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Commission de la défense nationale et des forces armées

Séance du 10 octobre 2007 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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Audition du général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2008

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189).

Le président Guy Teissier a relevé que les crédits dont disposera la gendarmerie nationale en 2008 sont en légère régression. En revanche, les dépenses de fonctionnement sont en forte augmentation pour le paiement des loyers, puisque 2 802 unités logement devraient être livrées l'an prochain. Les engagements pris par Mme Alliot-Marie ont donc été tenus et les gendarmes sont convenablement logés.

Si l'aboutissement de la LOPSI explique la baisse des dépenses d'investissement, les crédits permettent toutefois le maintien des opérations immobilières et, notamment, le développement du système informatique ainsi que le remplacement des véhicules de groupe de la gendarmerie mobile. À cet égard, le président a souhaité connaître les motifs du remplacement de leurs cars par des minibus.

Le général Guy Parayre a rappelé, en préambule, que l'année 2008 marquera une transition pour le budget de la gendarmerie. Elle s'insérera en effet entre la fin d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) de 2002, dont l'exécution s'est poursuivie jusqu'en 2007, et le début de la mise en oeuvre de la loi de programmation et de performance pour la sécurité intérieure (LOPPSI) annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Le projet de loi de finances répond aux grandes orientations données par le Président de la République. Il se caractérise par la recherche d'un équilibre entre deux priorités bien identifiées : le maintien de l'effort pour améliorer la sécurité des Français et la participation à la politique volontariste conduite par le Gouvernement pour maîtriser les dépenses budgétaires et réduire les déficits.

Les résultats obtenus en 2006 par la gendarmerie dans l'exécution de son budget, comme dans son activité ont confirmé les tendances positives observées depuis 2002.

Tant dans la lutte contre la délinquance que dans celle contre l'insécurité routière, c'est un travail de fond qui est conduit dans la durée. Après cinq années de progrès constants, les marges d'amélioration se réduisent. Il faut donc être encore plus imaginatifs et développer de nouvelles armes, techniques et juridiques, notamment, pour accroître la performance. Ce sera l'essentiel du travail entrepris, en concertation étroite avec la police nationale, dans la préparation de la future LOPPSI.

La baisse de la délinquance s'est confirmée en 2006 : une réduction de 1,27 % de la délinquance générale et de 5,77 % de celle de voie publique ont été enregistrées. Cette diminution constante est à mettre en parallèle avec l'amélioration régulière des indicateurs et, en particulier, la hausse du taux global d'élucidation qui a gagné un point en passant de 40,62 % à 41,47 %. Ces résultats témoignent de l'engagement des gendarmes, tous grades et unités confondus.

Ces bons résultats sont d'autant plus remarquables que d'autres efforts ont été demandés à la gendarmerie depuis 2002. La priorité accordée à la lutte contre l'immigration irrégulière s'est ainsi traduite, en 2006, par une augmentation de 49,94 % du nombre des personnes mises en cause. L'investissement est très lourd, mais la mobilisation importante de moyens humains et matériels se fait sans obérer la capacité des unités à faire face à leurs autres missions. L'effort sera poursuivi en 2008.

Autre axe majeur de la politique gouvernementale, la sécurité routière a également confirmé les progrès constatés ces dernières années : le nombre des accidents a baissé de 10,6 % en 2006, le nombre de tués diminuant de 11 % et celui des blessés de 9,8 %. Les progrès réalisés sont avant tout le fruit d'une politique cohérente à laquelle les Français adhéreront si la répression, indispensable, est menée avec tout le discernement nécessaire.

Au-delà des bons résultats opérationnels obtenus par la gendarmerie, l'institution a poursuivi son évolution en 2006 et 2007. Outre les grandes réformes structurelles – réforme du commandement territorial et mise en oeuvre des communautés de brigades –, il s'agit de s'adapter aux évolutions de la société et de la délinquance.

La gendarmerie a entrepris, dès la fin de l'année 2006, une réflexion pour améliorer son efficacité et la lutte contre l'insécurité sous toutes ses formes, certaines pistes étant explorées en étroite collaboration avec la police nationale. La LOPPSI en cours de préparation mais aussi les travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale déboucheront sans doute sur une évolution importante de l'architecture du système de sécurité et de défense. De même, la revue générale des politiques publiques (RGPP) aboutira certainement à des réformes permettant un fonctionnement plus rationnel de l'État.

Les observations rendues au Président de la République au début de l'année 2007 par le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire ont suscité une grande attente au sein de la gendarmerie, du fait du décalage constaté entre la progression de la condition des militaires et celle des fonctionnaires civils en tenue. Les corrections annoncées seront étalées dans le temps, mais il était bon que les premières mesures viennent marquer l'attention portée à cette question. Dans l'attente de celles à venir, la gendarmerie mettra en oeuvre dès 2008 des dispositions destinées à accélérer les carrières afin de valoriser davantage l'investissement personnel.

Abordant le projet loi de finances pour 2008, il a indiqué que l'exécution de la LOPSI de 2002 se poursuivra encore puisque 475 emplois, correspondant à l'extension en année pleine des 950 postes créés en 2007, seront financés.

S'agissant des rémunérations et des charges sociales (RCS), les effectifs moyens réalisés seront maintenus au niveau de 2007 alors qu'ils tendent à diminuer dans la plupart des corps de la fonction publique : l'extension en année pleine des 950 créations d'emploi de 2007 correspond, en effet, au non remplacement d'une partie des départs à la retraite, soit 475 postes. Au total, le plafond d'emploi s'élèvera à 101 136 emplois temps plein travaillé (ETPT).

Les RCS hors pensions, augmentent de 24,1 millions d'euros, en raison notamment de l'augmentation du point d'indice et de l'exécution des mesures catégorielles. Parmi ces dernières, la quatrième annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées – PAGRE – mérite une attention particulière. Au terme de cet exercice, plus de 3 000 postes d'officier auront été créés. La poursuite de ce plan est essentielle car l'évolution de la condition des militaires de la gendarmerie n'est pas seulement une affaire de grille indiciaire, le pyramidage des corps et le rythme des carrières jouent également un grand rôle.

Les crédits de fonctionnement s'élèveront à 911 millions d'euros. À périmètre constant, les moyens nouveaux accordés à la gendarmerie représentent 30 millions d'euros, soit une hausse de 3,4 %. Cette augmentation élevée au regard de la progression du budget de l'État est en fait mesurée par rapport aux besoins opérationnels.

L'enveloppe budgétaire allouée à la gendarmerie au titre des investissements en 2008 s'élève à 397,95 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 447,20 millions d'euros en crédits de paiement. Elle sera consacrée au renouvellement d'une partie des matériels et au maintien opérationnel des programmes les plus sensibles. 750 voitures opérationnelles, 420 motocyclettes, 8 000 postes informatiques opérationnels et de bureautique, ainsi que des équipements pour les gendarmes mobiles et pour la sécurité du personnel seront commandés. Par ailleurs, 6 millions d'euros sont consacrés à la poursuite du projet Athéna de rénovation et d'augmentation capacitaire des centres opérationnels départementaux. Pour leur part, les crédits d'infrastructure augmentent légèrement, permettant de lancer la construction de plus de 1 000 équivalents unité logement.

L'équilibre auquel parvient le projet de budget de la gendarmerie pour 2008 a nécessité d'opérer des choix qui garantissent le maintien de la capacité opérationnelle des formations. L'exécution sera sans doute délicate puisqu'elle sera marquée par le lancement d'une politique volontariste de lutte contre les déficits. C'est pourquoi, au-delà du travail budgétaire, de nombreuses réflexions sont en cours pour poursuivre la rationalisation de l'institution, pour améliorer ses performances et pour alléger ses coûts de fonctionnement.

Enfin, s'agissant des véhicules de la gendarmerie mobile, le directeur a indiqué que le remplacement de trois grands cars transportant chacun un peloton par huit petits cars, répond à un objectif opérationnel – même si le confort du personnel n'est pas oublié. Un fractionnement des unités répond mieux aux engagements actuels les plus fréquents, que ce soit en maintien de l'ordre ou en renfort des unités départementales.

Le président Guy Teissier a souhaité connaître la situation du projet d'externalisation concernant le parc immobilier, notamment pour son entretien. Cette externalisation a été maintes fois évoquée et repoussée sans cesse pour des raisons notamment juridiques. Il a également demandé des précisions sur le projet de regroupement de tous les services de la direction générale de la gendarmerie à Issy-les-Moulineaux, opération s'inscrivant dans un contexte budgétaire contraint.

Le général Guy Parayre lui a apporté les précisions suivantes. L'externalisation est en partie réalisée puisqu'un tiers des logements sont gérés par les opérateurs privés ou les collectivités locales qui les ont construits. L'état global du parc locatif s'est amélioré ces dernières années mais il reste des marges de progrès pour le parc domanial. Pour ce dernier, le précédent ministre avait décidé de lancer une expérimentation, en dépit des problèmes juridiques que l'externalisation soulève et de son coût élevé puisque les estimations réalisées ont évalué à 60 millions d'euros le surcoût de l'externalisation par rapport au maintien de la gestion immobilière au sein de la gendarmerie.

Le nouveau ministre doit maintenant choisir soit de lancer au printemps 2008 les expérimentations prévues dans quatre régions, soit de concentrer l'effort sur une seule région. Le choix sera politique, mais il reste à savoir si cette différence de coût de 60 millions d'euros sera couverte par le ministère du budget ou si la gendarmerie devra la supporter sur son propre budget, au détriment d'autres actions, sachant que, d'ores et déjà, alors que rien n'a encore été externalisé, une centaine de postes budgétaires ont été rendus par anticipation. Le surcoût attendu parait prohibitif.

Le projet d'installation à Issy-les-Moulineaux a d'autant plus de sens que la direction générale de la gendarmerie est répartie sur douze sites à Paris et dans la région parisienne. Il permettra à la fois de regrouper les services et de vendre, notamment dans le XVIe arrondissement, certaines emprises ainsi libérées. Les appels d'offres avaient permis, l'année dernière, de retenir un projet parmi les cinq présentés par des groupements d'entreprises. La procédure a dû être reprise en raison de certaines dissensions entre les entreprises. Aujourd'hui quatre concurrents sont en lice et déposeront leurs offres à la fin du mois d'octobre. L'autorisation d'occupation temporaire (AOT) devrait être signée avant l'été 2008 et trente mois de travaux seront ensuite nécessaires.

PermalienPhoto de Christian Ménard

, évoquant la grogne des gendarmes du fait de l'écart grandissant entre leurs salaires et ceux des policiers alors qu'ils travaillent plus, a demandé s'il allait être remédié à ce problème.

Le général Guy Parayre a préféré parler d'inquiétude plutôt que de grogne, tout en comprenant l'attente des gendarmes. Appelés depuis 2002 à obéir au ministre de l'intérieur et à travailler de façon étroite avec les policiers tout en restant des militaires, il leur avait été alors affirmé, afin de les motiver, qu'ils seraient traités de façon équilibrée par rapport aux personnels de la police nationale. Mais dernièrement le haut comité d'évaluation de la condition militaire a malgré tout relevé un décalage récurrent, qui doit être aujourd'hui comblé.

Toutefois, un statut militaire ne peut être que différent d'un statut civil. Les grilles indiciaires, si elles doivent être équilibrées, ne doivent pas forcément être identiques. Pour calmer l'inquiétude des gendarmes, il convient cependant de disposer d'une grille indiciaire permettant un traitement équilibré à grade équivalent et de faire en sorte que la répartition des personnels par grade et que le rythme de progression d'un grade au suivant soient équivalents.

À cet égard, deux voies sont possibles : soit le projet de grille retenu par Mme Alliot-Marie, à condition toutefois de veiller à équilibrer les volumes dans chaque grade ainsi que le rythme d'accession à ces grades, ce qui implique de travailler sur chacun des statuts particuliers ; soit, de façon plus radicale, la création d'une grille distincte, qui permet de répercuter de façon quasi automatique les avancées obtenues par les syndicats de la police nationale. Les sous-officiers côtoyant souvent leurs homologues de la police, il importe de veiller à ce que les évolutions les concernant soient coordonnées. S'il faut un rapprochement, il convient cependant de ne pas aller trop loin, au risque de ne plus disposer que de civils. Si l'on veut conserver deux forces distinctes, l'une militaire, l'autre civile, la première voie semble préférable, d'autant qu'avec le nouveau directeur général de la police nationale, elle est rendue possible. Sur le plan politique, il faut qu'il soit établi que, malgré une communauté d'objectifs et un nécessaire partage des informations, police et gendarmerie doivent rester distinctes.

Le président Guy Teissier est convenu que disposer de deux forces de police, l'une militaire, l'autre civile, est le gage d'un bon équilibre démocratique. Il a estimé nécessaire d'insister auprès des jeunes qui choisissent le métier de gendarme sur le fait que la condition militaire, si elle comporte des inconvénients et un statut particulier, a également certains avantages, notamment celui du logement et correspond certainement à leurs inclinations personnelles. Il a regretté que les militaires, y compris les gendarmes, ne soient pas bien payés, encore que ces derniers, comme les militaires du rang, qui sont des smicards, et les sous-officiers subalternes, seront les premiers à voir leur condition améliorée dans le cadre de la revalorisation de la condition militaire. L'effort que la nation pourra consentir devra être réalisé au bénéfice de l'ensemble des soldats.

Le général Guy Parayre a estimé que le logement par nécessité absolue de service ne peut être considéré comme un avantage. Il permet simplement de disposer de gendarmes sur l'ensemble du territoire. Dans certains endroits, et plus que dans les armées, le conjoint ne peut travailler et les enfants doivent effectuer de longs trajets pour rejoindre leur collège ou leur lycée, voire être pensionnaires. Si la gendarmerie ne disposait pas de logements par elle-même, cela lui reviendrait certainement au moins aussi cher, voire plus, qu'à l'heure actuelle du fait des primes au taux « non logé » qu'il faudrait alors verser en contrepartie aux gendarmes et des effectifs supplémentaires à prévoir pour maintenir le même niveau de sécurité publique.

Sans vouloir opposer le risque qu'encourt un gendarme au quotidien à celui que peut affronter un militaire en OPEX, il n'en reste pas moins que, dans la société d'aujourd'hui, la fonction de police revêt un certain danger, ne serait-ce qu'en Guyane où des échanges de tirs ont lieu quotidiennement. Contrairement aux militaires en OPEX qui perçoivent certaines indemnités spécifiques, il n'est pas versé aux 100 000 gendarmes pour faire leur guerre tous les jours une indemnité d'un niveau équivalent, même s'il existe des choses par ailleurs. Pourtant, une loi de 1995 reconnaît que la sécurité intérieure conduit à des sujétions particulières qui nécessitent, en faveur des policiers, un traitement différencié par rapport au reste de la fonction publique. À cet égard, le candidat Nicolas Sarkozy a souligné que, puisque deux forces de sécurité existent en France, il n'est pas invraisemblable que ce qui est admis pour la force civile le soit pour la force militaire. Il faut trouver une solution équilibrée qui permette à toutes les forces – police, gendarmerie et armées – de fonctionner et d'évoluer dans le même sens.

PermalienPhoto de Alain Moyne-Bressand

rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie, a fait part de la reconnaissance et de la gratitude de la commission à l'égard du travail effectué par les gendarmes au quotidien et a demandé si l'importance des loyers dans l'ensemble des crédits ne risque pas d'aboutir au blocage de nouvelles constructions de gendarmeries dans les années à venir.

Si le budget est stabilisé, il n'en faut pas moins des hommes sur le terrain. Certaines mesures pourraient être prises qui aboutiraient à une présence plus importante sur le terrain. Ainsi, les rédactions de procès-verbaux pourraient, à l'instar de ce qui se pratique au Royaume-Uni, être confiées à des secrétariats ; de même, le nombre de gardes statiques pourrait être diminué. La charge que représentent les transfèrements et extractions de prisonniers – mission qui occupe un millier de gendarmes à l'année – doit être allégée par la mise en oeuvre de moyens de visioconférence, la création dans les Cours d'appel de bureaux de transfèrements chargés d'organiser les mouvements, ou encore la création d'annexes des tribunaux à côté des prisons.

Le général Guy Parayre a estimé que la question des loyers, qui représenteront 413 millions d'euros en 2008, soit une part importante des 910 millions d'euros de dépenses de fonctionnement, doit être traitée, si l'on veut la maîtriser, au niveau interministériel. Cette maîtrise devra être un compromis entre ce qui relève, d'une part, des crédits budgétaires, dont la diminution est recherchée à tous niveaux, et, d'autre part, de l'externalisation, sachant que la dépendance en matière de coût des loyers sera alors grande vis-à-vis du marché. La solution retenue devra s'inscrire dans le long ou, au moins, le moyen terme. La gendarmerie ne cherche pas à mettre un frein à l'amélioration des conditions de logement, mais à mieux maîtriser la dépense.

Malgré le besoin de sécurité qu'expriment nos concitoyens, il est peu probable, compte tenu de la situation financière de l'Etat, que des moyens humains en nombre plus important soient obtenus. Il convient donc, à moyens égaux, d'améliorer la performance en travaillant dans plusieurs directions.

Les efforts seront d'abord poursuivis en matière de simplification des tâches administratives. De même, afin d'améliorer significativement le taux de résolution des affaires, il a été proposé au directeur général de la police que la gendarmerie et la police se dotent de fichiers communs. Il n'existe pas aujourd'hui de fichier informatique répertoriant l'environnement de toutes les affaires judiciaires ; il serait pourtant grandement utile pour réduire les actes de petite et moyenne délinquance. Une loi sera nécessaire et toutes les garanties seront données pour que les fichiers soient traçables et ne servent qu'à traiter des affaires judiciaires.

S'agissant des transfèrements, une seule solution est possible, faute de croire encore à un aboutissement des discussions avec la justice : faire payer le service rendu. Il ne servirait à rien de donner la charge des transfèrements à l'administration pénitentiaire : là où 1 000 ou 1 500 gendarmes suffisent compte tenu de leur statut militaire, il faudrait alors 2 000 ou 3 000 personnels de la pénitentiaire, ce qui coûterait trop cher au budget de l'État. Toutefois, si les magistrats, tant du siège que du parquet, continuent à refuser de s'organiser en fonction des nécessités d'économie des forces de l'ordre, il faut, la LOLF aidant, leur confier la responsabilité pleine et entière des transfèrements et faire payer l'escorte au magistrat qui la commande. C'est ce qui s'est passé pour les frais de justice : alors qu'ils explosaient, il a été décidé que les présidents de cour ne pourraient pas dépasser un certain plafond de dépenses. Aujourd'hui, une certaine régulation commence à apparaître en la matière.

Si on ne peut qu'être favorable à la visioconférence, elle reste une problématique interne à la justice. Aujourd'hui, lorsqu'elle est établie entre les unités de gendarmerie et les juges, il s'agit encore d'une solution de confort qui ne permet pas de réelle économie, le délinquant devant toujours, à un moment ou à un autre, être conduit devant un magistrat. La solution serait qu'un détenu puisse être conduit dans des endroits bien définis, géographiquement proches du lieu de détention, pour discuter au moyen de la visioconférence avec un magistrat.

Quant aux gardes statiques, il faut accepter de regarder de plus près chaque situation, car l'on peut en économiser un certain nombre, même s'il convient de préserver une bonne sécurité des palais nationaux. Faute, demain, de disposer de gendarmes supplémentaires, alors que les charges s'accroîtront, il faudra bien redéployer des personnels, tout en continuant à garantir la sécurité, mais de manière différente.

PermalienPhoto de Philippe Vitel

a souligné à cet égard que le ministre faisait souvent part de sa tristesse de voir des unités d'élite militaires utilisées à des tâches parfois sans intérêt et peu qualifiées. Il est aujourd'hui important de revoir les missions opérationnelles des gendarmes. L'utilisation de la visioconférence, de la vidéosurveillance et l'externalisation sont des pistes à explorer.

Si le redéploiement des forces de police et de gendarmerie s'est particulièrement bien passé dans le Var, avec de bons résultats opérationnels et des forces bien logées, ce redéploiement est-il terminé sur tout le territoire ou existe-t-il encore des zones où l'équilibre entre les forces n'a pas encore été trouvé ?

Le général Guy Parayre a souligné que le redéploiement, effectué pour rendre cohérent le dispositif mis en place entre police et gendarmerie, est une réussite, même si l'on n'est pas parvenu à la cohérence absolue. La gendarmerie a plutôt été conçue pour tenir les grands espaces avec de petites unités. La police est, elle, plus adaptée aux grandes agglomérations et à un espace plus réduit. Les derniers problèmes seront résolus au cas par cas après détermination des limites d'agglomération.

PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

a souhaité connaître l'état d'avancement du transfert de l'état-major de la gendarmerie du Rhône à Sathonay et demandé des précisions sur le projet de loi en préparation concernant la gendarmerie évoqué par le ministre devant la commission.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur l'existence de doublons entre police et gendarmerie, en particulier en matière de laboratoires Existe-t-il dans ce domaine des économies à réaliser en termes de moyens ?

Enfin, il a attiré l'attention sur les regroupements en communautés de brigades auxquels ont assisté les élus ruraux attachés à leur propre brigade.

Le général Guy Parayre a indiqué que s'agissant du transfert de l'état-major de Bron à Sathonay, l'AOT devrait être signée en 2008, les travaux devant durer deux ans et demi ou trois ans.

Pour ce qui est de la loi sur la gendarmerie, l'initiative en revient au Président de la République qui a demandé aux ministres de l'intérieur et de la défense d'y travailler. Certains ont suggéré de réécrire le décret du 20 mai 1903 et même de reconsidérer tout le fonctionnement de la gendarmerie. Aujourd'hui, l'idée est plutôt de faire une loi de principe – de seulement quelques articles relatifs, par exemple, au statut – affirmant que la France tient à deux institutions, l'une militaire, l'autre civile. Si le ministre de l'intérieur peut avoir une plus grande influence sur le budget des deux forces, la gendarmerie doit, dans le même temps, rester dans l'environnement militaire.

Entendre sans cesse parler de doublons à propos de la police et de la gendarmerie est quelque peu irritant, car les vrais doublons ne sont pas si nombreux. Ainsi, en matière de preuve scientifique, la France n'a pas trop de laboratoires. Elle n'en a même pas assez puisque, même si l'on en compte un dans la gendarmerie et sept dans la police nationale, cela reste insuffisant pour couvrir les besoins sur les plans tant de la proximité que de l'autonomie. Il convient de ne pas dépendre des laboratoires privés, notamment pour des raisons de coût. À titre d'exemple, leurs prix astronomiques ont été divisés par trois lorsque les chaînes de génotypage – deux au sein de la gendarmerie et une au sein de la police – ont été créées. De même, en matière de renseignement, celui de la gendarmerie n'est pas de même nature que celui des renseignements généraux.

D'autres pistes sont à explorer, notamment en matière d'implantation des forces. Certaines brigades de gendarmerie sont, en effet, encore en zone de police. Elles doivent physiquement rejoindre les zones de la gendarmerie, sauf à laisser dans certaines zones de police quelques éléments indispensables, comme à Paris où des gendarmes doivent pouvoir terminer des enquêtes.

Le regroupement en communautés de brigades, qui est une réussite et permet des gains capacitaires, doit être poursuivi. Les difficultés actuelles relèvent du commandement : certains commandants de brigade aujourd'hui ne sont plus chefs comme dans le système ancien. Ils doivent le comprendre, même s'ils estiment que leur commandant de communauté de brigades n'est pas à la hauteur. Si des erreurs de casting ont été commises en la matière, il convient, en tout cas, de lever toute ambiguïté : désormais, la communauté de brigades est l'unité élémentaire dont le chef est le commandant de la communauté de brigades, et non le chef de telle ou telle brigade de proximité. Il y a un moment où les réformes doivent être menées à leur terme.

PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

a présenté trois observations.

La gendarmerie a une mission de défense et une autre de sécurité. Il convient de veiller à respecter l'équilibre entre ces deux missions et, à cet égard, si le maintien du statut militaire des gendarmes est une condition nécessaire, elle n'est pas suffisante. Il conviendra de veiller à ce que la mission défense soit garantie et que la mission sécurité préserve les intérêts de la gendarmerie, force indispensable à la mission de défense.

Le Président de la République, lors du congrès des sapeurs-pompiers, a parlé de la mise en place, d'ici trois ans, d'un réseau radio crypté ANTARES destiné à améliorer l'articulation entre pompiers et SAMU, police et gendarmerie. Or, la police est sur Acropol et la gendarmerie sur Rubis. Ces réseaux sont-ils interopérables ?

La Charente est un département expérimental pour la mise en place de la chaîne Cassiopée. En 2008, tous les TGI seront ainsi en réseau et auront accès à toutes les procédures. Cet outil est essentiel à la sécurité du territoire, à la protection des victimes et à la poursuite des délinquants. La gendarmerie sera-t-elle au rendez-vous ?

Le général Guy Parayre a acquiescé au nécessaire équilibre à trouver entre sécurité et défense, même si une partie seulement des crédits de programmation de la gendarmerie sont appelés à relever de la défense.

Pour ce qui est des réseaux, des passerelles existent entre Acropol et Rubis et le réseau du futur sera complètement mixé.

Quant à l'accès aux procédures, le système voulu au départ par la justice pour le traitement informatisé des procédures était incompatible avec celui de la gendarmerie et de la police. Aujourd'hui, Cassiopée est heureusement accessible par l'Internet, ce qui ne pose pas de problème puisque toutes les brigades ont accès à l'Internet. La gendarmerie poursuit son étroite collaboration avec la justice en matière de dématérialisation des procédures et de leur suivi sur un même support depuis l'enquêteur jusqu'au jugement.

PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

a souhaité savoir ce qu'il fallait entendre par développement « de nouvelles armes techniques et juridiques » pour lutter contre l'insécurité et en connaître les moyens financiers.

Le général Guy Parayre a souligné que, s'agissant des moyens juridiques, l'avant-projet de loi sur la gendarmerie doit ouvrir quelques pistes afin, notamment, d'améliorer le taux de résolution des affaires. Quant aux moyens techniques, ils portent, en particulier, sur la vidéosurveillance et sur tout ce qui a trait à l'optimisation des moyens sur le terrain, qu'il s'agisse de la géolocalisation, des liens entre les patrouilles et les centres opérationnels ou encore des possibilités de consultation des fichiers par les personnels, y compris les motocyclistes, à partir des terminaux embarqués – au moyen en particulier de la carte « quatre en un » – permettant d'immobiliser moins longtemps l'usager. De même, toujours en fonction des possibilités budgétaires, des pistes existent pour améliorer la technologie en matière de police scientifique et technique.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

, après avoir rappelé qu'il tenait d'autant plus au statut militaire de la gendarmerie que celle-ci lui avait sauvé la vie en Algérie, a souligné que le malaise des gendarmes de base dans les campagnes était réel. On ne peut continuer à les faire lanterner alors qu'il leur avait été promis que s'ils devenaient des militaires au service du ministère de l'intérieur, leurs rémunérations seraient à peu près égales à celles de la police. Si rien n'est sérieusement fait l'an prochain, le risque est grand d'avoir un même problème qu'au temps de Jean-Pierre Chevènement.

La loi sur la gendarmerie, telle qu'elle se profile, est bonne, car elle ne se perd pas dans les détails. Il faut impérativement qu'elle spécifie bien que le statut militaire de la gendarmerie est maintenu.

S'agissant enfin des transfèrements, la seule solution est, à l'instar des frais de justice, de les faire prendre en compte par le budget de la justice.

Le général Guy Parayre a estimé que l'on avait en effet assez fait patienter les gendarmes. Il faut qu'en 2008, une réponse leur soit apportée, de façon mesurée, c'est-à-dire sans créer plus de problèmes qu'il n'en est résolu.

PermalienPhoto de Patrick Beaudouin

a rappelé que la gendarmerie avait mobilisé plus de 2 300 réservistes en juillet et que la LPM, si elle est respectée, porterait à 43 % le taux d'emploi des réservistes. Or la montée en puissance de la réserve opérationnelle, mais aussi de la réserve citoyenne, demande des moyens financiers et un support juridique ferme. Alors que les décrets d'application de la loi sur les réserves viennent d'être publiés, la loi sur la gendarmerie donnera-t-elle à cette dernière des moyens financiers et juridiques supplémentaires facilitant l'emploi des réservistes ?

Il a par ailleurs souhaité des précisions sur la situation en Guyane.

Le général Guy Parayre a indiqué que la réserve est un exemple de politique réussie. La nouvelle doctrine d'appel est totalement adaptée aux besoins de la gendarmerie en permettant l'emploi, sous contrat et pour un temps donné, de réservistes rendant le même service que les gendarmes en activité, ce qui autorise une souplesse extraordinaire. L'objectif pour 2010 a été fixé à 40 000 engagements à servir dans la réserve (ESR), avec une montée en puissance progressive. Aujourd'hui, ce sont en moyenne 25 000 réservistes qui sont employés sur des contrats de 23 jours par an, ce qui est un renfort non négligeable pour l'active. L'apport de la loi et de ses décrets d'application portera surtout sur l'accompagnement – les personnels de réserve sont demandeurs en ce domaine. Même si les moyens sont réduits en 2008 puisque les recrutements se limiteront à 1 000 ou 2 000 réservistes, l'objectif final de 40 000 ESR n'est pas remis en question.

Le président Guy Teissier ayant demandé si les jeunes répondent aux sollicitations de la gendarmerie, le général Guy Parayre a précisé que si certains viennent à la réserve par le bouche à oreille – on ne compte que 5 000 ou 6 000 anciens gendarmes sur les 25 000 réservistes – la gendarmerie mène une politique de recrutement volontariste et séduit les candidats, notamment certains étudiants, par des perspectives de formation et de rémunération. Il est en tout cas réconfortant de constater que les stages de préparation militaire réunissent 200 ou 300 jeunes désireux de servir leur pays.

C'est un problème de souveraineté qui se pose en Guyane. La gendarmerie y est fortement engagée aux côtés des forces armées pour lutter contre la présence de clandestins venus du Surinam ou du Brésil aux fins d'exploiter nos richesses – les sites d'orpaillage et, dans une moindre mesure, la pêche au large - et générant des problèmes environnementaux par le déversement chaque année de tonnes de mercure, également à l'origine de problèmes de santé publique. La gendarmerie et les forces armées doivent pouvoir tenir les points d'entrée, grâce à des moyens du génie plus lourds, et détruire les installations par le biais d'opérations combinées utilisant notamment des moyens aériens. Il sera donc proposé au Gouvernement, dans les jours qui viennent, de mener une action encore plus forte qu'à l'heure actuelle.

PermalienPhoto de Michel Voisin

a souhaité, face aux demandes des élus ruraux de disposer de toujours plus de gendarmes, une politique de communication plus approfondie qu'aujourd'hui.

Quant aux retraités, leur leitmotiv est que les grades de la police nationale dévalorisent ceux de la gendarmerie.

Le général Guy Parayre a indiqué que les directives données aux commandants de région et de groupement sont d'aller justement au-devant des élus. Les habitudes, nées en particulier du travail informatique, doivent changer, et les personnels retrouver le sens du contact.

Il faut que les retraités comprennent que la guerre des grades a été perdue. Et si le grade est dévalorisé, l'indice, lui, est meilleur. En outre, l'inspecteur de police, qui était recruté à leur époque au niveau du bac, ne peut être comparé aux lieutenants d'aujourd'hui recrutés au niveau de la licence.

Le débat sur les grades est finalement le même que celui sur le redéploiement. Lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur, il lui a été expliqué qu'il n'était pas utile de remplacer les policiers en partance par un même nombre de gendarmes puisque ces derniers travaillaient plus. Il a estimé qu'il était impossible d'imposer cela aux élus et retenu le principe du remplacement à effectif égal. Le redéploiement s'est effectué à ce prix, avec la complicité tacite de chacun. Il en va de même aujourd'hui : l'armée a laissé faire en matière de grades, il faut en payer les conséquences et veiller maintenant à l'adéquation des indices.

PermalienPhoto de Philippe Folliot

s'est demandé si le très fort déséquilibre entre police et gendarmerie constaté notamment dans l'exécution de la LOPSI ne va pas s'aggraver à moyen terme.

S'agissant des forces mobiles, aujourd'hui sous commandement de la police, il a observé que les CRS sous employés dans des situations de basse ou moyenne intensité et les gendarmes mobiles dans des situations de haute intensité ou lorsque le temps de mobilisation est plus contraignant. N'y a-t-il pas un autre risque de déséquilibre si les liens se distendent avec la défense ?

Le général Guy Parayre a souligné que si ce risque est d'ordre structurel, il appartient cependant au directeur général de faire entendre sa voix dans le cas où une distorsion trop importante dans l'utilisation des moyens apparaîtrait.

Tout le monde souhaitant une gendarmerie militaire et une police civile, il est toutefois normal que les préfets ou le ministre de l'intérieur tirent profit des avantages de l'un ou de l'autre statut. C'est la règle du jeu et tout est question de mesure. Il est d'ailleurs normal d'envoyer des gendarmes lorsque la situation est plus dure ou dans les endroits les plus sensibles comme certaines ambassades - en Irak actuellement, au Liban si la situation l'exige - si des difficultés surviennent pour trouver un personnel policier civil.

En outre-mer, seize escadrons sont présents en permanence pour des séjours de trois mois. Il a été décidé au niveau politique qu'il ne s'agirait que de gendarmes alors qu'il aurait été préférable, pour des raisons budgétaires, qu'il s'agisse, à parts égales, de gendarmes et de CRS. L'envoi en urgence de deux escadrons en 24 heures à Nouméa, par exemple, est très onéreux et l'achat de matériel serait préférable. En l'occurrence, la logique des statuts prévaut et compte tenu de la situation en Guyane, des risques de flambée de violence en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie, il est normal que ce soient des gendarmes qui y soient projetés.