Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Louis-Joseph Manscour

Réunion du 25 septembre 2008 à 21h30
Revenu de solidarité active — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis-Joseph Manscour :

Monsieur le haut-commissaire, je ne vous connais pas personnellement. Cependant, je vous ai beaucoup lu. J'ai écouté vos discours. Je sais que vous êtes un militant contre l'exclusion. Je vous sais aussi généreux. Je le dis, parce que, pendant une quinzaine d'années, je vous ai suivi de très loin, depuis mon île natale. Je suis presque sûr qu'aujourd'hui les conditions dans lesquelles se déroule ce débat ne doivent pas vous réjouir et je le regrette profondément.

Ce projet de loi généralisant le revenu de solidarité active part d'une louable intention, tout comme le RMI de Michel Rocard le fut en novembre 1988. Dans le contexte actuel, marqué par la montée du chômage, la baisse du pouvoir d'achat des Français, une crise financière menaçant les économies européennes, c'est dans un esprit d'ouverture et de responsabilité que je voudrais aborder ce débat.

Qui peut refuser de lutter contre la pauvreté, de réduire l'assistanat que cachent les minima sociaux tels le RMI et l'allocation parent isolé ? Qui peut refuser d'aider ces «exclus » de la sphère productive et de revaloriser le travail, source de la dignité humaine ? En tout cas, ce ne sont pas ceux qui vivent dans nos régions d'outre-mer, dont les populations subissent les affres d'une situation économique et sociale particulièrement dégradée, où le taux de RMistes est, en moyenne, de 8 % de la population contre 1,2 % en France hexagonale, où le taux de chômage est encore trois fois supérieur : 22 % aux Antilles contre 8 % dans l'hexagone.

Monsieur le haut-commissaire, la question que je vous pose est simple. Comment, dans nos régions ultramarines, déjà en retard de développement – je pense aussi à la Martinique – accompagner une personne RMiste qui a besoin de retrouver les clés de l'accès à l'emploi ? Nombreuses sont celles qui souhaitent travailler, mais qui sont victimes de la pénurie de l'emploi et de la précarité du monde du travail. Nombreuses sont les femmes qui rencontrent des difficultés pour garder leurs enfants ou pour obtenir un logement.

La réalité des situations de pauvreté dans les DOM-TOM est beaucoup plus complexe qu'on ne l'imagine. Il n'y a pas d'un côté « ceux qui accepteraient de se lever tôt » et de l'autre « ceux qui préféreraient l'assistanat ». Mes chers collègues, compte tenu des nombreux handicaps que je viens d'énumérer, c'est un dispositif spécifique aux DOM-TOM qui devrait être mis en place pour inverser la spirale de l'exclusion, pour contribuer à la revalorisation du travail, le rendant plus rémunérateur que l'assistance, au lieu de transférer des charges sur nos départements insulaires, qui doivent déjà assumer le social, donc le RMI et demain le RSA, et faire face à de nouvelles dépenses sans être assurés du transfert des moyens financiers.

Quelque désireux que l'on soit d'approuver ce texte, de nombreux éléments importants ne sauraient être occultés dans le débat, mes collègues l'ont déjà souligné.

Le RSA que vous proposez ne s'inscrit pas dans une politique sociale globale et cohérente. Le texte qui nous est soumis ne peut-être l'instrument unique d'une politique de solidarité en direction des plus en difficulté. Dans nos sociétés domiennes si fortement touchées par le chômage, ce n'est pas seulement le RSA qui créera des emplois. Une politique d'insertion ne peut se réduire à une simple incitation financière à la reprise d'un emploi. Elle suppose une politique sociale ambitieuse permettant aux plus démunis d'acquérir les moyens de sortir durablement de leurs difficultés par la formation, l'aide au logement, l'accès aux soins… Ce projet ne peut pas non plus, à lui seul, atténuer les effets de la politique antisociale, de recul des droits sociaux, menée depuis l'arrivée du Président de la République à la tête de l'État. Il ne peut masquer, en outre, l'instauration de franchises médicales, la réduction des contrats aidés, ni faire oublier les 14 milliards de cadeaux fiscaux attribués généreusement aux nantis, sans réelle contrepartie.

La morale n'est malheureusement pas un principe majeur en économie, loin de là, et nous le regrettons. Pour lutter contre les inégalités, ce sont des dispositifs de répartition des revenus et de redistribution des fruits de la croissance qu'il faut actionner. Votre gouvernement n'en prend malheureusement pas le chemin.

Je crains que le RSA, dont nous partageons l'esprit, ne s'attaque pas véritablement à l'accroissement des inégalités, singulièrement en outre-mer. Pire encore, ce dispositif risque de constituer un instrument de pression sociale et salariale à la baisse profitable aux entreprises et de leur procurer un effet d'aubaine pour l'emploi précaire. C'est la porte ouverte aux « jobs » bien connus en Martinique, variante des « petits boulots » dans l'hexagone avec les mêmes caractéristiques : l'incertitude, la faible durée et l'abonnement aux CDD.

Monsieur le haut-commissaire, votre texte, dans son objet, est pavé de bonnes intentions, mais quant à son contenu, nous comptons sur l'esprit d'ouverture qui vous a toujours caractérisé pour l'améliorer, l'enrichir, afin que nous puissions le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion