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Intervention de François de Rugy

Réunion du 8 février 2012 à 21h30
Formation des maîtres — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d'abord faire une remarque sur la forme. À écouter M. le rapporteur défendre sa proposition de loi, j'ai eu l'impression qu'il avouait que la suppression de la formation initiale des enseignants était illégale : en évoquant la nécessité de transcrire, dans la loi, une réforme déjà mise en oeuvre dans la pratique, il reconnaissait pour le moins qu'un passage en force avait eu lieu.

C'est sans la moindre concertation, sans le moindre débat, que le Gouvernement a profondément modifié le système de formation des enseignants dans notre pays. Je constate d'ailleurs que, sur cinq ans de mandat, nous n'aurons eu que deux malheureux petits débats sur l'école dans cette assemblée. Sans compter que, pour prendre celui sur le service minimum d'accueil à l'école, le ministre de l'éducation nationale d'alors, M. Darcos, nous opposait la même fin de non-recevoir à chaque fois que nous voulions élargir le débat à l'éducation nationale en général déjà mise à mal à l'époque, au motif que nos propositions étaient hors sujet.

Voilà aujourd'hui que nous abordons le second, un petit texte – vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur –, et même un très petit texte, qui vient légaliser a posteriori une réforme déjà mise en oeuvre.

J'ai cependant noté votre remarque selon laquelle il faudrait patienter encore quelques mois pour définir les modalités pratiques de la formation des maîtres. S'il y a bien quelque chose d'inquiétant pour la formation des enseignants dans notre pays, c'est bien une telle observation ! Elle revient en effet à dire que si une loi est nécessaire pour modifier trois articles du code de l'éducation, il faudra attendre pour ce qui est du contenu réel d'une réforme pourtant déjà mise en application ! Et pendant ce temps, on envoie les jeunes enseignants faire cours devant des classes.

Au-delà de ces remarques de forme, il existe des raisons de fond, déjà évoquées par certains des collègues qui m'ont précédé à la tribune. Pour commencer, la droite n'ayant jamais digéré la mise en place des IUFM au début des années 1990, les ministres de l'éducation de la majorité – M. Darcos, puis M. Chatel – n'ont cessé de les poursuivre de leur vindicte. Votre position n'est cependant pas exempte de contradictions : d'un côté, vous proposez trois articles afin de supprimer les références aux IUFM pour la formation des maîtres, de l'autre, vous vous prévalez de renforcer les IUFM. Comprenne qui pourra !

La deuxième, et sans doute principale raison de fond de la suppression d'une année de formation pour les enseignants, est à mettre au compte de manoeuvres budgétaires. La Cour des comptes a, fort opportunément, rendu public aujourd'hui même un rapport sur le sujet, qui chiffre à 700 millions d'euros l'économie pouvant être réalisée – cette économie initiale se trouvant toutefois réduite du fait de l'adoption de certaines mesures complémentaires. Au bout du compte, la réforme aura fait beaucoup de dégâts et permis peu d'économies.

Le bilan est catastrophique. Vous êtes en contradiction totale avec votre discours habituel : alors que vous ne cessez de vanter la formation par alternance pour tous les métiers, il n'en est plus question lorsqu'il s'agit de la formation des enseignants ! Vous avez mis fin au système qui permettait d'alterner cours théoriques et exercices pratiques devant les classes : désormais, les enseignants passent directement de la théorie à la pratique, sans aucune transition. Vous savez pourtant que placer des enseignants devant des élèves tout de suite après la fin des études universitaires, sans transition, constitue une grave erreur.

La Cour des comptes elle-même a pris la peine de le souligner, en disant que « les objectifs fixés par le code de l'éducation devraient normalement se traduire par une formation particulièrement renforcée en matière de gestion de l'hétérogénéité des niveaux des élèves au sein des classes. Or, selon les circulaires, cette formation ne représentait en 2010-2011 que neuf heures pour les enseignants du second degré et entre six et dix-huit heures pour les professeurs des écoles. » C'est d'autant plus frappant que, comme chacun le sait, la Cour des comptes emploie des mots choisis pour désigner une situation extrêmement préoccupante, à laquelle nombre d'enseignants sont confrontés : le fait de devoir enseigner à des élèves de niveaux et d'aptitudes très différents.

Je conclurai en disant que vous avez malheureusement pris de nombreuses mesures budgétaires du même type au détriment de l'éducation. Il y a eu des suppressions de postes, notamment dans les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté. Il y a eu aussi la suppression d'une année en lycée professionnel, qui, bien qu'on parle très peu, répond à la même logique. Mais la suppression de la formation pour les enseignants en lycée est sans doute la pire.

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