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Intervention de Jamel Daoudi

Réunion du 24 janvier 2012 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi sur l'enfance délaissée et l'adoption

Jamel Daoudi, représentant l'association Kafalafr :

L'association Kafala.fr, créée en avril 2011, se consacre uniquement à l'accueil des enfants originaires du Maroc. Elle s'est fixé quatre objectifs : assurer à ces enfants une situation juridique stable et pérenne en obtenant des autorités françaises la reconnaissance officielle de la kafala judiciaire ; mutualiser les expériences que nos membres ont de celle-ci pour donner une aide et un soutien actifs aux personnes s'engageant dans une telle procédure, tant au Maroc qu'à leur retour en France ; améliorer la vie de l'enfant né et abandonné au Maroc ; proposer une démarche humaine et respectueuse de la souveraineté juridique, culturelle et cultuelle du Maroc.

Depuis sa création, le site Kafala.fr a enregistré plus de 230 000 connexions et notre association compte 340 membres. La kafala n'est donc pas un épiphénomène, mais une réalité sociétale que les autorités françaises doivent prendre en compte.

Il est impératif de légiférer sur la kafala judiciaire en France car les enfants recueillis sous ce régime subissent au quotidien une discrimination par rapport aux enfants bénéficiant d'une adoption plénière. Leur affiliation à la sécurité sociale est toujours compliquée et peut demander plusieurs années. Lorsqu'ils sont malades ou hospitalisés, les familles doivent en assumer le coût, qui peut être considérable. S'agissant des allocations familiales, les caisses demandent souvent aux parents des papiers qu'ils ne possèdent pas et ne posséderont jamais et l'on constate des attitudes très diverses de l'une à l'autre. Nous déplorons également le refus systématique du congé d'adoption dans le cas d'une kafala, refus qui est d'ailleurs annoncé sur le site ameli.fr de l'assurance maladie.

Un autre problème s'est posé plus récemment : l'attribution du document de circulation pour étranger mineur (DCEM) fait l'objet, de la part des préfectures, de pratiques très disparates. Dans la région Île-de-France, les familles ne peuvent se le faire délivrer. De ce fait, lorsque le visa long séjour arrive à son terme, elles ne peuvent plus se rendre à l'étranger avec leur enfant.

Nous sommes enfin confrontés à un vide juridique qui peut avoir de graves conséquences et qu'il importe donc de combler : si ses parents décèdent, l'enfant mineur doit-il retourner au Maroc ou en Algérie ? Qui le prend en charge ? Ne faudrait-il pas désigner un tuteur ?

Je suggère de reprendre les propositions du Médiateur de la République sans y ajouter, pour ne pas retarder leur application. En 2009, M. Jean-Paul Delevoye avait proposé de consolider le dispositif d'enquête sociale en vue de l'accueil d'un enfant par kafala en lui donnant une base juridique et en déterminant l'autorité compétente ; il avait également suggéré l'envoi aux postes consulaires d'une circulaire visant à unifier les règles applicables pour la délivrance de visas long séjour aux enfants recueillis par kafala, ainsi que l'envoi à l'ensemble des administrations françaises – éducation nationale, sécurité sociale, caisses d'allocations familiales – de circulaires interministérielles clarifiant la réglementation.

Il conviendrait aussi de réfléchir à la place de la kafala dans le droit français au regard de l'adoption. Le sénateur Alain Milon, membre du groupe UMP, a déposé en mars 2011 une proposition de loi « relative à l'adoption des enfants régulièrement recueillis en kafala », mais celle-ci n'a pas été adoptée par le Sénat. Nous souhaitons que soient reprises les dispositions de ce texte, qui reconnaissaient la kafala judiciaire comme une adoption simple et supprimait le délai de résidence de cinq ans exigé pour l'attribution de la nationalité française aux enfants. Il est en tout cas indispensable, selon nous, de réduire autant que possible ce délai, dont dépend l'attribution du bénéfice des droits sociaux.

Quant au choix entre adoption simple et adoption plénière, nous considérons qu'il appartient aux familles.

Enfin, il convient d'organiser sur ces questions, dans le respect de la souveraineté juridique, culturelle et cultuelle de ces pays, des réunions de travail avec les représentants du Maroc et de l'Algérie afin de parvenir à une convergence susceptible de déboucher sur la signature d'accords bilatéraux.

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