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Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 9 octobre 2007 à 15h00
Accords france-Émirats arabes unis relatifs au musée universel d'abou dabi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je voudrais, s'agissant de ce projet de loi, souligner certains aspects et questions et vous faire part de réticences, espérant les voir dissipées à l'issue du débat.

Notre commission des affaires culturelles, familiales et sociales avait diligenté, en 1999 et 2000, une mission d'information sur les musées. Cette dernière avait notamment insisté sur la nécessité d'accroître l'autonomie de gestion des musées et sur leurs capacités de rayonnement international. Il serait souhaitable que nous puissions considérer le projet à l'aune de ces deux préconisations et que, dans le même temps, nous nous interrogions sur les objectifs que nous assignons à nos politiques culturelles.

La mission diligentée par notre commission sur les musées souhaitait étendre à chacun des musées nationaux une autonomie à la fois juridique et de gestion, qui devait permettre une responsabilisation à la fois culturelle et économique ainsi qu'une meilleure affirmation de la singularité du projet culturel de chacun des musées. Qu'en est-il aujourd'hui avec la proposition qui nous est faite ?

S'agissant de la responsabilisation culturelle, le projet trouve son origine dans une négociation entre États, qui aborde en rafale (Sourires) la construction d'une île pour touristes fortunés, avec hôtels, golfs et musées, au nombre desquels le musée Guggenheim, dont, au passage, la mission a pu « apprécier », lors de sa visite à Bilbao, l'exposition de mobylettes, ainsi que la moto de James Dean ! Pourquoi pas, en effet, le musée du Louvre à Abou Dabi ? Tout cela n'est probablement qu'un aspect mineur d'une négociation plus ample. Ce qui me gêne, c'est que le projet soit imposé au Louvre. Si encore il l'était par son ministère de tutelle, ce serait une limite tout à fait acceptable à l'autonomie souhaitée pour les musées, pour autant que ce projet s'inscrive dans une politique clairement identifiée. L'est-elle en l'espèce ? Rien n'est moins sûr.

S'agissant de la responsabilité économique, les chiffres évoqués pourraient justifier l'intérêt de participer à un tel projet. Rappelons tout de même que le capital qui intéresse au premier chef la culture est le capital humain. Si argent il y a, il doit être au service de l'homme et de son édification. Il ne faudrait pas que l'outil argent supplante tout le reste. Une action culturelle peut-elle n'être que financière, reportant la question du sens à plus tard, l'aspect culturel devenant ainsi un argument subsidiaire ?

Cela me conduit à aborder les objectifs que nous assignons à nos actions culturelles. Celles-ci sont souvent mesurées à l'aune de la démocratisation culturelle, de l'égal accès de tous aux oeuvres. Ce projet répond-il à ces objectifs ? Compte tenu des informations dont nous disposons, ce point est problématique. Les «petites mains » qui sont au service des classes sociales cibles de ce complexe touristique seront-elles invitées au musée ? Quelles garanties pouvez-vous nous donner sur l'égal accès de ce musée à tout un chacun sachant que l'accès à l'île sera sans doute soumis à des règles contraignantes ? Le musée sera-t-il réservé aux seuls touristes qui fréquenteront cet espace touristique de luxe ? Si oui, les oeuvres présentées en France garantiraient mieux cet égal accès à tous !

J'en viens au rayonnement à l'étranger de nos musées. Je suis favorable à ce qu'un musée comme le Louvre agisse comme il le fait dans une ville de France, et pourquoi pas à l'étranger. Il peut être une tête de réseau dans des formes multiples, dont celle d'une collaboration intense à l'édification et à la vie d'un musée. Cela dit, les réserves du Louvre ne foisonnent pas d'oeuvres majeures, lesquelles sont exposées. Une telle action risque donc d'appauvrir la tête de réseau. Mais je crois à ce rayonnement pour autant que l'action soit inscrite dans une démarche clairement voulue et assumée par le musée lui-même. On ne peut pas vouloir la responsabilisation des acteurs culturels et accepter, au détour d'une négociation, une telle initiative. Si vous aviez ouvert le débat de la présence des musées nationaux à l'international et sollicité auprès des principaux musées des initiatives dites « Musées de France », la question aurait été différente. D'ailleurs, il n'est pas anodin que ce projet soit présenté par le secrétaire d'État chargé de la francophonie et non par vous-même, madame la ministre. C'est dommage.

En conclusion, et en attendant votre intervention pour dissiper mes réticences, je vous poserai trois questions. D'abord, sur le fonctionnement de l'Agence : quel sera son coût ? Parrainera-t-elles d'autres projets ? Dans ce cas, de quelle autonomie disposeraient les musées ? Il ne faudrait pas que la création de cette agence les prive de liberté d'action. Nous n'avons pas besoin d'une nouvelle Réunion des musées nationaux pour l'international !

S'agissant du projet culturel, nous avons besoin d'en suivre l'élaboration et son évolution dans le temps. Pouvez-vous vous engager à en informer régulièrement la commission des affaires culturelles ? Enfin, que préconisez-vous pour que le musée assume effectivement sa mission de démocratisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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