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Commission de la défense nationale et des forces armées

Séance du 3 octobre 2007 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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Audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2008

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189).

Le président Guy Teissier a souligné que l'examen du budget 2008 s'inscrit dans un contexte particulier de réflexion globale sur la défense menée par l'équipe de travail du Livre blanc. Ces travaux aboutiront à un nouveau projet de loi de programmation militaire (LPM) au printemps 2008.

Par ailleurs, la réforme des institutions devrait conférer des pouvoirs accrus au Parlement. Les opérations extérieures (OPEX) font l'objet d'une inscription de crédits conséquente, avec 360 millions d'euros, ce qui améliore l'information du Parlement ainsi que sa capacité de contrôle. Nul doute cependant qu'il faudra aller plus loin ; un groupe de travail au sein de la commission sera constitué sur ce sujet.

S'agissant des dépenses d'équipement, il s'est interrogé sur les programmes qui pourront être financés et livrés en 2008. Il s'est félicité par ailleurs des efforts qui seront faits en 2008 pour améliorer la condition des personnels civils et militaires.

Permalien

a rappelé que le contexte budgétaire est exigeant, avec pour objectifs le retour à l'équilibre en 2012, voire en 2010 si la croissance le permet, et de ramener l'endettement public en dessous de 60 % du PIB. Les moyens du ministère de la défense, c'est-à-dire l'effort de défense du pays, seront cependant maintenus, comme le Président de la République s'y était engagé lors de la campagne électorale. Le budget atteindra 48,065 milliards d'euros, soit une stabilité globale en valeur – si l'on négligeait l'impact de la hausse des pensions, il serait même possible de le présenter en augmentation.

Ce projet de budget s'inscrit dans la continuité de l'exercice précédent et de la LPM adoptée en 2003. C'est un budget de transition qui assure la dernière annuité de la LPM, ce qui n'empêche que l'effort de réflexion en cours sur la transformation et la modernisation de l'outil de défense est indispensable et même salutaire. Le président de la commission de la défense et un membre éminent de l'opposition sont d'ailleurs associés à l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il s'agit d'un travail sans tabou ni préjugé, que le Président de la République a voulu le plus ouvert possible, ce qui se traduit notamment par l'organisation d'auditions publiques.

La revue des programmes d'armement, menée sous l'autorité du ministre de la défense, reconsidère systématiquement l'opportunité des calendriers des programmes en cours ou à lancer, en vue notamment de réduire la fameuse « bosse » budgétaire annoncée pour les exercices 2009 et 2010.

Quant à la révision générale des politiques publiques (RGPP), exercice commun à tous les ministères mais qui avait été engagé par le ministère de la défense avant même la décision du Premier ministre, elle doit permettre de dégager des marges de manoeuvre au profit des unités opérationnelles.

Il a précisé que cet exercice sera achevé en début d'année 2008, tandis que l'essentiel de la revue des programmes d'armement sera terminé dès la fin de l'année 2007. Le Livre blanc sera, quant à lui, rendu public en mars 2008. La synthèse de ces trois exercices permettra de soumettre au Parlement un projet de loi de programmation militaire au printemps prochain.

Le premier trait caractéristique du projet de loi de finances pour 2008, commun à toutes les administrations de l'État, est une réduction d'effectifs : la moitié des départs à la retraite ne seront pas remplacés, ce qui représente un effort de 6 037 emplois, soit 3 037 équivalents temps plein travaillé, répartis de manière équilibrée entre personnel civil et personnel militaire – 621 pour la première catégorie et 2 416 pour la seconde. Ces réductions d'effectifs porteront uniquement sur les fonctions de soutien et d'administration : les chefs d'état-major ont pour consigne de ne pas toucher aux forces opérationnelles.

Cela suppose des rationalisations, qui seront assurées dans le cadre de la RGPP, et un renforcement de l'interarmisation afin d'améliorer le ratio entre back-office et frontline, qui s'établit aujourd'hui à 6238. Cette réduction d'effectifs permettra de revaloriser considérablement la condition du personnel, avec une somme exceptionnelle de 102 millions d'euros de mesures catégorielles. Un effort sera consenti au profit des militaires du rang et des jeunes sous-officiers, ce qui correspond à la mise en oeuvre de la première étape des recommandations émises en janvier par le Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) : dès 2008, les parcours indiciaires des caporaux, des caporaux-chefs ainsi que des gendarmes et des sergents seront à parité avec ceux des autres personnels en tenue. Pour les autres sous-officiers et les officiers, il faut commencer par modifier les statuts particuliers, ce qui requiert une procédure interministérielle pouvant aboutir à une deuxième tranche d'amélioration de la condition du personnel, présentée dans le budget 2009.

Le plan d'amélioration de la condition militaire (PACM) bénéficie de 25 millions d'euros, ce qui permettra d'atteindre précisément les objectifs fixés en 2002 pour la revalorisation du taux non logé de l'indemnité pour charges militaires. La dernière tranche du fonds de consolidation de la professionnalisation est achevée, avec 4 millions d'euros.

Enfin, pour la gendarmerie un certain nombre de mesures catégorielles sont prises dans le cadre du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) et concernent 500 postes d'officiers et 550 postes de sous-officiers supérieurs.

Les mesures en faveur du personnel civil atteindront 16 millions d'euros, montant jamais atteint depuis dix ans. Le ministère de la défense a donc fait beaucoup mieux que prévu, grâce à un arbitrage personnel du Premier ministre : alors que seulement la moitié des gains consécutifs aux suppressions d'emplois devait être récupérée, plus du double l'a finalement été. Au demeurant, le ministère de la défense restera probablement le premier recruteur du pays, avec un peu plus de 30 000 embauches de militaires et un peu plus de 2 000 embauches de civils.

Abordant les dépenses d'équipement, le ministre a précisé qu'elles sont pratiquement conformes à la programmation 2003-2008. Les crédits de paiement atteignent 15,9 milliards d'euros, soit une progression de 0,8 % des crédits de la LPM stricto sensu. Celle-ci prévoyait une actualisation de 0,8 % en volume ; compte tenu de l'inflation, il manque donc 250 millions d'euros pour respecter intégralement la programmation. Cette somme doit toutefois être mise en regard de la décision du Président de la République de lever la réserve de 1,15 milliard d'euros sur le budget 2007 et de la décision du Premier ministre d'ouvrir des crédits supplémentaires dans le collectif budgétaire de 2007 pour les frégates multimissions (FREMM), à hauteur des « treize dix-neuvièmes », c'est-à-dire pour un montant attendu de 338 millions d'euros.

Les autorisations d'engagement ont été fixées à 15 milliards d'euros, contre 15,6 milliards en 2007. Sur ce total, un montant conditionnel de 3 milliards d'euros a été prévu et correspond notamment à une provision pour la commande du deuxième porte-avions (PA2), étant entendu que le programme ne sera éventuellement lancé qu'au vu des conclusions de la commission du Livre blanc et des arbitrages du Président de la République. L'article 8 de la loi organique relative aux lois de finances impose en effet d'engager la totalité des crédits d'un ensemble cohérent. Plus généralement, les autorisations d'engagement pourront être revues et corrigées en fonction des conclusions de la commission du Livre blanc et du projet de LPM.

Il a annoncé les principales livraisons prévues pour 2008 : 14 Rafale, 6 Tigre, 240 armements air-sol modulaires, 57 chars AMX 10 RC rénovés, 358 équipements de fantassin FELIN et une frégate Horizon.

Les principales commandes porteront sur huit Rafale, 36 AMX 10 RC rénovés, 116 véhicules blindés de combat d'infanterie, 5 000 équipements FELIN et 22 hélicoptères NH 90, qui viendront compléter les douze appareils dont la commande est prévue dans le budget 2007 – ces trente-quatre appareils en version terrestre doivent être livrés pour la fin de 2011. Les difficultés rencontrées sur le radar de la version marine du NH 90 conduisent à prévoir le retrait des Super Frelon en 2011 au plus tôt.

Dans le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO), doté de 3,3 milliards d'euros, il faudra poursuivre les efforts de rationalisation en cours, afin de rompre avec la culture héritée du passé et de mener à bien l'interarmisation. La nouvelle politique d'emploi et de gestion des parcs de l'armée de terre se met en place. La consolidation des nouveaux modes de contractualisation du MCO naval fonctionne très bien. La création du service industriel de l'aéronautique (SIAé) est prévue dès ce budget et constitue une étape importante. D'autres devront être franchies.

Enfin, l'enveloppe des crédits d'études amont est identique à celle de 2007, avec 700 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Pour la gendarmerie, l'effort d'équipement est lié à la mise en oeuvre à la fois de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) et de la LPM. Au total, la gendarmerie disposera de 448 millions d'euros de crédits d'équipement, montant inférieur à celui de 2007 mais voisin de celui des années 2003 à 2005. Les perspectives en matière d'équipement devront s'inscrire dans le cadre de la future LOPSI que le Président de la République a demandé au ministre de l'intérieur de préparer. Il conviendra à cette occasion de clarifier nettement ce qui relève de la LPM de ce qui relève d'un autre support de programmation en matière de sécurité intérieure. Au sein de la mission « Sécurité », une lettre plafond unique couvrira la police et la gendarmerie, même si cette dernière conservera évidemment son statut militaire. S'agissant du fonctionnement, l'effort d'économie qui est demandé à la mission « Défense » est d'une cinquantaine de millions d'euros sur un total de 3,1 milliards d'euros, ce qui représente une diminution de 1,6 %. Ces économies porteront uniquement sur des fonctions de soutien et ne remettront donc pas en cause l'activité générale de forces.

La gendarmerie, confrontée à des tensions sur ses loyers, bénéficiera d'une progression de 30 millions d'euros de ses dotations de fonctionnement, pour atteindre 911 millions, soit une progression de 3,4 %, sensiblement supérieure à l'inflation.

Abordant les OPEX, le ministre a indiqué que le présent budget inscrit leur financement à un niveau proche des deux tiers des surcoûts moyens des trois dernières années. Le Premier ministre a d'ores et déjà décidé que les surcoûts enregistrés en 2007 seront intégralement compensés en collectif budgétaire et que la défense disposera d'une autorisation supplémentaire de consommation des reports de crédits de 265 millions d'euros.

Il a ensuite présenté les priorités du ministère de la défense pour les prochaines années.

Un plan pour l'égalité de chances a été lancé au Prytanée militaire de la Flèche, afin de permettre à des jeunes de condition modeste d'accéder aux plus belles écoles militaires. Le tutorat sera développé : des jeunes officiers sortant de ces grandes écoles aideront les lycéens à intégrer les classes préparatoires. De plus, des classes tampon de remise à niveau seront créées dans les lycées militaires. Il ne s'agit nullement de discrimination positive car tous les jeunes de condition modeste sont concernés, sans distinction d'origines. Le recrutement des lycées sera modifié : la proportion des enfants de militaires restera stable, autour de 70 %, mais les enfants d'agents civils du ministère de la défense – souvent de catégorie B ou C – bénéficieront de 20 % des places, 10 % étant désormais ouverts au reste de la population. Les préparations militaires seront développées avec l'ouverture de 15 000 places pour une durée de deux à quatre semaines. Enfin, les agents du ministère qui le souhaitent retrouveront la possibilité de préparer et de passer le baccalauréat dans les lycées militaires, ce qui n'était plus possible depuis la suppression de l'école de Strasbourg, en 1983.

Le deuxième chantier concerne les exportations d'armement. L'industrie française perd des parts de marché depuis quelques années, dans un contexte dynamique de réarmement général. Le ministère de la défense a demandé l'élaboration d'un plan stratégique de soutien aux exportations. Le Premier ministre vient d'installer, le 1er octobre, la commission interministérielle pour le soutien aux exportations de sécurité (CIEDES). La délégation générale pour l'armement (DGA) renforcera les dispositifs spécifiques de soutien aux PME-PMI et améliorera le système des avances remboursables et des aides à la promotion. Cinq points méritent des efforts : la réduction des délais d'instruction des dossiers ; l'adaptation des procédures selon les pays destinataires ; l'allégement des contrôles s'appliquant à des matériels dont l'exportation n'est que la conséquence d'autorisations déjà accordées ; la révision des nomenclatures ; la possibilité de rendre très rapidement des arbitrages définitifs sur le financement de contrats.

Pour ce qui concerne les PME-PMI, une vingtaine de chefs d'entreprise ont été reçus et trois groupes de travail mixtes entreprises–DGA ont été mis sur pied, chargés respectivement de l'accès direct aux marchés publics, de l'accès aux programmes d'études amont (PEA) et de l'amélioration des relations entre les PME et les grands donneurs d'ordre, notamment en termes de délais de paiement.

Enfin, le plan d'action en faveur de la promotion du développement durable dans tous les secteurs d'activité de la défense sera présenté en novembre. Sans toucher aux impératifs opérationnels, le ministère a un grand rôle à jouer, compte tenu du nombre important de ses implantations, de son parc immobilier considérable et du volume de ses commandes publiques ; un régiment de l'armée de terre et une base aérienne pourront être sélectionnés afin de servir de modèle pour nos armées dans ce domaine.

Il a conclu en évoquant la réflexion en cours sur les propositions que la France pourrait avancer dans le cadre de la présidence de l'Union européenne. Depuis l'accord de Saint-Malo, la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) a certes progressé mais pas à la hauteur des ambitions. L'Europe ne doit pas être simplement une puissance économique mais aussi une puissance politique, capable de porter ses valeurs et de défendre ses intérêts dans l'ensemble du monde.

Le président Guy Teissier a appelé l'attention du ministre sur les petits programmes de cohérence opérationnelle, qui permettent aux grands équipements de fonctionner. Sur les 404 millions d'euros prévus dans la LPM pour l'armée de terre, seuls 52 millions ont été à ce jour dépensés. Cela concerne notamment les munitions, qu'elles soient de combat ou d'entraînement.

Il a par ailleurs souhaité évoquer la situation des OPEX. L'Union européenne a décidé d'envoyer très prochainement des troupes à l'est du Tchad, où la situation et le nombre des déplacés sont préoccupants et créent des déséquilibres très graves. Dans quelles conditions les troupes françaises seront-elles déployées ? Quelles missions leur seront dévolues ? Les moyens de l'opération Épervier seront-ils mobilisés ? Quelles sont les difficultés rencontrées pour obtenir les effectifs nécessaires auprès de nos partenaires européens ? Cette opération aura sans doute une influence négative sur les capacités opérationnelles de l'armée de terre, déjà assez malmenée. En outre, le surcoût sera forcément important, alors que les crédits de fonctionnement de l'armée de terre accusent un recul. Elle devra donc accomplir de nouveaux sacrifices, qui toucheront l'entraînement et risquent de remettre en question le respect de l'objectif de 100 jours d'entraînement par an, essentiel pour l'efficacité et la sécurité de nos troupes déployées à l'extérieur.

Le ministre a confirmé l'importance majeure des programmes de cohérence opérationnelle, qui conditionnent la vie quotidienne des militaires dans leur activité opérationnelle. La revue des programmes d'armement se penche sur l'intégralité de la nomenclature des programmes, y compris les centaines de petits programmes de cohérence opérationnelle. Il n'est pas question de doter les armées de magnifiques matériels qu'elles seraient dans l'incapacité de faire fonctionner faute de ces équipements d'accompagnement, au risque de surcroît de devoir réaliser des programmes coûteux dans l'urgence en fonction des besoins opérationnels.

Lors de la réunion des ministres de la défense de l'Union européenne de ce week-end, la France s'est efforcée de convaincre un certain nombre de ses partenaires de participer à l'opération envisagée au Tchad et en république Centrafricaine. La France et le Royaume-Uni ont présenté la résolution 1778 au nom de l'Union européenne devant le Conseil de sécurité des Nations unies et elle a été adoptée à l'unanimité. La communauté internationale a donc confié à l'Europe une mission majeure qui requiert de 3 000 à 4 000 hommes sur le terrain. Des hésitations ou des atermoiements sur la constitution de la force constitueraient un message d'impuissance terrible en direction de la communauté internationale. Les Français devraient être environ 1 500, les Suédois 150, les Irlandais 300 à 400, les Roumains 50, les Polonais 300, les Allemands et les Italiens mettraient quelques officiers à disposition, tandis que les Espagnols fourniraient deux avions de transport Casa et les Roumains des hélicoptères. Les pays baltes sont également intéressés par cette mission de la PESD. Le commandement pourrait être confié à l'Irlande. Pour 2008, il est prévu quatre-vingt-seize jours d' activité par homme, 160 heures de vol par pilote d'hélicoptère, comme les années antérieures et le budget d d'entraînement de l'armée de terre sera en hausse de 0,8 % et non en baisse.

PermalienPhoto de François Lamy

a estimé qu'un meilleur contrôle parlementaire peut également renforcer l'action de l'exécutif. Tous les effectifs énumérés par le ministre à propos de l'intervention au Tchad étaient annoncés dans Le Monde la semaine dernière. Il est même arrivé que Paris Match publie le récit de l'activité des membres des forces spéciales en Afghanistan alors que la commission s'entendait dire qu'aucun militaire français ne combattait sur le terrain dans ce pays.

Le projet de budget 2008 de la défense est-il sincère ? Ne sera-t-il pas revu à la baisse en cours d'exécution ?

PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

a relevé les particularités de l'élaboration du projet de budget 2008 : la revue des programmes n'est pas achevée ; le projet de budget n'en est pas la déclinaison ; aucun de ces deux exercices n'est en cohérence avec les orientations d'un Livre blanc dont la rédaction est en cours.

Dans La Tribune du 14 septembre 2007, le ministre de la défense a évoqué la « bosse » budgétaire : entre les engagements pris et les capacités de financement mobilisées, il manque 5 à 6 milliards d'euros par an pour tenir la future LPM, ce qui signifie qu'une hausse de 30 % par an du titre 5 serait nécessaire. Or celui-ci, dans le projet de budget 2008, ne progresse que de 0,8 %. Il manque donc 29 %. Quels programmes sont menacés ? Qu'en est-il du Rafale ? Au cours de la législature précédente, des programmes marine ont été lancés alors qu'ils ne figuraient pas dans la LPM, d'autres ont été engagés alors qu'ils étaient simplement profilés dans la LPM, d'autres encore, qui étaient initialement certains, ont été annoncés en fin de LPM, comme celui du Barracuda. Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne ces programmes ? Quels arbitrages se profilent ?

Le ministre a assuré que le projet de budget est sincère, sincérité qui conduit à reconnaître, sans dissimulation derrière les habituelles mesures de périmètre, un manque de 250 millions d'euros pour respecter pleinement la LPM. Des arbitrages qui n'étaient pas gagnés d'avance ont tout de même permis de lever la mise en réserve de 1,15 milliard d'euros et de financer la totalité des OPEX ainsi que treize dix-neuvièmes des FREMM. Il n'empêche que des mesures de régulation budgétaire interviendront probablement, comme chaque année.

Le budget 2008 est un budget de conclusion et de transition : il a été conçu sous l'empire de la précédente LPM tout en anticipant les réorientations qui interviendront à partir de 2009.

La bosse n'apparaît qu'à partir de 2009 puisque les besoins de paiement établis par la version actualisée du référentiel (VAR) s'établiront à 19,1 milliards d'euros en 2009, à 21,4 milliards d'euros en 2010, à 22,2 milliards d'euros en 2011 et à 23 milliards d'euros en 2012. La moyenne annuelle se situera donc autour de 40 % d'augmentation sur toute la durée de la future LPM. Si la France connaît une croissance exceptionnelle, ce que chacun souhaite, elle pourra affecter des excédents budgétaires à sa défense. La défense a un prix mais, pour conserver son rang sur la scène internationale, un pays doit pouvoir s'appuyer sur une armée crédible.

La revue des programmes d'armement recherche cependant les économies potentielles, notamment en raisonnant davantage en interarmées. Les besoins en moyens aériens de l'aéronavale et de l'armée de l'air sont similaires car elles sont appelées à mener les mêmes opérations. De même, les flottes d'hélicoptères de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la marine doivent pouvoir être utilisées de façon plus coordonnée et l'état-major des armées conduit une réflexion sur la mutualisation des flottes. Certains programmes subiront des coupes, d'autres seront lancés en fonction des besoins opérationnels et des conclusions du Livre blanc, mais, à ce stade de l'exercice, il est impossible de le savoir avec précision. En tout état de cause, les allégations récemment publiées sur un arbitrage définitif concernant le nombre de FREMM sont absolument dénuées de tout fondement.

PermalienPhoto de Yves Fromion

a fait valoir que, même si des lacunes demeurent, la majorité, après cinq ans, peut faire état d'un bilan des plus honorables : la réputation et la crédibilité de l'instrument de défense français ont été rétablies et sont incontestables.

Dans les documents budgétaires, il apparaît que les crédits de recherche, qui ont très nettement augmenté depuis cinq ans, ne sont pas en recul ni en stagnation mais que leur progression ralentit, alors que l'objectif fixé était de tendre vers un milliard d'euros. Or, il est regrettable qu'un discours sur la trop grande sophistication de nos matériels se développe. La maîtrise des hautes technologies est vitale pour nos industries de défense et pour les forces armées, dans un souci d'interopérabilité avec nos partenaires et, plus généralement, de crédibilité de la dissuasion.

PermalienPhoto de Christian Ménard

a fait part du mécontentement croissant des gendarmes qui jugent que leur situation est désavantageuse : ils sont moins rémunérés que les policiers, pour des horaires supérieurs.

Le ministre a expliqué que la première tranche de mesures catégorielles en faveur des gendarmes s'applique aux catégories dont les statuts particuliers ne requièrent pas de modification. Mais l'ensemble des propositions contenues dans les conclusions du rapport du HCECM ont été retenues, ce qui représente quelque 45 millions d'euros pour les militaires et gendarmes jusqu'au grade de sergent. Cela permettra d'arriver à une parité globale entre gendarmerie et police. Le ministère de la défense se refuse néanmoins à prendre d'autres mesures particulières pour la gendarmerie afin de ne pas créer de fracture au sein des armées et de ne pas remettre en cause son statut militaire. A moins que la République française ne considère un jour qu'elle n'a plus besoin de deux forces de sécurité intérieure, ce qui serait une erreur. L'effort engagé est important et il faut aussi tenir compte du PAGRE. Quant aux rapports sur l'état du moral de la gendarmerie, ils varient beaucoup d'un département à l'autre.

Le total des crédits de l'agrégat recherche et développement s'élèveront à 3,62 milliards d'euros contre 3,45 milliards en 2007, mais il est vrai que les études amont subiront une légère baisse des crédits. Il faut pourtant leur attribuer un maximum de moyens pour maintenir les compétences, le savoir-faire et l'avance technologique de la France. Il est d'ailleurs possible d'envisager un investissement plus important dans ces recherches, quitte à ne pas retenir les spécifications les plus pointues et les plus coûteuses lors du lancement des programmes. Dans le cycle des discussions entre la DGA, les états-majors et les industriels, il serait souhaitable d'examiner si certaines spécifications sont vraiment nécessaires, de façon à parvenir à des cibles satisfaisantes, permettant d'équiper convenablement et rapidement les forces tout en maintenant les compétences des équipes de chercheurs : l'enjeu est de concevoir des armements parfaitement opérationnels mais sans atteindre le niveau extrême de la sophistication technologique, qui coûte parfois à lui seul 25 à 30 % du programme.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

a demandé des précisions sur le programme Rafale, les différentes récentes annonces ayant quelque peu obscurci les perspectives, ainsi que sur l'A400M et les drones, les efforts réalisés pour ces derniers n'étant pas au niveau des besoins.

PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

s'est interrogée sur l'annonce par le journal Ouest France du 1er septembre de l'abandon de la deuxième tranche de FREMM.

Le ministre a répété que cette information, tirée d'un blog, est erronée.

En quoi consiste une revue de programmes ? Il s'agit de prendre chaque programme et de faire le point sur les dépenses déjà engagées, celles à venir, la cible, le début des commandes, le début des livraisons et les clauses de dédit. Ensuite, à partir d'hypothèses de réductions de volume ou de cadencement, on évalue les économies qui pourraient être accomplies. Ce travail en quelque sorte radiographique permettra ultérieurement les arbitrages en conseil de défense, en fonction des priorités fixées dans le Livre blanc.

Les commandes et les livraisons de Rafale sont parfaitement conformes aux prévisions de la LPM.

L'A400M subit quelques difficultés de mise au point et M. Louis Gallois espère que le retard sera inférieur à un an.

PermalienPhoto de Michel Voisin

a observé que les crédits consacrés à la défense représentent presque 1,7 % du PIB alors qu'un taux de 2 % serait nécessaire. Qu'attend le Gouvernement pour prendre cette décision ? Il faut tenir un discours de vérité et éviter de recourir aux artifices utilisés par tous les gouvernements depuis vingt ans.

Le ministre a suggéré que les parlementaires inscrivent cette mesure – qui coûterait 6 milliards d'euros, c'est-à-dire l'équivalent du budget de la justice – dans la LPM ou en discutent avec le Président de la République et le Premier ministre.

PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

a craint que la revue de programme en cours, le budget 2008 et les décisions qui interviendront dans les prochains mois n'anticipent sur la réflexion stratégique du Livre blanc. Au-delà des quatre sièges concédés aux parlementaires dans la commission du Livre blanc, comment les commissions de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat peuvent-elles être associées à ce travail fondamental, qui se traduira par une nouvelle programmation ? Le coeur de la réflexion doit être le Livre blanc et la revue de programmes ne doit servir qu'à éclairer cet exercice.

Pour le Rafale, les prévisions sont tenues, prétend le Gouvernement. Mais la commande de huit exemplaires constitue la simple correction de l'accord dit « feuille de route » d'octobre 2006. Combien de Rafale seront commandés en 2009 ? L'affichage de la quatrième commande de soixante appareils sera stratégique, à double titre : parce qu'elle sera globale et parce qu'elle marquera le passage au standard F3.

Les 3 milliards d'euros du PA2 correspondent-ils à des autorisations d'engagement ou à une provision d'autorisations d'engagement ?

Des quotidiens régionaux ont aussi évoqué des fermetures de bases et des dissolutions de régiments. Il s'agit d'un véritable sujet de réflexion dans le cadre du Livre blanc et de la future LPM. Mais il est nécessaire de rappeler qu'aucune décision n'est prise et que la représentation nationale doit pouvoir se prononcer, y compris sur les conséquences territoriales de telles mesures.

Le ministre a acquiescé : le Livre blanc sera le point de départ de la réflexion ; la revue de programmes n'engage, quant à elle, aucune décision.

Les commandes de Rafale correspondent effectivement à un rattrapage, ce qui n'est déjà pas si mal.

Des dispositifs complémentaires d'accompagnement social devront être mis en oeuvre parallèlement aux réorganisations territoriales. Les militaires et les états-majors souhaitent voir leur ministère se réorganiser, se rationaliser et s'interarmiser. En revanche, ils n'accepteront pas que les mesures de réorganisation territoriale soient menées dans le seul souci d'aménagement du territoire et non pas en fonction de l'impératif opérationnel, car cela reviendrait à sacrifier l'efficacité des armées pour des considérations politiques.

Le projet de budget contient bien 3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement au titre du PA2 mais on peut parler de provision dans la mesure où la décision de construire ce bâtiment n'a pas encore été prise.

Le président Guy Teissier a observé que les parlementaires seront associés pour la première fois à l'élaboration d'un Livre blanc, ce qui constitue une véritable avancée. Plusieurs chantiers s'annoncent : l'examen du budget et la LPM. Compte tenu de la complexité des travaux de rédaction du Livre blanc, les membres de la commission de la défense ne pourront pas le suivre au même rythme mais des réunions pourront être organisées au sein de la commission, à partir de fin novembre, sur différents thèmes, permettant ainsi aux députés membres de la commission du Livre blanc d'être les porte-parole de leurs collègues.

PermalienPhoto de Michel Sainte-Marie

a évoqué les difficultés du programme spatial Galileo, qui sont certes d'ordre financier mais tiennent également à la concurrence du programme chinois Compass, qui utilise la même bande de fréquence que le signal de précision PRS, ce qui est lourd de conséquences pour les applications de sécurité militaire. Quelle est l'analyse du Gouvernement sur ce dossier ?

Le programme MUSIS (Multinational Spacebased Imaging System) en cours d'élaboration doit assurer la succession d'Helios II à l'horizon 2015. Or, les crédits prévus pour l'espace diminueront sensiblement en 2008. La France ne risque-t-elle pas de perdre temporairement des capacités en matière de renseignement image satellitaire lorsque Hélios II arrivera en fin de vie ?

Le ministre a rappelé que la proposition française consistait à consacrer une partie des crédits de la politique agricole commune à un grand programme d'équipement de haute technologie, Galileo, et a regretté que les Allemands, pourtant critiques sur la PAC, s'opposent à ce financement. Au demeurant, Galileo est un programme civil, même si son effet sur les capacités militaires est indéniable.

Le programme MUSIS sera lancé à temps pour assurer la succession d'Hélios. La France souhaiterait la mise en oeuvre d'un grand programme spatial européen et, lors de la présidence française de l'Union, elle proposera un rapprochement des politiques spatiales nationales.

Le président Guy Teissier a souligné l'importance de ce domaine pour l'indépendance de la France : si la France abandonne ses savoir-faire, elle souffrira d'un déficit capacitaire aux alentours de 2015.

PermalienPhoto de Michel Grall

a noté que le ministère de la défense passe les deux tiers des marchés publics de l'État. La France a besoin de ses grands groupes internationaux mais aussi d'un tissu de PME diversifiées et indépendantes. Le ministère prévoit-il de développer des mesures de soutien aux PME ?

Le ministre a indiqué que sa rencontre avec une vingtaine de dirigeants de PME représentatives lui a permis de mieux comprendre leurs difficultés et leurs attentes. Trois sujets sont apparus prioritaires : les délais de paiement des grands donneurs d'ordres ; l'accès aux études amont, notamment aux PEA, pour lequel la DGA ne joue pas toujours le jeu ; l'accès direct à la commande publique, sans être obligé d'intervenir comme sous-traitant d'un grand donneur d'ordres. Trois groupes de travail ont donc été créés et rendront leurs conclusions en fin d'année.

PermalienPhoto de Alain Rousset

a demandé si le ministère, dans le cadre de sa revue de programmes, déterminera une liste des technologies critiques dont la France souhaite conserver la maîtrise, notamment dans les domaines de la propulsion, des systèmes embarqués ou des matériaux. Cela fournirait un éclairage à quinze ou vingt ans sur les stratégies de capacités de la défense nationale. Un véritable problème de stratégie industrielle et technologique se pose dans ce domaine, alors même que des pays comme l'Italie et l'Espagne mènent une politique très volontariste pour acquérir des savoirs de pointe.

La France est en train de perdre sa compétence sur les matériaux composites, au bénéfice de l'Espagne, et un risque similaire pèse sur la propulsion nucléaire, le spatial et bien d'autres domaines ayant des retombées civiles. Cela tient aux modalités de la commande publique mais aussi à la structuration de l'appareil industriel : les PME françaises ne possèdent pas la taille critique nécessaire pour faire face à la commande des donneurs d'ordres. La PME moyenne, avec ses trente-cinq ou ses cinquante-cinq salariés, est incapable d'accéder à la commande publique, de supporter des tensions de paiement ou de livraisons de pièce et surtout de faire face au partage des risques. Il est urgent que la DGA fasse des efforts en la matière et que le processus de restructuration de l'industrie civile et militaire française s'accélère, ce qui renvoie à la faiblesse du dispositif étatique d'appui aux fonds propres. Ensuite, les régions assureront le relais pour tisser les liens nécessaires avec les PME.

Un programme militaire ne peut plus être conçu sans une réflexion sur sa déconstruction, sans une intégration de la dimension du développement durable. Ainsi, on ne sait pas désintégrer les matériaux composites : après avoir été utilisés deux ou trois fois, ils s'empilent sur un site du nord de la France. Un effort de recherche s'impose donc.

Plus généralement, une réflexion doit être menée au sujet de l'industrie duale, comme cela se fait aux Etats-Unis. Désormais, c'est davantage le secteur civil qui tire le secteur militaire.

Le ministre a indiqué qu'un des groupes de travail de la commission du Livre blanc travaille sur les technologies et les compétences stratégiques. La taille des lots des appels d'offres peut aussi conduire à évincer des entreprises ; il suffirait de constituer des « briques » plus réduites pour que des PME puissent faire acte de candidature, mais cela suppose un changement de culture de la DGA et des grands donneurs d'ordres.

PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

s'est enquis de l'état d'avancement de l'interarmisation du soutien logistique, à l'instar de ce qui a été réalisé en Grande-Bretagne ou en Allemagne.

Le ministre a répondu que ce travail est en cours et que certains résultats ont déjà été obtenus, comme en témoigne la création du SIAé. C'est l'un des secteurs clés ou l'interarmisation et les économies sont possibles sans affecter la capacité opérationnelle des armées.

Information relative à la commission