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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 26 septembre 2007 à 15h00
Accord france-canada sur les champs d'hydrocarbures transfrontaliers — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Observons les chiffres mensuels de l'Agence internationale de l'énergie d'un côté, et de l'Energy information administration – qui dépend du département américain de l'énergie – de l'autre : ils indiquent que, depuis mai 2005, la production mondiale de pétrole conventionnel est en baisse, tandis que le total des liquides hydrocarbonés l'est depuis juillet 2006. Est-ce le pic ? Je ne sais pas. Il faudra plusieurs années pour s'en rendre compte. Mais si c'est le cas, le monde va beaucoup changer. Comme le disent certains de nos amis Anglais – y compris au sein du Gouvernement –, il nous faudra alors penser l'impensable.

À ce choc géologique va s'ajouter un choc économique. On parle beaucoup de mondialisation – à laquelle la France est supposée s'adapter. Or quelle est, en valeur et en volume, la marchandise la plus mondialisée ? C'est, de très loin, le pétrole, ressource aujourd'hui la plus précieuse au monde. Le marché du pétrole brasse chaque année des milliers de milliards de dollars – autre chose que des cacahuètes ! C'est la matière première mondialisée par excellence : les réserves sont là-bas, les consommateurs ici. Il ne suffit donc pas d'exploiter les champs, il faut aussi faire venir la production par tanker ou pipeline.

Alors que, depuis un siècle et demi, nous vivions d'un pétrole quasiment gratuit – le prix médian du baril sur la période s'établit à 17 dollars de 2007, autant dire rien –, les prix sont en train de s'envoler. Pendant un siècle et demi, les gloutons, les voraces, c'est-à-dire essentiellement les pays de l'OCDE, ont réclamé sans cesse plus de pétrole, et les robinets ont été largement ouverts. Mais la courbe de l'offre, de la production, de la supply, est en train de décroître, croisant celle de la demande qui, elle, ne cesse de croître. La demande devient structurellement supérieure à l'offre, car aujourd'hui, les gloutons se trouvent aussi en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud. Et il n'y en aura pas assez pour tout le monde, car il se produira alors ce que les Américains, en économie, appellent la destruction de la demande.

Comme vous le savez, la Birmanie connaît ces temps-ci des mouvements sociaux. Ces manifestations ont débuté notamment en raison de la hausse du prix du carburant, que les Birmans, très pauvres, ont de plus en plus de difficultés à se procurer. Il en est de même dans de nombreux pays, où le pétrole est indispensable pour survivre. Dans un village du Burkina Faso, ou du Zimbabwe, la seule manière d'avoir de l'électricité, et donc d'alimenter le dispensaire, le poste de télévision ou l'école, c'est d'utiliser un générateur diesel. Quand vous ne pouvez plus acheter de carburant, vous mourez !

Et ne croyez pas que les prix vont baisser, comme lors du contre-choc en 1986 ! Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 étaient politiques : il s'agissait de savoir qui, de Riyad ou de Houston, prendrait le leadership mondial pour fixer le prix du baril. Mais maintenant que la demande est structurellement supérieure à l'offre, tout cela est terminé.

À ce double choc, géologique et économique, s'en ajoute un troisième, géopolitique, qui différencie également la période que nous vivons de celle des années 70.

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