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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 25 septembre 2008 à 21h30
Revenu de solidarité active — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Nous y voici, en effet !

Nous sommes donc surpris que vous n'ayez pas, en particulier, prêté une oreille plus attentive à ceux des membres de la commission que vous animiez en 2005, qui, comme Denis Clerc, pointent aujourd'hui avec exactitude les lacunes de votre dispositif, soulignant le risque qu'il conduise à l'élargissement de la pauvreté laborieuse et à l'institutionnalisation d'emplois précaires.

Je tenterai une nouvelle fois aujourd'hui de vous convaincre, avec d'autres, de la nécessité d'entendre les objections nombreuses qui vous sont adressées.

Je commencerai par établir l'inventaire des publics oubliés par votre réforme, des personnes en situation de précarité sciemment tenus à l'écart du bénéfice du dispositif, à commencer par les jeunes de 18 à 25 ans. Les jeunes qui travaillent, comme ceux qui n'ont pas d'emploi, se trouvent à ce jour exclus du RSA. Cette position est incompréhensible. On ne peut continuer à tenir les jeunes à l'écart des minima sociaux, comme c'est actuellement le cas sauf pour ceux qui sont chargés de famille.

Chaque année, plus de 60 000 jeunes quittent le système éducatif sans qualification. À l'évidence, il faut saisir ce problème à bras-le-corps, pour leur permettre de disposer d'un minimum de ressources et de bénéficier d'un accompagnement dans un parcours de formation et d'insertion sociale et professionnelle, fût-ce en le formalisant dans un contrat.

Or, dans votre projet de loi, rien ne vient apporter la moindre réponse au désarroi de ces jeunes. Ajoutons que, dans le même mouvement, se trouve évacué le nécessaire débat sur le dossier connexe des étudiants, dont nous savons pourtant que la paupérisation compte parmi les faits sociaux les plus marquants de ces dernières années.

Alors même que vous nous dites porter l'ambition d'unifier et simplifier les différents minima sociaux, de mieux les articuler aux dispositifs d'insertion et de formation, l'absence de toute référence à la situation des jeunes constitue une première grave lacune.

D'autres publics se trouvent encore de façon surprenante tenus à l'écart du dispositif : les détenus, dont la garantie des moyens de subsistance constitue pourtant un enjeu majeur en termes de réinsertion sociale et professionnelle ; les quelque 400 000 allocataires de l'allocation de solidarité spécifique ou encore les 770 000 personnes qui perçoivent l'allocation aux adultes handicapés.

Plus largement, que deviennent tous les publics qui ne peuvent travailler ou dont la réinsertion ne peut s'envisager – vous le savez peut-être même mieux que nous – qu'à travers un suivi de longue haleine, sur plusieurs années, et pour autant que l'on accepte d'y consacrer les moyens nécessaires ? Ce sont les laissés pour compte de cette réforme, dont l'ambition se trouve dès lors largement réduite.

De fait, nous sommes très loin des deux millions de salariés pauvres potentiellement concernés par le RSA évoqués dans le rapport de 2005 ! Avec ce que vous nous proposez désormais, nous sommes surtout très loin de disposer d'un instrument efficace de lutte contre la pauvreté.

Cette formidable réduction de l'ambition de votre réforme n'est évidemment pas le fruit du hasard, mais le résultat des arbitrages successifs qui ont vidé la réforme de son sens sans vous y faire pour autant renoncer. Vous pourrez sans doute vous retrancher derrière l'argument de la nécessité d'examiner chaque problème en son temps, ou invoquer la nécessité de prendre le temps de la réflexion.

Pourtant, rien ne vous obligeait à nous présenter un texte dès l'automne, avant l'échéance de la période d'expérimentation. L'urgence que réclame la situation des personnes vivant sous le seuil de pauvreté ne vous imposait pas d'agir dans la précipitation, non plus que d'avaler les couleuvres gouvernementales ou de céder aux sirènes de Bercy. La précipitation sur ce dossier, de même que la réduction drastique et savamment orchestrée de l'ambition du projet, n'ont été guidées, chacun le sait, que par de purs motifs d'opportunité politique.

Comment, monsieur le haut-commissaire, avez-vous pu vous prêter à l'organisation scandaleuse des travaux parlementaires où sont dissociés la discussion générale et les motions, d'une part, et l'examen des articles, d'autre part ? Il devait se passer onze jours avant que nous ne reprenions le projet de loi. Ce n'est plus tout à fait le cas désormais, puisque nous allons le reprendre mardi soir pour quelques heures, puis la semaine suivante.

Par-delà ces questions d'ordre du jour, vous n'étiez pas tenu d'accepter le marchandage ministériel, non plus que de vous faire l'écho du seul signal fort qu'a voulu lancer le Gouvernement à travers cette réforme, à savoir qu'il ne saurait être question de verser des allocations à quiconque sans une contrepartie en termes d'activité.

« Pas un centime n'ira à l'inactivité », avez-vous déclaré. Pauvre slogan, triste dérive que ce discours qui ignore délibérément que l'inactivité n'est pas un choix ! Vous avez, sciemment ou malgré vous, fait vôtre, monsieur Hirsch, cette approche moralisatrice du chômage, selon laquelle « qui ne travaille pas ne mangera pas ». Cette maxime dont l'indécence le dispute à la barbarie, vous l'avez inscrite en filigrane sur chaque page de ce projet de loi. Vous avez ainsi accepté l'inacceptable : inscrire dans votre texte un article qui prévoit la suspension de tout ou partie du RMG, en cas de non-signature ou de non-respect du contrat par le bénéficiaire.

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