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Intervention de Édouard Courtial

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Accord france-inde sur la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords d'utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire — Discussion d'un projet de loi

Édouard Courtial, secrétaire d'état chargé des Français de l'étranger :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, au milieu des années quatre-vingt-dix, la France a défini une politique ambitieuse à l'égard de l'Asie, « nouvelle frontière de sa politique étrangère ».

Il s'agissait pour notre pays d'être en mesure de répondre aux enjeux de l'émergence asiatique, en termes économiques bien sûr, mais également politiques et de sécurité.

Pour cela, notre pays s'est engagé dans trois directions : le soutien au renforcement de l'État de droit et à l'émergence de sociétés civiles pluralistes ; la contribution à la sécurité régionale ; enfin, la conclusion de partenariats stratégiques, qui fournissent le cadre de coopérations renforcées dans des domaines touchant aux intérêts nationaux, avec des acteurs avec lesquels nous souhaitons développer une vision commune du monde.

L'Inde fait partie de ces partenaires stratégiques, avec le Japon, la Chine, la Corée du Sud et, depuis peu, l'Australie et l'Indonésie.

Le partenariat stratégique franco-indien a été noué en 1998. Il comporte trois volets : celui de la sécurité et de la défense, récemment marqué par l'annonce de la sélection du Rafale pour le programme d'acquisition par l'armée de l'air indienne de 126 avions de combat multi-rôles de dernière génération ; celui de l'espace ; celui, enfin, de l'énergie nucléaire civile.

Le 30 septembre 2008, la France a signé avec l'Inde un accord de coopération nucléaire civile. Cet accord répond à une préoccupation prioritaire de l'Inde qui doit, si elle souhaite maintenir son rythme de croissance – de l'ordre de 9 % par an –, augmenter le niveau de sa production énergétique et qui a fait, dans ce but, le choix du nucléaire pour satisfaire une partie de ses besoins.

Elle compte, pour cela, sur l'aide de plusieurs partenaires, comme la France, premier pays à signer avec l'Inde un accord après que le groupe des fournisseurs nucléaires a décidé de répondre aux engagements indiens en matière de non-prolifération en autorisant des coopérations nucléaires avec ce pays. Depuis, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et le Canada ont fait de même.

Cet accord, entré en vigueur en janvier 2010, fixe le cadre de notre coopération avec l'Inde et prévoit que les parties coopèrent dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et non explosives.

La coopération envisagée peut se développer dans des directions multiples : dialogue et coopération en matière de sûreté nucléaire, programmes conjoints de recherche et de développement, transfert de technologies, d'équipements et de matières nucléaires, construction en Inde de réacteurs nucléaires, formation de personnel, échanges d'informations scientifiques et techniques, etc. Vous le voyez, notre coopération ne se réduit pas à la fourniture d'EPR à l'Inde, comme certains le prétendent.

Pour la mise en oeuvre de l'accord cadre de 2008, des accords spécifiques doivent être conclus entre nos deux pays pour régler des questions essentielles. C'est le cas de l'accord soumis aujourd'hui à votre approbation, qui définit les règles applicables en matière de propriété intellectuelle. Il pose les grands principes de la protection, de la répartition et de l'utilisation de la propriété intellectuelle entre les acteurs indiens et français du secteur nucléaire et protège ainsi les droits de propriété intellectuelle des opérateurs français intervenant en Inde.

Plus spécifiquement, il fallait surmonter les obstacles de la loi indienne en matière de propriété intellectuelle dans le domaine nucléaire. En effet, la loi indienne, au regard de la combinaison de la section 20 de l'Atomic Energy Act de 1962 et du chapitre II, section IV, de l'Indian Patent Act de 1970, interdit la délivrance en Inde de brevets portant sur l'énergie nucléaire. En outre, l'obtention préalable de l'accord du Gouvernement fédéral est requise pour pouvoir déposer à l'étranger les résultats issus de recherches effectuées en Inde en matière nucléaire, obligation précisée section 20-5 de l'Atomic Energy Act.

Au terme d'un processus de négociation entamé en septembre 2009, nous avons obtenu l'engagement a priori du Gouvernement indien qu'il ne s'opposerait pas à la protection à l'étranger des résultats de recherches issus d'une coopération franco-indienne.

L'accord a été signé le 6 décembre 2010, à New Delhi, lors de la visite en Inde du Président de la République.

Les principales dispositions de l'accord sont les suivantes.

L'article 1er définit les principales notions : propriété intellectuelle, accord d'application, participant, résultats communs – qui sont le fruit de la coopération –, connaissances propres – antérieures à cette coopération –, exploitation.

L'article 2 rappelle l'importance de principe d'assurer une protection adéquate de la propriété intellectuelle et pose l'engagement a priori du Gouvernement indien de ne pas s'opposer à la protection des résultats communs dans les pays autorisant la protection.

L'article 3 prévoit les modalités d'utilisation des connaissances propres antérieures à la coopération, dont chaque participant reste propriétaire et dont il peut conférer l'utilisation à l'autre dans le cadre de la coopération.

L'article 4 rappelle l'importance de prévoir une protection des données confidentielles. Cet article fait d'ailleurs écho au deuxième considérant de l'accord, qui se réfère à son tour à l'accord signé le même jour sur la protection des données confidentielles.

L'article 5 encadre l'utilisation publique des connaissances propres préexistantes ou issues de la coopération, qui doit faire l'objet d'un accord préalable entre les parties et tenir compte des contraintes liées à l'obtention de la protection par brevet. En d'autres termes, la divulgation au public ne doit pas intervenir avant le dépôt d'une demande de brevet, au risque que l'invention ne soit plus considérée comme nouvelle.

Enfin, les articles 6 et 7 de l'accord fixent les grandes lignes de la protection, de la répartition et de l'utilisation des fruits de la coopération, ou résultats communs.

Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord franco-indien relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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