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Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 26 septembre 2007 à 15h00
Application de l'article 65 de la convention sur les brevets européens — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Moscovici :

C'est exact : dans une hypothèse maximaliste, si une entreprise veut aujourd'hui protéger son brevet dans tous les États membres de l'OEB, elle doit financer vingt-deux traductions pour trente-deux pays en tout. Mais il est aussi exact, comme l'ont affirmé les opposants au Protocole, qu'il s'agit d'économies assez limitées. En effet, les coûts de validation, notamment pour les PME, sont peu élevés : les brevets déposés par les PME comportent en général dix à douze pages, et la validation dans les principaux pays suffit à obtenir de fait un monopole sur l'ensemble de l'Union européenne.

Puisqu'il y a des avantages et des inconvénients, il s'agit, à mon sens, de s'interroger davantage sur les nouveaux coûts introduits sous la forme d'un transfert de la charge financière pour l'obtention de l'information. Aujourd'hui, cette charge incombe au détenteur du brevet. Le Protocole de Londres inverse la situation : ce sont les concurrents du détenteur du brevet qui devront payer pour obtenir l'information sous forme d'une traduction exacte de la description. On voit dès lors qu'il est impossible d'affirmer que « le Protocole de Londres permet de faire des économies », ou au contraire que « le Protocole fait perdre de l'argent ». Objectivement, les deux dynamiques sont en réalité présentes dans le texte. Mais laquelle de ces dynamiques l'emporte sur l'autre ? Et qui en est bénéficiaire ? Pour ce qui est de la première question, il aurait fallu, pour la trancher, procéder à des investigations plus poussées sur ce point, comme l'avait demandé mon groupe ; pour ce qui est de la seconde, il est clair que les dispositions du Protocole de Londres avantagent en premier lieu les grandes entreprises et que le bénéfice pour les PME – certaines d'entre elles l'ont souligné – est moins clair.

Je crois qu'il est néanmoins possible de faire un double pari : d'une part, que l'abaissement des coûts de dépôt d'un brevet encouragera les PME françaises à innover davantage pour se rapprocher du niveau américain et, d'autre part, que l'effet global d'entraînement sur l'économie française sera positif.

Le dernier enjeu est culturel. C'est peut-être l'enjeu essentiel. Avec le Protocole de Londres, les États signataires dont la langue nationale n'est pas l'une des trois langues de l'OEB pourront déposer leurs brevets européens en français. Mais, contrairement aux partisans du Protocole de Londres, je ne suis pas persuadé que ces pays choisiront beaucoup plus le français. J'entends toutefois l'argument selon lequel le texte ne conduira pas à l'abandon du français comme langue de premier dépôt par les entreprises françaises. Je note aussi que le texte confirme l'obligation de traduction des revendications dans les trois langues officielles de l'OEB, dont le français. Je suis sensible, enfin, à l'argument du pire – ce type d'argument compte en politique –, à savoir que sans ratification du Protocole de Londres, les autres États auront toujours la possibilité de se mettre d'accord pour imposer un système de brevet qui serait alors exclusivement fondé sur l'anglais. Sans s'accrocher à un monolinguisme de repli, on peut être attaché à la francophonie et considérer que le texte présente des garanties suffisantes dans ce domaine.

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