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Marie-George Buffet
Question N° 97298 au Ministère du Travail


Question soumise le 28 décembre 2010

Mme Marie-George Buffet appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur les conclusions 2010 du Comité européen des droits sociaux sur l'application par la France de la charte sociale européenne révisée. Le rapport 2010 du CEDS a porté sur le droit du travail, et notamment sur les conditions de travail et de rémunération des travailleurs, mais aussi sur leurs droits syndicaux, de négociation et d'information. Sur plusieurs points, le droit du travail français est en-deçà des garanties minimales de la charte. Ainsi, « la durée hebdomadaire du travail autorité pour les cadres soumis au forfait annuel en jours est excessive et les garanties juridiques offertes par le système de conventions collectives sont insuffisantes ». Les heures de travail effectuées par les salariés soumis à un tel forfait « sont anormalement élevées ». De même, les astreintes durant lesquelles aucun travail effectif n'est réalisé sont, à tort, assimilées à des périodes de repos. Le droit au report de congé payé annuel en cas de maladie ou d'accident n'est pas garanti. En ce qui concerne les droits salariaux, il est constaté que le délai de préavis de deux mois « n'est pas un délai [...] raisonnable pour les employés avec plus de quinze ans d'ancienneté ». La règle établissant une retenue de 1/30e du salaires pour les fonctionnaires d'État en cas de grève, en outre, « pourrait dissuader les intéressés de prendre part à une grève », ce qui est contraire à la charte et à notre propre Constitution, en théorie garante du droit de grève. La position du CEDS n'est pas nouvelle. Aussi, elle demande si le Gouvernement entend régulariser sa situation rapidement, où s'il attend que se développe une jurisprudence appuyée sur les conclusions du comité. Elle demande quand le Gouvernement reviendra sur les lois antisociales qui ont conduit à cette situation.

Réponse émise le 4 octobre 2011

Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux conclusions 2010 du Comité européen des droits sociaux (CEDS) qui constate que la législation de la France n'est pas conforme aux dispositions de la charte sociale européenne révisée en matière de forfaits en jours, d'astreintes, de report des congés payés, de retenue d'un trentième indivisible en cas de grève et, enfin, de préavis applicable en matière de licenciement. S'agissant du forfait en jours, l'idée qui inspire ce dispositif est qu'un cadre, à la condition qu'il soit réellement autonome dans l'organisation de son emploi du temps, ne peut prédéterminer son temps de travail : la loi française a donc prévu que son temps de travail est décompté en jours et non en heures. S'il en résulte que les durées maximales de travail ne lui sont pas applicables, plusieurs garde-fous assurent une limitation de ses heures de travail et lui garantissent une protection effective de sa santé : une protection légale tout d'abord, le code du travail assurant au salarié en forfait-jours le bénéficie du repos quotidien de 11 heures et du repos hebdomadaire de 35 heures ; des garanties conventionnelles très souvent, de nombreux accords de branche ou d'entreprise ayant été signés (notamment depuis la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail) pour encadrer ce dispositif. Il convient par ailleurs de signaler que la conformité du cadre juridique français à la directive « temps de travail » en matière de temps de travail des cadres n'est pas un point qui fait débat ni devant la Commission européenne, ni devant la Cour de justice de l'Union européenne. S'agissant du régime des astreintes, plusieurs garanties encadrent également le recours à ce dispositif : tenant compte du fait que l'astreinte est une sujétion pour le salarié, la circulaire DRT n° 6 du 14 avril 2003 rappelle que le salarié ne peut être placé de façon trop fréquente dans cette position ; si l'astreinte a été mise en place conventionnellement, l'employeur ne peut pas s'exonérer des modalités d'organisation et de la limitation de la fréquence des astreintes prévues par l'accord collectif ; en cas d'intervention pendant la période d'astreinte, si l'astreinte est prise en compte pour le calcul des périodes minimales de repos quotidien et hebdomadaire, le repos intégral doit être donné à compter de la fin de l'intervention, sauf si le salarié en a déjà bénéficié entièrement. Il convient également de préciser que, parallèlement à la procédure des rapports annuels, le CEDS a été saisi de réclamations collectives de la CGT et de la CFE-CGC sur la question du temps de travail des salariés en forfait-jours et des astreintes. Le comité des ministres, qui intervient dans la phase finale du mécanisme de contrôle de la bonne application de la charte, n'a pas jugé utile d'adresser de recommandation à la France. Cette position apparaît fondée au regard des garanties susmentionnées dont sont assortis les forfaits en jours et les astreintes. S'agissant du droit au report des congés payés, l'article L. 3141-2 du code du travail reconnaît aux salariés de retour d'un congé de maternité ou d'un congé d'adoption le droit de prétendre à leur congé payé annuel, quelle que soit la période de congé payé retenue pour le personnel de l'entreprise. Le Gouvernement a engagé une réflexion sur l'extension de cette solution aux salariés absents pour maladie ou accident avec une exigence : évaluer précisément l'impact d'une telle mesure sur le fonctionnement des entreprises, notamment en matière d'organisation des départs en congés et de paramétrage des logiciels de paie. Si la réglementation devait évoluer, une période de transition serait prévue pour en permettre l'application dans des conditions satisfaisantes. S'agissant de la retenue d'un trentième indivisible en cas de grève, il s'agit d'un principe ancien qui a été consacré par le statut général des fonctionnaires. La règle de la retenue en l'absence de service fait est en effet prévue par l'article 4, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1961 portant loi de finances rectificative pour 1961 et par le décret n° 62-765 du 6 juillet 1962. Cette loi dispose qu'il y a absence de service fait lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de service, ou lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction. Le Conseil d'État a constamment appliqué ce cadre juridique en cas de contentieux lié à des périodes de grève (par exemple : CE, 27 juin 2008, n° 305350, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi). L'exigence préalable de service fait avant rémunération est par ailleurs consacrée à l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, dite « loi Le Pors », comme un élément fondamental de l'équilibre entre les droits et obligations du fonctionnaire. Force est de constater que cette règle ancienne n'a pas empêché l'exercice légitime du droit de grève par les fonctionnaires en France. S'agissant, enfin, du délai de préavis applicable en cas de licenciement, le code du travail (art. L. 1234-2) prévoit une durée minimale de deux mois lorsque l'ancienneté du salarié est supérieure à deux ans. Ce même article précise que cette durée minimale n'est applicable qu'à défaut de loi, de contrat de travail, de convention ou accord collectif de travail ou d'usages conduisant à un préavis ou à une condition d'ancienneté plus favorable au salarié. De fait, de nombreuses conventions collectives prévoient des durées de préavis plus élevées, surtout pour des catégories supérieures d'emploi. Il n'apparaît donc pas nécessaire, sur ce sujet, d'encadrer encore plus la négociation sociale.

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