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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 22 février 2012 à 21h30
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Notre soutien à ce texte ne nous empêche cependant pas d'en déplorer certaines insuffisances. Elles concernent notamment les garanties accordées aux auteurs.

Nous regrettons ainsi que n'aient pas été adoptés les amendements que nous avions déposés, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, pour améliorer les possibilités offertes aux auteurs de s'opposer à la numérisation de leurs oeuvres.

Alors qu'aucun accord préalable n'est requis, aux termes du texte proposé par la commission mixte paritaire, auteurs comme éditeurs ne disposeront ainsi que de six mois pour signifier qu'ils souhaitent s'opposer à cette numérisation. Nous avions proposé un délai d'un an qui nous paraissait plus adapté. Et si la Société des gens de lettres a assuré qu'elle se chargera d'informer les auteurs, il ne s'agira pas d'une obligation. Un risque existe donc d'une sorte de confiscation automatique du droit d'auteur, pourtant inaliénable.

Comment ne pas déplorer également le rejet, par la majorité de l'Assemblée nationale, de notre amendement destiné à donner aux auteurs inscrits dans le dispositif les mêmes garanties de rémunération que celles contenues dans la loi sur le prix unique du livre numérique, c'est-à-dire de pouvoir bénéficier d'une rémunération juste et transparente, et pas seulement équitable ?Sachant que notre société a de plus en plus souvent tendance à faire du profit sur le divertissement, au détriment de la création et du droit à rémunération des auteurs et des artistes, il y a plutôt lieu de s'inquiéter.

Nous notons que la rédaction proposée prévoit que le montant des sommes perçues par le ou les auteurs ne pourra être inférieur au montant des sommes perçues par l'éditeur. Espérons que cette disposition apporte un peu d'air aux auteurs, malmenés ces dernières années par un marché en crise mais aussi par des politiques éditoriales qui leur sont de plus en plus défavorables.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire affirme par ailleurs la gratuité de reproduction et de diffusion numériques des oeuvres indisponibles pour les bibliothèques publiques. Malgré notre souci de préserver l'intérêt général, ce droit, même encadré, nous interpelle, avec la Société des gens de lettres, quant à la création d'une nouvelle exception au droit d'auteur. Si la brèche ouverte n'est pas grande, étant donné que la gratuité ne concernera que les livres indisponibles dont les auteurs et ayants droit n'auront pas été retrouvés dix ans après la première autorisation d'exploitation, il semble que nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion plus approfondie sur ce thème.

Nous nous étions aussi interrogés en commission sur les livres du début du XXIe siècle qui n'ont jamais été proposés sous format numérique natif. Ne faudra-t-il pas un jour permettre à tout auteur qui le souhaite de s'inscrire dans le dispositif que nous allons adopter ? Il s'agirait en effet d'éviter la création d'une distorsion ou d'une rupture d'égalité quant aux possibilités de publicité et de mise sur le marché numérique entre les auteurs dont les oeuvres auront été publiées avant le 1er janvier 2001 et les autres.

Pour conclure, je dirai que, si ce texte crée les conditions d'une manne importante pour les éditeurs – dans la mesure où le Gouvernement a proposé d'articuler cette réforme au volet numérique des investissements d'avenir et de l'emprunt national, plutôt que de confier à l'État lui-même le soin de mener cette numérisation –, il ouvre d'autre part des possibilités tout à fait nouvelles pour l'exploitation, dans le respect du droit d'auteur, d'oeuvres actuellement indisponibles.

Puisqu'elle fait écho par certains aspects à l'exigence de démocratie culturelle que le Front de gauche entend porter au service de l'humain, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront pour cette proposition de loi. C'est suffisamment rare pour qu'on puisse le souligner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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