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Intervention de Xavier Niel

Réunion du 25 janvier 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Xavier Niel, vice-président et directeur général délégué à la stratégie d'Iliad, Free :

Vous me disiez que j'avais estimé qu'il existe deux opérateurs légitimes : Free et France Télécom, qui apporte une réassurance, et dont les prix, supérieurs à ceux des autres acteurs, sont sentis comme légitimes. Les Français trouvent de l'innovation et des prix bas chez Free, et une réassurance chez France Télécom. Quant aux autres opérateurs du marché, je prétends qu'ils doivent non pas disparaître mais se réinventer, le modèle consistant à singer l'opérateur historique n'étant pas valide. Le nôtre est simple : il est basé sur la data.

Si M. Paul considère que nous avons bénéficié d'un prix de vente favorable, ce n'est pas l'avis des tribunaux, tant français qu'européens. Grâce à la vente du spectre 3G, l'État a perçu plus de 825 millions d'euros, alors qu'il n'aurait reçu que 619 millions si l'ensemble de la licence nous avait été attribué. Il a donc d'ores et déjà gagné 200 millions en créant un quatrième acteur.

Nous considérons que la data est essentielle et qu'elle répond à un véritable besoin. Nous disposons d'un spectre spécifique 3G en 900 MHz, qui permettra de couvrir facilement les zones peu denses en population. Nous avons été les premiers à l'utiliser. Parallèlement, parce que nous pensons que la consommation des données va exploser, nous avons obtenu du spectre 4G, essentiel pour apporter plus de débit. Il y aura sans doute deux divisions, la première concernant les acteurs qui disposent du spectre contigu le plus important. Orange et nous-mêmes en avons obtenu 20 MHz, quand les autres acteurs n'en possèdent pas plus de 15 MHz. Ce spectre est celui qui nous intéresse le plus : nous voulons les fréquences les plus larges, puisque les Français veulent avant tout du débit.

Si nous n'affichons pas de chiffres dans ce domaine, monsieur Dionis du Séjour, c'est parce que ceux-ci dépendent de plusieurs facteurs. Il est facile d'annoncer un débit mirifique : un réseau a été testé, qui offre jusqu'à 42 mégabits, mais presque personne n'y accédera, parce que, pour l'utiliser, il faut avoir un terminal approprié, être seul sur sa cellule, ce qui est exceptionnel, et uniquement sur notre réseau et non en itinérance sur celui d'un autre acteur. Consultez les tests réalisés sur internet : nos abonnés constatent que nous proposons chaque fois le meilleur débit. Nous offrons de la 3G, de la 3G + sur notre réseau, et nous mettons tout en oeuvre pour maximiser le débit. À la différence des autres opérateurs, Free a besoin du bouche à oreille, ce qui veut dire qu'il n'a aucun intérêt à ce que ses abonnés soient mécontents.

Je conviens que, les premiers jours, notre succès a dépassé nos prévisions. Nous avons reçu trois à quatre millions de demandes d'information, quand nous en attendions quelques dizaines de milliers. Nous ne savons pas répondre à une telle demande ; cela explique qu'il n'ait pas été possible de s'abonner le premier jour. Le site a ouvert avec vingt-quatre heures de retard.

Nous nous sommes aussi heurtés au problème de la portabilité. Les abonnés au téléphone portable souhaitant conserver le numéro de leur ancien opérateur doivent passer par un GIE. Or celui-ci regroupe l'ensemble des opérateurs, dont ceux auxquels nous prenons des abonnés. C'est pourquoi son fonctionnement nous inspire quelques doutes. Avant-hier soir, sur Europe 1, Stéphane Richard s'est félicité d'avoir déjà récupéré quelques dizaines d'abonnés. Dans ce contexte, il n'est pas difficile d'obtenir un tel résultat.

Certains abonnés – quelques centaines en tout – n'ont pas reçu leur carte SIM. Quand on adresse des centaines de milliers de courriers, il est inévitable que quelques-uns se perdent, et très compréhensible qu'on en entende beaucoup parler. C'est toujours le cas quand nous rencontrons des problèmes. Il faut croire que nos abonnés sont très bavards – ou que leur cas est monté en épingle. C'est de bonne guerre. L'essentiel est que nous ayons suscité un engouement.

Il y aura un avant et un après. Aucun opérateur ne déposera le bilan. L'emploi ne se réduira pas dans le secteur. Mais certains acteurs se poseront des questions. Des syndicats de salariés, qui doutent de l'ARCEP, lui demandent de contrôler l'étendue de notre couverture. Bouygues Télécom a envoyé des huissiers en Bretagne pour vérifier que nos antennes sont allumées. Au lieu d'engager ce type de dépenses, nos concurrents feraient mieux de reverser de l'argent à leurs abonnés. Ce serait tout de même plus productif ! Je répète que notre contrat avec Orange est commercial, et que nous l'enrichissons par ce biais. Un milliard d'euros représente une marge confortable pour l'opérateur dont nous utilisons le réseau en itinérance.

Nous avons quatre boutiques et projetons d'en créer une à Agen, peut-être sur le boulevard de la République. (Sourires.) Nous en ouvrirons aussi une très grande à Paris au cours du premier semestre. Nous projetons d'en ouvrir une centaine en tout.

Grâce à leur rapport annuel, nous savons combien les acteurs ont consacré en 2010 à la fibre optique. France Télécom y a investi 80 millions, SFR 120 et Free 216. La même année, à France Télécom, l'investissement représente 13 % du chiffre d'affaires, chez Vivendi 12 % et chez Bouygues 6 %, contre 37 % chez nous. La totalité de notre cash est réinvestie, car les réseaux sont notre priorité, c'est notre « truc », tant pour le mobile que pour la fibre optique ou l'ADSL. C'est parce que nous sommes propriétaires de notre réseau que nous existons encore, et que nous pouvons capter la totalité de la chaîne de valeurs. Pour moi, un opérateur est quelqu'un qui investit pour posséder un réseau. Même si la demande du public n'est pas très forte, nous continuerons à développer la fibre optique. Par ailleurs, nous avons signé des accords de codéploiement avec Orange, et nous solliciterons toutes les bonnes volontés.

Nous croyons aussi à la montée en débit. Pour les consommateurs habitant trop loin d'un site technique pour bénéficier d'un dégroupage, il faut créer de plus petits répartiteurs. C'est ainsi qu'on apportera du réseau aux zones peu denses. Tous les Français veulent accéder à internet avec un bon débit, et s'ils ne sont pas favorables à la fibre optique c'est sans doute parce qu'on a collectivement déployé dans notre pays de l'ADSL de bonne qualité. En effet, c'est en France qu'on trouve le haut débit le moins cher et le plus complet du monde.

Nous sommes demandeurs car nous savons que nous gagnerons quand nous pourrons déployer du réseau sur ces zones. En matière de dégroupage, nous n'avons jamais cessé d'augmenter la cadence. In fine, nous souhaitons dégrouper la totalité des répartiteurs français en ADSL, et le remplacer progressivement sur tout le territoire par de la fibre optique. Pour l'heure, sous l'égide de l'ARCEP, les opérateurs se sont mis d'accord pour aller plus loin dans le dégroupage, afin de garantir à tous les Français un minimum de quatre à huit mégabits.

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