seulement – ont cultivé du colza transgénique, il n'y a plus de possibilité aujourd'hui de cultiver du colza conventionnel ou du colza biologique ; en Argentine, pays qui s'est jeté à corps perdu dans le soja transgénique au moment de la crise de la vache folle en France, il n'y a plus de possibilité de cultiver du soja conventionnel ou du soja biologique ; le Mexique, quant à lui, qui a inventé le maïs, est aujourd'hui contaminé par les millions d'hectares de maïs transgénique qui sont cultivés aux États-Unis ; mais voici une preuve locale, que m'apporte une dépêche datée d'aujourd'hui, dix-huit heures cinquante-deux : deux agriculteurs des Deux-Sèvres viennent de porter plainte devant le tribunal administratif de Poitiers contre l'État pour dénoncer la contamination de leur champ biologique par du maïs transgénique, alors que leur parcelle se trouve à vingt-cinq kilomètres – vous avez bien entendu : vingt-cinq kilomètres – d'une parcelle de maïs OGM. Avant la récolte, une étude a montré un seuil de moins de 0,9 % de maïs Monsanto 810 ! Lorsque vous nous expliquez que des seuils scientifiques ont été introduits, nous savons bien qu'il s'agit non seulement d'une caricature, mais encore d'une imposture : 0,9 %, c'est un accord politicien au Parlement européen qui relève de l'étiquetage et qui n'a aucune valeur scientifique !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Lorsque vous arguez, comme si vous étiez encore dans le virtuel, monsieur le ministre d'État, de la création d'une haute autorité, je me permets de vous lire le courrier suivant, qui n'a pas été adressé par un révolutionnaire ni par un gauchiste, mais par un député à l'ensemble du groupe UMP : « Le texte gouvernemental constitue une incontestable avancée, conformément aux engagements du Grenelle. Il crée une Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés transformée par le Sénat en Haut conseil des biotechnologies, réduisant par là même l'autorité de cet organisme et restreignant son droit de saisine. Le projet de loi ne garantit pas les moyens financiers et matériels du Haut conseil et moins encore l'indépendance de ses membres à l'égard des demandeurs d'autorisation. L'expérience des organismes antérieurs – CGG et CGB – doit conduire à apporter ces garanties comme c'est le cas pour toutes les autorités indépendantes, qu'elles concernent la santé publique, l'audiovisuel ou les marchés financiers. » Celui qui a écrit cette lettre s'appelle François Grosdidier et il est député de l'UMP. (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…alors, certainement que M. Grosdidier n'est pas un Zorro ; c'est en tout cas un homme courageux quand il subit, comme M. Le Grand, la vindicte de ses amis parce qu'il résiste aux lobbies tels que Monsanto et tous les grands semenciers de ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Et moi je demande, avec les députés Verts, avec le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, que l'on crée une commission d'enquête parlementaire à la suite des propos tenus par le sénateur Le Grand sur les accointances,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…les complicités et peut-être même (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président de la commission, adressez-vous donc à votre collègue de la Haute assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Quand on est président d'un conseil général, quand on est sénateur et quand on se permet de tenir certains propos dans un grand journal de l'après-midi, c'est sans doute que l'on a des preuves.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il faut que nous cherchions ces preuves en créant une commission d'enquête parlementaire. Le Parlement ne peut pas, en effet, être sali de la sorte ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est la raison pour laquelle, bien sûr, nous soutenons avec force la question préalable défendue par notre collègue Cochet.

Je souhaite conclure en affirmant que nous ne pouvons pas accepter que quelques entreprises semencières transforment d'une manière irréversible le vivant en le brevetant pour en faire un outil de production de masse, de consommation de masse, pour réaliser le plus grand profit au détriment de l'environnement, de la biodiversité, de notre santé et, nous le savons bien, sur le dos des paysans les plus pauvres du monde. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce que nous défendons ici, ce n'est pas une chapelle, ce n'est pas une théologie. (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous ne sommes pas des obscurantistes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…nous défendons la souveraineté alimentaire de tous les paysans du monde, qui ne veulent pas être dépendants des entreprises transnationales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous faites bien car on ne sait pas ce qu'il va dire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La teneur des débats montre que la question des OGM reste très sensible ; elle divise non seulement notre assemblée mais aussi notre pays. Elle a même déjà entraîné des violences dont le département du Lot-et-Garonne a été le théâtre. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Le Nouveau Centre pense que, dans un débat aussi sensible, il faut d'abord mettre de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous avons fortement contesté le fait que le débat à l'Assemblée ait été retardé, laissant subsister un vide juridique dangereux, créateur de tensions et de violences sur le terrain. Ce débat a enfin lieu, c'est une bonne chose pour tous les démocrates et c'est la première raison pour laquelle nous ne voterons pas la question préalable.

Nous pensons ensuite qu'il faut mettre dans ce débat de la raison et de la science.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

On n'en sortira pas sans y avoir recours. Certains affirment en effet qu'au-delà de 25 mètres, le risque de contamination devient marginal tandis que d'autres, ce fut le cas de M. Cochet, soutiennent qu'avec les abeilles, le vent, les oiseaux, ce risque de contamination est réel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je constate qu'il existe deux positions radicalement divergentes et que seule la science, pour le Nouveau Centre, permettra le nécessaire arbitrage, permettra une sortie par le haut. C'est pourquoi nous saluons la création du Haut conseil des biotechnologies. C'est la deuxième raison pour laquelle nous ne voterons pas la question préalable.

La troisième, qui nous est très chère, est qu'il faut une boussole européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Vous ne pèserez rien dans un monde où, en 2007, monsieur Cochet, 114 millions d'hectares d'OGM sont cultivés, avec une progression annuelle de 12 %. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous n'aurez donc aucun poids si vous ne défendez pas une position européenne, autrement dit si vous ne transposez pas les directives de 1998 et de 2001. Or voilà dix ans que la France fuit ce débat. Nous pensons pour notre part qu'il faut de manière prudente, progressive, réversible, transposer lesdites directives ; c'est le but de ce débat.

M. Cochet a exprimé une position qui évoque les Cathares, en recherchant une pureté quelque peu dangereuse. Or l'histoire enseigne que, dans le sud-ouest, les Cathares finirent mal. C'est la quatrième raison pour laquelle le groupe Nouveau Centre ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, permettez-moi tout d'abord de m'étonner des propos de notre collègue Proriol, parlementaire expérimenté s'il en est, qui a confondu les réflexions d'un rapport avec des articles de loi. Or les deux ne sont pas du tout de même nature et l'on ne peut donc en aucun cas les mettre en parallèle.

Sans a priori, parlons simplement de la liberté que prétend donner le texte tel qu'il nous a été transmis par le Sénat, la liberté de faire coexister les cultures OGM et les autres dans l'environnement naturel, à savoir dans le sol et dans l'air.

Lorsqu'une loi fixe un principe dont les conséquences envisageables sont incertaines et mal connues, cette loi est inapplicable. Devient-elle pour autant une loi scélérate ? L'histoire ne nous donne pas toujours la réponse, mais devons-nous seulement en prendre le risque ?

Lorsqu'une loi fixe un principe dont la seule certitude est que sa mise en oeuvre entraînera des accidents par dissémination malencontreuse, laquelle provoquera, sans qu'on ose encore le dire, des « contaminations irréversibles », c'est une loi dangereuse. La présente loi est-elle donc une loi d'apprentis sorciers ? La science ne nous donne pas encore la réponse. Le principe de précaution, désormais constitutionnel, nous fait obligation de prendre encore le temps de la réflexion, de poursuivre et d'affiner les recherches.

La situation est grave, chers collègues. La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres ; ce principe énoncé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…est devenu une évidence incontestée, notamment dans le domaine qui nous occupe, celui des libertés publiques. Sauf que lorsque nous touchons à la fois à la santé publique et à l'irréversibilité, il ne s'agit plus seulement de tolérance, mais de responsabilité historique.

Notre vote sera historique et à ceux qui, comme M. Dionis du Séjour, soutiennent qu'une bonne partie du monde a déjà fait le sacrifice du « sans-OGM », je réponds que les mots « maquisards », « Tibétains », « communards » n'ont pas été inventés pour les chiens. Leur courage nous rappelle qu'il est parfois nécessaire d'entrer en résistance contre l'ordre établi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Et l'histoire a souvent démontré que des causes justes avaient raison de mobiliser l'énergie de l'espoir, celui de rompre avec la pensée unique : ici celle du tout-OGM qui, à terme, ne laissera plus à personne le choix du « sans OGM ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

La question de la coexistence des libertés nous a souvent été posée parce que la liberté doit être la règle et l'interdit, bien sûr, l'exception. Le droit des fumeurs ne leur donne pas le droit d'intoxiquer les non-fumeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le droit à la liberté d'expression ne donne pas le droit au mensonge et à la calomnie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le droit à produire de l'énergie issue du nucléaire ne donne pas le droit de ne pas envisager, comme nous l'avons fait, la réversibilité du mode de traitement des déchets nucléaires.

Le droit d'instaurer, par décret, comme il nous est proposé, des distances de prévention ou de précaution entre des cultures OGM et des cultures sans OGM, participe franchement, Germinal Peiro l'a dit, du triste syndrome du fameux nuage de Tchernobyl, qui ne traversait pas les frontières. Vous n'avez pas le droit, une fois encore, de nous laisser croire cela.

Convenons que le rôle de la loi n'est pas seulement de réguler l'usage des libertés mais aussi de les établir. Il apparaît clairement, dans ce texte, que plus la culture OGM sera libre, moins la culture sans OGM le sera.

Parce qu'on ne peut maîtriser la propagation des pollens dans l'environnement, on vient de l'expliquer, la dissémination des OGM dans l'agroalimentaire « sans ordonnance », à l'inverse des médicaments ou, pardonnez-moi de le dire ainsi, « sans préservatif », est une forme d'attentat contre l'humanité, notamment à cause du caractère irréversible d'un impact inconnu sur les écosystèmes et sur la santé des plantes, sur celle des animaux comme sur celle des êtres humains.

Il ne nous est pas demandé ici d'être des juges ou de super-scientifiques, il nous est demandé, en notre âme et conscience, de légiférer, non pas pour limiter les dégâts – c'est être défaitiste –, mais plutôt pour éviter le pire.

Que savons-nous des résultats des tests sanitaires qui ont rarement été réalisés avec sincérité ? Que savons-nous de l'impact de la résistance de certaines plantes au Roundup – produit qui élimine ceux qui n'y résistent pas mais qui forme de nouveaux acteurs « irrésistibles » –, notamment pour ceux qui aiment gagner beaucoup d'argent avec des arguments de générosité hypocrite pour sauver le monde qui a faim ? Que savons-nous des impacts multiples sur des métabolismes complexes, où les effets collatéraux ne sont parfois découverts que plusieurs dizaines d'années plus tard ?

Comment croire ici même ceux qui, docteurs ou professeurs, viennent du haut de leur science alimenter un amalgame complice entre l'utilisation des OGM, alliés aux bactéries en médecine, et les OGM dans l'agroalimentaire alliés à Monsanto, au mépris de la profession agricole devenue hyperdépendante ? Que deviennent les gènes marqueurs, inodores, indolores et je ne sais quoi encore ? Comment voulez-vous que l'on accorde à votre enthousiasme pro-OGM un minimum de crédibilité alors que votre texte nous propose d'instituer que le sans OGM, couvre tout ce qui se situe en dessous du fameux seuil d'étiquetage européen de 0,9 % ? Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais le rapporteur, qui nous l'a expliqué en long et en large pendant les travaux en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous confondez le « marketing » de l'étiquette et la détection scientifique, qui s'effectue bien en dessous de ce seuil.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Si vous étiquetez, vous contrôlez ; n'oubliez pas cela, monsieur Brottes !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Considérant que la cause du sans OGM n'est peut-être pas totalement désespérée – notre collègue Grosdidier est présent – car votre majorité peut encore changer d'avis, je me suis dit qu'en utilisant le talent d'écriture de la première dame de France, j'arriverais peut être à ébranler vos convictions fragiles.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

« Tout le monde a une seule vie qui passe

« Mais tout le monde ne s'en souvient pas

« J'en vois qui la plient, même qui la cassent

« Et j'en vois qui ne la voient même pas

« Il faudrait que tout le monde réclame auprès des autorités

« Une loi contre toute notre indifférence

« Que personne ne soit oublié. »

Alors, chers collègues de la majorité, la leçon est claire : ne brisez pas nos rêves d'un monde sans OGM dans l'agroalimentaire, ne soyez pas indifférents au respect de la différence que votre loi va inéluctablement anéantir ! En effet, aujourd'hui, une très large majorité de nos concitoyens réclament, « auprès des autorités » que nous sommes, une protection pour que « personne ne soit oublié », y compris ceux qui refusent d'être contaminés de manière irréversible.

Je voterai contre votre texte tel qu'il nous est proposé puisqu'il instaure une coexistence impossible et ne garantit pas l'absence de dégâts à venir ; d'autant que, cette fois-ci, on ne pourra pas dire que ce qu'une loi a fait, une autre loi pourra le défaire, parce que nous ne pourrons plus jamais revenir en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Mes chers collègues, le débat promet d'être très dense. Les interventions seront toutes plus intéressantes les unes que les autres. Je vous demande donc instamment de respecter votre temps de parole.

La parole est à M. André Chassaigne.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, chers collègues, je citais cet après-midi l'éditorial qu'Albert Camus avait publié dans Combat le 8 août 1945, deux jours après la destruction d'Hiroshima. Nous entrions alors dans l'ère atomique. Personne ne savait exactement, alors, quelles en seraient les conséquences pour l'humanité.

Face à cette terrible incertitude, Camus écrivait donc : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. »

En soulevant cette angoisse face aux conséquences du progrès des sciences et des techniques, Camus fut incontestablement un précurseur. La science venait d'effectuer un bond qualitatif qui plaçait les chercheurs face à une nouvelle responsabilité sociale. Toute la société d'alors était aussi interpellée pour préciser le rôle et la place des sciences et des techniques dans la démocratie.

Le débat sur les organismes génétiquement modifiés pose indubitablement des questions du même ordre que celles posées par Camus il y a soixante ans. Les avancées scientifiques en matière de biotechnologies sont aujourd'hui aussi radicales, aussi spécifiques qu'elles l'étaient hier en matière de nucléaire.

C'est bien dans ce cadre exceptionnel que nous devons placer ce débat sur les organismes génétiquement modifiés : toutes les manipulations de l'ADN ne peuvent être anodines. Elles traduisent une puissance technique considérable. Les OGM ont logiquement la faculté de se transmettre de génération en génération : ce sont bien nos petits-enfants et les petits-enfants de ceux-ci qui devront assumer les décisions que les hommes prennent en ce moment, en France et ailleurs. Ils auront peut-être à se féliciter des progrès de l'agriculture que les OGM auront permis. Ils auront peut-être, aussi, à réparer la catastrophe que nous aurons favorisée. Au vu de cette responsabilité, mes chers collègues, il est logique que nos mains tremblent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

De la même façon, le développement des OGM ouvre la porte du franchissement des barrières entre espèces. Il accélère de façon exponentielle l'évolution des espèces et de la vie sur terre.

Face à cette réalité, comment pourrions-nous ne pas douter ? Comment pourrions-nous éviter que se lèvent de puissantes interrogations dans l'opinion et que s'expriment de fortes résistances parmi nos concitoyens les plus sensibilisés aux questions de l'environnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Très bien ! Quelle fidélité à Descartes et à Marx !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Rappelons-nous les « aveugles espérances » dont parlait Eschyle, celles que son Prométhée enchaîné avait pu « faire habiter dans le coeur des hommes » à l'égard du progrès des techniques. Ce temps est bel et bien révolu. Notre terre a trop pâti de ces vertiges prométhéens, de ces dérives scientistes, pour que nous puissions encore nourrir des illusions sur le caractère nécessairement – je dis bien nécessairement – libérateur de la technique.

Ces illusions perdues ne doivent évidemment pas justifier l'arrêt de toute recherche scientifique et technique. Dans son fameux éditorial, Camus ne faisait qu'exiger une utilisation intelligente des conquêtes scientifiques, exiger que nous enregistrions, que nous commentions ces découvertes « pour que l'homme ait une juste idée de son destin ».

C'est dans cet esprit que je souhaiterais poser quatre questions fondamentales dans ce débat.

En premier lieu, avec le projet de loi qui nous est soumis, la société aura-t-elle vraiment sa place ? Le projet permet-il à la parole citoyenne de s'exprimer, à la population de s'emparer de la question des OGM et de valider ou non leur utilisation ? Il semble que oui, d'après les propos qui sont tenus en particulier par les ministres. Mais le Haut conseil des biotechnologies, tel qu'il est proposé, permet-il véritablement à la parole citoyenne de s'exprimer convenablement ?

À cet égard, nous avons déposé quelques amendements. Je regrette, monsieur le rapporteur, qu'ils aient été étudiés de façon quelque peu cavalière. Nous avons fait des propositions pour que la société civile puisse avoir un rôle éminent à jouer. Nos amendements ont été écartés.

Nous avons également fait des propositions visant à ce que le choix des scientifiques membres de ce Haut conseil ne relève pas d'une simple cooptation, et à ce qu'un appel d'offres permette à des scientifiques de proposer leur participation. Ces propositions ont-elles aussi été écartées.

Je regrette le rejet des propositions précises que nous avons faites pour que le Haut conseil des biotechnologies puisse fonctionner dans de bonnes conditions. Nous avons proposé, par exemple, que les deux comités se réunissent ensemble, qu'une interpellation des uns par les autres soit possible. Car nous savons très bien, et c'est ce que j'ai suggéré tout à l'heure en citant les propos d'Albert Camus, que la société, le citoyen, doit pouvoir interpeller le scientifique pour que celui-ci soit poussé à apporter d'autres arguments.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Il faut aussi garantir l'indépendance de cette instance.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Il est bien évident qu'au bout du compte chacun doit prendre ses responsabilités. À un certain moment, après que la parole citoyenne s'est exprimée, après que l'avis scientifique a été donné, après cette mutualisation des points de vue, c'est au politique de prendre ses responsabilités.

Deuxième question : au-delà des résultats que nous livre la science, peut-on affirmer aujourd'hui que les plantes génétiquement modifiées sont nécessaires, indispensables à la production agricole dans notre pays, comme bien entendu dans le monde ? L'apport, le bénéfice de ces plantes, en particulier aujourd'hui et dans notre pays, suffit-il à contrebalancer les conséquences possibles sur l'environnement et les dépendances qui peuvent naître par rapport à certains semenciers ? Il est évident que si un agriculteur choisit de cultiver un maïs OGM, c'est bien parce qu'il en tire, ou croit en tirer, un bénéfice. Mais à moyen terme, ce bénéfice est-il satisfaisant, ou n'y a-t-il pas là une forme d'illusion qui pousse à croire que ce type de culture va régler tous les problèmes ?

À partir de là, ne peut-on pas imaginer qu'une autre conception de l'agriculture prévaudra ? Notre refus d'une utilisation commerciale des OGM n'est pas une espèce de refus politique, mais il se fonde sur le fait que notre conception de la production agricole en France et dans le monde, c'est autre chose. Elle doit être une production de qualité, tenir compte de l'emploi, de l'entretien des territoires ruraux et de ses impacts sur l'environnement et la santé humaine. Il convient d'éviter une dérive vers une agriculture qui serait industrialisée. C'est une réponse que nous pouvons avoir en tant que citoyens, en tant que politiques, par rapport à une découverte qui ne doit pas être appliquée du seul fait qu'elle a été découverte.

Troisièmement, au-delà des résultats que nous livre la science, est-il vrai que ce projet de loi, comme il l'affirme haut et fort, permet de produire et de consommer sans OGM ? C'est là un objectif que ce texte présente comme fondamental.

Or nous savons tous que les réponses à cette question essentielle n'ont pas été apportées. S'agissant de l'étiquetage, le choix d'un seuil de 0,9 % est complètement artificiel. Il pourrait même évoluer. Des discussions ont lieu actuellement sur ce point à Bruxelles. Ne peut-on pas faire le choix d'une vraie transparence, en interdisant qu'un produit se présente comme sans OGM alors qu'il en contient ? Ne peut-on pas réfléchir aux moyens de mettre en place un étiquetage correspondant à la réalité, c'est-à-dire s'approchant de ce qu'est la réalité du seuil de détection ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

C'est combien, le seuil de détection, monsieur Chassaigne ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Cela doit pouvoir se faire sous une forme positive, et sans s'abriter derrière un artifice.

Nous reviendrons sur cette question au cours de la discussion des articles, monsieur Sauvadet. Je défendrai des amendements, et je ferai des propositions précises sur ce point.

De même, la coexistence entre cultures OGM et cultures non-OGM est soumise au maintien d'un seuil bien supérieur au seuil de détection. Chacun sait que si l'on décidait de s'en tenir au seuil de détection, quasiment aucune coexistence ne serait possible. Il faut le dire, tout simplement parce que c'est la réalité.

Quatrième question : faut-il pour autant rejeter définitivement toute perspective d'utilisation des OGM ? Sur ce point, je vous livre mon avis personnel, qui n'est pas forcément partagé sur les bancs où mes idées le sont habituellement. Je suis incapable d'affirmer que demain, les OGM seront complètement exclus. Je ne lis pas dans le marc de café. Je ne peux pas dire ce que seront les résultats des travaux scientifiques futurs sur les organismes génétiquement modifiés. Mais ce que je peux dire, et ce que j'affirme aujourd'hui,…

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…c'est qu'en l'état actuel de la science et au regard de ce qu'est aujourd'hui notre agriculture, nous n'avons pas besoin d'OGM, et nous n'avons pas besoin d'OGM commerciaux.

Je tiens à souligner, et je conclurai par là, madame la présidente, qu'il est indispensable de maintenir la recherche publique, de lui donner les moyens de continuer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Eh bien justement, pour cela, il faut voter le texte !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Je défendrai un amendement en ce sens. La recherche publique doit être indépendante. Il faut qu'elle puisse réfléchir, et surtout garder sa capacité d'expertise. Car si elle la perdait définitivement, ce serait la porte ouverte aux laboratoires privés, et les champs ouverts aux semenciers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, on le constate encore aujourd'hui – notamment à travers les interventions de M. Mamère et de M. Cochet, que j'ai écoutés avec attention –, le débat sur les OGM voit s'affronter des positions opposées, passionnées. Et j'observe que, la plupart du temps, elles relèvent plus du débat idéologique qu'elles ne sont fondées sur des éléments scientifiques et techniques.

C'est d'ailleurs précisément ce qui suscite aussi des inquiétudes dans l'opinion. On joue souvent sur des peurs. On oublie les vrais dossiers et les vrais enjeux. Ces enjeux, je voudrais les rappeler, ou du moins dire quelle vision nous en avons, nous, les députés du Nouveau Centre.

C'est un vrai sujet de société, et il est bon que le débat puisse avoir lieu au Parlement. Nous le souhaitions, nous l'attendions. Mais il ne faudrait pas laisser croire à nos compatriotes que durant tout ce temps, nous ne nous sommes pas saisis de ce sujet, puisque je rappelle que nous avions participé, les uns et les autres, à une mission d'information parlementaire visant précisément à déterminer les contours du sujet et à éclairer les appréciations de nos compatriotes. Je regrette d'ailleurs que l'on n'ait pas donné plus de publicité à cette mission d'information, qui a fait un travail utile, sérieux, loin des passions qui sont souvent agitées ici ou là.

En fait, que veulent les Français ? Ils veulent savoir ce qu'ils ont dans leur assiette.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Ils veulent savoir ce qu'il y aura dans celle de leurs enfants. Ils souhaitent aussi, et surtout, savoir si les OGM auront une incidence sur leur santé, si les problèmes de dissémination sont effectivement avérés, et finalement quelles conséquences cela aura sur la biodiversité. C'est cela, l'enjeu qui est posé au travers de ce débat, et dont nous devons nous saisir.

Je trouve insultants, je vous le dis, les propos, qu'ils soient tenus par des parlementaires ou par toute autre personne, qui tendraient à affirmer que lorsque nous nous exprimons à cette tribune, nous serions manipulés par des lobbies quelconques. On peut échanger sur des sujets de société de cette importance sans s'accuser d'être les instruments de telle ou telle instance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Franchement ! Que ce soit quelqu'un de gauche ou quelqu'un de droite qui se soit exprimé en ce sens, c'est insoutenable, c'est inacceptable ! Vous savez, dans une démocratie moderne, chaque parlementaire a la liberté qui lui convient pour contribuer à l'élaboration de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Au moment où l'on parle de la revalorisation du Parlement, je crois qu'au moins sur ce point, nous pourrions nous respecter mutuellement et ne pas nous lancer au visage de tels anathèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

On peut s'exprimer librement, sereinement, sur un sujet de société qui nous préoccupe tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les lobbies, ça existe ! Vous n'avez qu'à en parler à François Guillaume !

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur Brard, si vous me parlez de lobbies, je pourrais en évoquer d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Je vous remercie, madame la présidente, de m'autoriser à continuer.

Ce que veulent savoir les Français, donc, c'est s'il y a des risques. C'est pour cette raison que le débat sur les OGM, et vous avez eu raison de le rappeler, n'est pas exclusivement un débat scientifique. C'est aussi un débat de société. C'est pourquoi le Président de la République, on peut au moins le lui reconnaître à cette tribune, a eu raison de souhaiter que ce débat soit traité dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il est essentiel que tous les acteurs puissent s'exprimer librement – j'insiste sur ce mot : librement – et faire part de leur point de vue.

Je regrette la tonalité prise aujourd'hui par ce débat. Il conviendrait que nous dépassions cette opposition stérile, réductrice, entre les « pro-OGM » et les « anti-OGM »,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

…pour pouvoir sortir du carcan des préjugés et des tabous, et échanger nos points de vue, autour d'un texte de loi, sur le cadre que nous voulons fixer.

Comme l'a dit M. Dionis du Séjour, ce que nous souhaitons, c'est plus de transparence, mais aussi plus de science pour éclairer le débat. Bien sûr, il faut appliquer le principe de précaution, mais avec discernement pour ne pas entraver la politique de recherche que nous devons conduire afin de rester dans le peloton des grandes nations et avoir un avenir économique. Le projet de loi est donc bienvenu car il ouvre enfin un débat très attendu.

La nécessité de faire évoluer notre législation sur les OGM tient d'abord à nos engagements européens, car la France est poursuivie pour défaut de transposition. Je me réjouis que nous nous saisissions de ce sujet, que les circonstances électorales ne nous ont pas permis d'aborder plus tôt. Pour avoir présidé une commission d'enquête sur la vache folle, je mesure combien le droit d'alerte national et l'expertise conduite par des autorités scientifiques indépendantes ne peuvent être dissociés d'une vision européenne partagée parce que nous sommes dans un marché ouvert. Ce débat ne peut donc pas être simplement franco-français et je souhaite que, à la faveur de notre présidence de l'Union européenne, nous puissions le porter au plan européen. Les Français, qu'ils soient agriculteurs ou non, ne comprendraient pas que nous imposions des mesures de garantie et de précaution, certes légitimes, qui ne seraient pas appliquées par nos voisins.

Comme pour d'autres questions touchant à la sécurité alimentaire et à la sécurité sanitaire, l'Europe doit se saisir du dossier des OGM pour le porter devant l'Organisation mondiale du commerce. Je suis d'accord, monsieur Mamère, avec les chiffres que vous avez cités, à propos des pays qui ont des cultures OGM, notamment les États-Unis et le Brésil. Mais vous auriez pu également citer la Chine ou certains de nos voisins européens, comme l'Espagne. Les cultures transgéniques représentent 100 millions d'hectares dans le monde. Ce n'est pas anecdotique et on ne peut pas passer sous silence cette donnée. Selon les chiffres du Gouvernement, 24 % du maïs et 60 % du soja cultivés dans le monde sont génétiquement modifiés. Le soja OGM représenterait 90 % des surfaces totales de soja aux États-Unis et pratiquement 100 % des surfaces en Argentine. Il représenterait aussi 80 % des importations européennes de soja, la France important à elle seule 4,5 millions de tonnes de tourteaux de soja OGM sur les 5 millions que consomme notre bétail. Nous avons été plusieurs – et Christian Jacob en était – à nous battre en faveur d'un plan protéines végétales pour la France et pour l'Europe : aujourd'hui, le problème est très directement posé.

S'agissant de la production, monsieur Mamère, le problème n'est pas seulement de protéger, même si c'est une nécessité impérieuse, nos AOC ou nos IGP – celle d'un certain jambon que vous connaissez bien, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Le sujet est beaucoup plus large. Nous ne pourrons pas justifier durablement une législation qui interdirait à nos agriculteurs de cultiver des plants génétiquement modifiés tandis qu'on laisserait entrer des importations contenant des OGM. Ce serait une hypocrisie intenable et nos agriculteurs ne la supporteraient pas. Nous devons donc travailler à une politique des OGM cohérente et transparente, la conduire à l'échelle européenne pour la mettre ensuite en débat dans le cadre de l'OMC. Il est temps de dire clairement aux Français dans quelle direction nous choisissons d'aller.

S'agissant des seuils, il faut s'assurer que la loi soit appliquée, ce qui pose la question des contrôles. Nos compatriotes sont en droit d'attendre qu'ils soient effectivement assurés. Or nous avons pu constater, lors de la commission d'enquête sur l'ESB, dans quelles conditions ceux-ci étaient effectués. À ce sujet, je souhaiterais entendre nos collègues de gauche.

Les règles que nous allons imposer devront être respectées par tous. J'entends bien ce qui est dit de la responsabilité des producteurs, des industriels et des chercheurs, mais il faut aussi parler de celle des faucheurs volontaires. La loi de la République est la même pour tous et, dès lors que nous aurons un cadre juridique, elle devra s'appliquer à tous avec la même rigueur : dura lex sed lex ! En tout cas, il faudra éviter que certains prosélytes d'un retour au passé puissent se livrer à des exactions sans subir de sanctions. Pour être comprise, la loi doit être la même pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Une interdiction globale des OGM ne me semble pas réaliste. On ne peut pas, comme certains tentent de le faire, balayer d'un revers de main leur intérêt dans le domaine pharmaceutique, où ils présentent un fort potentiel en termes d'innovation, de vaccination ou de thérapie génique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Certes, il ne faut pas pour autant banaliser leurs cultures. Nous devons les appréhender dans toute la complexité des questions qu'ils soulèvent. Or, en l'état actuel de nos connaissances, l'absence de preuves du risque sanitaire s'accompagne de l'impossibilité de prouver l'absence totale de risque. Comment s'en sortir ? En adoptant une attitude rigoureuse, en privilégiant l'approche au cas par cas, en appliquant des mesures d'utilisation transparente sérieuses. De même, il est nécessaire et indispensable d'évaluer les risques et de mettre en oeuvre le principe de précaution lorsque les circonstances l'exigent. Le texte que nous examinons aujourd'hui répond pour l'essentiel à ces objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Quelques secondes seraient plus indiquées : vous avez déjà très largement dépassé votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Je vous trouve bien plus sévère avec le Nouveau centre qu'avec les autres orateurs, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Le texte reprend les conclusions du Grenelle de l'environnement, ce qui est plutôt positif. Il pose plusieurs grands principes, notamment la création du Haut conseil des biotechnologies. À cet égard, nous devrons nous assurer que l'indépendance des scientifiques sera garantie. Pour ma part, je n'étais pas favorable à une structure qui mêle scientifiques et politiques, car nous avons vu, lors d'affaires récentes, que la communication politique dans des domaines scientifiques est souvent source de confusion plutôt que de transparence. Sur ce point, nous avons bien avancé.

La transparence sur la localisation des parcelles de cultures OGM est un sujet qui nous a tous interpellés, en raison notamment des agressions qui ont été commises. Moi-même, je suis un fervent partisan de la transparence, sans laquelle il n'y a pas de confiance et donc pas de progrès.

Par ailleurs, les OGM n'ont pas seulement une dimension agricole. Dans le domaine des biotechnologies, ils apporteront certainement des réponses à des enjeux tels que le rendement, la gestion de l'eau ou l'utilisation d'intrants. Le défi est immense, monsieur Mamère, nous devons en être conscients.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Demain, il faudra nourrir 8 à 9 milliards d'êtres humains. Comment allons-nous faire, alors que les changements climatiques modifieront singulièrement les conditions de production ? La recherche constituera un élément majeur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Nous souhaitons avancer de manière prudente mais résolue pour être au rendez-vous de l'alimentation mondiale. La France, qui est l'un des plus grands producteurs agricoles, doit fonder son développement sur la reconnaissance à la fois d'un droit à la biodiversité, avec des AOC et une agriculture dite « saine », qu'il faudra bien un jour définir, et d'un droit au développement de techniques d'avenir. Je souhaite que notre débat, qu'il soit serein ou tendu, appréhende bien tous ces enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. Marc Laffineur qui, en sa qualité de vice-président, comprendra certainement la nécessité de respecter son temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Madame la présidente, madame la ministre, conscient des préoccupations suscitées par les risques liés à certains aspects des biotechnologies, je crois bon de rappeler quelles doivent être les priorités de ce projet de loi. Celui-ci ne porte pas seulement sur les plantes génétiquement modifiées, mais aussi sur la force que nous souhaitons donner à la « révolution verte » de demain afin de relever les trois grands défis qui s'imposent à l'humanité : l'alimentation, l'environnement et la santé.

L'agriculture mondiale doit répondre à des besoins alimentaires croissants dus à l'explosion démographique et à la demande des pays émergents. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, pour nourrir l'ensemble des habitants de la planète, la production agricole devra doubler d'ici à vingt ans. Alors que la surface des terres agricoles diminue, que les sols se dégradent, que l'eau se raréfie, que la pression parasitaire est toujours aussi forte et qu'un changement climatique est annoncé, l'agriculture ne peut faire autrement que de s'adapter, tout en s'inscrivant dans un cadre respectueux de l'environnement et de la santé publique, comme le prévoit l'article 1er du projet de loi.

Les grands pays agricoles, à l'exception – pour l'instant – de la France, ont fait le choix de l'amélioration génétique des plantes grâce aux immenses perspectives offertes par les biotechnologies végétales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Depuis douze ans, des cultures résistantes aux insectes ou tolérantes à des désherbants plus performants, plus propres et moins chers, ont prouvé leur intérêt économique et environnemental sans créer le moindre problème sanitaire scientifiquement démontré.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les années à venir, des plantes tolérantes à la sécheresse, au gel ou à la salinité feront leur apparition et offriront enfin des solutions viables aux énormes besoins alimentaires de la population mondiale, y compris celle des pays en voie de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

En matière d'environnement, le texte issu du Sénat se veut très protecteur de la biodiversité. Ainsi, son article 3 fait clairement le choix du respect de la coexistence entre les différentes cultures. Nous devons non seulement définir des distances d'espacement entre cultures pour empêcher la dissémination en application du seuil communautaire, mais aussi prévoir de sanctionner, par des peines d'emprisonnement et des amendes, ceux qui ne se conforment pas à ces règles ou qui se prêtent à la destruction ou à la dégradation des parcelles autorisées. Ces mesures sont le corollaire de la transparence totale. La réglementation devra ainsi prendre largement en considération les risques de contamination et agir avec une grande prudence, comme l'a déjà fait la France ces dernières années en appliquant un espacement entre cultures de 50 mètres, soit le double de la distance recommandée par l'Union européenne.

S'agissant des plantes génétiquement modifiées, il ne faut pas oublier les possibilités qu'elles offrent d'améliorer la protection de l'environnement. Les parcelles en plein champ à l'étude démontrent qu'il est possible de réduire considérablement l'usage de pesticides, d'insecticides, et autres produits phytosanitaires, qui s'accumulent anormalement dans la chaîne alimentaire et dans les nappes phréatiques, et qui sont la cause d'une pollution aussi inquiétante que récurrente. D'autres programmes menés en milieu confiné ont ouvert de nouvelles perspectives aux scientifiques et ont débouché sur des avancées très prometteuses en matière de cancérologie et de vaccinothérapie. Les plantes génétiquement modifiées représentent un espoir pour la santé. C'est la méthode de l'avenir pour de nombreuses thérapies. Le génie génétique permet en effet d'obtenir des molécules, telles que l'insuline, qu'il est difficile ou impossible d'obtenir par d'autres méthodes. Et les Japonais viennent de concevoir un riz transgénique qui pourrait servir de vaccin oral contre le choléra.

Qu'il s'agisse d'alimentation, d'environnement ou de santé, la question des plantes génétiquement modifiées doit être avant tout celle la recherche. L'effort de financement de 45 millions d'euros annoncé par le Gouvernement – ce qui revient à multiplier par huit le budget des biotechnologies végétales – était indispensable. Nous n'avons pas le droit d'hésiter quand il s'agit de vies humaines, de l'avenir de nos enfants et de notre environnement, et quand notre recherche génétique ne cesse d'accumuler des retards par rapport aux États-unis, à l'Allemagne, à la Chine, à l'Inde, et aux grands pays d'Amérique du Sud. Si la France ne veut pas être le jouet de la mondialisation, mais si, au contraire, elle veut imprimer sa marque et prendre pleinement part au devenir des plantes génétiquement modifiées, elle n'a d'autre choix que de s'engager en faveur d'une recherche intelligente et approfondie.

Nous devons donc soutenir notre recherche génétique. Mais pour cela, il faut que nos concitoyens comprennent et partagent ces objectifs. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer l'information publique afin de faire prendre conscience aux consommateurs qu'il existe des dispositifs de sécurité sanitaire. Les contraintes fixées par les directives européennes en vigueur permettent d'assurer, dans le respect d'une démarche scientifique rigoureuse, un contrôle strict des plantes génétiquement modifiées diffusées au sein des pays membres.

Mes chers collègues, n'oublions pas que cela fait plus de vingt ans que quatre cents laboratoires en Europe – six cents dans le monde – ont multiplié les recherches, sans jamais avoir pu démontrer la nocivité sanitaire ou environnementale d'un OGM autorisé à être mis en culture. Entre 1993 et 2000, plus de 31 000 études scientifiques ont été publiées sur le sujet. Les plantes génétiquement modifiées sont aujourd'hui les végétaux les plus surveillés et les plus contrôlés qui soient.

Certains seront peut-être déçus, mais il est temps de dire qu'il n'existe aucun complot derrière la recherche sur les PGM, mais seulement de grands espoirs pour l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte en respectant l'équilibre auquel est parvenu le Sénat. La France se doit d'être ambitieuse et viser l'excellence pour s'inscrire résolument dans le sens de l'histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, je voudrais revenir sur le cas, déjà évoqué, de Christian et Julien Veillât, agriculteurs dans les Deux-Sèvres, dont une parcelle de maïs biologique a été contaminée par des OGM. Je crois utile de préciser que cette parcelle de maïs biologique était située à plus de vingt-cinq kilomètres de la culture d'OGM la plus proche. Cet été, lorsque nous avons appris la mise en culture de ces OGM, nous avons alerté le préfet et les ministres sur les risques de contamination pour les AOC et cette culture biologique. On connaissait le risque, et pourtant la contamination s'est produite. Ces agriculteurs, qui ont subi un préjudice économique et moral, ont porté plainte contre l'État, qui n'a pas été capable de protéger et de garantir leur liberté d'entreprendre. Leur coopérative et la région se sont portées partie civile à leurs côtés. Je vous invite à méditer cet exemple car avec ce projet de loi, de tels contentieux seront demain légion dans les tribunaux administratifs. Je soumettrai ce projet à trois questions simples.

Ce projet de loi permettrait-il, demain, à d'autres Christian et Julien Veillât d'être indemnisés du préjudice subi par le déclassement de leur récolte, qui ne pourrait plus bénéficier du label « bio » ? La réponse est non.

Permettrait-il à d'autres Christian et Julien Veillât d'être indemnisés alors qu'il est impossible d'identifier l'origine de la contamination ? La réponse est encore non, car votre projet de loi instaure la responsabilité de l'exploitant voisin, mais, lorsque le voisin n'est pas en cause, elle ne prévoit pas celle des semenciers.

Enfin, ce texte permettra-t-il que l'on puisse cultiver sans OGM, que ce soit dans le cadre de l'agriculture biologique ou conventionnelle, en zone AOC ou non ? La réponse est également non, car votre projet de loi a pour but la dissémination et la généralisation des OGM en plein champ. Certes, il ne s'agira plus de MON 810, mais d'une autre substance ; cependant, le problème demeurera. C'est si vrai que le rapporteur a, en commission, déposé un amendement n° 158 qui veut, au détour de la définition des conditions techniques destinées à limiter les contaminations, inscrire dans la loi que la présence d'OGM dans d'autres productions sera « techniquement inévitable ».

M. le ministre reconnaissait tout à l'heure que ce texte est imparfait. Le mot est faible, car en dépit du Grenelle de l'environnement, de l'opposition de l'opinion publique et de plus de 66 % des agriculteurs, mais aussi des ministres qui, hier, reconnaissaient qu'il fallait ne pas prendre de risques avec les OGM, ce texte instaure essentiellement la liberté de produire « avec OGM ». Bref c'est la liberté du renard Monsanto dans le poulailler de l'agriculture conventionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous contestons ce choix au nom des principes. Nous le contestons tout autant au regard d'un choix stratégique et économique.

Nous ne croyons pas que l'avenir de l'agriculture française soit de courir après les États-unis, le Canada, l'Argentine ou le Brésil, qui, à eux quatre, concentrent 86 % des surfaces cultivées d'OGM dans le monde.

De la même façon que la France a fait valoir son exception culturelle, nous voulons dire haut et fort qu'existe une autre voie possible pour l'agriculture française : celle de la compétitivité par la qualité, la richesse de nos terroirs, et la valeur ajoutée de nos produits.

Nous voterons donc contre ce projet de loi, mais je voudrais faire brièvement deux remarques pour conclure :

La première, pour dire que le parallèle fait tout à l'heure entre le lobby des semenciers et les associations non gouvernementales est insupportable. Ces associations sont des interlocuteurs légitimes pour les pouvoirs publics. Faut-il rappeler que France Nature Environnement est reconnue d'utilité publique depuis 1976 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Que la Fondation Nicolas Hulot l'est depuis 1996 ? Que Greenpeace est reconnue d'intérêt général, pour n'en citer que quelques-unes ?

Ces associations jouent un rôle utile d'alerte, d'expertise citoyenne et de mobilisation de la société. Ce rôle a d'ailleurs été consacré par le Grenelle de l'environnement. De même qu'il existe une démocratie sociale, nous devons instaurer une démocratie environnementale.

Ces associations ne défendent pas des intérêts économiques ou des parts de marchés ; elles ne gagneront pas d'argent, pas un euro, quelles que soient les dispositions contenues dans le projet de loi.

Tout autre est la situation d'une poignée d'entreprises extrêmement puissantes, dont les pratiques ont été dénoncées avec courage par le sénateur Le Grand et notre collègue François Grosdidier.

Enfin, et c'est ma dernière remarque. il n'est pas acceptable que le Gouvernement et la majorité se réfugient derrière la transcription de la directive européenne pour justifier leurs choix. En vérité, la directive laisse de grandes marges de manoeuvre. Je pense notamment à l'article 4, qui permet de prendre « toutes les mesures appropriées » pour « éviter les effets négatifs » sur la santé, l'environnement, à l'article 26 bis, qui précise que les États « peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d'OGM dans d'autres produits »,…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…ou encore à l'article 19, qui permet de protéger des zones géographiques particulières, ce qui peut tout à fait inclure les parcs naturels ou les zones AOC.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Les États membres, qui ont adopté des dispositions restrictives pour protéger l'agriculture et la biodiversité, n'ont, jusqu'ici, jamais été inquiétés ni par la Commission, ni par la Cour de justice européenne.

Le choix existe bel et bien, et il est faux d'affirmer qu'il n'y en a qu'un seul qui s'offre à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons un nouveau projet destiné à transcrire – enfin – la directive européenne de 2001 sur la diffusion des OGM dans l'environnement. Il était temps ! Le Sénat s'était déjà penché sur le sujet en 2006, notamment grâce à l'action déterminée et courageuse des faucheurs volontaires, que l'on peut considérer comme de véritables lanceurs d'alerte (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…dont nous demandons la reconnaissance du statut à l'instar de ce qui se passe dans plusieurs pays européens. Le Grenelle de l'environnement a permis de changer la donne tant sur la méthode que sur le fond, et a donné lieu à trois avancées essentielles : la dissémination des transgènes a été reconnue, de même que le principe de responsabilité constitutif du développement soutenable et que le droit fondamental de consommer et de produire sans OGM. M. le ministre d'État l'a, du reste, lui-même rappelé à l'ouverture des débats au Sénat : « D'évidence, ce débat parlementaire est essentiel parce qu'il marque le premier passage de relais du Grenelle de l'environnement à la représentation nationale, des acteurs de la société civile aux élus. »

Hélas, ce projet de loi, manifestement rédigé sous la pression des lobbies productivistes et des semenciers est en net recul par rapport aux avancées du Grenelle de l'environnement. De même, comme l'a excellemment rappelé ma collègue Delphine Batho, il ne traduit ni l'esprit ni la lettre de la directive de 2001.

Je ferai remarquer à Mme la secrétaire d'État que, lorsque le ministre d'État nous explique que l'Allemagne n'a pas appliqué la clause de sauvegarde, c'est, en fait, parce que l'Allemagne a appliqué la directive de 2001 de manière très restrictive, et adopté une loi qui a permis de réduire considérablement les parcelles d'OGM. C'est bien la preuve que la France pourrait appliquer cette directive dans un sens plus restrictif. Tel n'est malheureusement pas le cas.

Voilà un texte, d'un grand laxisme, qui fait la part belle aux semenciers. J'en veux pour preuve trois exemples.

Dès l'article 1er, le texte dérape. Le droit de consommer et de produire sans OGM se transforme en doit de consommer et de produire « avec ou sans » OGM, dérive portée par le Président de la République. Le ton est donné. Les lobbies ont gagné puisque l'on accepte le principe de la coexistence alors que nous savons que les deux libertés ne sont pas compatibles : celle de cultiver avec des OGM et celle de cultiver sans eux.

Parler de liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM va donc à l'encontre du relevé de décisions de la troisième partie de la table ronde sur les OGM au Grenelle de l'environnement. Il y était fait état du consensus sur « le libre choix de produire et de consommer sans OGM » et non avec ou sans OGM comme les semenciers essaieraient de nous le faire croire dans leur lettre de mars 2008.

À l'article 2 relatif à la constitution et au fonctionnement de la Haute autorité, vous avez purement et simplement fait disparaître l'expertise pluraliste. Au lieu de vous appuyer sur l'instance de préfiguration, qui a bien fonctionné avec notre collègue Le Grand – même si elle a déchaîné la colère des partisans du Mon 810 – ou sur l'expérience réussie de dialogue entre scientifiques et société civile, vous revenez en arrière. La meilleure preuve en est le changement de nom de cet organisme. Vous diluez la question sensible des OGM dans une sorte de « grand machin » que l'on dénomme aujourd'hui le Haut conseil des biotechnologies, dont notre collègue François Grosdidier a fait remarquer, dans sa lettre aux députés UMP, les limites, et l'impossibilité, pour cet organisme, de travailler dans de bonnes conditions.

Je voudrais rappeler un détail à Mme la secrétaire d'État, qui s'informe sur ce qui se passe dans d'autres pays européens. L'exemple frappe plus que la menace, comme disait Polyeucte. Renseignez-vous, madame, sur ce qui se passe au Danemark où, depuis 1989, il existe des conférences de citoyens, qui ont permis d'associer la société civile à de grandes innovations technologiques. Et lorsqu'il s'agit d'innovations techniques qui engagent notre santé, notre environnement, la biodiversité et le type d'agriculture que l'on veut nous soumettre, c'est à la société de choisir et non aux experts et à leurs séides au sein du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il n'y a pas, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le pays légal d'un côté et, de l'autre, le pays réel : nous ne sommes pas en URSS !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Or nous avons le sentiment qu'on est dans le pays légal, celui qui décide sur le dos de nos concitoyens à qui on veut imposer, à marche forcée, des choix qui vont bousculer les modes de consommation, les modes de vie, les traditions agricoles, et sans doute notre santé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faudra bien que l'on s'explique un jour sur la contradiction qui existe entre un Parlement qui s'apprête à voter une loi faisant la part belle à de grands groupes internationaux, qui vont cartelliser l'agriculture mondiale, la mettre en coupe réglée (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et des citoyens qui, enquête après enquête, s'opposent à près de 83 %, à la présence d'OGM. Ils n'en veulent ni dans les champs ni dans leur assiette !

Il faudra bien un jour que l'on résolve la contradiction entre notre parlement, qui fonctionne en mode « hors-sol », pour parler comme les paysans,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et une société qui ne veut pas se laisser imposer des choix qui ne sont guidés ni par l'intérêt général ni par les impératifs de la lutte contre la faim, du partage ou de la redistribution (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre) mais par le seul intérêt de quelques grandes entreprises transnationales, pour certaines françaises, dont le principal objectif est la recherche du profit à tout prix.

Bien évidemment, et j'en termine, madame la présidente, les députés Verts voteront contre ce projet. Il ne s'agit pas de notre part d'une posture théologique ou d'une attitude obscurantiste, qui refuserait le progrès. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Non, car le vrai progrès, c'est le respect de la liberté des autres. Le vrai progrès, c'est le respect de la diversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Le vrai progrès, c'est aller vers un mode de consommation autre, loin de la consommation poussée à outrance. Le vrai progrès, c'est rétablir l'équilibre entre les pays riches et les pays pauvres et lutter contre les inégalités. Le vrai progrès, je le répète, c'est tout faire pour favoriser la souveraineté alimentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Notre liberté est imprescriptible et, dans une démocratie, c'est au peuple de décider, et non aux techniciens, aux semenciers et à ceux qui sont devenus leurs collaborateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que la représentation nationale débatte de ce sujet qui préoccupe depuis longtemps nos concitoyens. Ce projet de loi sera utile s'il nous permet de sortir du flou dans lequel nous sommes plongés depuis tant d'années et de mettre fin au bal des hypocrisies.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Première hypocrisie : la directive européenne de 2001 aurait dû être transposée depuis sept ans déjà.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Les gouvernements successifs ont toujours reculé face à cette échéance, réduisant le débat à l'opposition médiatique entre pro-OGM et anti-OGM, au lieu de laisser la place à une discussion raisonnée fondée sur une analyse scientifique sérieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Un débat aussi sensible sur un sujet aussi profond et complexe exige vigilance, transparence et respect. Après le Grenelle de l'environnement, c'est le devoir des politiques d'y veiller. Nous risquons sinon de nous heurter aux situations de blocage que nous connaissons déjà.

Sortir de l'hypocrisie, c'est d'abord cesser de penser que les OGM renvoient à un enjeu franco-français. Il s'agit au contraire d'un enjeu européen, si ce n'est mondial. L'Europe a pour principe fondamental la liberté de circulation des personnes et des biens, donc des produits agricoles. Or la France n'est pas une île : elle produit et se développe dans un environnement concurrentiel international. Les États-unis, le Brésil, la Chine et certains de nos voisins européens comme l'Espagne cultivent d'ores et déjà en masse des plantes génétiquement modifiées. En 2006, les cultures transgéniques représentaient plus de 100 millions d'hectares dans le monde.

Sortir de l'hypocrisie, c'est aussi s'interroger sur ce moratoire qui ne concerne que la culture des plantes génétiquement modifiées et non leur importation. Rappelons que notre pays importe chaque année 4,5 millions de tonnes de tourteaux de soja génétiquement modifié, soit 80 % de notre consommation. Le principe de précaution prévu par la charte de l'environnement aurait voulu que l'on interdise toute culture mais aussi toute utilisation, donc toute importation. S'il y a lieu de mettre en oeuvre ce principe, il ne peut l'être partiellement. En quoi le soja et le maïs génétiquement modifiés provenant d'importations poseraient-ils moins de problème que s'ils étaient cultivés sur notre territoire ? Quelle alimentation doit-on donner à notre bétail ?

Sortir de l'hypocrisie, c'est aussi donner aux chercheurs les moyens de leurs découvertes à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

La recherche française en matière de biotechnologies, en pointe il y a une décennie, est à présent sinistrée. Il est illusoire de croire, de dire, de penser que la recherche ne peut se faire qu'en laboratoire. De plus, la fuite des cerveaux …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

…et le retard pris par notre recherche, notamment la recherche publique, risquent à terme de nous ôter notre capacité de contre-expertise, pourtant nécessaire pour évaluer les risques éventuels des semences et produits génétiquement modifiés mis sur le marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Sortir de l'hypocrisie, c'est aussi être conscient que les multinationales américaines de l'agro-alimentaire se réjouissent de la situation française. Notre agriculture est une grande exportatrice au niveau mondial. La fragiliser, et porter du même coup atteinte à nos semenciers, ne peut qu'être favorable au développement des affaires des grands groupes outre-atlantique.

Au-delà, nous devons fermement nous opposer à la brevetabilité du vivant et veiller, comme ce texte commence à le faire, à organiser la coexistence avec les agricultures biologique, conventionnelle et raisonnée. Par ailleurs, il importe de réaffirmer que le droit pour le paysan d'utiliser une partie de sa production comme semence est imprescriptible, au même titre que la sauvegarde du patrimoine génétique de l'humanité.

À l'heure du « défi alimentaire mondial », issu de l'augmentation de la population et de la diminution de la surface des terres arables, tout cela constitue un enjeu stratégique pour les années à venir. Nous ne pouvons faire courir le risque à notre pays et à notre agriculture de passer à côté de perspectives d'évolution et de progrès qui pourraient s'avérer fondamentales face au danger qu'incarne le green power américain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Pour conclure, je tiens à saluer le fait que certaines mesures proposées par la mission d'information sur les OGM aient été reprises dans ce texte. Je compte sur la richesse de nos débats pour l'améliorer : notre vote en dépendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord me féliciter de l'initiative du Gouvernement, qui nous permet aujourd'hui d'examiner ce projet de loi. Je salue l'important travail réalisé par nos collègues sénateurs tout comme la qualité des travaux menés au sein de notre commission, grâce à son rapporteur et à son président.

Nous sommes ainsi parvenus à un texte équilibré qui repose sur un trépied : transparence, indépendance, accès à l'information.

La transparence est faite grâce à la mise en place d'un registre à la parcelle, qui fournira des informations fiables et accessibles, car elles seront diffusées par les préfectures et mises en ligne.

L'indépendance est établie grâce aux tests et aux études menés par les laboratoires agréés par les pouvoirs publics, dont les résultats, quels qu'ils soient, seront obligatoirement publiés. Grâce à l'amendement que nous avons adopté en commission, les études ne seront donc plus faites par les semenciers, contrairement à ce qu'a affirmé M. Cochet, entre autres contrevérités. À cet égard, permettez-moi de m'interroger à haute voix sur les raisons pour lesquelles les députés Verts se sont opposés à une telle proposition. Préfèrent-ils que les semenciers continuent à mener ces études ? N'y a-t-il pas lieu de se demander quels liens unissent les uns aux autres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Oui, et après ce sont eux qui nous traitent de collaborateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

S'agissant de l'information, nous estimons que c'est aux politiques de décider et à la science de les éclairer. Je préfère laisser la parole aux scientifiques plutôt qu'aux voyous, disons le mot, qui viennent saccager des propriétés privées et n'hésitent pas à utiliser la peur et la violence pour se faire entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Et je m'étonne qu'on ne puisse pas s'accorder sur ce point, toutes sensibilités confondues.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

Quand les militants de la FNSEA viennent casser le ministère de l'environnement ou des préfectures, ils n'agissent pas en voyous, peut-être ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Il n'y a jamais eu de manifestations sur des propriétés privées orchestrées par des hordes de voyous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

J'ajoute que l'Union européenne a contribué à hauteur de 70 millions d'euros au financement d'une étude menée par quatre cents laboratoires afin d'évaluer les risques de dissémination. Leurs conclusions sont les suivantes : il n'y a pas davantage d'éléments toxiques dans les cultures OGM que dans les cultures traditionnelles. Et l'OMS, depuis onze ans, n'a jamais pu identifier de cultures OGM faisant peser un risque sur la santé supérieur aux cultures traditionnelles. Je veux bien entendre d'autres opinions mais essayons au moins de revenir à des données incontestables. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

S'agissant de la réversibilité, évoquée par plusieurs d'entre vous, je citerai la Revue de l'association française pour l'information scientifique : « le Mexique possède encore la plante sauvage d'origine, le téosinte. Celui-ci n'a pas été contaminé par le maïs pourtant très répandu et cultivé depuis longtemps. De la même façon, un colza naturellement résistant à un herbicide cultivé depuis vingt ans en Australie n'a pas conquis le continent ». Au nom de quoi nier la réversibilité ? Elle existe bel et bien !

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Il suffit de pouvoir conserver les semences pures.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous voulez dire que la contamination n'est pas totale !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

D'autre part, j'ai entendu beaucoup de critiques sur les intérêts mercantiles. Ayons le courage d'affronter ce débat. Notre secteur agro-alimentaire représente un emploi sur cinq dans notre pays. Nous étions à la pointe de la recherche scientifique il y a quelques années. Nous sommes aujourd'hui complètement dépassés par les États-unis, l'Inde, le Mexique, et beaucoup d'autres pays. Ceux qui, aujourd'hui, se battent contre ce texte et voudraient empêcher son adoption font les beaux jours de quelques grandes multinationales outre-atlantique au détriment des grands semenciers français et de la recherche de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

Pensez-vous qu'il va améliorer les revenus des agriculteurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Autrement dit, ils condamnent l'agriculture française. Et cela n'est pas acceptable pour nous.

Nous avons voulu un texte équilibré, qui repose sur les trois piliers que sont la transparence, l'indépendance et l'accessibilité de l'information. Je vous invite tous à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, le débat a tendance à devenir de plus en plus réducteur. Il faut reconnaître que la façon dont il a été campé par certains, et d'abord par le ministre de l'agriculture, qui déclarait ne pas vouloir être condamné à avoir recours aux semences américaines, à la viande brésilienne et à la recherche indienne, y contribue beaucoup. M. Barnier a-t-il déjà oublié les promesses de l'époux de la chanteuse favorite de François Brottes (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

..lequel, pendant la campagne présidentielle, déclarait en boucle que s'il était élu il rétablirait la préférence communautaire ?

Si le Président de la République tient vraiment sa promesse,...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

..nous n'aurons plus de problèmes avec les Américains, les Brésiliens ou les Indiens.

Le ministre de l'agriculture, qui est plus raisonnable que le Président de la République,...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

..sait que ce sera un peu plus compliqué.

En tout état de cause, comme je le disais en introduction, le débat est réducteur, et M. Jacob vient encore de le démontrer. Il ne se joue pas entre les éclairés qui croiraient à la science et les obscurantistes qui refuseraient toute avancée. C'est pourtant ainsi que certains veulent le présenter.

En matière de recherche, il y a une confusion extraordinaire entre les biotechnologies et les OGM. C'est la même confusion, madame la secrétaire d'État, qui a été organisée pendant trente ans sur la recherche énergétique, puisqu'elle n'a porté que sur le nucléaire.

Puisque vous êtes aux responsabilités, essayez donc d'éviter la même confusion aujourd'hui car les OGM ne sont qu'une petite partie des biotechnologies, lesquelles pourraient bien constituer notre chance pour l'avenir.

Quant à la recherche publique, elle est condamnée à chercher des contrats privés qui la lient pieds et poings dans ses objectifs et ses décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

On sait qu'il lui faut de 30 à 50 % de contrats privés pour survivre. Aussi doit-on la doter de moyens. Mais ce n'est pas avec les crédits votés qu'on y parviendra et qu'on empêchera nos chercheurs de partir à l'étranger.

Si nous sommes favorables à certaines recherches en milieu ouvert dès lors qu'elles sont bien encadrées et nécessaires, en revanche nous sommes opposés aux cultures commerciales de plein champ. Car, là aussi, vous travestissez la réalité puisque personne ne sait si la distance nécessaire pour éviter toute contamination est de 25 mètres, de 250 mètres ou de 25 kilomètres, ni comment les abeilles et les oiseaux se déplacent. En réalité, monsieur Jacob, personne ne peut nous prouver qu'il y aura réversibilité.

Il n'y a donc pas de débat sur la liberté de produire avec ou sans OGM car, si l'on a la liberté de produire avec, l'on n'aura pas, pendant longtemps, la liberté de produire sans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Mon problème n'est pas de savoir si je veux ou non manger des OGM, mais de permettre à tous mes concitoyens qui le souhaitent de ne pas en manger aujourd'hui ni demain.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai soixante ans et cela fait quarante-six ans que je suis paysan. J'ai manipulé des bidons de pesticides sans aucune précaution ; je les ai même lavés dans la rivière quand j'avais vingt ans. Je ne savais pas que c'était dangereux pour la faune et la flore, pour mes voisins et pour moi. J'ai aussi découpé de l'amiante à la scie sans aucune précaution. Je ne savais pas que c'était dangereux. En revanche, comme pour les pesticides, les industriels le savaient, mais ils n'ont rien dit. Et certains de mes voisins sont atteints du cancer de l'amiante parce qu'ils ont travaillé dans des élevages de porc ou de volailles.

Si nous rencontrons un jour des problèmes liés aux OGM, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas car notre débat d'aujourd'hui attire l'attention sur les risques. Sommes-nous prêts à courir ces risques ou souhaitons-nous prendre du recul, attendre encore, rechercher davantage, faire des expérimentations pour les élimer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes tous conscients aujourd'hui que le projet de loi que nous examinons est essentiel pour l'avenir de notre agriculture et de notre recherche, mais également pour l'avenir économique de notre pays.

Les OGM nous concernent tous dans la mesure où leurs domaines d'application sont multiples.

En matière d'environnement, les OGM permettent le développement de cultures autoprotectrices, donc d'utiliser moins de pesticides dont nous sommes sûrs qu'ils sont néfastes, et de créer des variétés permettant le développement de pratiques culturales plus économes, donc plus productives. De plus, ils sont moins exigeants en eau.

Toutes les recherches vont dans le sens d'une meilleure gestion des matières premières comme l'eau et le pétrole, et elles ouvrent la voie à une solution aux problèmes de malnutrition.

À cet égard, je rappelle que, contrairement à ce que j'ai entendu, les OGM ne sont pas nécessairement des semences stériles, que les scénarios catastrophes décrits par nos collègues Verts ne sont pas les seuls que nous pouvons imaginer. Je sais que nombre d'entre vous partagent ce sentiment.

En matière de santé, les modifications génétiques pourraient permettre de réduire les allergies alimentaires, qui touchent 15 à 30 % de la population, ainsi que d'accélérer la production de vaccins et de médicaments.

Enfin, les OGM ont également des applications industrielles, notamment comme la production de biocarburants, mais aussi de papiers et de matériaux biodégradables.

Le développement durable, qui est l'une de nos priorités, passe donc aussi par la culture d'OGM.

Il nous faut par conséquent un cadre juridique, afin de reprendre des recherches malheureusement arrêtées par les pressions idéologiques et les faucheurs de champs.

Serait-il vraiment responsable de considérer que les risques éventuels et hypothétiques que représentent les OGM, qui n'ont jusqu'à présent pas été démontrés malgré les nombreuses études qui ont été réalisées de façon indépendante, justifient un coup d'arrêt à la culture des OGM en France ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Je ne le pense pas. Nous avons besoin de ce texte responsable et courageux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)...

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

..permettant et encadrant la culture avec ou sans OGM.

Dans quelques semaines, la France prendra pour six mois la présidence de l'Union européenne. En tant que première puissance agricole européenne, la France doit donner un signal fort à ses partenaires européens et se positionner non pas comme le bon dernier du peloton ou en défendant une exception française non justifiée, mais plutôt comme un leader sur ce sujet.

Si nous ne le faisons pas, d'autres le feront, sans s'embarrasser de règles contraignantes et protectrices. Et, une fois encore, ce sont nos agriculteurs, nos chercheurs, nos entreprises qui seront les premiers pénalisés.

Nous ne devons donc pas nous retrancher derrière des idéologies protectrices, ou plutôt conservatrices. Au contraire, il nous faut aller de l'avant. Il nous appartient de développer la recherche en matière d'OGM et ainsi d'être en mesure de démontrer l'existence ou l'absence de risques liés aux OGM. Ceci passe par la protection de la culture en plein champ, comme le propose le texte de loi.

Très sincèrement, je ne comprends pas les anti-OGM qui invoquent sans cesse l'hégémonie du groupe Monsanto...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Martin

Pourtant, on vient d'en avoir la démonstration !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

..comme justifiant quasiment à elle seule l'interdiction des OGM.

Ne nous y trompons pas : avec ou sans la France, Monsanto continuera à vivre et à prospérer,...

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Surtout avec vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

..tant qu'il n'aura pas de concurrent assez puissant pour faire contrepoids.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Voilà pourquoi la bonne attitude consiste à autoriser le développement de la recherche OGM sur notre territoire, afin qu'un jour d'autres groupes puissent offrir une alternative au « monde selon Monsanto »...

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

..et que nous puissions avoir un véritable choix en matière de productions OGM.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Encadrer et protéger la recherche en plein champ pour nous permettre de rattraper notre retard me semble essentiel.

Je terminerai en saluant l'amendement adopté par nos collègues sénateurs, qui réprime pénalement la destruction ou la dégradation de parcelles de cultures OGM.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La totale ! Tout pour Monsanto !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Ces agissements illégaux doivent cesser. Il n'est pas tolérable que des minorités réduisent ainsi à néant plusieurs années de travail et des espoirs en matière de recherche biomédicale. Il nous faut donner un nouvel essor à la recherche scientifique sur les OGM, afin de lever les interrogations et rassembler enfin les Français autour des progrès qui, j'en suis convaincue, verront le jour dans le domaine agricole, environnemental, industriel ou encore sanitaire.

Pour toutes ces raisons, je soutiendrai ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'être restée parmi nous alors que vos deux collègues, M. Borloo et M. Barnier, se sont éclipsés. Vous avez, dans votre propos introductif, fait référence au projet de loi initial du Gouvernement. Or le texte que nous examinons est celui qui a été voté par le Sénat et, de tous les amendements que nous avons déposés, aucun n'a été adopté par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

« Un projet de loi sur les OGM ne peut se contenter de “transposer” ou d'adapter nos procédures : il doit aller au-delà et pleinement contribuer à répondre aux préoccupations et aux exigences des Français sur l'utilisation des organismes génétiquement modifiés. » Cette phrase est extraite de l'introduction du rapport d'Antoine Herth. Ces préoccupations et ces exigences, quelles sont-elles ? Un sondage réalisé en février 2008 indique que, pour 72 % des personnes interrogées, il est important de pouvoir consommer des produits sans OGM et que, pour 71 % d'entre elles, un produit « sans OGM » doit être vraiment sans OGM, et non contaminé à 0,9 % comme le prévoit le projet de loi.

Au lendemain du Grenelle de l'environnement, nombreux étaient ceux qui se félicitaient de ses conclusions. Vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, ce texte constitue un premier test législatif et, d'une certaine façon, il conditionnera le crédit qui sera porté à ces conclusions et servira à mesurer la sincérité du Gouvernement dans la volonté qu'il affiche de les mettre en oeuvre.

Dois-je rappeler les déclarations de M. Borloo au mois de septembre ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'autres ont bien cité M. Jospin !

« Sur les OGM, tout le monde est d'accord : on ne peut pas contrôler la dissémination, donc, on ne va pas prendre le risque. » De son côté, Nicolas Sarkozy déclarait : « La vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM. [...] Dans le respect du principe de précaution, je souhaite que la culture commerciale des OGM pesticides soit suspendue. » C'était le 25 octobre 2007.

Je regrette aussi que le président de la commission des affaires économiques, M. Ollier, ne soit plus là. Il semble que les défections soient nombreuses dans vos rangs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

M. Mamère a fait son show et s'en est retourné !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Comme M. Ollier l'a dit, le débat qui s'ouvre aujourd'hui n'est pas : pour ou contre les OGM. La question est de savoir quelle liberté sera laissée à l'agriculteur et au consommateur. Pourront-ils véritablement produire et consommer sans OGM ?

La France, comme les autres pays de l'Union, bénéficie par le biais de la directive de 2001 d'un mandat légal très large pour édicter sa réglementation sur la coexistence des espèces. L'interprétation plus restrictive de ce mandat et du concept global de coexistence n'a pas de fondement dans la législation européenne. Par ailleurs, la transformation du seuil d'étiquetage des OGM en un seuil d'intervention réglementaire s'appuie sur une interprétation erronée du cadre législatif européen. Ainsi, aucun fondement juridique ne justifie que les États membres, les agriculteurs et les consommateurs soient obligés de tolérer une contamination régulière des produits non-OGM par du matériel transgénique à hauteur de 0,9 %.

La responsabilité des parlementaires aujourd'hui est donc grande – et même historique, a dit François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Il serait indigne et caricatural de transformer le débat en une confrontation entre les passéistes obscurantistes et les progressistes éclairés. Aujourd'hui, devant le caractère irréversible et incontournable de la contamination des OGM, face aux incertitudes sanitaires et environnementales encore très nombreuses, nous, parlementaires français, avons une lourde responsabilité. Les choix que nous ferons conditionneront la vie de nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

La qualité de notre terroir, notre tradition gastronomique, nos labels, nos AOC, notre agriculture biologique sont en jeu. Et la législation que nous voterons sera lourde de conséquences pour nos spécificités et notre identité environnementale, économique, culturelle et sociale.

En Midi-Pyrénées, il y a eu, en 2007, 16 000 hectares de maïs OGM sur 23 000 hectares plantés, soit plus de 70 % ! Dans mon département, l'Ariège, 1 200 hectares de maïs OGM ont été cultivés. Depuis plusieurs années, les collectivités – régions, départements, communes – accompagnent la dynamique locale par des chartes de qualité et favorisent l'agriculture bio. Aujourd'hui, on dit aux agriculteurs bio qu'ils ont une obligation de moyens, et non de résultats. C'est leur faire insulte que de ne pas les aider à en obtenir ! Quelle hypocrisie ! Autrement dit, à terme, l'agriculture bio est condamnée à disparaître. Qu'adviendra-t-il alors des belles déclarations du Grenelle de l'environnement sur la multiplication par trois des surfaces bio en cinq ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

S'agissant de la biodiversité, la région d'où je viens abrite cinq parcs naturels régionaux, 295 sites Natura 2000, douze réserves naturelles nationales, quinze réserves naturelles régionales.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Les labels et le classement imposent des contraintes fortes sur ces territoires. Des efforts importants sont réalisés par les populations, les professionnels, les élus, pour le respect de ces espaces naturels remarquables et remarqués. Actuellement, dans la plupart des chartes en vigueur ou en cours de révision, les parcs naturels régionaux se positionnent comme des espaces sans OGM. Premier réseau d'espaces protégés, ils ont vocation à jouer demain un rôle essentiel dans la constitution de la trame écologique, trame verte et bleue, issue du Grenelle de l'environnement.

Ce projet de loi est donc une mauvaise réponse à une vraie question. Aujourd'hui, le citoyen attend de ses parlementaires de l'honnêteté, de la transparence, de la vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Il attend de ses représentants qu'ils lui laissent le choix, celui de consommer avec ou sans OGM. Alors, finissons-en avec cette hypocrisie qui consiste à laisser croire que, pour la science, pour résoudre le problème de la faim dans le monde, la France doit se doter d'une législation qui, demain, aura pour conséquence de généraliser la production d'OGM et leur dissémination sur notre territoire. La France a en effet besoin d'une loi, mais celle qu'on nous propose n'est pas la bonne réponse à la problématique des OGM ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui est bref – quatorze articles – mais il est capital puisqu'il s'agit d'un enjeu de société.

La question des OGM n'est pas une simple question technique réservée aux seuls scientifiques ou aux seuls initiés. C'est avant tout une question politique, à laquelle il convient d'apporter une réponse politique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Parler des OGM, c'est dire la place que l'on veut pour la France dans le monde, l'agriculture que l'on souhaite, le rapport à la science que l'on désire ; bref, c'est dire la société que nous voulons.

Une loi est certes nécessaire pour encadrer les OGM, elle ne doit pas pour autant promouvoir leur production commerciale. C'est pourtant bien ce que sous-tend le texte en sortant du cadre de la recherche.

Étant donné le temps qui m'est imparti, je m'arrêterai sur deux points de désaccord.

Le premier concerne la rédaction issue du Sénat. On passe de la volonté de consommer et de produire sans OGM à la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM. Le « avec » et le « sans » sont dorénavant sur un pied d'égalité, et c'est bien ce qui pose problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Le texte prévoit ainsi la coexistence des cultures OGM avec l'agriculture conventionnelle, avec la production biologique ou encore avec l'agriculture bénéficiant d'un signe d'authentification de qualité sous forme d'un label ou d'une appellation d'origine. Nous devons pourtant, dans une logique économique et politique, continuer à préserver et à développer les productions à haute valeur ajoutée, qui sont pour le consommateur synonymes de « sans OGM ». Le consommateur n'achète que s'il a confiance dans un produit et, pour lui, qualité alimentaire ne rime pas avec manipulation technologique. Que l'on soit d'accord ou pas, il s'agit d'une réalité économique que nous devons prendre en compte.

Quelque 70 % des Français sont hostiles aux OGM. Alors, certains sur ces bancs nous expliquent que nos compatriotes « ne savent pas », qu'ils « ne sont pas compétents », qu'ils « ne sont pas scientifiques ». De tels jugements ne sont pas forcément pertinents d'autant que, pour moi, tout ce qui touche au vivant correspond à un choix de vie, et requiert de ce fait une approche sociétale.

Avec ce texte, vous faites courir de grands risques à tous les producteurs qui se sont engagés dans des filières reconnues en France et à l'étranger. Un respect total du choix des filières est indispensable et ce projet de loi, tel qu'il nous est présenté aujourd'hui, ne garantit en rien aux agriculteurs qu'ils pourront continuer à produire en se conformant à leur cahier des charges et à leur système d'exploitation. Il ne suffit pas de les indemniser. En l'état, le texte risque de mettre à bas des filières entières à haute valeur ajoutée, qu'il a fallu des années pour mettre en place. À ce propos, je suis l'auteur, avec plusieurs de mes collègues, d'une proposition de loi interdisant la présence ou le recours aux OGM dans les productions sous signes de qualité, ainsi que dans leurs aires géographiques de production. Elle remonte à octobre dernier.

Il ne tient qu'à nous que la France et l'Europe prennent une orientation différente dans la compétition mondiale. C'est une question politique à laquelle il faut apporter une réponse politique, et en aucun cas un sujet strictement technique.

Venons-en maintenant au second point de désaccord. L'article 2 crée un organe d'expertise, destiné à éclairer le Gouvernement en matière d'OGM. Initialement, il devait s'appeler la « Haute autorité sur les OGM » ; il est devenu le « Haut conseil des biotechnologies ». « Conseil » et « autorité » ont des significations différentes et la nouvelle dénomination est beaucoup moins lisible et identifiable pour le grand public. J'ai bien senti, en écoutant son introduction, que Mme la secrétaire d'État penchait aussi pour l'appellation initiale !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

De plus, on ne peut que déplorer la réduction, voulue par le Sénat, du poids de la société civile au sein du « Haut conseil ». Le comité de la société civile émet ainsi de simples recommandations, et non un avis. Où est la collégialité ? Où est la parité dans la prise de décision ? On revient encore au sens et au poids des mots. Je pense sincèrement qu'il s'agit d'une erreur grave – et volontaire, qui plus est ! Il suffit de relire le rapport que M. Bizet a rendu au nom de la commission des affaires économiques au Sénat pour remarquer qu'il différencie le comité scientifique et le comité de la société civile selon deux principes de légitimité distincts : le premier relevant, à ses yeux, de l'expertise scientifique, et le second – je le cite – de « la simple expression d'opinions ». Cette distinction est reprise par notre rapporteur, M. Herth. Vous conviendrez que cela en dit long sur l'intérêt que l'on porte au questionnement légitime de la société. On a pourtant besoin, dans ce domaine, d'une expertise pluraliste et de l'indispensable acceptation sociale, compte tenu du nombre de questions qui se posent.

Sommes-nous sûrs de maîtriser la propagation d'une plante génétiquement modifiée dans le milieu naturel ? Non ! Et qui peut avoir des certitudes, s'agissant de la réversibilité ?

Il ne faut pas oublier non plus que l'espace naturel, l'espace agricole et, par extension, le champ, parce qu'il est visible, parce qu'on le longe, sont aussi des espaces publics qui intéressent tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

C'est d'abord l'espace du propriétaire et de l'exploitant !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Certes, mais un champ, s'il est une propriété privée, n'en fait pas moins partie du paysage, d'un espace naturel, de l'ensemble sociétal.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Les champs n'ont rien de naturel ! On les cultive depuis 10 000 ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

La société dans sa diversité, dans ses compétences, ne peut donc être tenue à l'écart sur un tel sujet.

En matière d'OGM, et ce sera ma conclusion, ce qui se dit importe plus que qui le dit. J'espère, madame la secrétaire d'État, que vous serez dans cet état d'esprit et que vous serez attentive aux amendements que nous avons déposés pour améliorer le texte. Ils n'ont malheureusement pas reçu d'échos favorables au sein de la commission des affaires économiques, mais je souhaite pouvoir les discuter en séance publique de façon plus approfondie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on a entendu tout et n'importe quoi sur ce projet de loi sur les OGM. Les esprits s'étant beaucoup échauffés ces dernières semaines, il me semble important de remettre les choses à leur juste place. Afin de débattre enfin sereinement, discutons de ce qui est dans le texte, sans partir dans des délires ou, pire, des contrevérités. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il y va de notre responsabilité de parlementaires.

Le texte qui nous est soumis ne concerne pas les OGM en général ; il ne vise pas à les soumettre à une interdiction globale, mais à encadrer leur culture en plein champ. Il n'y est question que de l'agroalimentaire, soit une petite partie du champ d'application des techniques OGM.

Modifier génétiquement des organismes vivants n'est ni bon ni mauvais en soi. C'est une technique : tout dépend de l'usage qui en est fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Je vais y venir, monsieur Brottes.

Ce texte est précisément destiné à réglementer certains usages. Il va donc dans le bon sens.

Je n'arrive pas à comprendre comment on peut se dire opposé à ce texte et réclamer en même temps l'intervention des pouvoirs publics pour interdire certaines pratiques et la culture de certaines variétés de maïs.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Nous devons légiférer : l'Europe nous presse de le faire, et nous ne disposons d'aucun cadre légal sur l'utilisation des OGM dans l'agroalimentaire. Il serait anormal que les parlementaires laissent subsister des zones de non-droit ! Légiférer est pour nous une obligation morale.

S'agissant du contenu du texte, je serai cependant très prudent.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Comment concilier les intérêts du Gouvernement, des associations anti-OGM, des agriculteurs, des semenciers, des chercheurs et des industriels de l'alimentaire ? Ce projet de loi n'est à mes yeux qu'une première étape, qui pare au plus pressé, mais n'a rien de définitif, bien au contraire : nous devrons revenir sur cette réglementation afin de la compléter et de l'amender.

En effet, les OGM ne sont pas sans présenter des risques, notamment en ce qui concerne leur utilisation dans l'agroalimentaire – je dis bien « risques » et non « dangers » car, pour l'instant, rien n'est prouvé. Il est important de bien distinguer les OGM utilisés en tant qu'outil dans un espace confiné, comme c'est le cas en recherche fondamentale et en médecine, des OGM utilisés en tant qu'organisme en milieu extérieur, comme c'est le cas dans l'agroalimentaire. Dans ce dernier cas, il convient effectivement, monsieur Brottes, d'en maîtriser toutes les conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il y a d'abord un risque sanitaire : les plantes génétiquement modifiées produisent un insecticide ou résistent aux herbicides ; il faut pouvoir assurer leur traçabilité, sans rechercher seulement l'OGM, mais aussi le pesticide associé.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il y a ensuite des effets environnementaux, qui se concentrent avec le temps au lieu de se diluer.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il existe un risque de pollution génétique, de dispersion du pollen et de transferts horizontaux entre microbactéries du sol et plantes transgéniques. Les insectes ne risquent-ils pas de devenir à leur tour résistants ? Peut-on enfouir les OGM après expérimentation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Nous sommes très lucides !

Sur tous ces sujets, les études disponibles n'offrent malheureusement pas assez de recul pour que l'on puisse avoir un avis éclairé. (« Nous sommes bien d'accord ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cela suffit à inspirer la plus grande prudence, car les risques sanitaires mais aussi environnementaux ne sont pas à prendre à la légère !Il faudra appliquer le principe de précaution chaque fois que nécessaire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

C'est néanmoins un leurre de croire que la France pourra, tel un village gaulois, résister seule aux envahisseurs OGM. Mes chers collègues, les OGM sont déjà là : pour ne prendre que ce seul exemple, 80 % du soja produit dans le monde est génétiquement modifié. Pour les éleveurs, la seule alternative est soit d'accepter de nourrir leurs animaux avec du soja transgénique, soit de ne plus leur donner de soja.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ou de leur donner du soja qui ne soit pas génétiquement modifié !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Du point de vue économique, la deuxième solution n'est déjà plus tenable.

Entre la réalité, sur laquelle nous essayons d'influer, et la nécessité d'appliquer le principe de précaution, la voie est très étroite. À nous de travailler pour arriver à la meilleure solution. Nous ne sommes pas au bout de nos peines, mais ne rien faire et croire que, comme le nuage de Tchernobyl, les OGM s'arrêteront à notre frontière est illusoire, démagogique et, en définitive, irresponsable.

Ce texte apporte des solutions concrètes sur le libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM, le principe de précaution, le principe de responsabilité et le principe de transparence. Je regrette vivement, en revanche, le manque de communication du Gouvernement (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) : bien des Français pensent qu'il ne s'agit que d'un texte pour ou contre les OGM. C'est là tout le problème ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

On a presque envie d'applaudir. C'est un montagnard, ça se voit !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur les OGM est fondamental pour tout humaniste, car il met en jeu notre attitude envers la science, notre conception du progrès et notre responsabilité dans l'utilisation de la technique. Or le XXIe siècle nous invite à nous interroger sur ces trois notions.

Que savons-nous des OGM et, plus particulièrement, des plantes génétiquement modifiées, les PGM ? Sont-elles source de progrès ? En quoi engagent-elles notre responsabilité envers les générations futures ?

La recherche a un immense domaine à explorer. Il reste en particulier beaucoup d'incertitudes quant au fonctionnement du génome et à ses interactions avec son environnement. L'affaire de la « vache folle » est là pour nous le rappeler : on ne sait toujours pas comment le prion a pu franchir certaines barrières et se retrouver dans le système nerveux. La biologie moléculaire n'est pas encore une science prédictive : elle constate de façon empirique le résultat apparent de ses manipulations, sans rien connaître des effets secondaires potentiels. Lors des auditions de la mission d'information sur les OGM, nous avons été alertés sur les incertitudes concernant les techniques actuelles d'obtention des transgènes : il n'est pas exclu que l'on fabrique de nouveaux gènes « dormants », dont les fonctions encore inconnues pourraient se révéler dans un environnement donné.

Ce qui est acceptable dans une démarche de recherche ne l'est plus dans le cadre d'une dissémination volontaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Attendons au moins que les chercheurs aient mis au point des techniques de transgenèse « propre », afin d'avoir un transfert de gène mieux contrôlé et plus efficace, le transgène étant placé dans un endroit connu du génome, en une seule copie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Tout cela devrait nous conduire à appliquer le principe de précaution : dynamiser la recherche pour lever les incertitudes et, en attendant, ne pas autoriser les cultures commerciales d'OGM.

D'aucuns affirment que si nous ne voulons pas développer les OGM, c'est que nous ne croyons pas au progrès ; mais la notion de développement durable nous a appris à raisonner dans l'espace : ce qui est un progrès pour certains ne l'est pas nécessairement pour tous, et dans le temps : ce qui semble un progrès à un moment donné peut s'avérer dangereux plus tard. Que l'on songe au DDT ou à l'amiante !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Les avantages des PGM sont-ils universels et fiables dans le temps ? Les grandes cultures commerciales répondent à la demande de certains agriculteurs – combien sont-ils exactement ? –, mais vont à rencontre des souhaits de plus des trois quarts des consommateurs. Quant aux bénéfices attendus par les agriculteurs, comme vient de le rappeler l'orateur précédent, on manque singulièrement de recul pour les confirmer ! Avec le risque désormais avéré d'insectes devenus résistants et de prolifération de plantes sauvages génétiquement modifiées, les meilleurs rendements du début s'avéreront-ils pérennes ? Rien n'est moins sûr ! Ne faudra-t-il pas augmenter les doses de pesticides – comme on commence d'ailleurs à le faire ? Quelles seront les conséquences sur la santé ? Comment les consommateurs réagiront-ils ? La précaution s'impose.

S'agissant des avantages liés aux PGM dites de « deuxième génération », nous en sommes encore au stade de la recherche expérimentale. Il est possible que certaines régions du monde aient un jour besoin de PGM adaptées à la sécheresse ou à certains milieux, comme les milieux salins. La recherche doit se poursuivre – mais, comme l'a rappelé Jean Gaubert, sans se limiter aux OGM.

Quant aux espoirs placés dans les « plantes alicaments », comme le fameux « riz doré », je vous renvoie au rapport des académies de médecine et de pharmacie de 2002 sur les OGM. Outre les risques d'allergie, rappelés par notre collègue Bernard Debré, ce document note qu'« un préalable fondamental concerne le renforcement des études épidémiologiques. Ce préalable est particulièrement crucial pour les recherches qui visent la complémentation en micronutriments dont les niveaux peuvent rapidement se révéler toxiques. » Or ces études préalables, pourtant « cruciales », n'ont pas été faites !

Un dernier argument est avancé en faveur de la culture des PGM : comment nourrir 9 milliards d'êtres humains en 2050 ? Aucune piste ne doit être négligée. Cependant, aujourd'hui, la cause de la malnutrition de plus de 800 millions de personnes n'est pas un manque global de nourriture, mais la mauvaise répartition des richesses, en particulier alimentaires,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

…accrue par l'orientation croissante de l'agriculture des pays émergents vers l'exportation, au détriment des cultures vivrières.

L'agriculture intensive et son dernier avatar, les grandes cultures de PGM, amplifient ces dysfonctionnements. Le caractère irréversible de la progression des PGM là où elles ont été acceptées, ou imposées, et qui est lié à la brevetabilité du vivant, en fait par ailleurs une arme alimentaire qui permettra à terme à quelques multinationales – dont Monsanto, bien sûr, mais pas seulement – de contrôler le marché de l'alimentation de la planète, privant ces pays de leur souveraineté alimentaire.

Tout cela est évidemment contraire, d'abord aux conclusions du Grenelle de l'environnement, ensuite au principe de précaution que nous avons inscrit dans notre Constitution.

Une science encore très incertaine dans ses connaissances et ses méthodes, des progrès mal assurés ou seulement virtuels, des risques très importants et potentiellement irréversibles : rien ne justifie l'urgence d'autoriser des cultures commerciales d'OGM. Ce projet de loi ne doit pas être celui du reniement : reniement du principe de précaution et premier reniement du Grenelle de l'environnement. Prenons nos responsabilités, et laissons aux générations futures le choix de leur alimentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, élu du Lot-et-Garonne – un de ces départements du Sud-Ouest où la culture des OGM s'est considérablement développée –, j'ai constaté ces dernières années les ravages causés par l'impossibilité de tout dialogue entre partisans et adversaires des OGM. Comme toujours, lorsque l'incompréhension s'installe, la violence se développe. La violation des propriétés et le saccage des biens d'autrui ne sont évidemment pas acceptables. Dans un État de droit, la répression s'impose ; mais croire qu'elle peut suffire serait une faute. Quel qu'en soit le bien-fondé, une règle n'est applicable durablement que si elle est justifiée, expliquée et acceptée.

Le premier mérite du Grenelle de l'environnement est d'avoir mis face-à-face ceux qui, jusque-là, se tournaient le dos. Agriculteurs conventionnels, agriculteurs biologiques, agriculteurs utilisant des OGM, consommateurs, associations, élus, entreprises et chercheurs ont posé sur la même table leurs questions et leurs réponses, leurs certitudes et leurs doutes. Pour la première fois, les lignes de clivage ont été précisées et des convergences se sont esquissées. Il convient donc de féliciter ceux qui, autour du Président de la République et du Premier ministre, ont imaginé, organisé et animé ce rendez-vous.

Pour passer de la déclaration de principe à la règle de droit, il appartient maintenant au Parlement de se prononcer. Le texte présenté par le Gouvernement et amendé par le Sénat me semble juste. Il affirme l'ambition de la France de retrouver sa place dans la maîtrise des sciences du vivant. Il encadre la recherche, l'innovation et l'expérimentation par des règles strictes. Il joue la transparence en prévoyant que les projets de cultures OGM feront l'objet d'une information très précise, au niveau non plus du canton, mais de la parcelle. Il traite d'une manière égale, donne les mêmes droits, impose les mêmes devoirs et soumet à la même responsabilité ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas produire et consommer des OGM.

Il s'agit donc d'un texte équilibré. Qu'il me soit toutefois permis, madame la secrétaire d'État, de faire deux observations.

La première concerne les préoccupations légitimes des agriculteurs conventionnels et « bio ». Autant la colère des producteurs d'OGM victimes d'intrusions et de saccages était légitime, autant les interrogations de ceux qui veulent continuer à mettre sur le marché des productions non-OGM doivent être entendues. La coexistence des différents modes de production est au coeur de ce projet de loi. Mais pour que cette coexistence soit effective, il est impératif que toutes les garanties soient apportées aux uns et aux autres. Concernant les producteurs non-OGM, le projet du Gouvernement a été considérablement amélioré par le Sénat : en matière d'isolement ou d'éloignement des autres productions, des règles précises, publiques, seront désormais fixées sur la base des connaissances scientifiques disponibles. Ces règles seront régulièrement réexaminées en fonction des connaissances acquises et adaptées aux caractéristiques propres à chaque type de culture. C'est une avancée majeure qui mérite d'être saluée.

Il est important que ces règles adoptées par le Sénat soient confirmées par notre assemblée et qu'elles soient ensuite très strictement appliquées. Il y va en particulier de la pérennité des cultures biologiques, qui ne se développeront que si elles sont préservées de toute forme de contamination. Ces cultures répondent à une demande du marché et ouvrent des perspectives à de nombreux producteurs. Elles font du reste l'objet d'une ambition nationale forte, puisque la France s'est fixé comme objectif que les productions « bio » représentent 6 % de la surface agricole utile en 2013 et 20 % en 2020. Il est essentiel, madame la secrétaire d'État, que dans cette perspective les producteurs et les consommateurs obtiennent toutes les garanties attendues.

Ma seconde observation concerne le grand public. On dit souvent que 60 % des Français sont contre les OGM. Mais on dit moins souvent que 90 % d'entre eux reconnaissent ne pas savoir précisément ce que sont les OGM. Comme quoi, une fois encore, c'est l'ignorance qui nourrit la peur. Sur ce point, madame la secrétaire d'État, l'État doit faire, me semble-t-il, son autocritique : il n'a pas été, jusqu'à présent, en mesure de faire entendre la voix des scientifiques. C'est ce silence qui a ouvert un véritable boulevard aux interrogations de bonne foi, aux inquiétudes sincères, mais également aux manipulations idéologiques de l'opinion publique. Maintenant que nous sommes prêts à sortir de l'ambiguïté et de l'esquive, maintenant que les règles applicables vont enfin être clarifiées, rien ne doit s'opposer à ce que l'État ait, en matière d'explication et de communication, une action particulièrement volontaire.

Pour cela, je voudrais suggérer que soit créée, peut-être sous l'égide du Haut conseil des biotechnologies, une véritable task force composée de scientifiques reconnus qui, chaque fois qu'un point chaud apparaîtrait, serait chargée d'aller sur place, de rencontrer les protagonistes, d'étudier le problème, de faire publiquement le point des connaissances scientifiques pour que l'information objective prenne enfin le pas sur les rumeurs et les peurs. Je n'imagine pas que dans nos organismes de recherche, nos universités, nos laboratoires, il n'y ait pas assez de compétences et de talents pour donner au débat public sur les OGM la sérénité, la tenue et la loyauté qu'il doit avoir.

Lorsque la loi aura été votée, la règle de droit sera précise. Il faudra alors que le savoir, la raison et la volonté reprennent leurs droits sur le terrain. C'est un beau challenge. Il mérite, je crois, d'être relevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Quéré

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est à la fois triste, inquiète et en colère que je m'adresse à vous aujourd'hui. Et c'est aussi en tant qu'agricultrice que je souhaite m'exprimer à cette tribune. Si l'Assemblée nationale adopte la loi sur les OGM telle qu'elle a été amendée par le Sénat, on peut dire sans exagérer aucunement que l'on aura mis fin à la diversité de l'agriculture française. Un sort funeste, en effet, attend l'agriculture biologique et toutes les agricultures conventionnelles engagées dans des démarches de qualité.

Autoriser la culture d'OGM en plein champ, c'est prendre le risque d'une contamination des cultures conventionnelles et biologiques – songeons à ce qui s'est passé dans les Deux-Sèvres –, ce qui revient à leur refuser le droit d'exister ; c'est aussi mépriser les demandes des consommateurs, qui, lors du Grenelle de l'environnement, se sont clairement opposés aux OGM ; c'est enfin ouvrir une ère de conflits sans fin entre producteurs.

Une pollution des cultures conventionnelles et biologiques devra rester exceptionnelle et tout accident devra donner droit à une réparation totale, quel que soit le niveau de contamination. Je vous rappelle tout l'intérêt des pratiques de l'agriculture biologique, respectueuse de l'environnement, créatrice d'emplois ruraux, génératrice de circuits courts permettant le maintien des petites et moyennes exploitations. Supprimer l'agriculture biologique, c'est supprimer tout un pan de notre économie rurale. C'est aussi nier la demande des consommateurs, en nette progression. C'est enfin ignorer le travail des nombreuses collectivités qui se sont engagées dans la distribution de produits biologiques, notamment pour la restauration collective.

Le Grenelle de l'environnement nous avait fait espérer que la future loi OGM protégerait les systèmes agraires, prendrait en compte le principe de précaution et respecterait le droit à produire et à consommer sans OGM. En fait, c'est tout le contraire.

Je vous rappelle que plus de dix ans après leur apparition, les OGM n'ont toujours pas conquis les consommateurs européens, pas plus que la majorité des producteurs. C'est pourquoi le droit de produire et de consommer sans OGM ne peut en aucun cas être remis en cause. L'extension des cultures OGM dans notre pays représenterait un recul de la biodiversité et entraînerait la mainmise des grands semenciers sur toutes les productions. Vous le savez : il n'y a pas de coexistence possible entre OGM et non-OGM, les producteurs biologiques ne pouvant accepter une contamination qui entraînerait la perte de leur label et donc leur disparition. Il paraît impossible de séparer les deux filières de façon totalement étanche. Il faudrait au minimum que l'ensemble des contraintes destinées à éviter la dissémination soit supportées par ceux qui ont fait le choix de produire, de commercialiser et de semer des OGM. Pourquoi les agriculteurs non-OGM ou biologiques devraient-ils en supporter la charge ?

Nous n'avons aucun intérêt à accepter la culture des OGM dans notre pays, car les consommateurs n'en veulent pas, pas plus que les agriculteurs biologiques. En outre, les préjudices et les conflits risquent de se multiplier. Un refus s'impose au nom du simple principe de précaution – inscrit, je vous le rappelle, dans la Constitution au travers de la Charte de l'environnement.

Le Sénat entretient la confusion entre l'intérêt des puissants et celui des générations futures. Vous aurez des comptes à rendre face à la disparition de certaines formes d'agriculture, biologique notamment. La France et les Français ont pourtant besoin d'avoir confiance en leur agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Le Grenelle nous avait fait sortir du débat dogmatique, le débat parlementaire nous y replonge. Je regrette d'avoir entendu jusqu'à mes propres amis opposer la caricature à la caricature. Pour ne pas me voir qualifier d'anti-OGM dogmatique, je devrais donc accepter le mauvais texte élaboré par le Sénat, alors que, dans ses dispositions mêmes, il contredit les principes qu'il professe !

L'enjeu, pourtant, est d'inscrire dans la loi les principes posés par l'Union européenne, des principes que le Président de la République et le Gouvernement ont toujours sincèrement voulu garantir : principe de précaution et de prévention avec une expertise indépendante ; principe du libre de choix de produire et de consommer avec ou sans OGM ; principe de responsabilité ; principe de transparence et d'information du citoyen.

Le projet de loi du Gouvernement était bon. Perfectible, certes, mais bon et équilibré. Le texte sénatorial s'éloigne sur chaque point des principes affichés, et ne poursuit qu'un seul but : ouvrir le plus vite possible le maximum de terres françaises à des cultures OGM. La discussion article par article, amendement après amendement – même si les miens ont tous été « retoqués » en commission – en fera peut-être la démonstration.

Je ne suis pas Vert ; je ne suis pas de gauche ; je suis de l'UMP. Je suis humaniste, conservateur et libéral, et je l'assume. Être humaniste, cela veut dire placer la santé humaine et tout ce qui la conditionne – notamment l'alimentation et l'environnement – au-dessus de toute autre considération. Être conservateur, au sens noble du terme, signifie être guidé par la conscience de devoir léguer à nos descendants au minimum ce que nous ont transmis nos ascendants – plus si nous le pouvons, mais pas moins, sans quoi nous aurons failli. Être libéral, c'est être attaché à la liberté, condition de l'épanouissement de l'homme, et à la libre entreprise, condition de la prospérité.

Mais la liberté a un corollaire, souvent oublié à gauche, la responsabilité. En matière d'environnement, celle-ci suppose l'application du principe « pollueur-payeur », et certainement pas celui de la privatisation des bénéfices et de la collectivisation des risques, vers lequel on s'achemine encore, après tant de catastrophes sanitaires payées par le contribuable, à propos des OGM.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Je suis le dernier à contester l'intérêt de la recherche et du développement sur les OGM à finalité pharmaceutique ou humanitaire, pour soigner des maladies ou alimenter le tiers-monde. Il ne faut bien sûr pas fermer la porte à de telles perspectives. Mais ce n'est pas pour les malades ou le tiers-monde que le projet gouvernemental a été modifié, mais pour permettre en France la mise en culture rapide et massive d'OGM, au mépris des principes affichés à l'issue du Grenelle. Il s'agit d'abord d'OGM produits pour nourrir des animaux dont nous boirons ensuite le lait ou mangerons la viande ; d'OGM qui renforcent la dépendance économique de l'agriculteur ; qui créent peut-être des risques pour la santé et à coup sûr pour l'environnement ; qui résistent aux pesticides – à qui fera-t-on croire que c'est pour en utiliser moins ? – voire qui produisent leurs propres pesticides. Comment peut-on garantir, sans longues études épidémiologiques, qu'ils seront ingérés sans risque ?

Je cite le Président de la République : « La vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM. » En l'état actuel de la science, chers collègues, nous ne sommes certains ni de la nocivité, ni de l'innocuité des OGM, mais seulement de leur irréversibilité.

On les dit sans risque parce que l'on n'est pas immédiatement malade en les mangeant. Mais l'épidémiologie ne donne jamais de résultats immédiats. Dans ma circonscription, des centaines d'anciens sidérurgistes sont morts ou sont en train de mourir de l'amiante. On n'était pas immédiatement malade en enfilant un vêtement fait d'amiante, mais on en meurt aujourd'hui pour en avoir régulièrement porté, tandis que l'Académie de médecine, déjà, en minimisait les risques !

Nous ne savons pas si le maïs OGM est dangereux, mais nous savons que Monsanto refuse de fournir les résultats des tests sur les rats ayant absorbé du MON 863, alors qu'ils présentaient des anomalies du métabolisme sanguin, du foie ou des reins. Depuis les conclusions du comité de préfiguration, nous savons désormais que le 810 dissémine plus qu'il ne l'a été affirmé pendant des années. Nous ne savons pas si le colza OGM est dangereux. Nous savons juste qu'il dissémine beaucoup plus que le maïs et contamine les espèces sauvages proches.

Il faut approfondir les questions relatives à l'ergologie et aux résistances antibiotiques, ou encore à la biodiversité. Il n'y avait pas de certitude sur l'amiante, le plomb, le tabac, les farines animales. On a sacrifié des milliers de personnes avant de savoir, puis de faire marche arrière. La grande différence entre les OGM et les risques épidémiologiques maintenant connus, c'est que les premiers sont irréversibles. Cela justifie, plus que pour tout autre risque, le principe de précaution ! Le projet gouvernemental en poursuivait l'objectif ; le projet sénatorial nous en éloigne.

Le principe de précaution et de prévention exige une expertise objective et pluridisciplinaire. Pourquoi restreindre le droit de saisine du Haut conseil ? L'expérience de la Commission du génie biomoléculaire montre qu'il faut garantir les moyens financiers et matériels et surtout l'indépendance des membres de telles institutions à l'égard des demandeurs d'autorisation. En matière de santé publique et d'environnement, les instances indépendantes devraient l'être au moins autant que lorsqu'il s'agit de surveiller l'audiovisuel ou les marchés financiers. Ces enjeux-là sont vitaux !

En consacrant le libre choix de produire ou de consommer avec ou sans OGM, nous avaliserions la contamination des cultures avec un taux de 0,9 %. Or ce taux résulte uniquement d'une négociation politico-commerciale à Bruxelles, et pas de réalités scientifiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Quant au principe de responsabilité de l'exploitant, il est à la fois injuste pour l'agriculture OGM et insuffisant pour ses éventuelles victimes. La responsabilité ne porte que sur les incidences économiques et n'aborde pas les conséquences éventuelles sur la santé et la biodiversité, en rupture, d'ailleurs, avec la jurisprudence Erika. En outre, elle ne concerne que l'exploitation proche, alors qu'il est aujourd'hui établi, même avec le MON 810 – pourtant peu volatile – que le rayon de contamination ne se compte pas en mètres, mais en kilomètres.

Comment alors individualiser la responsabilité et la limiter à un périmètre proche ? Sur d'immenses périmètres, le préjudice sera peut-être sans commune mesure avec le chiffre d'affaires de l'exploitant OGM incriminé. C'est toute la filière, y compris les distributeurs, titulaires de brevets et d'autorisations, qui doit être responsable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Or ce texte ne le prévoit pas.

Enfin, s'agissant du principe de transparence et du droit à l'information des citoyens, le Sénat a réduit l'expression publique des membres du Haut conseil. C'est sa conception de la transparence et du droit à l'information ! La directive 200118 exige pourtant la transparence de l'évaluation des risques. Cette exigence doit être reprise dans la loi, et non renvoyée au décret. Nous devons garantir la publicité de l'évaluation du risque. Or le Sénat restreint le droit à l'information si l'exploitant craint qu'elle porte atteinte à ses intérêts économiques ou à sa position concurrentielle. C'est une inversion des valeurs ! Monsanto a ainsi pu invoquer le secret industriel pour masquer les résultats des tests sur des rats ayant ingéré le MON 863.

Chers collègues, il faut amender le texte sénatorial et revenir au texte gouvernemental. Il n'est pas question de refuser les OGM, comme je l'ai entendu de mes propres amis, mais simplement de ne les accepter que sous condition des principes que nous avons nous-mêmes proclamés. Ce n'est pas de l'obscurantisme ! Comme le permet la tradition dans notre famille, lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des sujets éthiques, je revendique, bien sûr, la liberté de voter pour ou contre ce texte. C'est de notre responsabilité : nous devons voter en notre âme et conscience. Nous devons assumer ce choix grave non devant tel groupe de pression économique, mais devant l'ensemble de nos concitoyens et plus intimement, demain peut-être, devant nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jack Queyranne

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, ce projet est la première traduction législative du Grenelle de l'environnement. C'est dire l'importance qu'il revêt, quant au sujet traité et quant à l'état d'esprit du Gouvernement et de la majorité parlementaire, s'agissant de la mise en oeuvre des conclusions de ce Grenelle.

En tant que participant à la table ronde finale, je veux témoigner qu'après un débat passionné et approfondi, auquel nous avons tous deux participé, madame la secrétaire d'État, le Grenelle a formulé des recommandations claires de prudence, de précaution et de rigueur. Ces recommandations sont partagées par les régions françaises qui se sont déclarées hors OGM et qui ont rejoint la Charte de Florence. Cette charte, signée par 236 régions européennes et près de 5 000 municipalités, souligne que la cohabitation entre deux modèles agricoles, l'un OGM et l'autre non, est aujourd'hui techniquement et écologiquement impossible.

Au-delà des risques pour la santé et l'environnement, la culture des OGM en plein champ constitue en effet une réelle menace pour l'agriculture conventionnelle comme pour l'agriculture biologique, pour le développement rural comme pour la biodiversité. Faire le choix des OGM, c'est faire le choix d'une agriculture industrielle et standardisée, au détriment d'une agriculture fondée sur la diversité des terroirs, sur la qualité des productions, celle qui fait la réputation de nos régions et de notre pays à travers le monde.

J'étais membre du comité de préfiguration de la Haute autorité, présidé par le sénateur Le Grand. Ce comité a bien travaillé. Il a procédé aux confrontations nécessaires avant de formuler son avis concernant la mise en application par le Gouvernement de la clause de sauvegarde sur le maïs Monsanto 810. Le Conseil d'État, en tant que juge des référés, a confirmé le bien-fondé de cette décision fondée sur le principe de précaution.

Le projet de loi en discussion aurait donc dû traduire le consensus du Grenelle. Tout en assurant la transcription des directives européennes, il aurait dû s'en tenir au principe de précaution, plutôt que de légaliser la culture OGM. Comme l'ont souligné beaucoup d'orateurs, son examen par le Sénat l'a considérablement faussé et déséquilibré. Tel qu'il nous revient, il bafoue l'esprit du Grenelle. C'est un texte de revanche soutenu par les lobbies les plus puissants, que dénoncent d'ailleurs les parlementaires UMP les plus lucides.

Ce texte ne permettra pas de doter notre pays d'un cadre juridique suffisamment protecteur qui réponde aux attentes des consommateurs et de la majorité des agriculteurs. Vous avez eu sûrement connaissance, madame la secrétaire d'État, de l'enquête réalisée auprès de 3 000 de ses membres par la coopérative Terrena, qui couvre l'Ouest de la France. Il en ressort que 66 % des agriculteurs estiment que la culture OGM n'est pas nécessaire pour répondre au besoin croissants de produits agricoles. De même, 54 % jugent que les OGM représentent un vrai danger pour la diversité des filières. Seuls 13 % de ces agriculteurs sont favorables à leur utilisation.

Madame la secrétaire d'État, vous êtes, avec le ministre d'État, les garants de l'application du Grenelle de l'environnement. Il vous appartient, dans cette discussion, de faire preuve de fermeté pour en revenir à un texte qui offre des garanties suffisantes à ceux qui veulent produire et consommer sans OGM. Le projet de loi, tel qu'il nous est soumis, ne le permet pas. Il ne protège pas les filières de production de qualité. Il ne responsabilise pas ceux qui, par la culture des OGM, contamineraient l'agriculture, l'environnement et l'alimentation. Il n'accorde pas non plus aux collectivités territoriales et, en premier lieu, aux régions la capacité de s'opposer aux cultures OGM pour préserver leurs cultures traditionnelles et biologiques, leurs parcs naturels, leur biodiversité, alors que cela aurait été possible en vertu du principe de subsidiarité et du droit à l'expérimentation consacré par l'article 72 de la Constitution.

Il ne s'agit pas là d'une attitude dogmatique ou anti-scientifique. Il ne s'agit pas de nier les avancées qu'autorisent les biotechnologies, mais d'adopter une position raisonnée, conforme à l'opinion très majoritaire des Français. Sachez l'imposer, madame la secrétaire d'État. Vos déclarations, au cours de cette semaine du développement durable, en prendront une tout autre résonance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Gatignol

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, le projet de loi n° 719 était attendu depuis plusieurs années et nous voulons en débattre pour apporter de la clarté et de la volonté politique dans un domaine mal connu du grand public, qui mêle l'aspect scientifique de la recherche et l'application des innovations génomiques : les biotechnologies. Nos concitoyens attendent un texte lisible et compréhensible, pour savoir enfin ce qui se cache derrière le curieux sigle « OGM », mystérieux produits qui ont été tout de même cultivés sur 114 millions d'hectares en 2007, dans vingt-trois pays et non des moindres.

C'est pourquoi, tout en conservant évidemment l'esprit de la directive européenne qui doit être transposée dans notre législation, je refuse la traduction de l'anglais deliberate release par « dissémination volontaire », expression qui n'a qu'un très lointain rapport avec une traduction plus conforme, qui serait la « culture réfléchie » d'un végétal, quel que soit son patrimoine génétique. Acceptez-vous, madame la secrétaire d'État, cette expression française correcte dans une loi française ? La culture de ces plantes, très encadrée et très localisée, n'est pas leur dispersion à tout vent, et je fais ici référence à MM. Larousse, Robert et Collins dans leurs dictionnaires.

Oui, cette culture sera autorisée, mais dans des conditions techniques et agronomiques rigoureuses pour en limiter justement une éventuelle migration involontaire. Ces règles de sécurité que nous voulons voir appliquer aux cultures de plantes génétiquement améliorées sont les bases de la confiance populaire retrouvée. Elles feront l'objet d'un contrôle permanent du Haut conseil des biotechnologies auprès duquel, grâce à ses deux piliers – l'un scientifique et l'autre éthique – le Gouvernement et les citoyens trouveront des avis éclairés publics et la garantie nécessaire concernant les procédures agronomiques utilisées.

Le principe de précaution devient alors un principe d'action positive. C'est ainsi que je le conçois. Il ne doit pas être un blocage à l'innovation. C'est là que se situe le vrai fil directeur de ce texte, dont le contenu est totalement tourné vers la sécurité, la transparence et la responsabilité. Cela permet, c'est notre préoccupation majeure, la liberté de produire et de consommer selon ses choix personnels, et dans les meilleures conditions.

Grâce au travail remarquable des rapporteurs – Jean Bizet au Sénat et Antoine Herth à l'Assemblée – et aux apports des commissaires, sous l'autorité attentive et efficace du président Ollier, le texte a été fortement enrichi et renforcé : tel est bien le rôle, telle est bien la responsabilité politique du Parlement, qui lui appartient à lui seul et, à ma connaissance, à aucune autre instance.

Il convient de donner toute leur place aux biotechnologies, méconnues du plus grand nombre, mais source demain de progrès formidables dans des domaines essentiels : alimentaires, médicaux, industriels et énergétiques. Il faut permettre l'émergence, en France, d'entreprises innovantes pour lutter contre les monopoles étrangers qui imposent leurs seuls produits, faire cesser ces peurs irraisonnées, sans fondement, entretenues par des ONG que vous connaissez bien, madame, et restaurer la confiance. Nous avons le devoir, parce que la décision nous revient, de souligner la haute considération que méritent les travaux longs, délicats et complexes de nos chercheurs, et de dire avec la force de la loi : « Le terrorisme, ça suffit ! »

Nous devons permettre aux professionnels agricoles, dont c'est le métier, de produire avec les qualités requises pour respecter la santé, l'environnement et l'économie. Ne l'oublions pas : la mondialisation, l'OMC, cela existe ! Cela nous offre des espaces, mais nous impose aussi de lourdes contraintes. C'est pourquoi, j'ai plaisir à reprendre l'exhortation du président Bernard Accoyer, auquel je dis publiquement mon respect et ma confiance, qui concluait ainsi la conférence de l'Hôtel de Lassay en présence de plusieurs sommités scientifiques : « Dans notre démarche de parlementaires, soyons les enfants de Galilée et de Pasteur. »

Le transfert de gènes existe depuis le début du règne vivant, et la nature n'a fait que fabriquer des plantes génétiquement modifiées durant les quatre milliards d'années qui viennent de s'écouler, en sélectionnant les gènes apportant des avantages sélectifs. Ce que fera l'homme sur certaines plantes est infinitésimal par rapport au brassage naturel des gènes.

Beaucoup de députés ont déjà abordé le sujet des biotechnologies dans les années précédentes. Quelques noms me viennent en mémoire : Jean-Yves Le Déaut, Christian Ménard, Marc Laffineur, Daniel Chevallier, qui ont participé à des missions et à la rédaction de rapports importants sur le sujet. J'ai moi-même été rapporteur du texte transcrivant dans la législation française la directive européenne concernant le génome animal et végétal.

Aussi le vrai débat sur la transgenèse, sur la culture expérimentale ou agricole classique de plantes génétiquement améliorées, doit-il porter avant tout sur la gouvernance de cette technologie. La position que nous devons adopter ne doit être ni angélique, ni obscurantiste, ni idéologique, mais fondée sur la connaissance objective et les enjeux sociétaux.

Ce texte n'est pas, bien sûr, un cours d'agrégation de biologie moléculaire et n'a pas vocation à convaincre les idéologues, mais il répond à beaucoup de questions et surtout à une attente pressante, voire urgente. Il peut aider à une approche raisonnée du bon usage par la société d'aujourd'hui et de demain des bienfaits de la biotechnologie, car il fait avant tout appel à une démarche éthique, dépassant le quotidien pour s'ouvrir à la solidarité entre les peuples, en particulier ceux en voie de développement. C'est un texte d'espoir et d'ouverture sur le monde que votera la majorité de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Madame la secrétaire d'État, la décision d'actionner la clause de sauvegarde afin d'interdire le maïs MON 810 de la firme Monsanto n'était qu'une mesure en trompe-l'oeil. Sinon, pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de repousser le débat parlementaire sur les OGM après les élections municipales ? (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

N'oublions pas que, lorsque l'on parle d'OGM, il est certes question de science, mais d'abord d'agriculture, d'alimentation et d'environnement.

Le débat sur les OGM pose une question majeure pour notre pays : quelle agriculture voulons-nous ?

Votre projet de loi n'a qu'une finalité : introduire un droit à produire des OGM. Il n'assure aucunement la liberté de produire sans OGM. Comme cela a déjà été dit, c'est le renard OGM libre dans le poulailler bio.

Un éventuel élargissement de la mise sur le marché des OGM ne pourrait se faire qu'à certaines conditions : qu'on nous apporte la preuve que les OGM présentent des avantages certains pour l'intérêt général, qu'il n'y ait aucune crainte pour la santé humaine en vertu du principe constitutionnel de précaution, que la législation sur les OGM ne conduise jamais à la brevetabilité du vivant. Or ces conditions ne sont pas réunies.

Ce texte, c'est le cheval de Troie de ceux qui plaident pour une appropriation du vivant par les grandes firmes privées multinationales.

Les consommateurs français y sont très majoritairement hostiles : 86 % sont favorables à une interdiction totale ou temporaire d'OGM dans leur alimentation.

Que nous disent les textes européens ?

Le cadre réglementaire européen est fondé sur la liberté de choix des consommateurs et des producteurs. Comment assurer cette liberté lorsque les impacts en matière de dissémination et de contamination ne sont pas, en l'état actuel de la science, neutralisables ?

Or la directive européenne 200118, dans son article 26 bis, introduit l'obligation pour tous les États membres de mettre en place toutes les mesures nécessaires visant à éviter la contamination génétique et à garantir la pérennité de l'agriculture non OGM.

Cette directive européenne doit se traduire par des mesures de protection des structures agricoles afin de préserver la viabilité d'une agriculture et d'une alimentation sans OGM, et non par des dispositions de « coexistence ». Ce concept n'a d'autre sens que de libérer les pollueurs. C'est une drôle de conception du développement durable que de dire qu'il est possible de polluer si l'on paie !

L'Institut national de la recherche agronomique a réalisé plusieurs études dans le cadre du projet européen SIGMEA et a prouvé que la coexistence entre culture OGM et agriculture bio est impossible. Chaque député a été alerté par de nombreux agriculteurs, partout en France, tout comme je l'ai été dans ma circonscription aveyronnaise.

La région Midi-Pyrénées est aujourd'hui la région la plus labellisée de France : elle compte 107 signes et labels officiels de qualité. Les agriculteurs midi-pyrénéens sont les premiers au niveau national pour les signes de qualité et l'agriculture. Cela représente un gigantesque investissement humain et financier, des années, le plus souvent des dizaines d'années d'efforts. Les collectivités, et notamment la région, soutiennent l'émergence de ces filières. Ces agriculteurs ne veulent pas d'OGM sur leur territoire. Leurs modes de production garantissent réglementairement qu'il n'y en a pas dans leurs produits. Pourtant, vous acceptez, vous, qu'il y en ait à condition de ne pas dépasser le seuil de 0,9 %. C'est faire preuve de mépris à leur égard.

Que va-t-il rester si la confiance patiemment tissée par un travail acharné est mise à mal ? Si ce projet de loi était voté en l'état, il condamnerait à terme l'agriculture et l'alimentation française non-OGM. Que devient, dans ces conditions, le principe de précaution ?

Le Grenelle de l'environnement a révélé les grandes réticences des Français à admettre les cultures OGM, l'opposition au brevetage du vivant, qui n'est que le pillage par les intérêts privés de ressources génétiques qui constituent le patrimoine commun de l'humanité.

Nous devons soutenir le développement d'une recherche publique d'excellence, conduite dans la transparence, et d'une agriculture de qualité respectant les spécificités écologiques de nos territoires.

La démarche du Gouvernement n'intègre en rien ces préoccupations. Le projet de loi qui nous est soumis va faire replonger notre agriculture dans l'ère du soupçon, terrible maladie qui touche insidieusement les esprits et ranime les peurs les plus ravageuses.

Je le dis tel que je le ressens, élue d'une circonscription dont la terre, ingrate, ne rend que plus admirable le travail de nos agriculteurs : c'est une terrible responsabilité que de vouloir ignorer les enseignements de l'histoire, alors même qu'ils sont issus d'un passé récent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Voilà plus de deux heures que nous débattons des OGM sans un seul député Vert !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Descoeur

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'exercice qui nous est proposé n'est pas aisé et la transposition dans notre droit de la directive européenne, devenue urgente, est tout naturellement l'occasion d'ouvrir un débat plus large sur les perspectives que peuvent offrir les travaux de recherche et une meilleure connaissance des OGM, mais aussi sur la nécessité d'encadrer leur culture en plein champ.

Les réponses aux préoccupations qui se sont exprimées et qui, à mes yeux, sont respectables doivent se nourrir de la connaissance scientifique et laisser toute sa place à l'éthique. Seul l'obscurantisme n'a pas droit de cité et, à ce titre, on peut légitimement se demander ce qu'il serait advenu des travaux de Pasteur s'il s'était heurté à la même intolérance que celle qui anime les faucheurs volontaires. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) À n'en pas douter, ses cultures de virus, qui auraient alors été abusivement jugées dangereuses, auraient été saccagées avant même qu'il n'ait pu inoculer le premier d'entre eux à un être humain et ainsi faire la démonstration de tout l'intérêt de la vaccination, qui, aujourd'hui, ne fait aucun doute pour aucun d'entre nous.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très mauvaise !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Descoeur

Je vous laisse libres de votre jugement !

L'intérêt des OGM sur le plan thérapeutique ou pharmaceutique n'est plus à démontrer, comme il est indéniable que l'absence de cadre législatif et les difficultés, voire l'impossibilité, de procéder à des essais de cultures en plein champ anéantissent les travaux de nos chercheurs et condamnent notre pays à être dépendant de nations qui se seront, elles, donné les moyens de conduire ces travaux et les expérimentations.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Descoeur

Le mérite de ce texte est de combler un vide juridique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), et les principes de précaution, de libre choix, de responsabilité et de transparence qui ont présidé à sa rédaction devraient nous réunir plutôt que nous opposer même s'il mérite d'être amendé pour retrouver l'esprit qui était le sien initialement.

Compte tenu de l'heure tardive et du temps qui m'est imparti, je vais limiter mon propos à quelques réflexions.

S'agissant de la Haute autorité, devenue Haut conseil des biotechnologies, il convient de saluer la proposition du Gouvernement, tout en insistant, madame la secrétaire d'État, sur la nécessité d'assurer sa plus totale indépendance et de privilégier la diffusion des informations et la transparence, transparence qui, vous en conviendrez, n'est pas assurée en l'absence de ce texte.

Il appartiendra à ce Haut conseil non seulement de se prononcer sur les conditions d'expérimentation et de culture mais aussi, de mon point de vue, de juger de l'intérêt de la modification génétique introduite, sur le plan scientifique bien évidemment, mais aussi en termes de bénéfices pour la société. La résistance à la salinité, à un déficit hydrique, à un parasite me semble porteuse d'espoir. La production d'une molécule herbicide peut être plus discutable et donner légitimement lieu à un débat.

Quant à la responsabilité en cas de contamination des champs voisins, je souhaiterais qu'elle ne se limite pas aux seuls exploitants. Cela me semble en effet réducteur. Si incidence il y a, il importe à mon sens de l'étendre aux concepteurs et aux fournisseurs des semences. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Descoeur

Je voudrais enfin aborder la question du libre choix et de la coexistence des cultures d'OGM et de filières ayant fait délibérément le choix de les proscrire. Je fais ici référence aux cahiers des charges des AOC fromagères du département dont je suis l'élu, le Cantal, qui, pour quatre d'entre elles, excluent l'utilisation d'OGM dans l'alimentation des animaux. Il me semble indispensable d'amender ce texte pour prévenir les difficultés qui pourraient naître d'une dissémination affectant les végétaux à la base de l'alimentation de ces animaux.

En conclusion, l'examen de ce texte, je l'ai dit, n'est pas aisé et il convient de reconnaître qu'en ce domaine, les questions demeurent plus nombreuses que les réponses, mais le fait qu'il y ait plus d'interrogations que de certitudes n'interdit pas qu'on se donne les moyens de conduire des travaux de recherche. Au contraire, cela nous oblige à leur donner un cadre réglementaire.

Ce texte est certainement imparfait. Il mérite d'être amendé et j'espère qu'il le sera. Mais il faut reconnaître qu'il constitue une première étape. Compte tenu de l'importance du sujet et de la nécessaire évaluation des expérimentations en plein champ, il importe que notre assemblée ne se dessaisisse pas de ce dossier et qu'il puisse être évoqué dans cet hémicycle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Robin-Rodrigo

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, membre de la mission d'information sur les OGM en 2005, avec certains d'entre vous, j'avais à l'époque exprimé un certain nombre de réserves quant aux conclusions du rapport, ce qui m'avait conduite à m'abstenir. J'avais fait part de mon opposition à la culture et la commercialisation d'OGM tant qu'une évaluation de l'ensemble des essais en plein champ ne serait pas effectuée. Je souhaitais que cette évaluation soit rendue publique et donne lieu à un vrai débat qui permette ensuite au Gouvernement et au Parlement de prendre des décisions. Je maintiens aujourd'hui ma position, car rien ne permet objectivement de lever les doutes sur l'absence de risques avérés des OGM pour la santé et l'environnement.

La suspension de la mise en culture du maïs MON 810 démontre qu'en l'état actuel, les OGM présentent même des risques. La Haute autorité a relevé plusieurs faits scientifiques nouveaux : dissémination sur de très grandes distances, mais également effets toxiques avérés.

La cacophonie politique et scientifique qui a entouré le projet de loi ne permet pas d'aborder sereinement et dans toute sa complexité l'introduction des OGM avec toutes les interrogations qu'elle suscite.

Quelle agriculture voulons-nous ? Quels risques la société est-elle prête à accepter, tant sur le plan environnemental que sur le plan sanitaire ? Quelle place réserver à la recherche et la science dans notre société ? À supposer que les OGM présentent des avantages sur le plan économique, à qui bénéficieraient-ils réellement ? Quelle place accorder aux autres modes de production agricole ?

J'ajoute que les positions caricaturales adoptées par certains renvoient à l'opinion une image assez consternante du débat. La communauté scientifique, elle-même partagée, loin d'aboutir à un consensus, fait surtout l'aveu de son impuissance à évaluer dans des délais aussi courts les effets des OGM, faute des moyens et du soutien nécessaires, tout particulièrement à la recherche publique. La plupart des expérimentations en plein champ autorisées par le Gouvernement ont éludé la question de l'impact sur l'environnement ou la santé. C'est donc avant tout l'incertitude qui demeure, tant sur les risques avérés que sur les supposés avantages.

L'opinion publique, déjà échaudée par les crises sanitaires qu'elle a traversées, reste majoritairement hostile à la commercialisation des OGM. Les sondages indiquent que plus de 70 % des Français y sont défavorables : on ne peut balayer un tel chiffre d'un revers de main ni faire comme s'il n'existait pas. La défiance de l'opinion est un problème réel, qu'il faut prendre en compte. On observe d'ailleurs la même tendance chez nos voisins européens.

Le Grenelle de l'environnement a certes permis, et il faut le souligner, de prendre un certain nombre d'engagements concernant la responsabilité, le principe de précaution, la transparence de l'information, le libre choix de produire et de consommer ou non des OGM. Mais à quoi bon prendre de tels engagements si c'est pour les mettre sous le boisseau quelques mois plus tard, comme on dirait chez nous, en Bigorre ? C'est pourtant ce qu'on fait aujourd'hui.

Si le projet de loi, tel qu'amendé par le Sénat, permet de mettre notre législation en conformité avec la directive européenne, il ouvre grand la porte à l'extension des cultures génétiquement modifiées, au détriment des autres modes de production agricole.

Il organise en effet une hypothétique coexistence entre cultures OGM et cultures non-OGM, sur la base, non d'un seuil de présence fortuite, mais d'un seuil d'étiquetage de 0,9 %, au-delà duquel tout produit sera estampillé OGM, alors que la coexistence dans le même bassin de production de cultures OGM et non-OGM est techniquement et scientifiquement impossible.

Un tel choix est inacceptable parce qu'il voue à l'échec toute mise en place de filières sans trace d'OGM et signifie clairement un recul de l'agriculture biologique, la seule à exclure dans son cahier des charges l'usage des produits chimiques et des OGM. Il est pourtant dans notre intérêt et dans celui de notre agriculture de préserver les filières de qualité, qu'elles soient bio, labellisées ou certifiées. Rien ne permet dans le projet de loi de protéger l'agriculture conventionnelle ou l'agriculture biologique de la contamination génétique. C'est également vrai pour l'apiculture, dont l'activité est déjà menacée par l'usage des pesticides. De fait, en privilégiant le seul mode d'agriculture OGM, on mettra le consommateur dans l'incapacité de choisir de refuser toute présence d'OGM.

Ensuite, ce projet de loi organise un système de responsabilité qui limite la réparation du préjudice et qui revient à dénier le préjudice économique subi en deçà du seuil de 0,9 % d'OGM. On sait pourtant qu'en Allemagne la loi prévoit la réparation du préjudice pour des contaminations bien inférieures au seuil de 0,9 % dans le secteur de l'agriculture biologique.

On voit bien que les cultures OGM laissent peu de place aux autres productions, qui devront supporter au minimum et dans un premier temps des pertes de gain, un risque de déclassification de leur label, sans parler de la perte de clientèle et l'obligation de reconversion, avant leur mort annoncée.

Je ne crois pas que la question des OGM doive être laissée aux seuls scientifiques : c'est un enjeu qui nous concerne tous, associations, citoyens, élus, et demain nos enfants. Je crois que nous serions bien inspirés d'élargir notre réflexion et de voir ce qui se passe ailleurs.

Les expériences menées à l'étranger sur les cultures OGM inciteraient plutôt à la prudence et à un peu plus de modestie dans le calcul du rapport entre les risques et les avantages supposés des cultures d'OGM. Elles constituent même un sérieux bémol pour ceux qui voient dans les biotechnologies une culture respectueuse des hommes, de l'environnement et une solution à la faim dans le monde. En Inde, les paysans qui cultivent le coton BT ont dû s'endetter pour payer à Monsanto des semences qui leur coûtent quatre fois plus cher que les semences conventionnelles, et les petits planteurs sont plus pauvres que jamais.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Robin-Rodrigo

Au Mexique, déjà évoqué par certains orateurs, la contamination génétique par le maïs américain met en danger les variétés traditionnelles cultivées par les paysans et qui constituent la base de leur alimentation. Au Paraguay, on déforeste à tout va et on expulse les paysans pour cultiver du soja OGM, destiné à nourrir les animaux en Europe. La monoculture transgénique pousse chaque année 100 000 personnes à fuir la campagne pour s'entasser dans des bidonvilles. En Argentine, la monoproduction de soja OGM, qui occupe plus de la moitié des terres cultivables, a entraîné une catastrophe sanitaire et écologique, et a intensifié l'usage des pesticides au lieu de le réduire. (« Hors sujet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire – « Non, c'est la réalité ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Et les cinq minutes, madame la présidente ?....

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Robin-Rodrigo

Est-ce ce modèle que nous voulons suivre ? Voulons-nous de cette agriculture industrielle et standardisée, avec les risques qu'elle comporte ? Ironiser, comme certains l'ont fait sur ces bancs, sur l'obscurantisme des uns et l'hérésie des autres est indécent vis-à-vis des milliers de victimes de l'amiante (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui auraient aimé pouvoir bénéficier du principe de précaution.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Robin-Rodrigo

Je termine, madame la présidente.

Le principe de précaution est un dopant pour la science en ce qu'il la pousse à réduire le domaine d'incertitude. Donnons-nous le temps, et n'oublions jamais que c'est avec nos folies d'aujourd'hui qu'on construit les malheurs de demain : l'histoire, mes chers collègues, ne sera pas amnésique.

À défaut d'améliorations sérieuses, les députés radicaux de gauche rejetteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Il faut faire respecter les temps de parole, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Personne ne les a respectés. Vous pas plus que les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je pense, monsieur Jacob, que vous auriez trouvé très désagréable que je vous interrompe au milieu d'une phrase. J'ai essayé de presser tous les orateurs de conclure, mais en respectant les exigences de la politesse.

La parole est à M. Éric Diard, pour cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Compte tenu de l'heure tardive, je ferai plus que respecter mon temps de parole !

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la question des organismes génétiquement modifiés est prioritaire. Tout d'abord, en effet, il s'agit de la transposition d'une directive européenne, dont tous les orateurs ont souligné le caractère très tardif. En outre, ce texte fait suite aux conclusions du Grenelle de l'Environnement, qui comportent la mise en place d'un cadre rigoureux et transparent pour les OGM et les biotechnologies.

Les OGM suscitent une méfiance légitime tant sont complexes la compréhension des mécanismes en jeu et l'évaluation des dangers encourus. Les risques potentiels concernent à la fois la biosphère et la santé des consommateurs.

On sait aujourd'hui identifier et isoler certains gènes, puis les transférer dans le génome d'un autre être vivant. C'est cette technique modifiant le patrimoine génétique qui conduit à l'obtention des OGM. Ces organismes génétiquement modifiés sont définis par une directive européenne comme « tout organisme – à l'exception des êtres humains – dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication etou par recombinaison naturelle ». Cette définition des OGM est essentielle car elle permet de poser la problématique réelle, qui est celle de la modification par l'homme du patrimoine génétique de ses ressources.

Nous ne pouvons pas connaître la nocivité ou l'innocuité des OGM, d'autant moins que tous les OGM ne présentent pas les mêmes risques potentiels. Ainsi les plantes génétiquement modifiées ne risquent-elles pas de contaminer par croisement les cultures non génétiquement modifiées et la flore sauvage, engendrant des hybrides dont on ne pourrait plus contrôler la dispersion ? Il est essentiel de déterminer l'impact des OGM dans tous les domaines et de n'en retenir que les risques acceptables, sachant que le risque zéro n'existe pas.

En tout état de cause, il n'existe aucune certitude scientifique quant aux effets des OGM en matière environnementale et sanitaire. Il faut non seulement pouvoir garantir la sécurité sanitaire, alimentaire et environnementale des Françaises et des Français, respecter leurs attentes et leur offrir des perspectives économiques et écologiques durables ; il nous appartient également de protéger les produits labellisés AOC et les agriculteurs qui les cultivent d'une trop grande proximité avec des cultures OGM.

En revanche, la biologie moléculaire et la génomique sont des domaines dans lesquels la recherche peut sans aucun doute faire progresser les connaissances propres à améliorer les conditions de vie. Le génie génétique permet désormais un usage nouveau des plantes par obtention de molécules à usage thérapeutique capables de se substituer aux synthèses chimiques et de pallier l'extinction de substances issues d'organes animaux ou humains. Le champ des applications thérapeutiques est immense, allant de la production de médicaments aux xénogreffes. L'État se doit d'apporter son soutien aux activités de recherche sur le vivant et de veiller à ce qu'elles soient conduites indépendamment des intérêts privés. Il faut prendre le temps d'expertiser, permettre à la recherche de travailler officiellement sur la question, la laisser oeuvrer en toute sérénité et lui en donner les moyens. C'est grâce aux chercheurs et à leurs travaux que nous aurons le recul nécessaire sur les OGM, et que nous en maîtriserons mieux les tenants et les aboutissants.

Ce qui me semble important, c'est de garantir le droit et la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM. La liberté de choix est essentielle. Il faut garantir un régime de responsabilité stricte impliquant l'ensemble des opérateurs de la filière OGM, le respect du droit à l'information et à la participation du public, et une évaluation indépendante, transparente et pluridisciplinaire des OGM. Ces demandes sont conformes aux conclusions du Grenelle de l'environnement.

Je suis bien évidemment satisfait que le Gouvernement ait décidé de suspendre la culture commerciale du maïs Monsanto 810 jusqu'à sa réévaluation par les instances européennes. Je regrette néanmoins que le texte voté par le Sénat soit moins encadré que celui du Gouvernement. Il est donc particulièrement important d'instaurer des garde-fous sécuritaires du principe de précaution qui fassent appel à la prudence, au sens de la mesure et à la responsabilité individuelle et collective.

Je suis donc favorable à ce texte, sous réserve d'amendements qui permettront notamment de mieux protéger les cultures non-OGM, de créer une Haute autorité indépendante et transparente, et de mettre en place un régime de responsabilité plus large s'appliquant à tous les acteurs de la filière OGM. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Je peux enfin applaudir un collègue de mon groupe !

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, après de trop nombreux reports, nous discutons enfin de ce projet de loi tant attendu, qui encadre la culture, la commercialisation et la consommation des organismes génétiquement modifiés en France. Si les OGM constituent dans notre pays un sujet de société très sensible, ce n'est pas le cas dans beaucoup d'autres, qui en cultivent depuis longtemps et où le débat semble beaucoup plus apaisé.

Mais en France, loin de laisser indifférent, la question des OGM déchaîne les passions : en témoignent les multiples articles de presse, reportages télévisés ou opérations « coup de poing » qui nous interpellent quasi quotidiennement, de même que l'intensité de nos débats ce soir. Ces interrogations et ces inquiétudes se sont également exprimées lors des travaux de l'atelier du Grenelle de l'environnement consacré aux OGM.

Adopté en février dernier par nos collègues sénateurs, le projet soumis à notre examen nous permet de poser clairement les termes de la problématique des OGM, de débattre de cette technologie et de trancher.

On peut d'abord se féliciter du contenu de ce texte, et je salue à cette occasion le travail remarquable d'Antoine Herth, notre rapporteur, et la pédagogie dont il a fait preuve sur cette question délicate, car le sujet n'est pas facile.

Les principes posés dans ce texte devraient permettre d'apaiser de nombreuses inquiétudes émises par nos concitoyens en encadrant les procédures. Le principe fondamental de la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM, énoncé dans l'article 1er, constitue la pièce maîtresse de toute l'architecture du projet. Dorénavant, la production, l'autorisation, la commercialisation, la culture, l'utilisation et la consommation des OGM seront strictement encadrées par des principes de précaution, d'information et de responsabilité qui sont indispensables à la protection de l'environnement et de la santé publique.

Cependant, je ne suis pas totalement persuadé que le vote et la mise en place de ces principes suffiront à apaiser toutes les inquiétudes qui s'expriment dans la population française, laquelle craint toujours qu'on lui cache des informations et des données. Sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres – je pense notamment aux nanotechnologies, qui donneront lieu à des débats similaires – il me semble indispensable d'approfondir les règles de transparence vis-à-vis des citoyens et de les associer au débat.

Si le chapitre III du texte édicte certaines règles, peut-être pourrait-on cependant aller encore plus loin dans la transparence. C'est dans cet esprit que j'ai déposé une quinzaine d'amendements qui visent à renforcer l'information et la consultation du public, afin que celui-ci comprenne mieux – et donc accepte mieux – ces produits génétiquement modifiés et, le cas échéant, puisse également émettre des recommandations.

Cette meilleure information du public est souhaitée par le Président de la République, qui a indiqué le 25 octobre dernier, lors des conclusions du Grenelle de l'environnement, qu'« il faut créer un droit à la transparence totale des informations environnementales et de l'expertise ».

Je pense donc que nous pouvons aller plus loin. Instaurer avec ce texte de nouvelles règles de gouvernance sur les OGM montrerait notre volonté de mettre en place cette « culture de la transparence » tant attendue par tous les acteurs et qui a prévalu tout au long des discussions du Grenelle.

Je suis personnellement convaincu que, comme sur tous les sujets de santé et d'environnement vecteurs de controverses, nous ne réussirons pas à réconcilier les citoyens et les décideurs sans une appropriation collective des décisions, laquelle passe certainement par une bonne maîtrise scientifique et une excellente information. Croire que cela suffit est cependant un leurre : la communauté scientifique ne nous apaisait-t-elle pas après Tchernobyl ?

Il faut veiller à associer les acteurs de la société civile afin de concrétiser le principe de précaution, mais il faut aussi veiller à renforcer la transparence et, surtout, à faire participer toutes les populations concernées Notre projet de loi, en l'état, ne le permet pas suffisamment.

Nous devons être tous convaincus que nous ne pourrons plus jamais prendre de décisions en matière de santé et d'environnement comme nous le faisions il y a encore une vingtaine d'années. Si l'expertise scientifique est indispensable, elle ne peut se substituer à la décision politique. La décision politique est centrale, mais elle ne peut pas faire abstraction de la participation éclairée des personnes concernées par nos décisions. L'ignorer, c'est prendre le risque que le fossé entre l'opinion publique et les décideurs s'élargisse. C'est accepter que 75 % de nos concitoyens refusent les OGM alors que 90 % d'entre eux ne savent pas de quoi il s'agit.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ne prenez pas les Français pour des imbéciles !

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Je formule donc le voeu que ce texte, qui est solide et bien travaillé, puisse être amélioré grâce à la qualité de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. Philippe Boënnec, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Boënnec

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, le débat sur les OGM voit s'affronter des positions aussi opposées que passionnées. Les clivages que cette question instaure au sein de l'opinion publique illustrent les inquiétudes de nos concitoyens face à un sujet complexe. Il est temps de leur expliquer quelles sont les voies possibles.

Pour une large part, leurs craintes trouvent leurs fondements dans les crises sanitaires récentes, qu'il s'agisse de la vache folle ou de la contamination des volailles par la dioxine. À cet égard, il est à noter que les inquiétudes sont plus vives lorsqu'il est question de l'alimentation humaine, mais que rares sont ceux qui remettent en cause l'intérêt des OGM en matière pharmaceutique ou médicale.

Les OGM sont issus d'une technique qui n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Il est donc nécessaire d'en envisager les risques, mais également les éventuelles avancées du point de vue tant agronomique que sanitaire. La nécessité de nourrir une population mondiale croissante dans des conditions climatiques de plus en plus difficiles nous impose de ne pas rejeter a priori l'utilisation d'OGM.

La polémique que suscite cette question illustre également l'urgence du débat qui nous réunit ce soir. Aujourd'hui plus qu'hier, en effet, la recherche et la culture des OGM sont une réalité. De nombreux pays se sont engagés dans cette voie et l'Union européenne, qui est déficitaire en protéines végétales, utilise notamment des produits à base d'OGM importés pour nourrir son bétail.

Par ailleurs, tarder à légiférer sur les OGM ou adopter une attitude trop attentiste risquerait de condamner la France et ses entreprises à un retard technologique préjudiciable. Or la promotion des biotechnologies est un facteur crucial d'indépendance nationale. C'est également l'avenir de notre agriculture qui est en cause. L'enjeu est de pouvoir maintenir la compétitivité de l'agriculture européenne face à la concurrence mondiale.

Bâti sur les grands principes dégagés lors du Grenelle de l'environnement, ce projet de loi, en posant lui-même les principes de liberté de produire avec ou sans OGM, de transparence, de responsabilité et d'expertise approfondie, me semble apporter une réponse adaptée aux inquiétudes et aux attentes de notre pays.

La mise en culture des OGM est très strictement encadrée : demande d'autorisation préalable, évaluation indépendante des risques, puis déclaration de culture et transparence des localisations. Le respect des distances d'isolement permettra également de garantir la coexistence de filières conventionnelles ou biologiques dans les régions de production d'OGM.

Allant même au-delà de l'organisation de cette coexistence, le projet de loi met en oeuvre un dispositif d'indemnisation ad hoc du préjudice économique résultant de la culture des OGM.

Au-delà des aspects agricoles, le débat concerne plus largement les biotechnologies et l'avenir de la recherche française.

À cet égard, je tiens à souligner, au-delà du volontarisme budgétaire affirmé par le Gouvernement, la meilleure prise en compte des intérêts de la recherche. Les chercheurs se verront accorder des assouplissements, notamment pour les travaux en laboratoire et les expérimentations contrôlées en plein champ. Les procédures seront simplifiées et les délais réduits. Ces mesures constituent un préalable indispensable au développement et à la compétitivité de la recherche.

D'un point de vue médical, les recherches sur le génome constituent une source de débouchés majeurs dans le traitement de nombreuses maladies génétiques, du diabète ou d'autres pathologies.

Il serait donc réducteur de limiter la portée de ce texte à la seule polémique qu'a suscitée la production de maïs transgénique.

S'il ne s'agit bien évidemment pas de jouer les apprentis sorciers dans des domaines aussi sensibles que les sciences du vivant,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Boënnec

…il ne faut pas non plus se montrer frileux devant les avancées que peuvent permettre demain ces progrès technologiques.

Chaque révolution technologique suscite des interrogations, des inquiétudes, des oppositions. La découverte de l'électricité a, en son temps, connu de nombreux détracteurs. (« Hors sujet ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Je regrette que ce texte soit surtout centré sur l'agriculture,...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Boënnec

..alors que certains territoires de recherche sanitaire ou pharmaceutique importants méritent débat et peuvent apporter plus de bien-être à nos populations.

En conclusion, je me réjouis, mes chers collègues, du débat que nous engageons. Je suis convaincu qu'il donnera à l'Assemblée nationale l'occasion d'informer nos concitoyens sur les enjeux complexes de ce dossier et de faire oeuvre constructive et pragmatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Si vous le permettez, madame la présidente, je commencerai par quelques observations générales, dans lesquelles les différents orateurs voudront bien trouver réponse à certaines de leurs remarques, avant de formuler des commentaires plus particuliers sur telle ou telle intervention.

Je tiens d'abord à redire, parce qu'il me semble que c'est une clé pour comprendre le sens du texte qui vous est soumis et débattre utilement de son contenu, que pour ce qui concerne les OGM, le Grenelle de l'environnement repose sur trois piliers. Ces trois piliers – qui sont trois propositions, trois décisions – ont fait l'objet d'un consensus de la part de tous les partenaires du Grenelle, car ils formaient un tout, un ensemble cohérent.

Le premier de ces piliers était que, devant la confirmation d'éléments nouveaux concernant le maïs Monsanto 810, seul OGM commercial cultivé dans notre pays, la France appliquerait la clause de sauvegarde à l'encontre de ce maïs. C'est chose faite.

Le deuxième pilier consistait à relancer en France la recherche sur les biotechnologies dans leur ensemble et à en garantir les conditions, notamment avec des mesures financières – : 40 millions d'euros y ont été affectés. Il n'y a pas plus de raisons de condamner une technologie que de la porter aux nues : une technologie n'est pas en soi bonne ni mauvaise. En revanche, puisque nous constatons que cette technologie est bien présente et se développe dans le monde, nous souhaitons être présents nous aussi pour en suivre les perspectives.

Le troisième pilier de cet équilibre et de cet accord était la loi qui vous est soumise aujourd'hui et qui doit mettre en place une architecture en vue d'éventuelles futures cultures d'OGM. La question est bien évidemment difficile à appréhender pour le grand public – elle l'est d'ailleurs même pour nous, de sorte que nos débats ont souvent donné lieu à des prises de position pour ou contre le Monsanto 810, ou pour ou contre la recherche. Il nous faut toutefois revenir à l'équilibre entre les trois propositions, les trois décisions du Grenelle de l'environnement et rester conscients que la loi dont nous débattons aujourd'hui est destinée à définir une architecture applicable dans le cas de futures cultures d'OGM. Il ne s'agit donc pas de refaire un débat qui a déjà été tranché sur le Monsanto 810, ni sur la relance des biotechnologies.

Le problème que nous avons rencontré après le Grenelle de l'environnement – et retrouvé, me semble-t-il, à l'occasion de certaines interventions dans cet hémicycle – est que, rentrés chez eux, certains participants au Grenelle ont pu ou voulu oublier l'un ou l'autre des trois piliers, celui qui n'avait pas leur préférence. Ainsi, alors que le Grenelle de l'environnement avait permis de dégager un équilibre, des tensions se sont fait jour au cours des semaines et des mois qui ont suivi, car cet équilibre a été mise à mal par l'oubli d'un des trois piliers.

Or cette prise de distance avec ce qui fait la cohérence du Grenelle de l'environnement le menace. Jean-Louis Borloo et moi nous en considérons ici comme les gardiens. Ce sera toujours le cas lors de l'examen du projet de loi « Grenelle de l'environnement » qui vous sera soumis avant l'été. Car si les acteurs du Grenelle qui, pour certains d'entre eux, avaient plutôt l'habitude de la polémique, parfois assez vive, ont réussi à se mettre d'accord autour d'un projet, c'est aussi pour que nous puissions nous appuyer sur un ensemble cohérent. C'est notre responsabilité que de le rappeler.

Le texte qui vous est proposé est très certainement imparfait.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Nous ne visons pas la perfection, mais une certaine honnêteté. En matière d'OGM et de politiques publiques, en France comme dans d'autres pays européens, on a besoin d'honnêteté parce qu'il faut bien dire que les majorités successives ont fui leurs responsabilités : les premiers OGM ont été autorisés à l'époque où Ségolène Royal était ministre de l'environnement, en 1992 ; ils ont ensuite été interdits par un moratoire décidé par Corinne Lepage ; ils ont à nouveau été autorisés par Dominique Voynet, jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle avait commis une erreur et se ravise en établissant un nouveau moratoire, en 1999 ou en 2000. Je n'évoque pas cette succession de décisions pour stigmatiser l'une ou l'autre, mais pour rappeler qu'il y a eu de multiples revirements. Et s'il y en a eu autant, c'est que les choses n'étaient sans doute pas si claires.

J'ajoute, chacun devant prendre sa part, qu'elles ne l'étaient d'ailleurs pas davantage du côté du Parlement où plusieurs débats ont eu lieu, et où une mission d'information a présenté un rapport avec les conclusions duquel certains orateurs ont rappelé qu'eux-mêmes avaient pris leurs distances. À l'époque, j'étais députée, et cela avait été aussi mon cas. Certains ont jugé utile d'en appeler à moult reprises au principe de précaution. Or il se trouve que j'étais rapporteure de la Charte de l'environnement, le texte qui a introduit le principe de précaution dans la Constitution, et je me souviens bien précisément qu'une part importante de l'hémicycle avait alors choisi de ne pas la voter. Cette part importante était très nettement située du côté gauche de l'hémicycle, à quelques très notables exceptions près, que j'avais saluées à l'époque et que je salue à nouveau – même si les principaux intéressés ne sont pas là ce soir – car il est toujours difficile d'être contre son camp.

Il me semble que l'heure est à l'humilité parce que s'il y a eu autant de revirements, autant de difficultés à présenter un texte ou à prendre des décisions, cela doit tout de même bien vouloir dire que le sujet est compliqué. L'heure est à l'humilité pour chacun.

À l'humilité, et surtout pas à l'anathème. Certains orateurs se sont insurgés contre des tentatives de les enfermer dans des caricatures les renvoyant à de supposées compromissions. Je crois que leurs interventions étaient les bienvenues. Je ne voudrais pas, et vous non plus, que, par la suite, ce débat soit terni par de nouveaux échanges de ce genre. J'ai personnellement beaucoup travaillé sur les questions de santé environnementale : je sais à quel point – même s'ils ne sont pas les seuls – les journalistes cherchent toujours à voir derrière les positions des uns et des autres un lobby, un intérêt particulier ou une compromission désagréable. Il me semble qu'en ces matières, il faut refuser les procès d'intention et que nous sommes tous invités à la prudence.

Le texte est imparfait, disais-je. C'est vrai. Jean-Louis Borloo et moi-même ne cachons pas que nous n'aurions pas choisi tous les amendements qui ont été adoptés par les sénateurs. Je remercie au passage tous les députés qui, ce soir, ont jugé utile de préciser qu'ils préféraient notre texte initial.

Je salue le travail difficile de votre rapporteur. Si j'en suis passée par tous ces préliminaires, c'est pour rappeler à quel point le sujet est complexe, et combien l'histoire parlementaire et politique l'a montré. Je sais que sa position est délicate, mais Antoine Herth accomplit son travail avec beaucoup de coeur, dans la recherche de l'équilibre – ce qui n'est pas simple en l'occurrence.

À l'issue de l'examen du projet par le Sénat, plusieurs sujets restaient ouverts à la discussion. Cela apparaît très clairement dans les comptes rendus. Le texte vous appartient maintenant. Il est, de façon assez évidente pour certaines de ses dimensions, perfectible. Il a été modifié, mais de façon incomplète. On peut ne pas être d'accord avec certaines des logiques qui y ont été introduites. De toute façon, nous ne sommes pas encore allés au bout des logiques du projet. Le texte qui est aujourd'hui sur la table est manifestement incomplet. Les travaux qui commencent auront donc toute leur utilité.

Les participants au Grenelle de l'environnement ont pris durant trois mois leurs responsabilités en ce qui concerne les OGM. Je le répète, cela n'a pas toujours été facile dans un domaine où ils avaient plus, par le passé, l'habitude des polémiques que du dialogue constructif. C'est maintenant aux assemblées, dans les jours qui viennent à la vôtre, de prendre leurs responsabilités.

J'en viens à quelques remarques plus particulières concernant les interventions des différents orateurs.

J'ai dit que les anathèmes ne me semblaient pas utiles. Je ne suis pas sûre qu'il était indiqué de la part de François Brottes de faire référence à la Résistance, aux maquisards ou aux Tibétains – en particulier aux Tibétains, parce que je ne vois pas le rapport ! Non, monsieur Brottes, le texte n'est pas destiné à éviter tous les OGM. En revanche, il cherche à organiser la coexistence, et nous pourrons naturellement discuter de tous les amendements qui visent à mieux l'organiser.

Monsieur Chassaigne, je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Votre citation de Camus était très jolie. Bernanos dit un peu la même chose, comme quoi on doit pouvoir trouver dans un éventail assez vaste de la littérature des réflexions équivalentes. C'est à cette angoisse partagée par de nombreuses sensibilités que nous voulons répondre avec ce texte sur les OGM.

Vous posez plusieurs questions. Dans ce projet, la société civile aura-t-elle vraiment sa place ? Oui, plus qu'avant puisque dans les instances précédentes qui traitaient des OGM, comme la commission du génie génétique ou la commission du génie biomoléculaire, elle n'en avait pas. Elle aura sa place dans le Haut conseil des biotechnologies. Vous vous demandez si les plantes génétiquement modifiées sont absolument indispensables aujourd'hui dans notre pays et dans le monde. Peut-on vraiment l'affirmer ? Non, sans doute pas. D'ailleurs, compte tenu des nouveaux éléments qui nous semblent être apparus, le Président de la République a pris la décision d'activer la clause de sauvegarde sur le seul maïs OGM cultivé en France. Mais cela ne veut pas dire que les plantes génétiquement modifiées ne seront jamais intéressantes ou utiles, ni qu'il faut refermer la porte à cet égard. Le sens de ce texte est justement de ne fermer aucune porte.

En outre, vous avez soulevé le délicat problème du seuil d'étiquetage. C'est une des questions laissées en suspens par le Sénat. Plusieurs amendements déposés à ce sujet seront le support d'un débat certainement intéressant.

Enfin, vous posez la question de savoir s'il faut rejeter définitivement les OGM. Vous concluez que non, ce qui est, de mon point de vue, une invitation à ne pas rejeter définitivement ce texte non plus. (Sourires.)

François Sauvadet appelle à une recherche d'équilibre, ce qui me semble le trait caractéristique du projet de loi.

Marc Laffineur, quant à lui, a insisté sur la recherche. C'est le deuxième pilier, en matière d'OGM, issu du Grenelle de l'environnement. Je l'ai dit, 40 millions d'euros sont prévus pour relancer la recherche sur les biotechnologies. Celle-ci est en effet en panne pour toutes sortes de raisons, pas seulement financières.

Delphine Batho et Noël Mamère – ce dernier toutefois avec quelques excès de langage que je ne commenterai pas – ont tourné autour de la même thématique : le texte garantit-il la possibilité de maintenir une agriculture bio et des AOC de qualité ? Ils y ont répondu par la négative. J'ai envie de leur poser la question : qu'y avait-il avant ? Comme le moratoire avait été levé pour les raisons juridiques que l'on connaît, il n'y avait rien ou presque.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Les mesures de coexistence n'étaient pas fondées sur des textes législatifs. Nous étions dans une situation de flou juridique. On peut critiquer les garanties qui sont apportées en matière de coexistence en souhaitant qu'elles soient plus fortes, mais on ne peut pas dire que le texte aggrave la situation actuelle, celle du vide juridique.

Philippe Folliot a repris, après François Sauvadet, la question de l'équilibre.

Christian Jacob a évoqué plus particulièrement, dans une intervention riche sur un sujet qu'il connaît bien, la question de la transparence. Je voudrais dire un mot là-dessus parce que la transparence est aussi l'un des piliers de la cohérence, de l'équilibre issu du Grenelle de l'environnement. Cela n'apparaît pas dans les trois décisions que j'ai citées, la transparence étant plutôt de l'ordre du principe. Mais c'est un pilier du Grenelle car elle fonde la recherche d'un consensus entre des acteurs qui n'en avaient pas forcément l'habitude. Elle tente d'organiser le retour à la confiance. Évidemment, confiance et transparence ont partie liée : si l'on se fait confiance, il est normal d'être transparent, il est normal de savoir où sont les cultures OGM ; et vice versa : s'il y a plus de transparence, on ouvre le chemin vers une confiance retrouvée. La transparence, qui n'apparaissait pas dans le triptyque que j'ai évoqué, est un principe fondamental dans la cohérence du Grenelle de l'environnement. Je vous remercie, monsieur Jacob, de l'avoir ainsi mise en exergue.

M. Gaubert a demandé qu'on ne confonde pas recherche sur les biotechnologies et recherche sur les OGM. Il est vrai qu'il y a parfois une confusion à ce sujet. C'est pourquoi les 40 millions d'euros seront affectés à l'ensemble des biotechnologies, dans un souci de multidisciplinarité, à des programmes variés et pas seulement aux seules applications en matière d'OGM.

Jean Gaubert a fait un parallèle avec la confusion supposée entre recherche sur l'énergie en général et recherche sur le nucléaire en particulier. C'est une des décisions du Grenelle de l'environnement que d'avoir prévu qu'à l'avenir, c'est-à-dire sur cinq ans, le temps de la montée en puissance du dispositif, il y ait, pour chaque euro consacré à la recherche nucléaire, un euro consacré à la recherche sur l'environnement, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables. C'est un engagement du Président de la République.

Enfin, Jean Gaubert a lancé un vibrant appel à la mise en oeuvre du principe de précaution. Je veux redire que c'est, à mon avis, le sens de la clause de sauvegarde sur le maïs Monsanto 810, qui participe du triptyque que je décrivais tout à l'heure. Le principe de précaution est bien au coeur de cette cohérence issue du Grenelle de l'environnement.

Mme Laure de La Raudière nous a proposé un acte de foi dans le futur des OGM, qui n'est pas forcément partagé par tous dans cet hémicycle, mais qui doit pouvoir être entendu comme les autres arguments.

Vous avez insisté, madame Massat, sur le nombre d'hectares concernés dans votre région. Justement, la clause de sauvegarde sur le maïs Monsanto 810 fait évoluer cette situation. Dans cette cohérence issue du Grenelle de l'environnement – même si la loi, semble-t-il, ne vous satisfait pas entièrement – se trouve aussi une réponse au problème que vous soulevez. Vous appelez à rouvrir le débat sur les zones d'exclusion, au nom de la haute qualité de la biodiversité : faut-il ou non exclure les OGM des parcs naturels régionaux ? Ce débat a déjà eu lieu au Sénat, et la réponse a été plutôt négative. Je ne doute pas que le sujet provoquera de nouvelles discussions à l'Assemblée.

Mme Corinne Erhel a évoqué différentes propositions dont certaines portaient sur des points laissés en suspens lors de la discussion au Sénat. Nous y reviendrons donc très certainement.

J'ai beaucoup apprécié l'intervention de Lionel Tardy qui a évoqué une difficulté à laquelle nous sommes confrontés en matière de communication : ce texte est mal compris ; il est trop souvent perçu comme un texte « pour » ou « contre » les OGM. Ce n'est pas son sens. Je le répète : ce projet de loi respecte un équilibre, il s'inscrit dans une cohérence qui est celle du Grenelle de l'environnement. Il ne s'agit pas de se prononcer « pour » ou « contre », mais de construire une architecture pour d'éventuelles cultures d'OGM dans le futur. Ce texte n'est pas non plus « pour » ou « contre » Monsanto, comme l'ont rappelé plusieurs orateurs. Aidez-nous à faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi « pour » ou « contre », mais de quelque chose de plus compliqué, plus riche et plus intéressant que cela.

Philippe Tourtelier ne veut pas que ce texte soit un revirement par rapport au principe de précaution et au Grenelle. C'est tout le contraire !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Un reniement, un revirement : on reste dans le même ordre d'idées. (Sourires.) Et, de toute façon, c'est tout le contraire puisque la clause de sauvegarde constitue une application directe du principe de précaution, que ce texte décline d'une manière beaucoup plus construite et architecturée. Nous nous inscrivons bien, en tous les cas, dans l'engagement en trois points issu directement du Grenelle de l'environnement.

Michel Diefenbacher a salué la méthode du Grenelle, en retraçant le parcours et la logique qui nous conduisent ce soir à discuter de ce projet de loi. Je l'en remercie. En effet, le Grenelle de l'environnement est un processus original, extrêmement riche mais compliqué à articuler avec le processus parlementaire – plus institutionnel. C'est l'une des difficultés de l'exercice auquel nous allons nous livrer cette semaine.

Oui, toutes les garanties doivent être réunies pour assurer la coexistence entre les différentes cultures. Cela suppose une indemnisation efficace des agriculteurs biologiques et de tous les producteurs qui pourraient subir un préjudice, pour ne pas parler de « contamination », terme contesté. Sur ce sujet, le Sénat a apporté des réponses aux apiculteurs. Sans doute en débattrons-nous de nouveau dans cette enceinte.

Michel Diefenbacher est aussi revenu sur le problème de la communication et de l'information du public. L'État doit communiquer. Il sera aidé par le futur Haut conseil des biotechnologies dont les avis et recommandations serviront de référence. Vous proposez, monsieur le député, de lui adjoindre des scientifiques ou d'autres personnalités qui pourraient se déplacer sur le terrain. C'est une piste à explorer qui pourrait permettre d'améliorer la communication et de faciliter la compréhension de notre travail par la suite.

Dans mon propos préliminaire, j'ai répondu, me semble-t-il, à Catherine Quéré.

François Grosdidier fait partie des parlementaires qui préfèrent notre texte initial à celui du Sénat, et je le remercie de cet « hommage », en quelque sorte. Ce n'est pas le cas de Jean-Jack Queyranne qui, me semble-t-il, n'aime aucun des deux textes, et je le regrette.

Claude Gatignol nous a proposé de faire un effort sémantique. J'y suis sensible, même si je ne suis pas sûre qu'on touche là au coeur du problème et qu'on puisse le résoudre de cette manière. Il est vrai que la traduction de certains termes anglo-saxons dans un français approximatif n'a probablement pas favorisé la compréhension de ce sujet par nos concitoyens, et cela depuis des années.

La clause de sauvegarde n'est pas un trompe-l'oeil, madame Marie-Lou Marcel, mais une composante de l'équilibre que j'évoquais. Pas plus que ce projet de loi ne sert à réintroduire un droit à produire des OGM qui, en réalité, existait avant le Grenelle de l'environnement. Au contraire, le Grenelle a instauré un nouvel équilibre : au moins momentanément, il n'existe plus de production commerciale d'OGM en France ; et nous cherchons à encadrer d'éventuelles futures cultures. C'est l'inverse des craintes que vous exprimiez.

Vincent Descoeur – je l'en remercie – préférait lui aussi l'esprit initial du texte. Mais le débat est encore ouvert, et vous pourrez, monsieur le député, donner libre cours à vos préférences lors de l'examen des amendements.

Chantal Robin-Rodrigo a rappelé qu'elle s'était abstenue sur le rapport Le Déaut-Ménard pour défaut d'application du principe de précaution. Ayant moi-même voté contre, je la comprends…

Vous considérez, madame Robin-Rodrigo, que les OGM ne concernent pas les seuls scientifiques et ne posent pas que des problèmes strictement scientifiques. Certaines dispositions de ce texte en tiennent compte, et vous pourriez les saluer et les soutenir. Introduire un collège de la société civile à l'intérieur du Haut conseil des biotechnologies constitue une garantie de la prise en compte légitime des préoccupations de la société civile. Il s'agit d'une avancée par rapport à la situation existante : la commission du génie génétique comme la commission du génie biomoléculaire ne comptent aucun représentant de la société civile.

Éric Diard appartient à la catégorie des tenants du texte initial à laquelle j'adressais mes remerciements.

Bertrand Pancher souhaiterait que nous allions plus loin en matière de transparence. Nous attendons ses propositions. En réponse à Christian Jacob, j'indiquais que la transparence constitue un pilier de notre entreprise, qu'elle vise à restaurer la confiance. Michel Diefenbacher et plusieurs intervenants ont insisté sur la communication. Mais s'il est possible d'aller plus loin et de se montrer plus dynamique en matière de transparence, ce sera certainement utile. Car des études, statistiques et sondages font apparaître une corrélation très forte : ceux qui déclarent refuser les OGM sont souvent les mêmes que ceux qui avouent ne pas connaître le sujet. Ce n'est d'ailleurs pas le seul thème de sondage qui suscite des réponses extrêmement paradoxales. Mais, en matière d'OGM, c'est assez constant et troublant.

Philippe Boënnec nous a livré diverses remarques judicieuses, et il a été le seul à relever – je l'en remercie – que le texte comporte de nouvelles dispositions en faveur de la recherche : pas seulement de nouveaux moyens financiers, mais des mesures visant à susciter la création de jeunes entreprises de recherche en biotechnologies, à rendre ce secteur plus attractif.

En conclusion, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de vous suggérer de garder en tête l'équilibre qui a été celui du Grenelle de l'environnement. Nous n'avons pas à refaire le débat sur le Monsanto 810 ; il a été tranché par le Président de la République qui a choisi, compte tenu des éléments nouveaux, de faire jouer la clause de sauvegarde. Je vous incite à prendre le texte pour tout ce qu'il est, mais seulement pour ce qu'il est, sans en faire l'otage de débats avec lesquels il n'a pas ou plus à voir. C'est à cette condition que les débats des jours à venir pourront être utiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Les débats auraient été encore plus longs, monsieur Jacob ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Prochaine séance, aujourd'hui à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 2 avril 2008, à deux heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma