Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christian Vanneste

Réunion du 1er février 2012 à 15h00
Protection de l'identité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Vanneste :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui à la dernière étape de l'étude du texte consacré à la protection de l'identité. Je serais tenté de dire que le chemin qui nous a conduits a été beaucoup trop long en raison des obstacles que certains ont cru devoir mettre dans notre recherche d'une protection des personnes contre un délit particulièrement douloureux de notre époque, notamment en raison de son développement sur internet.

L'usurpation de l'identité consiste à s'emparer de ce qui constitue l'essentiel pour une personne dans son existence sociale : être bien celle qu'elle est, être reconnue comme telle par les autres, capable d'agir et de faire valoir ses droits. À partir du moment où l'usurpateur a pris sa place, la vie de la victime peut devenir un cauchemar. Elle peut être ainsi privée de l'usage de ses biens et de ses avoirs, poursuivie en justice pour des faits qu'elle n'a pas commis, empêchée de se marier et de se déplacer. Bref, sa vie peut être totalement vampirisée.

Il existe trois façons de lutter contre ce fléau, qui est en expansion. L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales indiquait 13 900 fraudes documentaires à l'identité en 2009, la direction des affaires criminelles et des grâces avait estimé à 11 621 le nombre des condamnations correspondantes. Si l'on élargit le champ de la délinquance identitaire à l'usage illicite de données personnelles, les chiffres sont beaucoup plus considérables, puisque le Credoc a publié une étude relevant 210 000 victimes en 2009 et 213 000 en 2010. Le coût en est évalué pour 2010 par l'inspection générale de l'administration à 20 milliards d'euros.

Certes, il est possible de considérer que cela est plus large que l'usurpation d'identité, mais il me paraît intéressant de souligner que ces fameuses données personnelles que l'on veut protéger de l'intrusion des services publics ne sont effectivement pas suffisamment protégées, mais des fraudeurs.

La première solution consiste à prendre la fraude en général, et la fraude à l'identité en particulier, au sérieux. Deux réponses peuvent alors être apportées : soit l'on prévient le risque en amont en établissant un registre national des personnes, avec un numéro unique d'identification. Cette mesure, qui existe dans plusieurs pays européens, de vieilles démocraties comme la Suède ou la Belgique, est un moyen de contrôle légitime dans une démocratie sociale ou l'État providence se donne les moyens d'éviter les abus et les fraudes qui peuvent naître d'un système de protection sociale très généreux. Soit l'on considère, dans une conception plus libérale, que l'individu, moins protégé socialement, ne doit pas non plus subir un contrôle social trop important, ce qui est le cas en général dans les pays anglo-saxons. Mais alors, on punit très sévèrement les usurpations.

Depuis 2005, le Royaume Uni avec le Fraud Bill considère l'usurpation d'identité comme un crime passible de dix ans d'emprisonnement. Le Canada applique la même peine de dix ans. De nombreux pays augmentent les peines afin d'enrayer l'accroissement des usurpations d'identité numérique. On comprend la logique propre aux deux systèmes, préventif ou répressif : soit l'on protège les victimes a priori en contrôlant davantage tout le monde ; soit l'on protège au maximum les donnés personnelles de tout contrôle, mais alors on réprime avec sévérité et a posteriori les atteintes à l'identité qui proviennent justement de la faiblesse du contrôle.

La seconde solution adoptée par le Sénat dans ce que certains appellent sa sagesse consiste à ne jeter qu'un regard distrait sur les victimes, et à se priver des moyens d'identifier l'usurpateur. Vous pensez : cela risquerait d'éviter la récidive ! La raison invoquée est le respect des libertés publiques, c'est-à-dire des libertés abstraites qui vont protéger l'anonymat du délinquant au détriment de ses futures victimes. La belle âme socialiste détourne pudiquement son regard des victimes pour se pâmer devant la statue de la liberté tandis que, très concrètement, des personnes en chair et en os perdent leur liberté réelle d'agir, de vivre, d'être elles-mêmes. La belle âme socialiste veut avoir les mains pures, mais c'est parce qu'elle n'a pas de mains, comme aurait dit Charles Péguy, des mains capables d'arrêter les faussaires.

Il faut d'ailleurs reconnaître que la belle âme socialiste en connaît un bout en matière d'usurpation !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion