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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 9 octobre 2007 à 15h00
Accords france-Émirats arabes unis relatifs au musée universel d'abou dabi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accord passé entre la France et les Émirats arabes unis relatif à la création d'un musée universel à Abou Dabi, dit « Louvre d'Abou Dabi », donne une figure inédite à la notion d'échanges culturels, traditionnelle dans la politique de coopération culturelle internationale de la France.

Cet accord s'appuie, en effet, sur une interprétation entièrement nouvelle de l'idée de diffusion – chère aux initiateurs de la politique culturelle depuis André Malraux. Par ailleurs, il remet en question les traditions qui gouvernaient jusqu'à présent la conservation des oeuvres d'art dans les musées français. Aussi a-t-il soulevé dans les milieux de l'art des réactions contrastées, certains craignant que les remises en cause des principes établis, induites par la création du nouveau musée, n'aient des inconvénients supérieurs aux avantages escomptés.

La très grande discrétion qui a entouré les négociations préalables à la signature de l'accord a sans doute, pour partie, son origine dans l'ampleur des bouleversements qu'il paraît impliquer. Il est permis de regretter que l'information du Parlement sur un accord aussi peu banal et aussi lourd de répercussions sur notre politique culturelle nationale et internationale, ait été déterminée par la seule nécessité pour l'exécutif d'obtenir une autorisation législative nécessaire à l'approbation et à l'application d'un traité.

En adoptant ce projet de loi, le Parlement est appelé à prendre une part de responsabilité politique dans une aventure qui a été conçue et qui se poursuivra en dehors de lui. Je souhaite donc que, dans les mois à venir, le Parlement soit pleinement informé du déroulement ultérieur de l'opération et qu'il soit ainsi à même d'évaluer les conséquences des innovations de cet accord – je ne citerai que l'une des plus controversées : la possibilité d'aliéner ou de louer à titre durable des éléments du patrimoine artistique national.

Le Gouvernement a fait sienne, et je m'en réjouis, la grande cause du rayonnement culturel de la France dans le monde. Parmi les moyens nouveaux qu'il propose pour atteindre cet objectif, le projet Abou Dabi figure en bonne place. Mais s'il est novateur, il est aussi risqué, et notre responsabilité de parlementaires est de prendre la mesure de cette innovation et de ses risques, sans exagération, mais avec précision.

Le développement d'une politique culturelle ambitieuse et l'encouragement au rayonnement de la culture française au-delà de nos frontières font, je crois, l'unanimité dans notre Assemblée. En tant que rapporteur de la mission rayonnement culturel et scientifique du programme action extérieure de la France du projet de loi de finances pour 2007, j'ai eu l'occasion de constater, dans ces domaines, une diminution certaine de l'influence de notre pays dans le monde au cours des dernières décennies. C'est pourquoi j'éprouve un préjugé favorable envers les initiatives qui vont dans le sens d'un renversement de cette tendance et du développement de notre présence culturelle au niveau international. Comme de nombreux secteurs d'activité, la culture peut faire un bon ou un mauvais usage de la mondialisation, entendue ici comme la circulation élargie des idées autant que des produits.

La culture française est, à travers le monde, l'image de marque de notre pays. Le projet du Louvre d'Abou Dabi est porté par cette ambition. II donne une occasion de premier plan de faire valoir sur la scène internationale le savoir-faire unique de la France dans le domaine des musées et de l'ingénierie culturelle et patrimoniale. Il contribue à l'effort de notre diplomatie pour le développement de notre influence dans cette région du monde et plus largement au Moyen-Orient et en Asie. Il introduit les valeurs propres de la politique culturelle française dans les circuits d'échanges culturels amplifiés par la mondialisation.

La qualité de l'architecture française contemporaine, l'expérience de la gestion scientifique des collections, la longue pratique de l'expérience artistique française : autant de qualités françaises que ce projet, établi pour une durée de trente ans, permettra de valoriser concrètement. Il sera une porte d'entrée pour la découverte de notre patrimoine, de notre histoire et de notre création artistique dans sa diversité et sa richesse.

Ainsi, l'expérience acquise dans les techniques de conservation et de mise en valeur des oeuvres d'art a influencé la nature des indispensables garanties prévues par les accords. Garantie quantitative d'une part : le nombre d'oeuvres d'art qui feront l'objet de prêts au musée d'Abou Dabi est limité à trois cents par an les premières années, ce qui équivaut à un pour cent du total des oeuvres d'art prêtées annuellement par les collections françaises. D'autre part, les oeuvres d'une importance particulière pour l'histoire culturelle de la France, comme la Joconde ou la Vénus de Milo, ne pourront être prêtées. Il en sera de même des oeuvres dont la fragilité interdit le déplacement. Une commission scientifique contrôlera les modalités des prêts envisagés, qui suivront les règles habituellement définies par les musées nationaux.

Des dispositions particulières ont été prévues afin de permettre le rapatriement sans délai des oeuvres prêtées, en cas de menace pour la préservation de leur intégrité, et afin d'en garantir l'insaisissabilité.

L'appellation donnée au nouveau musée, « Louvre Abou Dabi », est un hommage rendu au prestige international du premier des musées français. Corrélativement, l'usage de cette appellation, prévu pour une période de trente ans et six mois, doit être protégé contre des utilisations préjudiciables ou dévalorisantes. Ce point fait l'objet d'une convention d'application spécifique pour protéger la qualité d'utilisation du nom et de la marque « Louvre ».

Ce projet, est aussi une véritable opportunité financière. Environ un milliard d'euros sera versé sur trente ans directement par les autorités émiriennes aux musées français participant au projet. Il apportera à ces musées un supplément de ressources bienvenu alors que leur attrait pour nos concitoyens ne se dément pas.

Le projet d'Abou Dabi représente un saut quantitatif considérable. S'il engage le nom du Louvre pour trente ans et donne lieu à des contreparties financières d'un montant sans précédent, il n'en est pas moins soumis aux contraintes de toute opération comportant un prêt d'oeuvres d'art, à plus ou moins long terme. Nous en avons l'expérience, car beaucoup de musées français participent à des projets internationaux en organisant des expositions ou en prêtant des oeuvres dans le monde entier. Leurs responsables le savent bien : les oeuvres d'art sont par nature fragiles et chacun de leur déplacement reste dangereux. Pouvez-vous madame la ministre, nous indiquer comment cette donnée a été prise en compte dans la conception du nouveau musée ?

Par ailleurs, les réserves de nos musées n'ont malheureusement pas d'oeuvres cachées qu'il serait facile de prêter. Plus de six mille tableaux du département des peintures du Louvre ont été déposés dans les musées de région ; il en reste autant au Louvre, pour la plupart exposés, et les réserves ne contiennent plus que des oeuvres secondaires ou en mauvais état.

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