Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 1er février 2012 à 15h00
Mise en oeuvre du principe de précaution — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Fioraso :

Ajoutons à cela le rôle joué par les médias, qui abordent ces sujets à l'occasion de dysfonctionnements, réels ou non, dans un climat chargé émotionnellement, ce qui n'encourage pas la sérénité nécessaire à des débats souvent complexes et ce qui accentue les peurs face à des avancées scientifiques et technologiques de plus en plus rapides.

L'expérience de ces six années montre que la jurisprudence a de facto élargi le cadre initial puisque le contentieux porte majoritairement sur les questions d'urbanisme et de santé. Elle souligne aussi l'absence de référent et de coordinateur du dispositif du principe de précaution, et donc la prédominance de la jurisprudence.

L'exemple le plus flagrant est fourni par la Cour d'appel de Versailles qui, le 4 février 2009, a décidé de surseoir à l'installation d'une antenne relais, au motif d'un trouble anormal de voisinage, en fondant sa décision non pas sur le risque sanitaire ou une quelconque expertise, mais sur l'angoisse ressentie par les plaignants face à l'impossibilité d'obtenir la garantie d'une absence totale de risque sanitaire. Cette interprétation extensive pourrait d'ailleurs s'appliquer à de nombreux équipements considérés comme gênants – voitures, industrie, éoliennes, camions – et engendrer des excès faciles à imaginer.

Comparé à d'autres pays développés, le nôtre reste en retrait dans le domaine des biotechnologies, des cellules souches, des OGM. Dans ce contexte, il est nécessaire de bien préciser le cadre mais aussi de rendre crédible le recours au principe de précaution, en améliorant sa gouvernance et son champ d'application.

Cette résolution vise à créer un référent indépendant, dont il faudra préciser les caractéristiques dans les débats liés au principe de précaution pour éviter que ce dernier ne soit régulé par une jurisprudence forcément aléatoire et parfois incohérente.

Cette résolution va, je l'espère, rétablir l'état d'esprit qui a présidé à l'inscription dans la Constitution du principe de précaution comme principe d'action. Elle me paraît donc bienvenue et je la soutiens. Cependant, pour éviter de nouveaux dysfonctionnements et ne pas retarder le développement de notre recherche, de notre industrie, des progrès sanitaires, sociaux et environnementaux, je me permets d'insister sur quelques points que le référent devra approfondir.

Premier point : rétablir la crédibilité de l'expertise, en l'ouvrant aux sciences humaines et sociales, en favorisant la pluralité de l'expression et en distinguant l'expertise scientifique de l'expertise sociétale.

Deuxième point : hiérarchiser les risques, en les mettant en perspective et en favorisant une approche bénéficesrisques, prenant aussi en compte l'impact économique et la création d'emplois.

Troisième point : améliorer l'environnement de la prise de décision en développant la culture scientifique et technique dès le plus jeune âge, en finançant les études en épidémiologie, biosécurité, biosûreté, éco-toxicologie, en parallèle aux travaux de recherche et en s'engageant à publier les résultats de ces études de façon compréhensible, en toute transparence. Nous avons les technologies qui le permettent.

Quatrième point : réintroduire la science et la technologie dans le discours des politiques et des médias, de façon responsable et partagée.

Cinquième point : tenir compte du caractère très évolutif des domaines nouveaux et très prometteurs pour leurs applications, comme la biologie de synthèse, et prévoir des évaluations transparentes, crédibles et réactualisées régulièrement.

Enfin, développer des lieux de dialogue pluralistes et décentralisés, à l'image de ce qui a été organisé au Royaume-Uni par la Royal Society dans les régions, avec des experts, des citoyens et des médias préalablement formés, sur un domaine émergent et sensible : la biologie de synthèse. Ces échanges ont permis un débat éclairé et serein, qui a donné lieu à des recommandations. Nous avons de bonnes pratiques à développer en France à partir de ces expériences réussies, en impliquant davantage l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sous-utilisé dans le débat national organisé à propos des nanotechnologies, un débat qui – c'est un euphémisme – n'a pas été très réussi.

C'est bien cette culture du projet partagé qu'il nous faut développer en toute transparence, en identifiant les risques potentiels et en faisant tout pour les éviter, sachant que le risque zéro n'existe pas. Je souhaite vivement que cette résolution nous aide à y parvenir, en toute transparence et en toute sérénité, avec un pilote crédible dans l'avion et une responsabilité partagée par le plus grand nombre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion