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Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 1er août 2007 à 15h00
Libertés et responsabilités des universités — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où des classements créent la polémique sur le rayonnement international de nos universités — à l'instar du classement de Shanghai qui place la première université française au vingt-quatrième rang mondial —, il est de la responsabilité de l'État d'intervenir pour rendre aux universités et à la France le rayonnement qui doit être le leur.

La bataille du xxie siècle sera avant tout celle de l'intelligence. Nous sommes entrés dans une société de la connaissance où la puissance des États dépend de la maîtrise du savoir. Aussi, pour ne pas perdre la maîtrise de la création, comme nous avons perdu celle de la production, il nous faut miser sur l'enseignement supérieur et la recherche.

Permettez-moi de souligner non seulement la nécessité, mais aussi l'urgence de ce texte, après vingt années au cours desquelles l'augmentation massive de la fréquentation de l'université et la mondialisation ont complètement transformé le contexte dans lequel s'inscrivent l'université et ses missions.

La situation actuelle nous impose une refonte importante de l'université : le taux d'échec en première année est de 50 %, et, au total, ce sont 90 000 jeunes qui quittent chaque année l'université sans diplôme.

Le texte qui nous est soumis, à l'issue des travaux des deux assemblées, engage une réforme importante de l'université tout en préservant la spécificité du modèle universitaire français. Il favorisera la réussite de nos étudiants et leur intégration sur le marché du travail, en inscrivant enfin dans les missions de l'enseignement supérieur l'orientation et l'insertion professionnelle.

Les étudiants français sont les premières victimes de l'absence d'autonomie qui empêche l'université d'adapter son offre de formation aux besoins des entreprises : chacun sait que, un an après avoir obtenu leur diplôme, 53 % des diplômés universitaires à bac + 4 sont toujours à la recherche d'un emploi. La création d'un bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants est un exemple de cette volonté et de cette exigence de concrétisation des principes et des objectifs.

La possibilité offerte aux universités de créer des fondations partenariales n'est pas seulement le moyen d'un accroissement des sources de financement des universités, elle permet aussi de consolider les passerelles indispensables entre nos établissements d'enseignement supérieur et les entreprises.

Les nombreuses questions qui faisaient débat ont pu être abordées au travers d'une large concertation préalable avec les représentants des étudiants et des enseignants, mais aussi, naturellement, avec les présidents d'université.

Grâce à une direction simplifiée, clarifiée et renforcée, les universités disposent des moyens d'une gouvernance efficace et réactive : conformément à leurs attentes, les établissements se voient confier une responsabilité budgétaire étendue et une gestion des personnels renouvelée.

Le groupe Nouveau Centre se félicite par ailleurs des 5 milliards d'euros que le Gouvernement a promis de débloquer sur les cinq prochaines années. La dépense annuelle de l'État pour un étudiant à l'université est aujourd'hui de 6 700 euros seulement, contre 10 000 pour un lycéen et 13 000 pour un étudiant en classe préparatoire. Nous dépensons davantage pour un enfant d'école maternelle ou élémentaire que pour un étudiant. Il fallait remédier à cette anomalie.

L'autonomie des universités ne doit pas se faire au prix du désengagement de l'État, mais doit au contraire s'accompagner de la création de postes, à l'image du taux d'encadrement dans l'enseignement supérieur en France, qui place notre pays à la dix-huitième place sur vingt-trois au sein de l'OCDE.

Les moyens nouveaux donnés à l'université pour conclure des contrats avec les jeunes chercheurs — qu'ils soient titulaires ou contractuels — présentent des avancées notables par rapport à la situation actuelle que chacun connaît : de nombreux jeunes chercheurs vivotent aujourd'hui avec un demi-poste d'assistant assuré pour une seule année, tandis que d'autres s'engagent dans des voies professionnelles dépourvues de perspectives réelles, faute de débouchés dans leur formation initiale. Des nouveaux contrats de trois ou six ans assureront bien mieux l'avenir de ces jeunes chercheurs que les contrats annuels d'aujourd'hui.

Je salue également l'avancée permettant au chef d'établissement de recruter des étudiants — notamment pour des activités de tutorat ou de service en bibliothèque. La loi va permettre à la fois de donner la possibilité aux étudiants de travailler sur le lieu de leurs études, mais aussi de renforcer la présence humaine dans les campus.

De vraies améliorations ont été apportées à ce projet de loi par le groupe Nouveau Centre, en commission et en séance, et je tiens à vous en remercier, madame la ministre, notamment au nom de mon collègue Olivier Jardé.

La double appartenance hospitalière et universitaire des emplois, unique dans l'université, est rendue nécessaire par des impératifs de santé publique d'une part, et d'enseignement et de recherche d'autre part. En donnant au président d'université la haute main sur les nominations aux postes d'enseignants-chercheurs, le texte initial était susceptible de mettre en péril cet équilibre spécifique à la formation médicale. C'est pourquoi un amendement à l'article 12 précisait : « Les ministres compétents affectent directement et conjointement aux unités de formation et de recherche et aux centres hospitaliers universitaires, les emplois hospitalo-universitaires attribués à l'université. » De la même façon, le président d'université n'est pas oublié, puisqu'il est « consulté à l'issue des différentes étapes de la procédure de recrutement ». Vous savez combien la garantie de cette disposition était attendue par l'ensemble de la communauté hospitalo-universitaire, et nous nous félicitons d'avoir été entendus par le Gouvernement sur ce point très important.

J'aborderai encore deux points essentiels à nos yeux. Au moment où s'ouvrent de grands chantiers, notamment en matière de lutte contre le cancer, dans les domaines de la prévention, de la thérapeutique et du diagnostic, nous avons obtenu la possibilité, pour les centres de lutte contre le cancer, de conclure des conventions avec les UFR de médecine et les centres hospitaliers régionaux.

Enfin, il était important que l'université soit aussi un lieu d'accueil adapté pour les handicapés.

J'attire votre attention sur le fait que l'autonomie des universités et les moyens qui l'accompagnent doivent permettre de faire de ces établissements des instruments de l'attractivité des territoires. Cette vigilance est essentielle, particulièrement en province, là où l'on trouve souvent des universités de taille modeste et ne disposant pas du rayonnement médiatique des grandes universités parisiennes ou provinciales.

À ce titre, je vous proposerai deux pistes de réflexion qui n'ont pas été explorées mais dont j'ai bon espoir qu'elles fassent partie des prochaines mesures.

D'une part, il me semble nécessaire de revoir les conditions de la préinscription des lycéens à l'université. Chacun sait en effet que la décision de choisir telle ou telle voie professionnelle n'intervient que quelques semaines avant les inscriptions et rarement dès la classe de seconde : c'est un père de famille qui vous le dit. De plus, il conviendrait que la préinscription se fasse prioritairement au sein de l'académie d'origine, si toutefois la formation désirée y est disponible. Élu d'un département limitrophe de l'Île-de-France, je sais que la déperdition d'étudiants, déjà très importante, ne ferait sinon qu'empirer.

D'autre part, je regrette, madame la ministre, que vous n'ayez pas permis dans votre projet, comme l'avaient fait certains de vos illustres prédécesseurs – Falloux, Mauroy, Defferre et Rocard –, d'aller plus loin dans le transfert du patrimoine universitaire de l'État aux collectivités territoriales : régions, départements, voire agglomérations. Les problèmes immobiliers restent en effet importants : l'État ne réalise pas toujours les programmes, comme l'ont montré les différents contrats de plan et contrats de projets.

Cela dit, pour toutes les raisons préalablement développées, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce texte. Nous soulignons la nécessité d'accompagner la mise en oeuvre de cette réforme et attendons avec intérêt l'ouverture prochaine des chantiers dont ce projet de loi pose le socle : amélioration des conditions de vie des étudiants, valorisation des carrières des personnels, amélioration des conditions d'exercice des missions d'enseignement de l'université, rénovation du statut des jeunes chercheurs et des enseignants-chercheurs, lutte contre l'échec en premier cycle et mise en valeur de la licence comme diplôme professionnalisant et qualifiant dans toutes les disciplines.

Permettez-moi enfin, madame la ministre, de saluer, au nom du groupe Nouveau Centre, le courage et l'audace dont vous avez fait preuve pour mener à bien ce projet de loi particulièrement sensible, dans un esprit permanent d'écoute et de concertation. Je voudrais aussi vous féliciter d'avoir obtenu un tel engagement financier de l'État. Ce n'est pas une réforme de plus, comme certains l'ont dit, mais bien une réforme fondatrice, une étape importante qui contribuera à redonner ses lettres de noblesse à l'université française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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