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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 12 décembre 2007 à 15h00
Ratification de l'ordonnance du 7 décembre 2006 relative à la valorisation des produits agricoles — Ouverture de la discussion

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Je souhaite tout d'abord répondre à M. Chassaigne, afin de ne laisser planer aucune ambiguïté et d'éviter tout malentendu. J'ai été député pendant de nombreuses années, puis sénateur. J'ai donc un profond respect pour le travail parlementaire.

Si vous souhaitez savoir, monsieur le député, ce que je pense, il suffit de me le demander. J'exprimerai mon point de vue, qui peut, éventuellement, être négatif sur certains amendements, mais je souhaite que chacun d'eux soit examiné.

Il n'existe aucune volonté idéologique d'aboutir à un vote conforme, même si c'est, parfois, plus commode et plus rapide. Je suis prêt à jouer le jeu. Je souhaite travailler dans cet esprit, en étant à l'écoute des arguments des parlementaires, à condition qu'ils veuillent bien entendre les miens. Ensuite, l'Assemblée décidera librement et souverainement.

Mesdames, messieurs les députés, cette mise au point étant faite, je vais présenter le projet de loi de ratification relatif à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer. Je voudrais remercier M. Jean-Marie Sermier, votre rapporteur, pour la qualité du travail qu'il a accompli.

La France est un pays qui, de longue date, a milité pour le développement des signes d'identification de la qualité et de l'origine dans le domaine agricole. Notre pays a été l'inventeur du concept d'appellation d'origine. Il fut l'un des acteurs essentiels de la prise en compte des démarches de qualité dans la réglementation communautaire. Nous poursuivrons la promotion des signes de qualité au travers de la préférence communautaire, que nous entendons bien défendre dans le cadre du « bilan santé » de la politique agricole commune et des grands débats qui s'ouvrent.

Ce que nous évoquons aujourd'hui est au coeur du modèle agricole européen – je ne parle pas seulement du modèle français. Il existe des produits de qualité, des identifications géographiques qui attestent d'une qualité de produits d'autres pays européens identique à celle des produits français Le modèle européen refuse l'aseptisation des produits et veut continuer à soutenir la production de produits agricoles, agro-alimentaires de qualité, qui ont des goûts, des saveurs, une identité, j'allais dire une authenticité.

Le renforcement de notre politique des signes de qualité devait passer par une étape de clarification. En effet, avec le temps, les règles se sont empilées les unes sur les autres, ce qui risque parfois de susciter une certaine confusion pour le consommateur.

La multiplication des structures chargées de la gestion des différentes démarches n'a pas contribué non plus à clarifier la cohérence de notre dispositif, d'autant que, parallèlement, on a assisté à une explosion de démarches de caractère privé, organisées autour du thème de la qualité.

La loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a donc jeté les bases d'une profonde réforme de notre dispositif de valorisation des produits agricoles et agro-alimentaires. Elle a clarifié le dispositif auquel l'État apporte sa garantie, en fixant trois grandes catégories distinctes d'instruments de valorisation des produits agricoles et agroalimentaires : premièrement, des signes d'identification de la qualité et de l'origine, tels que l'appellation d'origine, l'indication géographique protégée, le label rouge, l'agriculture biologique et la spécialité traditionnelle garantie ; deuxièmement, des mentions valorisantes ; troisièmement, la démarche de certification.

Cette nouvelle organisation rendait nécessaire l'adaptation de notre dispositif législatif et réglementaire. Voilà pourquoi le Parlement a bien voulu donner délégation au Gouvernement pour l'élaboration d'une ordonnance et de ses textes d'application. Nous y sommes. L'ordonnance a été publiée le 8 décembre 2006 et son décret d'application le 7 janvier 2007.

C'est ce dont je viens rendre compte devant vous aujourd'hui, après la validation par le Sénat, qui a été acquise à l'unanimité, moyennant quelques aménagements, lors d'une séance du 24 octobre.

L'ordonnance dont je vous propose la ratification rend plus lisible le dispositif et renforce sa crédibilité auprès du consommateur. Elle consacre une part prédominante de ses développements aux signes d'identification de la qualité et de l'origine.

S'agissant des mentions valorisantes, il a fallu, pour l'essentiel, adapter le dispositif existant.

En ce qui concerne la certification de conformité, nous proposons de substituer à un régime d'autorisation administrative un régime déclaratif, ce qui constitue une vraie simplification.

S'agissant des signes d'identification de la qualité et de l'origine, l'ordonnance met en oeuvre trois grands principes qui cherchent à concrétiser la volonté exprimée par le législateur.

Premier principe : regrouper le suivi de ces démarches au sein d'un seul établissement : l'Institut national de l'origine et de la qualité, pour lequel nous avons conservé l'ancien acronyme INAO. Cet Institut regroupe en son sein, depuis le 1er janvier 2007, tous les signes d'identification de la qualité et de l'origine, dont le suivi est assuré par des comités thématiques, composés de représentants professionnels, de personnalités qualifiées et de délégués des consommateurs. Afin de favoriser un enrichissement mutuel des différents porteurs de signes, chaque comité accueille des représentants des autres comités. Un conseil des agréments et des contrôles traite des questions transversales en matière de contrôle. Enfin, un conseil permanent est chargé de l'administration de l'Institut et des questions générales concernant la politique des signes d'identification de la qualité et de l'origine.

Deuxième principe : renforcer le rôle et les missions des structures chargées de gérer les cahiers des charges des différents signes d'identification de la qualité et de l'origine. Une démarche « qualité » relève, sauf pour l'agriculture biologique, d'une démarche collective d'un groupe d'opérateurs désireux de valoriser ensemble un patrimoine auprès des consommateurs. Ces opérateurs conçoivent dans ce but un cahier des charges destiné à fixer les contraintes de production qu'ils vont s'imposer à eux-mêmes pour obtenir un label public. Ils assurent ensuite sa mise en oeuvre dans des conditions garanties, ainsi que son évolution. Il importe donc que tous les professionnels impliqués dans ces démarches soient associés à la conception et à la gestion de ces cahiers des charges. Voilà pourquoi, dans le prolongement de ce qu'avait souhaité le législateur, l'ordonnance prévoit de conférer un statut aux organismes de défense et de gestion, ODG, des différents signes, dont tous les opérateurs concernés sont membres de droit, même si le texte prévoit une spécificité viticole. Ces ODG sont reconnus par l'INAO dés lors que leur représentativité est assurée et que le caractère pleinement démocratique de leur fonctionnement a été vérifié. À ce jour, la quasi-intégralité des ODG a fait l'objet d'une reconnaissance par l'INAO.

Troisième principe : renforcer la crédibilité des contrôles. C'est le coeur de la réforme. Une démarche « qualité » ne peut être vraiment reconnue par le consommateur que si ce dernier est certain que des contrôles indépendants ont permis de vérifier la conformité à un cahier des charges des produits qui lui sont proposés. C'est une question de confiance. Cet enjeu essentiel conduit à exiger désormais que tous les signes d'identification de la qualité et de l'origine fassent l'objet de contrôles opérés par des organismes tiers, compétents, indépendants et impartiaux. Cette évolution est déjà concrétisée pour le label rouge, l'IGP et l'agriculture biologique. Elle le sera au plus tard le 1er juillet 2008 pour toutes les appellations d'origine.

Les professionnels sont pleinement conscients – ce dont je me réjouis – de l'importance d'une telle évolution. Dans le même temps, et c'est bien naturel, ils l'appréhendent, s'agissant notamment des impacts prévisibles en matière du coût du contrôle.

C'est pourquoi l'ordonnance propose une échéance qui, tout en étant proche, sauf à décrédibiliser complètement cette réforme, laisse du temps à la réflexion et à la concertation. Ce délai devra être utilisé pour mettre en place des règles garantissant l'équité de traitement pour l'agrément par l'INAO des organismes de contrôle et pour l'approbation des plans de contrôle.

De même, l'INAO fera preuve de pédagogie auprès des opérateurs pour accompagner leurs démarches en ce domaine. De nombreuses rencontres régionales avec les professionnels se sont déjà tenues, à cet effet.

Enfin, en liaison avec les fédérations professionnelles concernées, des réflexions vont être conduites quant aux moyens susceptibles de permettre une réduction des coûts. Je pense en particulier aux démarches de mutualisation et d'économie d'échelle. Cette dernière étape, essentielle, doit concentrer tous nos efforts. Elle est la condition sine qua non du renforcement de nos signes d'identification de l'origine et de la qualité.

Au-delà, il conviendra sans doute de veiller à inscrire nos signes d'identification de la qualité et de l'origine dans de véritables démarches de progrès, destinées à conforter toujours plus leur positionnement sur les marchés, afin de satisfaire le consommateur.

Au cours de sa séance du 24 octobre, le Sénat a bien voulu valider l'approche proposée par Gouvernement. Il a procédé néanmoins à des améliorations rédactionnelles et proposé des aménagements visant notamment à faciliter l'évolution des cahiers des charges « label rouge » et à conforter ces démarches lorsqu'elles sont conçues en synergie avec une approche territoriale. Les ODG pourront ainsi décider de lier une démarche « label rouge » avec un cahier des charges « indication géographique protégée ».

Je retiens également des échanges intervenus au Sénat une attention particulière pour la prise en considération des attentes et des contributions des fédérations professionnelles impliquées dans les signes de qualité, sans remettre en cause le processus de décision et la gouvernance propres à l'INAO et en valorisant l'expertise personnelle.

C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que les relations entre l'INAO et les fédérations professionnelles soient formalisées : un protocole a été soumis à la validation des organisations professionnelles concernées. Cette orientation suggérée par la représentation parlementaire contribue à l'efficacité des réflexions engagées au sein de l'INAO.

Pour conclure, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j'ai le sentiment que le texte qui vous est proposé aujourd'hui est équilibré, efficace. Avec les améliorations qui y ont été apportées, il répond aux objectifs que le Parlement avait fixés au Gouvernement.

Je salue, monsieur le rapporteur, la qualité du travail de réflexion que vous avez personnellement conduit et que votre commission a mené pour préparer l'examen du projet de texte qui vous est soumis et je vous en remercie très sincèrement. Sans doute, votre profession vous prédisposait-elle, à l'examen scrupuleux des orientations proposées, en véritable connaisseur que vous êtes de ces enjeux.

Je serai évidemment disposé, chaque fois que possible, à examiner avec beaucoup d'attention les amendements éventuels que vous pourriez proposer, afin d'améliorer la rédaction de ce texte fondateur pour nos signes d'identification de la qualité et de l'origine. J'ai toutefois le sentiment, je le dis comme je le pense, qu'avec votre aide, nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant.

Le sujet de l'identification géographique des labels et de la qualité des AOC, qui sont une marque de l'agriculture française et qui intéressent beaucoup de pays dans lesquels je me rends pour promouvoir les produits agricoles et agroalimentaires français, se situe au coeur du modèle agricole européen, que nous allons défendre avec beaucoup de détermination dans les prochains mois avec vous dans le débat ouvert par la Commission européenne et par le Président de la République sur l'avenir de la politique agricole commune, cette grande politique économique européenne, la première à être réellement mutualisée depuis le traité de Rome. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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