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Nicolas Dupont-Aignan
Question N° 67546 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 22 décembre 2009

M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le secret concernant les négociations autour de l'accord commercial anti-contrefaçon, en anglais anti-counterfeiting trade agreement ou ACTA. En effet, depuis des mois, des discussions sont entamées par l'Union européenne avec plusieurs États, dont les États-unis, afin d'aboutir à un accord sur les droits de propriété intellectuelle. Or toutes les demandes faites dans le but de lever le mystère autour de ce que ce texte pourrait contenir se sont toutes soldées par des échecs. Le Conseil de l'Union européenne a même répondu à une de ces requêtes en expliquant que la diffusion de documents relatifs à cette négociation pourrait en « entraver le bon déroulement ». Toutefois seul le grand public semble tenu à l'écart de ces informations car, à la lumière de ce qui se passe habituellement pour ce type de texte, il est fortement improbable que les industries intéressées par les droits de propriétés intellectuelles ne soient pas au courant de son contenu. On l'a vu par le passé, notamment pour les traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI-WIPO) ces industries sont, en règle générale, les initiatrices de ce type de discussions internationales et sont toujours les rédactrices de ces traités. Or l'opacité totale qui caractérise cette rédaction laisse la place à de nombreuses interrogations. Ces accords seront-ils respectueux des libertés individuelles ? En effet, selon certaines sources, ce traité de droit commercial aurait pour objet d'établir des normes en matière de droit pénal au mépris de la souveraineté judiciaire des nations concernées. Ces accords visent-ils à instituer la riposte graduée, au niveau international, et ce malgré les nombreux votes du Parlement européen hostiles à de telles mesures, et aussi malgré la récente décision du Conseil constitutionnel reconnaissant l'accès à Internet comme étant un élément essentiel pour l'exercice de la liberté d'expression ? Ces accords concernent-ils les médicaments distribués à bas prix à leurs populations par des gouvernements de pays du tiers-monde ? Selon l'ONG Oxfam international il s'agirait dans l'ACTA de généraliser le blocage de médicaments génériques transitant par les pays riches. Ces médicaments, majoritairement produits par l'Inde et destinés aux populations africaines et latino-américaines, font régulièrement l'objet de saisies par les douanes européennes lorsqu'ils transitent sur notre sol. Or il semblerait que les négociateurs européens auraient reçu mandat afin que le traité soit orienté de façon à généraliser les mesures de blocage au niveau de tous les pays signataires qui seront majoritairement les pays riches par lesquels transite la quasi-totalité des marchandises du monde, ce qui aura pour effet immédiat de menacer la santé et donc la vie de millions de patients dans les pays pauvres. Ces accords sont-ils rédigés en grande partie sous la dictée des États-unis, comme cela a été le cas pour les traités OMPI-WIPO ? Toutes les questions qui pourraient être posées à propos de la nature de ce texte restent en suspens, même si toutefois, la confidentialité qui entoure l'ACTA en dit long, à la fois sur ce qu'il devrait contenir, mais aussi sur la qualité du processus démocratique en matière de négociations commerciales internationales. Afin de rétablir la normalité en termes de contrôle démocratique sur un accord qui va servir de base législative en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle, il lui demande de bien vouloir, d'une part, lui indiquer les mesures qu'il compte prendre afin que tout ce qui concerne l'élaboration de l'ACTA soit librement accessible à nos concitoyens et, d'autre part, de lui indiquer la position de la France sur ce dossier.

Réponse émise le 27 décembre 2011

Le marché parallèle de la contrefaçon et du piratage représente 200 Md$ de revenus annuels pour le seul commerce international des marchandises, selon les estimations de l'OCDE. Cette activité illicite est en constante progression : le nombre de procédures douanières anticontrefaçon au sein de l'Union européenne a été multiplié par sept entre 2000 et 2007, passant de 6 000 à 43 000. Le développement de la contrefaçon et du piratage est stimulé par la croissance du commerce mondial, le développement de zones franches et l'essor d'Internet. Ce phénomène touche non seulement le secteur du luxe, l'industrie du film et de la musique, mais également la quasi-totalité des produits de consommation courante. Il contribue à supprimer plus de 100 000 emplois en Europe. La France, pour sa part, enregistrerait chaque année un manque à gagner de plus de 6 Mdeuros, selon l'Union des fabricants. L'Asie est la principale zone de production des produits de contrefaçon : 63 % des articles saisis dans l'UE en 2007 provenaient de ce continent, avec une très nette prédominance de la Chine. Plusieurs pays sont, par ailleurs, d'importants territoires de transit de contrefaçons (Hongkong, Émirats arabes unis, Turquie, en particulier). Les produits de contrefaçon représentent un danger important pour la santé et la sécurité des consommateurs, en particulier lorsqu'ils concernent l'appareillage électrique domestique, les pièces détachées automobiles, les jouets et les médicaments. La France est impliquée depuis de nombreuses années dans la lutte contre la contrefaçon. Outre un cadre législatif sophistiqué (système de saisies, compétence des douanes et mise en place récente de la réponse graduée pour lutter contre les téléchargements illicites), dès 2004, elle a proposé une approche novatrice de la lutte contre la contrefaçon, en considérant, à la fois, l'offre et la demande de contrefaçon. Plusieurs campagnes de sensibilisation visant à responsabiliser les consommateurs ont ainsi été engagées. C'est dans ce contexte que la France a participé à la négociation du projet d'accord commercial plurilatéral sur la contrefaçon (Anti-Counterfeiting Trade Agreement [ACTA]). Il a pour objet de renforcer les outils, notamment ceux à la disposition des douanes, pour lutter contre la contrefaçon, y compris celle qui concerne les médicaments et qui représente un réel danger pour la santé publique, notamment dans les pays en voie de développement. La proposition nippo-américaine d'accord plurilatéral sur la contrefaçon, ACTA, s'inspire d'un projet porté initialement par le Japon au sommet du G8 de Gleneagles (juillet 2005). Initiée de façon informelle en juillet 2006, la négociation n'a réellement débuté qu'en juin 2008. Interrompue dans l'attente de la mise en place de l'administration Obama, la négociation a été relancée en juin 2009. Les pays participants sont l'Australie, le Canada, le Japon, le Mexique, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée, Singapour, la Suisse, l'Union européenne et les vingt-sept États membres et les États-Unis. La onzième session de négociation, à Tokyo (du 23 septembre au 2 octobre 2010), a permis d'aboutir à un consensus. L'accord, une fois finalisé, sera ouvert à d'autres pays. Le projet d'accord vise à définir des procédures efficaces pour l'application des droits de propriété intellectuelle existants - il ne crée ni ne modifie les droits eux-mêmes. Il comporte trois volets : la coopération internationale, le cadre général pour les usages en matière d'application des droits (par exemple, l'échange d'information et les bonnes pratiques) et le cadre juridique d'application des droits (mesures civiles, pénales, aux frontières et environnement numérique). Les produits licites, tels que les génériques, ne sont évidemment pas visés par ce projet. L'accès à des médicaments de qualité est en effet une priorité de la France, qui s'efforce de mobiliser la communauté internationale sur ce sujet au moyen de son action à l'OMS et de son réseau d'attachés techniques implantés dans le monde. La France a également soutenu la création d'une communauté de brevet par UNITAID, qui vise à faciliter l'échange de licences de brevets sur les antirétroviraux. Pour l'Union européenne, la négociation est menée par la Commission européenne en vertu d'un mandat adopté par le Conseil le 14 avril 2008. Les États membres ont été associés à la préparation des positions, particulièrement pour les mesures touchant aux sanctions pénales, qui ne sont pas harmonisées au niveau communautaire. La France est sensible aux interrogations soulevées par la société civile sur la question de la transparence. Elle est d'ailleurs intervenue en ce sens dès janvier 2010, en demandant à la Commission la publication du texte en négociation. La décision de publication, qui devait faire l'objet d'un accord entre toutes les parties à la négociation, a été prise lors de la session de Wellington, en avril 2010. Le texte a été publié sur le site internet de la Commission européenne pour la première fois le 21 avril 2010. Plusieurs réunions ont par ailleurs été organisées dès 2010 par les ministères techniques compétents afin de répondre aux interrogations et préoccupations de la société civile. En outre, la Commission européenne informe régulièrement le Parlement européen et le Conseil. Lors des consultations ouvertes à toutes les parties intéressées, des réponses substantielles ont été apportées à toutes les questions soulevées. Le moment venu, le processus de ratification impliquera les parlementaires français en raison de la nature mixte de ce projet, qui relève de la compétence à la fois communautaire et nationale.

1 commentaire :

Le 26/12/2009 à 16:37, Rezo a dit :

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Excellente queston dont j'attends avec impatience la réponse. Il est hallucinant qu'un a tel accord soit discuté dans l'ombre sans aucune transparence démocratique alors qu'il dictera au monde entier l'avenir en matière de propriété intellectuelle...

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