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Intervention de Roger Salamon

Réunion du 11 mai 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Roger Salamon, président du collège du Haut conseil de la santé publique :

Le nombre de morts susceptibles d'être causées par une maladie est calculé en multipliant le risque de mortalité individuel par le nombre de personnes susceptibles de contracter la maladie. Je rappelle quand même qu'au Mexique, la grippe A(H1N1) a fait beaucoup de morts. Mais imaginons qu'on ait les idées plus claires et qu'on se rende compte qu'elle est, par exemple, deux fois moins meurtrière que la grippe saisonnière. Comme l'Organisation mondiale de la santé avait annoncé qu'elle se diffuserait sur toute la planète, ce qui n'a été contesté par personne et qui s'est même avéré, si elle touchait cinquante fois plus de personnes, un rapide calcul montrait qu'elle tuerait vingt-cinq fois plus que la grippe saisonnière. C'est ainsi que l'on doit raisonner et non simplement à partir du risque de mortalité individuel.

Deuxièmement, quand on regarde votre courbe, monsieur Bapt, on voit que plus de personnes âgées que de jeunes sont mortes. Mais, même si les premières étaient « protégées » par rapport à la grippe A(H1N1), beaucoup d'autres facteurs ont pu provoquer leur décès. Ce qui doit nous interpeller, dans le cas d'une pandémie de grippe, c'est que des jeunes meurent alors qu'ils ne présentent aucun facteur de risque et qu'ils ne font pas partie de la population à risque de la grippe saisonnière. Les chiffres que vous citez sont exacts mais il faut les rapporter à la population touchée.

Quant à l'état de l'opinion, il est le résultat de la communication qui a été faite sur la grippe A(H1N1). Or deux erreurs ont été commises en la matière. La première est le fait des politiques et des journalistes. Les premiers, parce qu'ils pensaient que la situation était possiblement grave et voulaient convaincre la population de se faire vacciner, après avoir commandé, en pleine période de crise, une grande quantité de vaccins coûteux pour protéger leur santé – ils ne l'ont pas fait pour le plaisir de dépenser –, nous ont « infligé » des conférences de presse quotidiennes au cours desquelles le ministre de l'intérieur est venu systématiquement appuyer la ministre de la santé. En tant que citoyen et médecin, j'en ai personnellement été choqué car il s'agissait bien d'un problème de santé. Un état des lieux présenté de temps à autres par Mme Bachelot-Narquin, Mme Weber, la directrice de l'Institut de veille sanitaire, et, surtout, M. Houssin, le directeur général de la santé, aurait amplement suffi. J'ai également été choqué de voir les journalistes affoler la population en faisant, chaque jour, le décompte des morts.

La seconde erreur de communication, beaucoup plus grave, est le fait de tous ceux, politiques, gens des médias, humoristes, auxquels se sont joints des médecins généralistes et d'autres professionnels de santé, qui ont annoncé, sans aucun fondement, que la grippe A(H1N1) n'était pas grave, qu'il ne fallait pas se faire vacciner et – ce qui est absolument faux – que la vaccination faisait courir des risques, par exemple celui du syndrome de Guillain-Barré dont on sait pourtant qu'il n'est pas lié à la vaccination mais à la grippe elle-même. Si la grippe A(H1N1) s'était révélée aussi grave qu'on le craignait au départ, cet « empêchement » médiatique de la vaccination aurait été dramatique.

L'attitude de certains médecins a été scandaleuse car, après avoir appelé à ne pas se faire vacciner, ils ont dit le contraire lorsqu'il leur a été permis de le faire… J'ai également été très choqué que, dans l'hôpital où je travaille à Bordeaux, les personnels de santé, jusqu'à des puéricultrices en réanimation infantile, refusent de se faire vacciner. Le directeur du centre hospitalier universitaire a menacé d'interdire aux personnels non vaccinés d'intervenir en réanimation. Il avait raison mais sa démarche était illégale et il n'a pas pu l'imposer.

On peut également reprocher à l'Organisation mondiale de la santé de s'être « excitée » un peu trop rapidement et à certains de n'avoir pas pris en compte le fait qu'une alerte de niveau 6 porte sur le nombre des gens susceptibles d'être atteints par une maladie et non sur la gravité ou la létalité de celle-ci. On peut encore dénoncer les conflits d'intérêt qui peuvent exister au sein de l'Organisation mondiale de la santé ou ailleurs. Mais n'oublions pas le nombre de morts causées par la grippe espagnole : la grippe A(H1N1) aurait pu être tout aussi dévastatrice. Personne ne pouvait évaluer sa létalité ni affirmer qu'il n'y aurait pas de deuxième vague de la pandémie.

Quand la maladie s'est déclarée au Mexique, elle a énormément tué et il était annoncé qu'elle s'étendrait au monde entier. Cela dit, la létalité annoncée était tellement forte qu'elle en était invraisemblable.

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