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Intervention de Alain Suguenot

Réunion du 4 mai 2009 à 16h00
Protection de la création sur internet — Article 1er a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Suguenot :

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, faire L'Iliade est beaucoup plus beau que prendre Troie.

Par son importance et sa force en symbole, un texte qui concerne la création et Internet demande un consensus. L'échec qui nous réunit ici aujourd'hui montre que le texte, non amendé, n'a pas pu fédérer le consensus qu'appelle un acte législatif aux enjeux de civilisation si considérables.

Madame la ministre, en quoi la loi HADOPI aide-elle la création ? En quoi HADOPI contribue-t-elle à son financement ? En quoi HADOPI respecte-t-elle les libertés individuelles et l'espace privé ? La procédure de la riposte graduée, notamment la suspension de l'accès, est-elle réalisable en toute fiabilité ? Les mutations technologiques ne rendent-elles pas, par avance, la loi obsolète ? La loi HADOPI sera-t-elle compatible avec le droit européen ? Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à nous interroger de bonne foi.

Les accords de l'Élysée ne faisaient pas obstacle à la participation de représentants d'internautes ou de la CNIL à la HADOPI. Le recours à l'amende n'était pas non plus contradictoire avec ces mêmes accords.

Tout comme vous, nous avons cru à la pédagogie. Encore faut-il, pour que nous soyons pédagogues, que le texte soit accepté par le plus grand nombre et, surtout, qu'il soit acceptable.

Nous pensons que le projet de loi peut être amélioré pour éviter des conséquences coupables, comme la sanction de l'internaute innocent ou le traitement différencié des usagers. En l'état, les effets collatéraux de ce texte, s'il n'était pas amendé, seraient considérables.

La récente condamnation du site Pirate bay, en Suède, a abouti au lancement de iPredator, un nouveau réseau crypté et fragmenté dont les fichiers seront partagés par les usagers sans qu'ils puissent en connaître le contenu ni savoir s'ils ont affaire à des fichiers illégaux.

Le projet de loi HADOPI prévoit pourtant que les citoyens seront responsables du contenu de leur disque dur. Si ces pratiques devaient se généraliser, nous risquerions d'entrer dans une forme d'irresponsabilité de masse, avec les dangers que cela entraînerait pour la création et pour les citoyens.

Je faisais partie de ceux qui croyaient qu'un texte sur la création aurait pu nous permettre d'inventer un nouveau modèle économique pour les arts et la culture, adapté à l'univers numérique. Encore faut-il que nous puissions véritablement mener un débat, comme le souhaite Bernard Benhamou, le délégué interministériel aux usages de l'Internet après du ministère de la recherche et du secrétariat d'État à l'économie numérique. Selon lui, la révolution technologique, le streaming et les nouveaux services légaux demandent de l'imagination. Or le texte qui nous est proposé en manque singulièrement alors que notre avenir passe par le développement d'un écosystème favorable à la création, y compris la création de nouveaux services sur Internet.

Les auteurs que l'on prétend vouloir protéger aujourd'hui risquent de faire les frais d'une loi inappropriée, et ils commencent à s'en rendre compte, alors qu'ils n'ont même pas qualité pour agir devant l'HADOPI, ce qui, somme toute, est surprenant.

De nouveaux modèles d'organisation économiques devraient pourtant être mis en place associant l'abonnement et les formules d'achat dans le cadre d'une offre légale beaucoup plus vaste que celle proposée aujourd'hui. Nos amendements en ce sens ont souvent été censurés.

Je crains que cette nouvelle lecture ne bâillonne à nouveau, comme cela fut le cas lors de la discussion générale, plus d'un député sur deux. Il suffirait pourtant de quelques signaux, mais, à défaut, nous nous résignerons à un suicide virtuel en allant télécharger l'oeuvre complète de Mireille Mathieu ou de Demis Roussos.

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