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Intervention de Christian Paul

Réunion du 4 mai 2009 à 16h00
Protection de la création sur internet — Article 1er a, amendement 154

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

De grâce, madame la ministre, cessons de nous lancer des pétitions et des lettres ouvertes au visage : vous en recevez comme nous. J'observe que ce texte n'est pas passé comme une lettre à la poste, comme le prévoyait votre stratégie, puisque vous entendiez le faire adopter en une semaine. Pensez-vous donc que l'on peut ainsi légiférer dans l'urgence, en quelques jours, sur des sujets aussi graves ? Au contraire : nous avons imprimé notre rythme au débat en choisissant de laisser le temps de la réflexion au Parlement, mais aussi aux Français. Ainsi, sur la toile, des milliers d'artistes, qu'ils viennent de la musique ou même, plus récemment – et de manière plus inattendue – du cinéma, s'expriment contre ce projet de loi pour différentes raisons. Je les respecte, comme je respecte le point de vue de chacun dans ce débat.

A propos de points de vue, précisément, j'en viens aux arguments que vous opposez à la contribution créative, qui sont de deux ordres.

Tout d'abord, comme vous venez de le prétendre, la contribution créative, c'est le mal, dites-vous, parce qu'il s'agit d'une régulation publique. Quand Warner ou d'autres – pourquoi pas, demain, la SACEM en France ? – tentent d'instaurer une licence globale privée, vous approuvez, puisqu'elle est d'ordre contractuel. Pourquoi ne pas avoir conclu les accords de l'Élysée autour de la contribution créative ? Voilà qui eût été courageux et digne de la tradition d'exception culturelle française ! Ce ne fut pas votre choix : preuve que vous ne souhaitez pas la régulation.

Au contraire, vous laissez faire – c'est tout l'enjeu de notre débat – cette prise de contrôle sur les canaux de diffusion de la culture. Il n'est que de constater l'action des majors : Warner a été évoquée, mais je rappelle qu'Universal fut le premier groupe, aux Etats-Unis, à mettre son catalogue en ligne avec une rémunération strictement publicitaire ; c'était quelques mois après l'adoption de la loi DADVSI. Ainsi, vous êtes favorables aux dispositifs qui prévoient un prélèvement privé, mais lorsque nous demandons une régulation publique à l'État, vous êtes contre.

Une autre de vos critiques – que l'on entend moins ces temps-ci, peut-être faute d'arguments car, au moins sur ce point, nous vous avons convaincue, sinon confondue – a trait à la répartition. Il va de soi que l'on peut répartir les sommes dont M. Bloche a parlé en présentant son amendement. Elles constitueraient un puissant soutien financier à une filière que vous avez abandonnée, puisque votre budget pour la création musicale, les festivals ou les manifestations culturelles en régions est aujourd'hui exsangue. Au contraire, nous proposons de soutenir la musique, et c'est pourquoi il faut répartir le produit de la contribution créative.

Cette répartition pourrait prendre de multiples formes, comme l'a très bien montré Philippe Aigrain dans son ouvrage Internet et Création, un titre choisi sans abus de langage. D'autres avec lui ont prouvé que l'ont peut, par sondages et autres dispositifs qui, loin d'être intrusifs, ne mettent pas en cause l'anonymat des usagers, procéder aux calculs nécessaires pour identifier les flux de téléchargement et, dès lors, rémunérer les artistes de manière équitable. Voilà l'enjeu du débat ! Il s'agit d'une disposition d'avenir, et même M. Dionis du Séjour, qui fut pourtant un critique exigeant de nos propositions, a indiqué que nous y viendrions bien un jour.

Beaucoup de ceux qui défendent, en apparence, la loi HADOPI admettent qu'il faudra bien finir par mettre en place cette contribution créative. Ce qu'ils espèrent simplement, c'est qu'ils auront le moins possible à donner en contrepartie.

Nous devrions avoir un débat sur ces questions et trouver un accord national. Ce n'est pas la direction qui a été prise avec les accords de l'Élysée, que vous avez conçus uniquement en prenant l'angle répressif, mais il faudra bien, le moment venu, mener une négociation autour de ce nouvel espace de liberté pour la culture pour parvenir à un accord. Ce nouveau contrat culturel est l'objet de cet amendement n° 154 .

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