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Intervention de Michel Françaix

Réunion du 4 mai 2009 à 16h00
Protection de la création sur internet — Article 1er a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Françaix :

Madame la ministre, nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à nous être félicités de l'existence de l'exception culturelle à la française depuis une quarantaine d'années. Cependant cette politique, inaugurée par André Malraux et renouvelée par Jack Lang, est, qu'on le veuille ou non, en fin de cycle aujourd'hui. Une étape s'achève et il nous faut en imaginer une nouvelle, en partant des enjeux de société, des nouvelles pratiques sociales et culturelles. Tel devrait être la tâche du ministre de la culture : faire en sorte de conserver les avantages qui, au plan culturel, ont été acquis depuis quarante ans, tout en les adaptant à la société nouvelle.

J'ai longtemps pensé que seule l'exception culturelle pouvait garantir notre identité, et j'ai agi pour qu'elle soit préservée. Néanmoins, aujourd'hui, cette politique protectionniste, qui fut longtemps efficace et qui permit de contenir les premiers assauts d'une révolution technologique et économique sans précédent, n'est plus adaptée à un monde ouvert aux échanges internationaux et à une évolution technologique que nous ne pouvons arrêter, mais qui peut être une nouvelle chance pour la culture, si nous savons nous y adapter.

L'exception culturelle ne doit pas devenir un piège qui se referme sur ceux qui l'ont créée. Du reste, le changement sémantique – puisque l'on parle désormais de diversité culturelle – traduit une forme de malaise. Notre bel arsenal a vieilli ; il est temps de l'adapter. La question qui se pose n'est pas d'empêcher par tous les moyens le piratage, mais d'encourager, y compris financièrement, la fréquentation des salles obscures, par exemple.

Par ailleurs, cette réflexion ne peut plus se tenir dans un cadre franco-français. La protection des droits est désormais européenne, voire internationale. La France doit cesser de penser sa relation au monde en se référant à l'exemplarité de son modèle culturel. Cette réaction exclusivement défensive face à la mondialisation culturelle est le plus sûr moyen de tout perdre. Les méfiances, les craintes, souvent légitimes, de nombreux acteurs de la culture ne doivent en aucun cas servir à justifier des combats d'arrière-garde et à conforter certaines tendances conservatrices.

Il nous faut penser à nouveau la question de savoir si le principe de la rétribution des auteurs et le mode proportionnel de rétribution sont obligatoirement et indissolublement liés. La rémunération des auteurs peut-elle évoluer ? La protection passe-t-elle obligatoirement et uniquement par le droit d'auteur ? Ne faut-il pas favoriser des taxes sur les supports pour ne pas tarir les ressources de la création ? Tels sont les sujets dont, je l'espère, nous pourrons débattre aujourd'hui. Nous pourrons peut-être éviter ainsi d'assister à une guerre de retard, à une croisade moyenâgeuse, à la fois stérile et infantile, qui cherche à éradiquer des pratiques culturelles de masse devenues irréversibles.

Non seulement ce projet de loi ne résout pas les problèmes du piratage, mais il ne rend pas service à la création. Il est illusoire. Je souhaite que le débat nous permettre d'exposer le projet de société que nous voulons. La loi ne doit pas bloquer, mais s'adapter à des acquis qui répondent à des besoins concrets de notre société. Si nous y parvenons, nos discussions auront été utiles ; si nous assistons à une caricature de débat, nous en resterons au même point, et je ne pourrai que le regretter.

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