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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 6 mars 2012 à 15h00
Majoration des droits à construire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Les textes examinés au cours de cette dernière journée de la législature sont finalement un échantillon représentatif de la funeste politique du Gouvernement : une proposition de loi sur l'identité, énième texte électoraliste, qui fait courir à notre société des risques majeurs d'atteintes aux libertés publiques en créant un fichier centralisé de la population, sous le prétexte de lutter contre l'usurpation d'identité ; une proposition de loi pénale qui n'est qu'un énième texte d'affichage destiné à satisfaire la droite populaire, laquelle laboure sur les terres du Front National sans apporter aucune réponse concrète et efficace à la question de la délinquance ; enfin cette discussion en lecture définitive d'un projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, dans des conditions qui, malheureusement, furent notre lot quotidien pendant cinq ans.

Ce projet de loi avait été annoncé par le Président de la République comme contenant des mesures spectaculaires pour le logement. Spectaculaires, elles le sont en effet, tant elles illustrent le décalage entre la politique portée par le Gouvernement et les besoins de nos concitoyennes et nos concitoyens.

En 2006, le candidat UMP à la présidentielle, M. Nicolas Sarkozy, avait déjà une belle et grande idée à nous proposer : faire de la France un pays de propriétaires grâce aux prêts hypothécaires. Une vraie grande et belle idée venue d'Outre Atlantique : les subprimes, qui furent à l'origine du fameux crash aux États-Unis !

Six ans après, quelle est donc cette fameuse nouvelle mesure censée régler le problème du logement en France ? Pour les trois prochaines années, les règles de constructibilité de tout terrain, toute maison, tout immeuble, seront majorées de 30 %.

Ce nouveau dispositif offert aux propriétaires pour capter leur électorat ne réglera en rien le sort des 3,6 millions de personnes qui sont très mal logées, voire pas logées du tout, ni celui des 10 millions de personnes qui se trouvent, comme en atteste le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre sur l'état du mal logement, en situation de fragilité de logement à court ou moyen terme. Il n'apportera aucune solution aux presque 70 % des ménages à bas revenus qui se logent hors du parc social.

En effet, cette possibilité d'augmenter de 30 % le coefficient d'occupation des sols ne devrait réjouir que les propriétaires, lesquels, comme nous le dit Vincent Renard, économiste spécialiste des questions d'économie foncière et immobilière, verront la valeur de leur patrimoine s'accroître sans être incités à vendre : « Ils seront plus riches, c'est tout ! ».

Concernant par ailleurs les constructions futures qui sont les premières visées, il ne fait aucun doute que cette majoration des droits à construire favorisera une hausse des prix du foncier qui se répercuteront inévitablement sur le prix de vente des logements. Le Gouvernement n'a, en effet, prévu aucune contrepartie à cette mesure comme, par exemple, un encadrement du prix de livraison des logements pour les promoteurs.

Comment ne pas voir, enfin, que cette mesure vise à faire croire que le manque de construction relève non pas de votre responsabilité mais de celle des élus locaux, à qui vous refusez les outils administratifs, juridiques, fiscaux et économiques qui leur permettraient de résorber plus vite l'habitat indigne, de bloquer la spéculation foncière et la flambée des prix de la construction et de l'immobilier. Malgré cela, nombre d'élus continuent, avec leurs faibles moyens, de s'opposer, contre vents et marées, à cette bulle spéculative.

Alors que la situation du logement social en France ne cesse d'empirer, devenant de plus en plus préoccupante année après année, et que la situation sociale des demandeurs de logements se dégrade toujours davantage, voilà ce que nous propose le candidat de la « France forte » : une mesure qui pourrait être qualifiée de ridicule si elle n'était pas porteuse de graves effets pervers.

Les sénateurs nous avaient proposé une réécriture complète et pertinente de l'article unique. Bien évidemment, vous l'avez écartée, car elle allait contre la logique même de votre politique qui vise à satisfaire, en ce domaine et en bien d'autres encore, les seuls spéculateurs. Les députés du Front de gauche prennent, eux, la question du logement social à bras le corps. Ils n'oublient pas la majorité des Français, les sept Français sur dix qui sont éligibles au logement social ! Ils ont d'ailleurs profité de plusieurs « niches parlementaires » pour vous proposer de voter des mesures en ce sens tout au long de la législature, des mesures efficaces. Malheureusement, vous n'en n'avez jamais voulu parce que vous n'avez que faire du logement social.

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