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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 8 février 2012 à 12h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général :

Ce projet de loi sera examiné en séance publique lundi prochain, sachant que les derniers amendements devront être déposés avant vendredi dix-sept heures et que je dois avoir achevé mon rapport au plus tard dans la nuit de jeudi à vendredi.

Or la réforme proposée porte sur 13,2 milliards d'euros, soit plus du double du montant concernant la réforme professionnelle. Je souhaiterais donc vous poser plusieurs questions précises en vue de la rédaction de ce rapport.

Ma première question porte sur le ciblage des 13,2 milliards d'allègements supplémentaires. On constate que plus de 40 % d'entre eux accentuent les allègements « Filllon » concernant les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC et que 25 % seulement concernent l'industrie. Or, les analyses montrent que si ces allègements « Fillon » sont très efficaces pour favoriser l'emploi et ont protégé des entreprises notamment dans les secteurs de la propreté, de la sécurité ou la grande distribution – qui sont généralement plutôt abrités de la concurrence internationale –, ils ne bénéficient que partiellement à l'industrie et, plus largement, aux grandes entreprises, aux grosses PME et aux entreprises de taille intermédiaire – ETI –, dans la mesure où les salaires qu'elles versent sont plutôt plus élevés. Dans ces conditions, le ciblage de la réforme de la baisse des cotisations patronales, qui est très bonne dans son principe, ne favorise-t-il pas davantage l'emploi que la compétitivité ?

À cet égard, quand nous avons travaillé sur la réforme de la taxe professionnelle, le fil conducteur des amendements de la commission des Finances avait été de la cibler davantage sur l'industrie et les entreprises soumises à la compétition internationale. Nous avons à cette occasion procédé à certaines améliorations, même si nous n'avons pas pu aller jusqu'au bout de notre démarche.

Ma deuxième question concerne l'annualisation des allègements « Filllon ». Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, on a pu, grâce à l'annualisation, dégager une économie de 2 milliards d'euros. Le mode de calcul prévu, compte tenu d'une entrée en vigueur le 1er octobre prochain, nous ferait perdre, selon mes évaluations, 500 millions d'euros. Pourquoi ne proposez-vous pas un système de calcul d'annualisation en une fois en fin d'année, en dépit de la coexistence de deux régimes cette année ?

Troisièmement, pourquoi ne proposez-vous pas, comme cela a toujours été fait dans le passé, une révision du taux de remboursement du FCTVA pour les collectivités locales ? En 1995, le taux normal de TVA est passé de 19,6 à 21,6 %, en vue de financer le plan « Fillon » tendant à mettre en place des allègements de charges appelés aussi « ristourne Fillon » : le taux de remboursement du FCTVA a été alors revalorisé pour tenir compte de cette augmentation. De même, en 2000, quand ce taux est repassé à 20,6 %, ce dernier a été ajusté à la baisse. J'attire votre attention sur le fait que les collectivités locales ne récupèrent pas la TVA sur les dépenses de fonctionnement et que la fonction publique territoriale ne bénéficiera pas de la réduction de cotisations patronales. Je proposerai donc un amendement d'actualisation du taux de remboursement du FCTVA.

Quatrièmement, les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, qui étaient de 10 % en 2004, seront de 15,5 % le 1er juillet prochain, soit un accroissement de 55 %. Celui-ci a résulté, dans la plupart des cas, de prélèvements sociaux exceptionnels : l'instauration de la journée de solidarité envers les personnes âgées qui a suivi la canicule de 2003, le relèvement de 1,1 point pour financer le revenu de solidarité active – RSA – et, plus récemment, de 1,2 point pour les retraites. Or, en 2004, date de la dernière augmentation de CSG, a été mis en place le principe de la déductibilité. Pourquoi avoir fait le choix de la CSG et ne pas avoir prévu de déductibilité ?

À cet égard, si l'on tient compte des prélèvements fiscaux et sociaux, on ne peut plus dire aujourd'hui que les revenus du patrimoine sont globalement moins imposés que ceux du travail : il faut tordre le coup à cette fausse idée !

Monsieur le ministre, puisque vous participiez lundi dernier à une réunion sur la convergence franco-allemande en matière d'impôt sur les sociétés, je souhaite rappeler qu'en Allemagne, la fiscalité globale sur les revenus du patrimoine est à 26,5 % contre 36 % prévus en France. Il faut être bien conscient de ce différentiel, qui pose lui aussi un problème de compétitivité.

Cinquièmement, un certain nombre de produits relèvent de prix réglementés dans la mesure où ils incorporent dans leur prix de revient une part importante de fiscalité. Cela pose la question du prix du tabac – qui est traitée –, celle du prix des carburants – sur laquelle je souhaite que vous nous apportiez une réponse –, mais aussi du prix du gaz et de l'électricité. À cet égard, lors du dernier collectif de fin d'année, nous avons maintenu le taux réduit de TVA de 5,5 % sur les abonnements, ce qui était bien. Pouvez-vous prendre l'engagement qu'il n'y aura pas, à compter du 1er octobre, de répercussion de l'augmentation du taux de TVA sur le prix du gaz et de l'électricité ? Si je souscris au raisonnement consistant à dire que cette mesure n'entraînera pas de hausse des prix – dans la plupart des cas, la suppression de cotisations patronales permettra de la compenser, surtout dans le contexte de concurrence que vous évoquez –, le personnel d'EDF n'est pas concerné par la baisse des cotisations – ce qui pose par ailleurs une question de compétitivité qu'il faudra examiner.

Sixièmement, si la taxe sur les transactions financières que vous proposez protège bien la place de Paris, elle cible des entreprises ayant leur siège social en France. À la fin des années 1990, à cause notamment de l'imposition des plus-values sur titres de participation, un certain nombre d'entreprises publiques sont allées créer des holdings aux Pays-Bas. Certes, le montant de la taxe prévue est faible – 0,1 % –, et l'Allemagne va très vite nous rejoindre de même que les autres pays européens, mais il faut prendre garde à deux problèmes : d'une part, vendre des actions permet aussi d'assurer la liquidité des fonds propres d'une entreprise et, d'autre part, les entreprises peuvent déplacer leur siège social. Comment entendez-vous y remédier ?

Enfin, sur le budget, il faut souligner à nouveau les résultats remarquables de l'exécution de 2011. Je suis persuadé que la détente sur les taux d'intérêt est liée au respect de nos engagements. Quand vous dites, madame la ministre, dans votre interview de ce matin, que l'essentiel des dispositions est mis en place pour sécuriser la trajectoire de retour à l'équilibre en 2016, vous avez totalement raison. Cela étant, l'annulation d'1,2 milliard d'euros de crédits prévue dans le projet de loi est importante : a-t-elle fait l'objet d'une consultation des ministères ? Les collectivités locales seront-elles totalement préservées à cet égard – contrairement à ce qui s'est passé en 2011 –, ce qui démontrerait que l'État a aussi le souci de sauvegarder leurs intérêts ?

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