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Intervention de Pierre Gosnat

Réunion du 14 février 2012 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Gosnat :

Je tiens à protester contre les conditions dans lesquelles nous devons examiner ce texte, reçu quarante-huit heures à peine avant de commencer nos travaux. Le groupe GDR retire donc tous les amendements qu'il avait déposés.

Monsieur le secrétaire d'État, votre présentation de ce projet de loi est très défensive. La majoration de 30 % des droits à construire annoncée par le Président de la République le 29 janvier parmi d'autres mesures est censée développer l'offre de logements et faire baisser les prix. Il serait souhaitable que Mme Kosciusko-Morizet, qui s'est aventurée à en chiffrer les effets à 40 000 logements par an, indique l'origine de cette estimation fantaisiste, qui repose sur un mécanisme aussi simpliste qu'illusoire. Il suffirait d'augmenter les possibilités de construire pour construire plus, et donc infléchir les prix de l'immobilier ? Cette automaticité est loin d'être avérée – bien au contraire !

La majoration des droits à construire, votée dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion – loi MOLLE – et de la loi Grenelle 2, est déjà en vigueur pour le logement social et les logements à haute performance énergétique. Or les résultats fabuleux promis par les ministres n'ont pas suivi, car cette possibilité de construction supplémentaire demeure peu utilisée. De fait, la question de l'accès au logement dépasse la seule question de l'offre, et il ne suffit pas d'augmenter les droits à construire pour régler le problème. Encore faut-il, du reste, que le Gouvernement stimule réellement l'offre de logements pour répondre aux besoins des quelque 3,5 millions de demandeurs de logement. Cela suppose de renforcer les crédits destinés aux logements sociaux et de faire appliquer réellement la loi SRU. Or le projet de loi que vous nous présentez précise expressément qu'il n'est pas question de faire intervenir la puissance publique dans le financement. La promesse est donc illusoire.

Au-delà des déclarations des ministres, personne n'est dupe des réelles intentions du Président de la République : il s'agissait avant tout de lui permettre de faire semblant d'avoir trouvé une idée géniale – un « bidule » – pour répondre à l'une des préoccupations principales des Français, face à laquelle l'échec est total après cinq ans de règne.

La mesure proposée est un cadeau offert, sans aucune contrepartie, aux spéculateurs de l'immobilier, pour qui la mise en oeuvre de cette majoration est une véritable aubaine. Elle ne fera pas baisser les prix à la vente. Pire, elle entraînera une flambée des prix du foncier, pourtant responsables des coûts exorbitants du logement.

Monsieur le secrétaire d'État, votre démonstration est en la matière insuffisante. Le prix du terrain est en effet fonction du prix de vente global du bien qui y est bâti, c'est-à-dire de sa valorisation. Accroître le volume des droits à construire revient à augmenter le prix de vente global du programme, et donc le coût du foncier. Le Gouvernement défend son projet en avançant que cette hausse du foncier sera absorbée par les promoteurs, qui ne la répercuteront pas sur les prix de vente. Croyez-vous vraiment à cette fable ? Comme dirait l'autre, il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages…

Par ailleurs, l'augmentation des prix du foncier aura des conséquences désastreuses pour les bailleurs sociaux et les collectivités locales, qui verront le coût de leurs programmes de construction de logements, et plus particulièrement de logements sociaux, alourdi par l'inflation du foncier, avec des prix de référence. Dans un contexte de désengagement massif de l'État, cette mesure réduira à nouveau leurs possibilités d'opérations nouvelles.

Enfin, la faculté laissée aux communes de se soustraire à cette mesure par délibération du conseil municipal après consultation de la population est extravagante : vous nous demandez de voter de toute urgence une loi qui prévoit expressément qu'un conseil municipal pourrait s'exonérer de son application ! Peut-être est-ce là une porte ouverte à une prochaine remise en cause de la loi SRU, et particulièrement de son article 55 : si un conseil municipal peut se dispenser d'appliquer une loi d'urbanisme aussi mauvaise que celle que vous nous proposez aujourd'hui, pourquoi ne pas lui permettre de délibérer sur la non-application de la loi SRU ? Ne serait-ce pas là la face cachée de votre projet de loi ?

En tout état de cause, vous comprenez bien que nous ne le voterons pas.

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