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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 28 avril 2009 à 15h00
Lutte contre l'inceste sur les mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si toute maltraitance, toute violence à rencontre d'un mineur est par essence odieuse et condamnable, l'inceste procède pour sa part d'un interdit majeur et d'un tabou universel qui nous interdit de nous abstenir. En constituant l'une des formes les plus tragiques des mauvais traitements infligés aux mineurs, il remet en cause d'une manière absolue les droits de l'enfant, qui sera demain le dépositaire de notre avenir, mais aussi l'institution familiale elle-même, c'est-à-dire le lieu où se transmettent les valeurs fondamentales de notre société.

L'inceste, l'abus sexuel perpétré au sein de la structure familiale, n'a pourtant pas disparu de nos sociétés ainsi que nous le démontrent de manière régulière certaines affaires particulièrement choquantes et dramatiques. Si les statistiques manquent pour appréhender avec précision l'ampleur de ce phénomène, il ressort d'une enquête réalisée en janvier dernier que 3 % des personnes interrogées déclarent avoir été victimes d'inceste, résultat qui, rapporté à l'ensemble de la population française, représente le chiffre considérable de deux millions de victimes.

En l'état actuel de notre droit, si le terme d'inceste, qui recouvre une notion au carrefour de l'anthropologie, de la sociologie et de la morale, n'est pas repris au sein du code pénal, sa répression est permise par ses articles traitant des viols, agressions et atteintes sexuelles, le fait pour l'agresseur d'être l'ascendant de sa victime ou d'exercer une relation d'autorité sur celle-ci figurant au nombre des circonstances aggravantes. Pour autant, l'absence d'incrimination de l'inceste pèse lourdement sur les victimes et nourrit leur sentiment de ne pas être reconnues de manière spécifique.

Plus choquant encore est le débat, auquel sont tenues de se livrer les juridictions pénales, autour du consentement de la victime d'un viol incestueux. En effet, afin de prouver qu'il a été victime d'un viol ou d'une agression sexuelle, un mineur doit être en mesure d'apporter la preuve que le rapport a eu lieu sous la contrainte, la violence, la menace ou la surprise. Si plusieurs tribunaux, au nom du bon sens, ont tenté de déduire de l'âge de la victime et du lien qui l'unissait à son agresseur la preuve de la surprise ou de la contrainte caractérisant le rapport sexuel, la Cour de cassation, garante de l'unité de la jurisprudence, a estimé dans deux arrêts, l'un de 1995, l'autre de 1998, qu'un tel raisonnement ne pouvait être juridiquement valide dans la mesure où il confond les éléments constitutifs et les circonstances aggravantes d'un viol et d'une agression sexuelle. En d'autres termes, l'absence d'incrimination d'inceste dans notre code pénal nous conduit aujourd'hui à demander à la petite victime de prouver son non-consentement.

Ainsi, face à la difficulté, compte tenu du puissant tabou qui continue d'entourer l'inceste au sein de la famille, d'établir la preuve de l'absence de consentement, le tribunal a dû requalifier nombre de viols incestueux en « atteintes sexuelles » pour pouvoir les juger, ce qui l'a contraint à sanctionner les agresseurs de manière très insuffisante au regard du crime commis, et à nier la réalité de la souffrance des victimes.

Si de telles conséquences sont évidemment déplorables, le fait de porter la réflexion sur le consentement revient purement et simplement à nier la spécificité du climat qui entoure l'inceste. Or celle-ci est démontrée par le fait que, des années, voire des décennies plus tard, des adultes finissent par poursuivre les auteurs de ces agressions.

C'est pourquoi je tiens à saluer au nom des parlementaires du Nouveau Centre l'initiative de notre collègue Marie-Louise Fort, ainsi que la qualité des travaux qu'elle a menés,…

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