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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 25 septembre 2008 à 21h30
Revenu de solidarité active — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Nous ne vous suivrons pas dans cette voie, qui est une trahison des valeurs les plus fondamentales de la République.

Faut-il rappeler au Gouvernement et à nos collègues que, jusqu'à plus ample informé, le travail est, dans notre pays, un droit de valeur constitutionnelle, reconnu par le préambule de notre texte fondamental, et qu'à défaut de pouvoir assurer à chacun la jouissance de ce droit, il revient à la nation de fournir aux personnes privées d'emploi ou empêchées de travailler des moyens d'existence dignes leur permettant de se loger, de se vêtir, de se nourrir et de nourrir leur famille ?

Vous ne pouvez, messieurs de la majorité, vous exonérer si facilement de vos responsabilités politiques pour mieux faire peser sur autrui, en l'occurrence les plus fragiles de nos concitoyens, des sujétions aussi lourdes que celles que vous proposez, au mépris des personnes comme des réalités de la conjoncture économique.

Il est en outre parfaitement inacceptable de laisser entendre, comme vous le faites en permanence de manière implicite, que le chômage est un choix volontaire. Vous savez comme nous que seules 2 % des personnes privées d'emploi ne souhaitent effectivement pas retrouver du travail. Ce qui signifie que 98 % de nos concitoyens le souhaitent et peinent à retrouver des emplois stables, correctement rémunérés, à temps plein ou correspondant à leur qualification.

Plutôt que de travailler significativement sur l'accès à la formation et l'exercice du droit de formation professionnelle tout au long de la vie, de faire en sorte que la lutte contre l'illettrisme soit réellement une priorité nationale, de renforcer la proximité et la cohérence de l'action territoriale, d'assurer le financement des missions de l'ensemble des acteurs de l'insertion, de renforcer les moyens d'accompagnement des bénéficiaires des minima sociaux, vous avez choisi l'unique voie de la subvention des emplois « paupérisants ». Quelle aubaine pour les entreprises soucieuses de diminuer encore le coût du travail ! Vous les encouragez à proposer davantage d'emplois à temps partiel ou très partiel, vous leur fournissez une main-d'oeuvre piégée par votre dispositif d'emploi contraint. Mais vous venez d'indiquer que nous discuterions de ce sujet.

Vous tirerez sans doute gloire demain d'avoir permis que certains emplois à temps très partiel, qui ne trouvent pas preneurs aujourd'hui, soient désormais pourvus. Mais il ne faut pas perdre de vue que ces emplois trouveront preneurs moins parce que les salariés y seront plus enclins que parce qu'ils seront contraints de le faire.

Dans la nouvelle logique de droits et de devoirs que vous mettez en place, il y aura davantage de pression sur les candidats pour qu'ils acceptent ces emplois, qui sont « paupérisants ». Les secteurs d'activité très exposés, tels que les services à domicile – où la durée de travail hebdomadaire moyenne est de huit heures –, l'hôtellerie et la restauration, vont voir affluer de nouvelles légions de travailleurs pauvres, que vous vous serez simplement appliqué à rendre un peu moins pauvres, modérément puisque vous ne proposez que de leur permettre d'atteindre péniblement le seuil de pauvreté, dont il faut donc croire que vous le prenez pour référence du revenu décent, ce qui ne saurait bien évidemment pas être le cas.

Pour être réelle, l'amélioration des revenus attendus du RSA n'est, en d'autres termes, pas substantielle. Elle ne permettra à la plupart des bénéficiaires que de disposer, au mieux, de 50 % du revenu médian, soit à peine 800 euros. Quelle formidable réduction, là aussi, des ambitions du dispositif !

Vous parviendrez sans nul doute à faire baisser de manière mécanique les statistiques de la pauvreté, mais quant à ouvrir aux bénéficiaires du RSA de réelles perspectives d'avenir, force est de constater que vous demeurez sur ce point curieusement silencieux. Vous savez en effet que vous condamnez, avec ce dispositif, la majorité de nos concitoyens parmi les plus pauvres à le demeurer longtemps, voire indéfiniment. Vous les enfermez dans une précarité moins abrupte, peut-être, mais plus inéluctable.

Non content de renvoyer les personnes les plus éloignées de l'emploi vers une pauvreté sans aucun moyen de subsistance, vous allez de fait condamner des millions de nos concitoyens à vivre dans la précarité, ballottés par les exigences d'entreprises auxquelles vous ne demandez aucune contrepartie en termes de rémunération, de conditions de travail ou de requalification des contrats précaires. Cette situation est d'autant plus choquante qu'elle condamne votre dispositif à l'échec.

Échec d'autant plus certain, en termes de lutte contre la pauvreté, que la généralisation du RSA ne s'accompagne d'aucune réflexion sur le montant des minima sociaux, dont tout porte dès lors à croire que vous les jugez satisfaisants, monsieur Hirsch, contrairement aux nombreuses associations qui, comme nous, réclament la mise en oeuvre d'un véritable plan pour les revaloriser à hauteur de 25 % en cinq ans.

La réussite du RSA est plus compromise encore par le fait que vous ne consacrez aucun moyen nouveau à l'accompagnement social.

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