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Intervention de François Baroin

Réunion du 8 février 2012 à 12h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Je souhaiterais vous donner quelques éléments de cadrage macroéconomique sur ce projet de loi.

D'abord, le Gouvernement a révisé sa prévision de croissance à 0,5 % pour l'année 2012.

Cette prévision intègre les chocs conjoncturels du deuxième semestre 2011, lesquels devraient se dissiper progressivement dès la fin de l'année.

Mais les tensions sur les marchés financiers ont eu des conséquences plus profondes sur l'activité de nos principaux partenaires. Alors qu'en France, la croissance a rebondi au troisièmetrimestre, elle a poursuivi son ralentissement en zone euro, avec un taux de + 0,1 % au troisième trimestre pour l'ensemble de la zone et un produit intérieur brut – PIB – qui pourrait s'être contracté dans certains pays au quatrièmetrimestre.

Ce contexte a pesé sur la demande adressée à la France. Les indicateurs relatifs au quatrième trimestre confirment que nous devrions enregistrer un ralentissement plus fort que prévu en fin d'année, ce qui implique une reprise un peu plus tardive en 2012.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a ramené sa prévision de croissance à + 0,5 % pour cette année.

Les indicateurs parus en ce début d'année confirment que ce choix est pertinent. En effet, les dernières enquêtes de conjoncture montrent que le climat des affaires semble se stabiliser en janvier en France et dans la zone euro.

Par ailleurs, le financement de l'économie demeure globalement satisfaisant. Sous la pression des marchés et de la mise en oeuvre du nouveau cadre prudentiel Bâle 3, les banques françaises ont procédé au cours des derniers mois à un ajustement de leur activité, notamment à l'étranger. Le Gouvernement a veillé à ce que la consolidation des fonds propres des banques ne pèse pas sur le marché du crédit national.

De fait, la distribution de crédit aux ménages et aux entreprises françaises est restée relativement dynamique à la fin décembre 2011, avec un encours en hausse de + 5,3 % sur un an.

De plus, au même titre que l'ensemble des établissements européens, les banques ont pu tirer parti des mesures exceptionnelles de refinancement de la Banque centrale européenne – BCE –, lesquelles calment les tensions sur leurs capacités de refinancement à moyen et à long terme.

Les marchés s'apaisent donc, ce qui est bien sûr positif pour les conditions de financement de l'État. Celles-ci se sont encore améliorées depuis l'audition à laquelle vous m'avez convié le 24 janvier dernier : notre taux à 10 ans est passé sous le seuil des 3 %. Notre spread s'établit aujourd'hui autour des 100 points de base.

Si les marchés continuent d'accorder toute leur confiance à notre signature, c'est aussi parce que notre stratégie d'assainissement des finances publiques porte ses fruits.

Aujourd'hui, les résultats sont là : comme en 2010, nous sommes allés au-delà de nos engagements. La grande crédibilité budgétaire dont nous avons fait preuve a été un élément déterminant, non seulement pour notre économie, mais aussi pour éviter que la situation ne s'aggrave encore dans la zone euro.

Enfin, nos exportations ont progressé au quatrième trimestre tandis que nos importations se sont contractées : l'INSEE nous dira la semaine prochaine si cette évolution a permis au commerce extérieur de contribuer positivement à la croissance en fin d'année.

Mais cela ne saurait occulter le fait que notre déficit commercial en 2011 est le plus élevé que nous ayons jamais enregistré, soit près de 70 milliards d'euros.

Par ailleurs, ces chiffres du commerce extérieur viennent rappeler que la France souffre d'un problème de compétitivité, lequel motive le contenu du présent PLFR.

Tandis que notre déficit atteint un niveau record, l'Allemagne affiche un excédent commercial de près de 160 milliards d'euros sur la même période.

La France a donc bien un problème de compétitivité spécifique, qui s'explique en partie par un coût du travail trop élevé. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de diminuer les cotisations sociales pesant sur les salaires et de compenser cette baisse par une augmentation de TVA et de CSG.

Cette mesure est d'autant plus favorable à notre compétitivité que les entreprises qui ne produisent pas en France ne bénéficieront pas de cette baisse de cotisations sociales et seront soumises au nouveau taux de TVA.

Le pouvoir d'achat des Français n'en sera pas affecté, pour plusieurs raisons. D'abord, seul le taux normal de TVA est relevé : or 60 % de la consommation des ménages français sont assujettis aux autres taux de TVA ou sont exonérés de cette taxe.

D'autre part, le montant de l'augmentation de TVA est de 25 % inférieur à celui de la baisse de cotisations sociales, de sorte que les entreprises pourront diminuer leurs prix hors taxes et maintenir ainsi le niveau de leurs prix TTC.

Je rappelle en outre que l'amélioration de notre compétitivité n'est pas seulement un enjeu national. C'est aussi un engagement que la France a pris auprès de ses partenaires européens et du G20, dans le cadre de notre effort commun de rééquilibrage macroéconomique.

De plus, ce projet de loi de finances rectificative comprend à ce titre un ensemble de dispositions relatives au versement des premières tranches de la contribution française au Mécanisme européen de stabilité.

Certes, la situation de la zone euro se stabilise progressivement. Les dernières adjudications souveraines se sont globalement bien déroulées, en particulier pour la France. Les investisseurs semblent prendre conscience des réformes importantes actuellement accomplies par la grande majorité des États membres de la zone.

Toutefois, il faut se garder de tout triomphalisme. Nous devons consolider ce mouvement grâce des avancées institutionnelles puissantes.

C'est la raison pour laquelle mon homologue allemand Wolfgang Schäuble et moi-même avons travaillé sur les différentes réponses que nous apportons à la crise.

Avec l'ensemble de nos partenaires européens, nous sommes parvenus à un accord concernant le fonctionnement du MES. Le second traité intergouvernemental, qui porte notamment sur l'instauration d'une règle d'or en Europe, est lui aussi en bonne voie.

Dans ce contexte, ce PLFR prévoit l'ouverture des crédits nécessaires pour doter le MES.

La structure capitalistique du MES lui garantit par ailleurs une bonne protection contre les variations de notation des États membres de la zone euro.

Conformément à l'engagement commun du Président de la République et de la Chancelière allemande d'accélérer la force de frappe du MES, le PLFR prévoit l'ouverture immédiate de deux des cinq tranches de la dotation totale, soit 6,5 milliards d'euros, en anticipant la deuxième tranche d'un an. En adoptant rapidement ce projet de loi, la France souhaite, comme elle l'a fait au cours des derniers mois, montrer l'exemple à ses partenaires.

S'agissant de la Grèce, la France et l'Allemagne partagent une grande détermination à accompagner le pays durant ses réformes, jusqu'à ce que celles-ci produisent leurs effets. Mais le soutien européen suppose que les autorités grecques reconnaissent la nécessité et l'urgence de réformer leur économie en profondeur. Il faut que cette volonté nationale se traduise dans des avancées tangibles.

Enfin, ce projet de loi vise à instaurer une nouvelle taxe sur les transactions financières.

Depuis 2008, les États sont venus en aide au secteur financier. Une telle intervention est donc légitime en termes d'équité.

C'est aussi une exigence d'efficacité, car la taxation des transactions permettra de limiter certaines opérations à visée purement spéculative qui perturbent les marchés.

La France a obtenu au G20 l'expression d'un soutien de ses partenaires, y compris de la part du Président des États-Unis, ce qui est une avancée sans précédent. La Commission européenne, avec le projet de directive qu'elle a publié début octobre sur ce sujet, s'inscrit également dans cette perspective.

Mais le Gouvernement souhaite aujourd'hui aller plus vite et plus loin et montrer l'exemple vis-à-vis de ses partenaires européens comme internationaux.

C'est la raison pour laquelle la taxation que nous souhaitons mettre en place reprend les contours du projet européen, en l'adaptant aux contraintes d'une taxe exclusivement nationale. Elle n'est pas une alternative à ce projet : nous continuerons de nous impliquer très fortement pour permettre l'adoption rapide de celui-ci, qui, lorsqu'il sera mis en oeuvre, remplacera le dispositif qui vous est proposé aujourd'hui.

Ce dernier comporte deux volets. Le premier repose sur une taxation sur les acquisitions d'actions.

Son objectif prioritaire est de faire participer le secteur financier au redressement des finances publiques.

Cette taxe porte sur l'ensemble des transactions réalisées sur des actions de grandes entreprises françaises cotées, quel que soit le lieu de réalisation de la transaction, ce qui évitera les délocalisations.

Nous avons également veillé à ne pas pénaliser le financement des entreprises qui investissent ni celui de l'État : c'est une question de responsabilité, tout particulièrement dans le contexte actuel. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a maintenu les obligations hors du champ de la taxe.

Le second volet consiste à mettre en place deux taxes destinées à modifier les comportements des acteurs de marché.

La première porte sur les activités dites de « trading à haute fréquence » et la seconde sur la détention de certains contrats d'échange, ou CDS, sur défaut souverain.

La taxe sur les CDS souverains s'appliquera à tout acquéreur de ce type de contrat lorsque celui-ci ne détient pas les obligations d'État couvertes par le contrat, ni aucun actif dont la valeur est corrélée au risque de défaut souverain.

Cette taxe permet ainsi de cibler spécifiquement les opérations de pure spéculation sur le défaut d'un État.

Nous avançons rapidement : j'ai publié hier la liste des huit ministres des Finances de la zone euro qui ont adressé avec moi une lettre commune à la présidence danoise de l'Union européenne sur le projet de directive relatif à cette taxe.

Il s'agit d'une avancée politique déterminante, qui permet de s'inscrire dans une logique de coopération renforcée. Nous souhaitons d'ailleurs accélérer le calendrier de la mise en oeuvre de cette taxe au niveau communautaire.

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