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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 29 février 2012 à 15h00
Exécution des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi, le dernier de la législature en matière pénale, mérite quelques observations ; j'en ferai quatre.

La première concerne la méthode de discussion. Ce texte s'inscrit dans une série de lois que la Commission nationale consultative des droits de l'homme, institution indépendante de la République, a considéré comme relevant « de l'opportunité politique et non du travail législatif réfléchi ».

La CNCDH dit aussi ce que nous avons dénoncé depuis le début de la législature, ce que met en évidence la majorité sénatoriale actuelle et ce que suggèrent, entre les lignes, certains rapports parlementaires de nos collègues de la majorité : « L'importance d'une politique pénale cohérente, stable et lisible ne se mesure pas à son degré de réactivité aux faits divers ou aux circonstances du moment. »

Ce texte a été examiné et débattu selon la procédure dite accélérée qui ne garantit pas la sérénité nécessaire. Paradoxalement, cette loi de programmation arrive en toute fin de législature, alors que, par nature, le sujet et les moyens à mobiliser ont besoin de s'inscrire dans le temps.

Deuxième observation : c'est une programmation sans moyens. Comme l'ont excellemment rappelé Jean-Jacques Urvoas et Dominique Raimbourg, le seul objectif de ce texte est en effet la création de près 25 000 places en établissement pénitentiaire, entre 2013 et 2017, s'ajoutant aux quelque 5 000 places du programme précédent et portant le parc carcéral à 80 000 places à l'horizon de cinq ans.

La création de nouvelles places pourrait se révéler utile si elle compensait en quelque sorte la fermeture de places dans des établissements vétustes, dont plus de 80 devaient initialement fermer d'ici à 2015.

Néanmoins, sur ce sujet comme sur d'autres, les promesses n'auront tenu que quelques mois puisque le nombre de fermetures de sites ne pouvant accueillir des détenus dans de bonnes conditions a été réduit à moins de quarante. Cette politique n'est, par nature, pas favorable à l'encellulement individuel promu par la loi pénitentiaire.

Mais la plus grande surprise de cette loi est que l'ensemble du programme n'est pas précisément chiffré, même sous la forme de fourchettes. Pour une loi de programmation, cela constitue une sorte de contradiction.

Troisième observation, les dispositions de ce projet de loi en matière de résorption des peines, de dangerosité et de taille des établissement sont contestables.

S'agissant de la résorption des peines non exécutées, l'étude d'impact estime à plus de 85 000 le nombre de peines délictuelles en attente d'exécution.

Plus de 90 % des condamnations en attente d'exécution – 96 % exactement – sont des condamnations à des peines inférieures ou égales à deux ans. Autrement dit, ce sont des peines qui peuvent être aménagées ou converties, après leur prononcé, en une surveillance électronique, un placement à l'extérieur, une semi-liberté, une libération conditionnelle ou un travail d'intérêt général. Il y a donc un certain paradoxe à justifier la création de places par une non-exécution de peines quand une loi adoptée par le Parlement il y a seulement quelques mois a posé le principe de leur aménagement en d'autres peines. Une évaluation des raisons de la non-réalisation de cet aménagement aurait été non seulement souhaitable mais aussi raisonnable.

S'agissant d'établir un classement des établissements selon la dangerosité des détenus, le projet de loi pose le principe en renvoyant au rapport annexé. Cette consécration n'est pas sans poser problème.

Un projet de rapport, certes centré sur le suivi des auteurs d'infractions à caractère sexuel, remis la semaine passée, relève qu'il est difficile d'expertiser la dangerosité et l'adaptation du suivi. Élargie à la question d'ensemble de la détention, la définition systématisée de la dangerosité aurait mérité autre chose qu'une catégorisation par lieu. Une approche en fonction des types de suivi aurait été utile.

Le projet renvoie aussi à la mise en place d'un outil partagé, valable pour tous les condamnés : le diagnostic à visée criminologique, actuellement expérimenté. Selon les échos que nous pouvons en avoir, cet outil viserait à prédéfinir des modalités de suivi selon des items renseignés et de façon quasi automatique. Je constate donc qu'on nous propose de généraliser un dispositif, alors que les résultats de son évaluation préalable ne nous ont pas encore été communiqués.

Dernier point : ce projet prend acte, en quelque sorte, de l'échec de la politique du Gouvernement en matière de répression pénale.

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