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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 14 octobre 2008 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour le financement de l'économie — Suite de la discussion d'un projet de loi

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

…mais auraient accès à toute l'information relative au fonctionnement de la société.

Je crois avoir répondu à toutes les questions qui m'avaient été posées – y compris les vôtres, monsieur le président de la commission des finances – sur le fonctionnement et la structure de la société de refinancement. Au passage, je rappelle que la Banque de France interviendra en qualité d'organe de contrôle.

Certains d'entre vous – je pense à M. de Courson et à M. Cahuzac – ont soulevé la question suivante : lever 320 milliards d'euros pour répondre aux besoins de refinancement ne risque-t-il pas de produire un effet d'éviction, et donc d'entraîner un assèchement de l'épargne disponible, au détriment de la capacité d'investissement ? Je ne crois pas que ce sera le cas, et ce pour trois raisons : tout d'abord, le taux d'épargne des ménages français est très élevé ; de plus, aujourd'hui, on le sait, les capitaux internationaux sont à la recherche d'actifs financiers à la fois sûrs et liquides ; enfin et surtout, je rappelle que les 320 milliards d'euros ne constitueront qu'une garantie-plafond. En effet, nous n'utiliserons ce mécanisme, par le biais de la société de refinancement, que si des besoins de financement s'expriment. Il n'est donc pas question d'envisager un emprunt de 320 milliards d'euros bénéficiant de la garantie de l'État et disponible pour tous les besoins de financement des établissements de crédit : c'est au fur et à mesure des besoins que seront levés les emprunts correspondants.

Monsieur Giacobbi, vous m'avez interrogée sur la qualité des collatéraux, c'est-à-dire des titres apportés en contrepartie de l'émission de liquidités. Il faut être clair sur ce point comme sur le rôle de la Banque centrale européenne. Aujourd'hui, celle-ci n'accepte, par le biais des banques centrales des États membres de l'Eurogroupe, qu'une certaine qualité de collatéraux. Nous prévoyons d'élargir, dans le cadre du fonctionnement de la société de refinancement, la gamme de ces collatéraux, et donc de ne pas avoir des exigences aussi fortes que la BCE. Il faut trouver un juste équilibre entre des garanties de collatéraux suffisamment fortes et la possibilité d'élargir la base sur laquelle les établissements de crédit pourront accéder à du refinancement. Je vous signale que la Banque centrale européenne réfléchit actuellement à cet élargissement des collatéraux pour assouplir sa politique de mise à disposition de liquidités.

Monsieur Mariton, vous m'avez interrogée sur les circonstances exceptionnelles, mentionnées à l'article 6, qui permettraient au ministre d'apporter la garantie de l'État aux émissions nouvelles d'un établissement financier. Ces circonstances exceptionnelles correspondent à la situation dans laquelle les États français, belge et luxembourgeois se sont trouvés dans le cas Dexia : ayant investi à concurrence de leur participation respective dans le capital de la société de tête, ils ont dû sécuriser leur investissement en participant conjointement à la garantie des financements de Dexia – garantie qu'il a fallu donner dans des délais rapides, compte tenu des besoins de trésorerie de cette société. Voilà un exemple des circonstances exceptionnelles qui pourraient se présenter. Je précise que cette notion de circonstances exceptionnelles s'inscrit dans le cadre de l'engagement du Président de la République de ne pas laisser tomber un établissement public, et de prendre, si nécessaire, dans des circonstances du type de celles de l'affaire Dexia, des mesures de garantie.

Quant à vous, monsieur Garrigue, vous m'avez demandé des précisions sur le rôle de la BCE, et sur ses rapports avec les États. Pour ma part, je me félicite du rôle qu'a joué la Banque centrale européenne depuis le mois d'août 2007, s'agissant en particulier de sa politique de gestion des liquidités, qui a été extrêmement flexible et très souvent pionnière. Vous aurez noté que, la semaine dernière, elle a pris deux dispositions fondamentales : d'une part, elle a baissé le taux directeur de cinquante points de base, en concertation avec la Fed et les autres grandes banques centrales – c'est dans le même esprit de concertation qu'ont cherché par la suite à agir les États de l'Eurogroupe – ; d'autre part, elle a assoupli sa politique de liquidités en acceptant de faire dorénavant de la liquidité à six mois, dans des volumes illimités, et, en plus, à taux d'intérêt fixe pour éviter l'effet « échelle de perroquet » que provoquaient les établissements de crédit en recourant à la mise à disposition de liquidités.

Enfin, troisième mesure : comme je l'ai déjà dit, la Banque centrale européenne réfléchit à un élargissement des collatéraux qu'elle accepterait en pension, en contrepartie d'une mise à disposition de liquidités plus importante.

Chacun joue son rôle. La Banque centrale européenne refinance les établissements de crédits et met des liquidités à leur disposition à court terme ; elle a accepté d'étendre cette période à six mois, mais elle reste un financeur de court terme. Les États interviennent au-delà : les dispositions figurant à l'article 6 portent sur des financements de long terme qui peuvent aller jusqu'à des maturités de cinq ans.

Chacun est à sa place, je le répète : la BCE fait du refinancement et de la mise à disposition de liquidités à six mois ; l'État prend un engagement de moyen et de long terme, ce qui est logique puisque nous souhaitons permettre le financement de l'économie. Financer les entreprises, les ménages et les collectivités locales nécessite des engagements de long terme, et c'est précisément sur ces crédits de moyen et long terme que l'on constate les blocages les plus redoutables, de sorte qu'il faut absolument dégripper.

Après avoir parlé de l'instrument de refinancement, venons-en à la société de prises de participations de l'État. Je précise qu'il s'agit d'une société de droit privé détenue à 100 % par l'État – pour ces prises de participations, il n'est pas question de tolérer des actionnaires minoritaires. Cette structure disposant de la garantie de l'État pour émettre de la dette sera nécessairement légère. D'ailleurs, elle est déjà constituée puisqu'elle a été utilisée pour la prise de participation dans le capital de Dexia.

À cet égard, je voudrais rappeler ce que l'on appelle maintenant la « doctrine Dexia ». Dans la mesure où l'État français prend une participation au plus haut du bilan, c'est-à-dire au capital d'un établissement de crédit en difficulté, la jurisprudence Dexia consiste à remettre en cause l'équipe de direction…

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