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Intervention de Michel Vaxès

Réunion du 7 mai 2008 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur les langues régionales et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vaxès :

Le moment est maintenant venu d'évaluer ce qu'un effort national de revitalisation et de reconquête peut apporter au lien social et à l'essor culturel de notre pays.

La pluralité linguistique fait partie de la réalité française depuis les origines de l'État, depuis que les rois de France décidèrent d'annexer les territoires voisins. L'indispensable diffusion d'une langue commune a conduit à considérer que l'espace public devait être le domaine de la seule langue nationale, l'usage des autres langues devant être réservé à la seule sphère privée. Cette idée, apparemment logique, sert en fait, par le biais d'arguments fallacieux, à justifier le rejet de tout ce qui n'est pas le français. Derrière celui-ci, on retrouve le vieux mépris pour le parler des gens simples, des « gens de peu », comme on dit dans le Midi.

Si, par le passé, les langues régionales se sont transmises grâce à l'espace privé, c'est tout simplement parce que l'espace public – hormis celui réservé aux élites – n'imposait aucun choix linguistique. Or, aujourd'hui, aucune langue ne peut se transmettre en Europe sans son support. Nos voisins l'ont bien compris : la présence des langues à l'école, à la radio, à la télévision et dans la signalétique est indispensable à leur pratique.

Quand abandonnerons-nous le mythe d'une société monolithique où toute différence est jugée comme une déviance et un danger ? Ce mépris séculaire, cette méfiance affichée pour les langues de France, a provoqué au cours du XXe siècle leur déclin de plus en plus rapide et conduit des populations entières au reniement d'une part d'elles-mêmes – sans aucun profit pour la cohésion nationale puisque les conflits qui traversent la société ne sont, historiquement, jamais d'ordre linguistique, mais toujours économico-politiques, avec ou sans habillage religieux.

Quand comprendrons-nous que ce qui provoque la cohésion du corps social national autour de valeurs communes, ce sont les actes de solidarité et l'attention respectueuse portée aux singularités, qu'elles soient individuelles ou collectives ? Quand admettrons-nous qu'il est urgent d'encourager et de soutenir, en mobilisant les moyens adaptés, le respect de la diversité des langues et des cultures, ainsi que le développement des échanges et les fécondations mutuelles entre cultures ?

La cohésion nationale repose à la fois sur la coexistence dynamique des expressions les plus diverses de citoyens véritablement égaux et sur l'adhésion de tous à un projet collectif fondateur.

Puisque le modèle civique français est fondé sur le lien politique et non sur le lien ethnique, cette adhésion suppose en retour l'acceptation par la collectivité nationale de ces divers héritages linguistiques et culturels.

Accepter l'idée d'une association étroite entre le français et les autres langues de France implique que, sur tous les points du territoire national, l'école et les médias prennent acte de leur existence. Le contraire reviendrait à considérer que l'universel leur est définitivement interdit et qu'il serait réservé au seul français. En 1951, la loi Deixonne, adoptée à l'initiative d'André Tourné à la suite de deux propositions communistes de 1948, l'une sur le breton, l'autre sur le catalan, a représenté un incontestable progrès puisqu'elle reconnaissait la valeur des langues régionales et organisait leur enseignement. Elle n'en comportait pas moins des limites dans sa conception même et dans son champ d'application puisque n'étaient concernés que le catalan, la langue occitane, le basque et le breton, auxquels, depuis lors, ont été fort légitimement ajoutés le corse, l'alsacien et les créoles.

La reconnaissance de toutes ces cultures régionales, ainsi que de celles que je n'ai pas citées, élément fondamental de la culture française, légitime un effort national de revitalisation et de reconquête, qui suppose la mobilisation d'importants moyens en faveur du développement culturel régional. L'État doit être le garant des langues de France et de leur statut. Dans les domaines qui sont de sa compétence directe, il doit être également l'acteur de cette reconnaissance, en assumant notamment ses responsabilités en direction des médias et des institutions culturelles comme dans le domaine de l'enseignement. À côté de l'État, les autres collectivités territoriales ont leur rôle à jouer dans l'accompagnement de la politique générale concernant les langues de France. Cela implique la mobilisation de ressources financières complémentaires, l'aide à la création et, d'une manière générale, tout ce qui concerne l'expression à l'échelle locale de la spécificité linguistique et culturelle.

Les institutions européennes sont elles aussi concernées, tout d'abord parce que certaines langues de France sont transfrontalières ; ensuite parce que la question des langues régionales se pose désormais à l'échelle européenne. Au niveau mondial, les recommandations de l'ONU en matière de droits de l'homme et celles de l'UNESCO en matière de préservation de la diversité linguistique et culturelle doivent être prises en considération dans l'élaboration de la loi.

Les parlementaires communistes soutiennent des propositions élaborées avec les associations qui militent pour la prise en compte de la diversité linguistique et culturelle dans notre patrimoine national. S'il est peu pertinent de revendiquer une parité absolue entre le français et les autres langues, celles-ci doivent pouvoir avoir une place dans l'espace public qui leur permette d'être visibles et audibles. C'est la condition première de leur pratique.

Si l'accès aux langues régionales à l'école doit demeurer du domaine du libre choix, facultatif et optionnel, il doit toutefois être de droit, disions-nous dans notre proposition de 1988, car l'institution a, elle, l'obligation de rendre ce choix effectivement possible, par une offre généralisée partout où une de ces langues est pratiquée et où une demande significative se manifeste.

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