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Intervention de Richard Mallié

Réunion du 20 février 2012 à 17h00
Reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Mallié :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mon cher rapporteur, chers collègues, 2012 correspond au cinquantenaire de l'exode de plus d'un million de personnes qui ont dû tout quitter dans des conditions souvent effroyables. Cette année doit donc nous permettre de réaliser, encore plus que d'habitude, notre devoir de mémoire à propos de cette période complexe de notre histoire sans qu'aucune de ses facettes ne soit oubliée. Parmi celles-ci, la tragédie subie par les harkis et leurs familles mérite de trouver sa juste place.

Je sais les conditions horribles et les déchirements qui ont conduit à l'arrivée de ces femmes et de ces hommes en France métropolitaine au début des années 60. Ils durent tout quitter : les paysages qui les avaient vus grandir, les maisons qu'ils avaient construites, tout ce qu'ils aimaient et dont ils seraient privés désormais.

Contraints à un exil forcé et douloureux parce qu'ils avaient choisi de se ranger au côté de la France, les harkis ont alors témoigné avec force de leur attachement à la République. Les harkis, notre pays en est fier. Ils ont tout donné, tout quitté parce qu'ils avaient fait le choix de notre pays. Ils ont servi la France à l'un des moments les plus douloureux de notre histoire. Et si l'on veut savoir aujourd'hui ce qu'est l'identité nationale, alors écoutons les harkis. Leur histoire nous dit : être Français, c'est choisir la France et l'aimer, l'aimer par-dessus tout.

Afin de leur être reconnaissant, plusieurs lois successives ont mis en place des mécanismes d'indemnisation les concernant, et ce depuis la fin des années 80. Je pense notamment aux avancées réalisées par la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Au-delà des aspects économiques et sociaux, plusieurs initiatives ont permis une reconnaissance morale des sacrifices consentis par les harkis et leurs familles.

Cependant, depuis quelques années, la jurisprudence a révélé plusieurs lacunes dans la protection pénale des harkis. Aussi utiles qu'elles soient, les mesures prises depuis 2002 ne doivent pas être considérées comme un acte ultime. C'est pourquoi la présente proposition de loi vise à combler les lacunes de notre droit pénal en matière de protection des harkis.

Ce texte entend, d'une part, réprimer les injures et diffamations commises envers les supplétifs et, d'autre part, permettre aux associations oeuvrant en leur faveur de se constituer partie civile.

La mesure forte de ce texte consiste à prévoir, pour l'application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, que les formations supplétives sont considérées comme faisant partie des forces armées. Cette assimilation a pour effet d'aligner la répression de l'injure et de la diffamation publiques à l'encontre des formations supplétives sur celle dont bénéficient actuellement les armées.

En effet, l'article 30 de la loi de 1881 punit la diffamation publique envers « les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l'air, les corps constitués et les administrations publiques » d'une amende de 45 000 euros. En l'état de la jurisprudence, les harkis ne pouvaient en bénéficier. C'est donc un grand pas en avant que nous faisons là.

Par ailleurs, l'article 33 de la loi de 1881 punit l'injure publique commise « envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 » d'une amende de 12 000 euros.

C'est parce que les harkis et autres supplétifs ont combattu ou se sont engagés pour la France qu'ils méritent d'être spécialement protégés contre les injures et diffamations publiques.

De plus, la proposition de loi vise à permettre aux associations de défense des intérêts et de l'honneur des supplétifs de se constituer partie civile en cas de diffamation ou d'injure publiques.

Enfin, je souhaite appeler votre attention sur une décision récente du Conseil constitutionnel.

En effet, le 27 janvier dernier, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil a jugé disproportionnée, et donc inconstitutionnelle, la suspension des poursuites prévue par l'article 100 de la loi de finances de 1998. Cette loi organise sous certaines conditions, au bénéfice des Français rapatriés, une suspension automatique des poursuites engagées par de possibles créanciers.

Cette décision du Conseil constitutionnel a entraîné en quelques semaines l'ouverture de nombreuses procédures. Elle constitue un préjudice certain pour des personnes qui ont servi notre pays. Il apparaît légitime que ces rapatriés, quelques milliers dans l'hexagone, continuent de recevoir cette aide de façon pérenne.

Monsieur le ministre, je connais votre engagement véritable et sincère sur ce sujet et je suis persuadé que vous allez déposer un amendement pour remédier à cette situation fort regrettable. Sinon, je ne pourrai, en ce qui me concerne, voter ce texte.

Nous avons tous un devoir de reconnaissance et de mémoire vis-à-vis de ceux qui, à un moment donné de leur histoire, ont défendu avec ardeur les valeurs de la République. Au nom de tous ceux qui ont souffert, de ceux qui ont payé le prix fort, le prix du sang, pour notre pays, nous nous devons aujourd'hui de faire preuve de loyauté et de gratitude.

Les harkis ont toute leur place, une place d'honneur, dans le coeur de la République. C'est pourquoi il est de notre devoir d'approuver ce texte, si la réserve formulée ci-dessus, monsieur le ministre, est levée, parce qu'il est grand temps que cette pénalisation soit inscrite dans notre droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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