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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 12 décembre 2007 à 15h00
Ratification de l'ordonnance du 7 décembre 2006 relative à la valorisation des produits agricoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cela a été dit, nous sommes dans une situation singulière où il nous faut légiférer sur un texte déjà en application depuis le 1er janvier 2007. Le retard pris à ratifier ce texte nous permet néanmoins de revenir à froid sur le sujet.

Les amendements apportés par le Sénat sont intéressants – même si nous relevons un article relatif au renouvellement des assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux –, ce qui démontre que l'espoir demeure d'amender ce texte. Nous ferons d'autres propositions, essentielles pour améliorer l'état du droit. Il revenait à la représentation nationale de légiférer sur un texte déterminant pour l'avenir de nos territoires et de nos producteurs, en lieu et place du recours à une simple ordonnance. Avant que ces dispositions ne soient débattues, il nous faut revenir sur plusieurs critiques de fond quant au dispositif relatif à la valorisation des produits.

La première critique porte sur l'ordonnancement même des signes d'identification de la qualité et de l'origine, sans cesse renouvelés. Ces changements successifs ont été de nature à semer le trouble dans l'esprit du consommateur, au détriment des retombées pour les producteurs, déjà confrontés à un surcoût inhérent au cahier des charges, qui accompagne en règle générale la reconnaissance des signes de qualité. Cinq signes de qualité figuraient dans le texte initial de 1994, revu par la loi d'orientation de 1999. Il serait intéressant de demander aux consommateurs combien il en existe aujourd'hui. La multiplication des références territoriales est cause de confusions. Par exemple, la notion de « mention valorisante » pour la dénomination « montagne » pose un problème, puisqu'elle n'est qu'une indication géographique. Pourquoi alors ne pas faire entrer dans la dénomination « montagne » le terme « IGP » ? La CJCE admet une différenciation de réputation, mais il n'est pas sûr que le consommateur fasse la différence entre tous les signes, notamment pour les produits fermiers.

La seconde critique porte sur le contenu même de l'ordonnance, dès lors qu'il s'agissait de procéder à la mise en conformité d'un texte national avec la réglementation européenne. Ce qui est dans le texte est bon : nous y trouvons les signes d'identifications, de certifications, et les mentions valorisantes ; mais ce n'est pas complet. Des décrets d'application sont toujours attendus par les producteurs.

La troisième critique porte sur le fond. L'ordonnance est sans doute un objet de clarification, que les producteurs ont d'autant plus apprécié qu'ils y ont été associés. C'était indispensable. Mais nous pensons néanmoins que le Gouvernement aurait pu aller au-delà de ce texte et répondre aux attentes en matière de sécurité alimentaire. Il convenait d'améliorer les conditions de la sécurité des modes de productions et de couvrir ainsi la responsabilité des producteurs du fait de leurs produits. Pour nous, l'absence de toute référence à la présence d'organismes génétiquement modifiés constitue une faille qui affecte l'ensemble du dispositif et remet en cause la crédibilité même des signes de qualité.

En réponse à ces critiques, on ne trouvera que le seul crédit d'impôt relatif à l'agriculture biologique. Ce crédit est bien insuffisant et n'aura pas d'effet de levier sur l'objectif recherché de la qualité des produits. Des mesures incitatives, d'ordre fiscal notamment, sur d'autres signes attachés à des territoires, mériteraient d'accompagner un dispositif notoirement insuffisant. Mais, là encore, il conviendrait de limiter notre capacité collective d'innovation constante en matière de désignation marketing des produits. Il n'est pas certain que la « valorisation de la démarche d'entreprise », dont la majorité a fait le socle de la dernière loi d'orientation agricole, doive passer par le développement sans fin des signes de différenciation. La politique fiscale nécessaire devrait être ciblée dans un environnement plus stable, propre à renseigner réellement le consommateur.

À l'heure où la Commission européenne va mettre en débat des réformes essentielles pour l'avenir de notre agriculture, à mi-parcours de la PAC, il aurait été judicieux d'aller plus loin dans le texte, en prenant véritablement en compte le développement durable, l'aménagement du territoire et la qualité des produits ; cela afin de préparer les territoires à la réversibilité des aides PAC, du premier pilier vers le second pilier. Ne pas soutenir suffisamment les signes de qualité, n'est-ce pas condamner les productions qui y sont attachées, en les obligeant à choisir entre les orientations d'une agriculture productiviste, encouragée par le premier pilier, et une agriculture confinée à l'aménagement de l'espace, reconnue par le deuxième pilier ?

Au-delà des dispositions techniques que nous apprécions à leur juste valeur, il eût été intéressant que vous proposiez une véritable et ambitieuse politique d'accompagnement. Las, cette vision vous fait défaut. Nous avons compris, le 13 novembre dernier, que vous n'aviez plus les moyens de mener une politique ambitieuse. Les professionnels devront se contenter du socle minimal que notre assemblée est appelée à ratifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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