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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 2 octobre 2007 à 9h30
Questions orales sans débat — Perspectives du système de santé au havre

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, c'est avec colère et indignation que je veux dénoncer la situation désastreuse que connaît actuellement, vous le savez, l'hôpital du Havre, et qui est à l'image du délitement du système français de santé publique.

J'ai appris la semaine dernière la suppression de 550 emplois au sein du groupe hospitalier havrais, annoncée comme un mal nécessaire pour résorber un déficit cumulé de 36 millions d'euros. Une fois de plus, le personnel sert de variable d'ajustement, au détriment de la qualité des soins prodigués à la population havraise déjà fragilisée. Je vous rappelle qu'on y observe un grand nombre de pathologies liées à la dégradation de l'environnement, aux conditions de travail, à la situation sociale, et que le taux de maladies pulmonaires est supérieur à la moyenne nationale, pour ne prendre que cet indicateur. Mais vous savez comme moi qu'ils sont tous dans le rouge et que la mortalité est plus élevée qu'ailleurs.

Veut-on encore nous faire croire qu'il faut amputer le personnel hospitalier d'une partie de ses effectifs pour économiser les deniers publics et atteindre une plus grande efficacité du service public ? On sait pourtant que les dépenses de santé sont d'autant plus élevées que les gens tardent à se soigner, d'abord parce qu'il faut des mois pour voir un spécialiste, ensuite parce que les coûts de consultation sont de plus en plus prohibitifs et les dissuadent de consulter. Le phénomène sera encore accentué par l'instauration d'une franchise médicale s'ajoutant au forfait – vous connaissez tout autant que moi les perspectives dans ce domaine.

Les médecins et les infirmières sont déjà en nombre insuffisant tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'hôpital, et la pénurie des médecins de ville au Havre conduit à une plus grande fréquentation de l'hôpital, lui-même asphyxié par manque de personnel. Il manque à l'hôpital plus de soixante-dix médecins pour avoir une activité normale, qui permettrait d'ailleurs un retour à l'équilibre naturel par la production d'activité, sans qu'on recoure encore à des suppressions de postes. J'imagine qu'il faudra créer un jour, entre Le Havre et Paris, un corridor humanitaire pour que les malades de l'agglomération havraise aient un accès aux soins satisfaisant avec les médecins et spécialistes de la capitale !

Certes, il est nécessaire d'engager des économies d'échelle en regroupant les divers pôles hospitaliers havrais. Mais on ne peut pas avoir une simple logique de gestionnaire. Tous les moyens ne sont pas bons pour faire des économies. C'est d'un service public de la santé qu'il s'agit et la mission de santé publique dévolue à l'État ne peut être réalisée que si tous les moyens, tant financiers qu'humains, sont réunis.

Chaque année, au Havre, sur 200 départs en retraite, 75 ne sont pas remplacés. Sur les 550 suppressions de postes, 150 sont des départs négociés avec des membres du personnel proches de la retraite, en échange d'un an de salaire. Cette masse salariale n'aurait-elle pas pu servir au financement d'un exercice effectif de la médecine plutôt qu'à la réduction du personnel hospitalier ?

Au vu du numerus clausus d'infirmières employables par l'hôpital et revu dernièrement à la hausse par la région Haute-Normandie, un nombre suffisant d'infirmières pourrait être recruté chaque année. Or, l'hôpital, pour gagner quelques mois de salaire, ne procède à des embauches qu'au bout de plusieurs mois. Il n'y a donc plus d'infirmières sur le marché du travail.

Un système de santé à deux vitesses se met en place progressivement, dans lequel les plus riches iraient là où se trouvent les médecins, dans les établissements de soins privés, et dans lequel les moins fortunés et les plus démunis se tourneraient vers un hôpital public mal doté. Pis encore, l'action gouvernementale crée deux systèmes de soins parallèles mais déséquilibrés : un système privé, qui s'accaparerait les actes les plus lucratifs, les plus rentables, comme la chirurgie, et un système public, qui devrait assumer les actes les plus coûteux et les moins rémunérés, comme la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Utiliser alors l'argument du manque de performances de l'hôpital du Havre pour sabrer les effectifs ne dissimule que très mal une volonté de discréditer le service public de la santé, fondé sur la solidarité, afin de rendre plus acceptable sa privatisation progressive, fondée sur l'individualisme. Vous l'avez compris, l'hôpital du Havre n'a pas besoin de suppression de postes, ce qui serait une double peine, mais de praticiens et, en attendant, de financements.

Permettez-moi de faire une proposition complémentaire de la vôtre, concernant la démographie médicale : ne pourrait-on pas envisager d'aider financièrement, voire en les rémunérant pendant leurs études, des jeunes de familles modestes qui, en échange de l'effort de l'État, s'engageraient à travailler pendant dix ou quinze ans là où la République a besoin d'eux ? Cela vous rappellera certainement quelque chose. Ainsi, l'ascenseur social contribuerait à satisfaire les besoins de nos concitoyens.

Je vous remercie, madame la ministre, des réponses que vous nous apporterez.

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