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Intervention de Charles de La Verpillière

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Refonte de la carte intercommunale — Discussion d'une proposition de loi après engagement de la procédure accélérée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre, de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, mes chers collègues, pierre angulaire et élément de consensus de la loi portant réforme des collectivités territoriales adoptée par les deux assemblées en 2010, l'achèvement et la rationalisation de la carte de l'intercommunalité sont actuellement au milieu du gué. La première étape, qui aura duré un peu plus d'un an – de la promulgation de la loi du 16 décembre 2010 au 31 décembre dernier –, s'est globalement bien passée. Les préfets ont mené une concertation qui a duré au moins trois mois avec les communes et quatre mois avec les représentants des élus locaux, représentés au sein des commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI. La refonte s'est donc faite en pleine association avec les élus. Selon les chiffres communiqués par le ministre chargé des collectivités territoriales, 330 réunions des CDCI ont été tenues, au cours desquelles 1 400 amendements ont été examinés, dont environ 80 % ont été adoptés à la majorité requise des deux tiers des membres de chaque commission.

Les deux tiers des départements français disposent ainsi désormais d'un schéma départemental de coopération intercommunale, approuvé par la CDCI, puis arrêté par le préfet. Chacun représente une feuille de route qui permettra, dans le cadre de la seconde étape, c'est-à-dire essentiellement au cours de l'année 2012, une couverture totale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre homogènes et cohérents, fondés sur la réalité des territoires et des bassins de vie, ainsi que la suppression des structures redondantes.

Toutefois, l'obligation faite à chaque commune de trouver sa place au sein d'une carte intercommunale rénovée n'a pas été sans provoquer des tensions dans environ un tiers des départements. C'est pourquoi le Gouvernement a donné pour instruction aux préfets de ne pas considérer la date du 31 décembre 2011 comme un horizon indépassable et, lorsque les esprits n'étaient pas mûrs, de prolonger la concertation. Dans trente-trois départements, le préfet a ainsi renoncé à arrêter un schéma avant le 31 décembre 2011.

Si la loi du 16 décembre 2010 avait prévu cette éventualité, elle a, en revanche, insuffisamment organisé la poursuite de la concertation dans les départements dépourvus de schéma. Ainsi les articles 60 et 61 de la loi ne prévoient pas que la commission départementale de coopération intercommunale soit saisie des modifications de la carte intercommunale envisagée par le préfet, sauf en cas de refus des communes concernées. Mais, en ce cas, la commission ne rend qu'un avis simple, sans avoir la possibilité d'amender les projets du préfet à la majorité qualifiée. Ces pleins pouvoirs – si l'on peut les qualifier ainsi – conférés aux préfets se révèlent, à l'expérience, un cadeau empoisonné, dans la mesure où ils mettent hors jeu l'interlocuteur naturel des préfets qu'est la commission départementale de coopération intercommunale.

D'autres difficultés sont apparues. Premièrement, la question de la date de la révision des schémas a été renvoyée, par la loi du 16 décembre 2010, à 2017-2018, donc assez loin dans le temps. Deuxièmement, lorsque deux ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale fusionnent, la détermination des compétences du nouvel ensemble n'est pas prévue par la loi de 2010, qui s'en remet donc implicitement au principe d'addition des compétences précédemment exercées par les anciens EPCI. Troisièmement, l'application immédiate des nouvelles règles de composition des organes délibérants et des bureaux des EPCI dont les statuts sont modifiés dans le cadre de la refonte conduit à exclure de ceux-ci de nombreux élus qui se sont engagés en faveur de la réussite de cette réforme. Quatrièmement, l'entrée en vigueur, le 1er décembre dernier, du transfert des pouvoirs de police spéciaux des maires accompagnant le transfert des compétences correspondantes a été complexifiée à l'excès par l'intervention d'un amendement sénatorial postérieur.

Face à ces difficultés, signalées par les associations représentatives des élus locaux, notre collègue Jacques Pélissard a pris l'initiative de déposer, le 8 novembre dernier, la présente proposition de loi. Ce faisant, il rejoignait les préoccupations exprimées par le Sénat, qui a utilisé comme véhicule législatif une proposition de loi déposée initialement par le président Jean-Pierre Sueur, pour adopter, le 4 novembre dernier, un texte dont les préoccupations et les solutions rejoignent largement celles de l'auteur de la présente proposition. Dans le cadre d'une démarche consensuelle et transpartisane, j'ai donc proposé à la commission des lois de reprendre un certain nombre des dispositions adoptées par le Sénat.

Tel que modifié par notre commission, le texte qui nous est soumis poursuit deux objectifs. Tout d'abord, il aménage les modalités de consultation des commissions départementales de coopération intercommunale, afin d'organiser la poursuite de la concertation tout au long de l'année 2012 là où cela sera nécessaire, notamment dans les trente-trois départements non couverts par un schéma départemental de coopération intercommunale. Ensuite, il propose quelques aménagements de la réforme, afin d'apporter de la souplesse et des solutions concrètes aux quatre difficultés ponctuelles que j'ai précédemment indiquées.

L'article 1er de la proposition de Jacques Pélissard prévoyait le report au 15 mars 2012 du délai laissé aux préfets pour arrêter un schéma départemental, là où celui-ci n'avait pas été adopté au 31 décembre 2011. Cependant, cette date apparaît aujourd'hui trop proche pour donner plus de temps à la concertation au niveau local. C'est pourquoi, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, j'ai proposé à votre commission des lois de remplacer ces mesures par un dispositif qui réintroduit la pleine compétence de la CDCI lorsqu'aucun schéma n'a été adopté.

L'article 2 prévoyait initialement d'avancer la clause de rendez-vous, afin de remettre en chantier la carte intercommunale dès après les élections de mars 2014, et non à partir de 2018. Comprenant la démarche suivie, j'ai proposé de conserver le principe d'un nouveau rendez-vous en 2014-2015. La commission des lois a également introduit la possibilité, pour la commission départementale, de provoquer la révision de la carte intercommunale là où cela apparaîtra nécessaire, sans devoir attendre le délai de six années prévu.

Les articles 3 et 4 ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution par le président de la commission des finances. Ils visaient à répondre à deux incompréhensions des élus locaux. La première concerne la question des compétences des EPCI fusionnés, sur laquelle portait l'article 3 : qu'adviendra-t-il des compétences exercées aujourd'hui en commun qui ne seraient pas reprises par le nouvel ensemble plus vaste ? L'article 3 proposait d'offrir la possibilité de créer un syndicat de communes ou un syndicat mixte pour les exercer et éviter qu'elles ne fassent retour aux communes. Mon rapport montre que deux autres solutions existent : la première consiste à organiser une délégation de ces compétences au profit de l'EPCI, avec une convention de financement entre celui-ci et les communes concernées, la seconde à déterminer précisément le champ des compétences facultatives. C'est cette dernière solution que favorise l'article 2 bis adopté par la commission des lois, qui porte à deux ans le délai laissé aux EPCI issus d'une fusion pour déterminer, par consensus, leurs compétences facultatives.

L'article 4 traitait le second problème, celui de l'entrée en vigueur des normes de représentativité limitant la composition des organes délibérants et des bureaux des EPCI. Nombre d'élus locaux ont en effet fait part de leur incompréhension, lorsqu'ils ont constaté qu'après s'être investis dans la préparation de la réforme, ils risquaient d'être exclus de sa mise en oeuvre, puisque toute modification du statut et du périmètre entraînera la révision des formats de la gouvernance des EPCI dès 2013, avant les prochaines élections municipales de 2014.

Sur ces deux points, je me réjouis que des amendements, élaborés en coordination avec les commissions des lois des deux assemblées, aient été déposés par le Gouvernement afin de contourner l'irrecevabilité financière.

L'article 5 prend en compte la situation géographique particulière des îles qui ne comportent qu'une seule commune et, sur proposition de votre commission, celle des enclaves historiques, qui se trouvent sur le territoire d'un département qui n'est pas celui auquel elles sont rattachées.

Enfin, la commission des lois a adopté trois articles additionnels. L'article 5 bis simplifie la gestion des services communs pouvant être mis en place entre un EPCI et des communes. L'article 5 ter simplifie la mise en oeuvre du régime de suppléance des délégués uniques d'une commune au sein de l'organe délibérant d'un EPCI. Enfin, l'article 5 quater précise les conditions d'opposition par les maires des communes à un transfert de leurs pouvoirs de police spéciale au président d'un EPCI.

En conclusion, je voudrais insister sur l'urgence qui s'attache à nos travaux. Les préfets et les élus locaux devront avoir achevé la mise en place des nouvelles intercommunalités au plus tard le 1er juin 2013. Il faut donc que la concertation reprenne rapidement, facilitée par les nouvelles règles prévues dans la proposition de loi que nous examinons. Or, il nous reste très peu de temps pour l'adopter avant la clôture de la session parlementaire. Cela ne sera possible qu'à deux conditions.

La première : éviter autant que possible les désaccords entre l'Assemblée nationale et le Sénat, et même, pourquoi pas, espérer un vote conforme dès la première lecture. C'est pourquoi, aussi bien notre collègue Jacques Pélissard que votre rapporteur, suivis par la commission des lois, ont cherché à emprunter un maximum de dispositions à la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur.

Deuxième condition : il faut résister à la tentation soit de détricoter la loi du 16 décembre 2010 en revenant sur des principes et des règles qui ne sont pas directement en cause, soit de surcharger le texte par des dispositions, peut-être utiles, mais qui lui sont étrangères.

C'est pourquoi, afin d'aboutir rapidement à un texte ramassé et consensuel, votre commission des lois s'est montrée très restrictive à l'égard des amendements de tous bords qui lui ont été présentés.

C'est le même état d'esprit qui devrait prévaloir ce matin, moyennant quoi nous pourrons, j'en suis sûr, hâter l'adoption d'une loi que les élus communaux et intercommunaux appellent de leurs voeux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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